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JACKIE WILSON - Mr EXCITEMENT ! (1992)


Jackie Wilson said ...

J’ai des disques dont je ne sais pas ou je ne sais plus pourquoi je les ai achetés. Celui-là, j’ai la traçabilité totale …
Ça a commencé en 82 avec une chanson sur « Too-Rye-Ay » des Dexys Midnight Runners qui s’appelait « Jackie Wilson said », festive et entraînante, que j’écoutais souvent. Et comme y’avait pas Google, je me demandais si ce Jackie Wilson était quelqu’un de réel. J’ai tout juste réussi à atterrir sur Van Morrison qui avait écrit ce titre, et à claquer des billets de cent balles pour acheter ses disques, parce que Van the Man quand on prend ça en pleine poire sans être averti, c’est quand même quelque chose … Puis j’ai appris que Jackie Wilson, c’était un truc phénoménal, mais pas moyen de foutre la main sur un de ses disques dans ma cambrousse …
Et puis, le Jackie Wilson, il a claqué, un de ses titres avec un clip tout en pâte à modeler passait partout, et il sortait des compiles vite faites et mal foutues, tout juste assez bonnes pour se faire une idée du bonhomme. Et je me suis promis, tant les listes de disques à acquérir en priorité devenaient exponentielles, qu’une fois fortune faite, j’achèterais des trucs qui tiennent la route de lui …
Et donc, une fois fortune faite (rire grinçant), j’ai un jour craqué sur un coffret de trois Cds du Jackie Wilson. Et euh, comment dire … j’aurais peut-être dû y réfléchir à deux fois avant de faire chauffer la carte bleue … Pour des raisons communes à tous, d’abord. Un coffret qui se veut rétrospectif et exhaustif, ça laisse forcément passer des choses plus ou moins anodines. Et pour une raison particulière à Jackie Wilson, c’est que plus qu’un autre, il a fait n’importe quoi plus souvent qu’à son tour.
Pas forcément sa faute. Dans la grande tradition des artistes noirs truandés par des managers et un show-biz véreux, il peut viser le podium. A tel point que quand il sera fusillé sur scène par un AVC ou un truc de ce genre en 1975, qui le laissera pendant dix ans dans un état végétatif, sa famille n’aura pas les moyens de payer les soins, alors que sans être quelqu’un qui avait monopolisé les sommets des charts, il avait eu des hits significatifs aux States. Ses soins, c’est Elvis (et ensuite Priscilla, parce que Elvis va mourir avant Wilson) qui les payera. Et pourquoi le King, qui n’est pas vraiment considéré comme un des philanthropes du rock a raqué ? Ben, parce que le King, que certains considèrent un peu trop facilement comme le plus grand chanteur de rock de tous les temps, il avait un jour vu Jackie Wilson sur scène, et comment dire, ne s’en était jamais remis …
Jackie Wilson et un fan de Graceland, Memphis, Tennessee
Parce que techniquement parlant, Jackie Wilson, ce doit être la voix la plus impressionnante à s’être aventurée dans le monde, au sens large, du rock. A tel point qu’il a envisagé à plusieurs reprises durant sa carrière de se réorienter vers le chant lyrique ou l’opéra (figurent sur cette compile quelques titres, airs de classique revisités soul, sur lesquels la démonstration en est faite, mais ce sont loin d’être les plus intéressants). Et quand on sait qu’au début des années 60, James Brown a été poussé sur scène dans ses derniers retranchements et a vu sa suprématie menacée par un Jackie Wilson explosif, grand adepte aussi d’agenouillements, génuflexions et déchiquetant devant des fans transis sa veste trempée de sueur, il faut reconnaître, qu’en plus de la meilleure voix, Jackie Wilson, c’est aussi le meilleur gâchis de carrière jamais vu …
Une carrière entamée adolescent comme lead singer du band jazzy et doo-wop des Dominos de Billy Ward, puis une carrière solo débutée sur les chapeaux de roue avec « Reet petite » (1957), petit hit franchement orienté vers le rock’n’roll, sur lequel il rivalise, juste avec sa technique pure avec l’hystérie d’un Little Richard. Wilson gravite alors dans le sillage de Berry Gordy, co-auteur du titre, un Gordy dont Wilson s’éloignera alors que celui-ci commence à monter Motown, inaugurant par là une série de mauvais choix qui s’avèreront chroniques tout du long de sa carrière.
Wilson cherchera le hit, il en obtiendra bien un sans suite (« Lonely teardrop »), avant de se laisser trimballer, au gré de managers roublards et incompétents, vers du doo-wop lourdement orchestré, des ballades lacrymales pré-soul, du rhythm’n’blues aux orchestrations pharaoniques, tentant de se raccrocher à toutes les tendances, tous les sons à la mode, faisant des duos avec d’éphémères chartbusters ou des gloires sur le retour (Linda Hopkins, LaVern Baker, …), incendiant le temps de quelques titres avec un  orchestre de Count Basie sur la pente descendante des classiques soul (« Chain gang » mais la version de Wilson ne vaut pas l’originale de Sam Cooke), se contentant de prestations vocales irréprochables servies par un cadre musical ultra-prévisible et sans originalité.
Alors que dans le même temps (les années 60) un James Brown radicalisait à chaque disque un peu plus son propos musical, Jackie Wilson se laissait imposer un cadre sonore centriste.
Donc forcément, sur les 72 titres de cette compilation, y’a à boire et à manger, et aussi beaucoup de choses à pousser sur le côté de l’assiette. Ne surnage que la voix de Wilson, comme on n’en trouve qu’une petite poignée par siècle, capable de chanter n’importe quoi. Ce qu’il ne s’est malheureusement pas privé de faire …

ALAIN RESNAIS - HIROSHIMA MON AMOUR (1959)


Tu n'as rien vu à Hiroshima ...

« Hiroshima mon amour » est le premier film d’Alain Resnais, pas un inconnu derrière la caméra pour autant, réalisateur « engagé », dont un documentaire « Nuit et brouillard » sur les camps de concentration nazis a déjà marqué quelques esprits.
Cette guerre mondiale qu’il a vécue (Renais est né en 1922) est aussi au cœur de son premier long métrage. Au scénario, une jeune écrivain « Rive Gauche », qui rêve de faire bouger les lignes de la littérature bourgeoise, Marguerite Duras. Ça tombe bien, Resnais va faire évoluer le cinéma, et pas seulement français.
Les dix premières minutes de « Hiroshima … » sont un choc visuel et esthétique. Des visions d’un couple nu tout d’abord recouvert de cendres, entrecoupées d’images purement documentaires sur une Hiroshima dévastée par la bombe atomique, une musique lancinante et obsédante (signée Georges Delerue et Giovanni Fusco), et une phrase qui revient, hypnotique : « Tu n’as rien vu à Hiroshima ». Une ouverture qui laisse scotché, quelque peu béat devant cette forme d’hermétisme où se mêlent poésie des corps enlacés et visions crues des stigmates nucléaires sur la ville et ses habitants, morts ou rescapés …
Petit à petit, l’intrigue et les personnages se mettent en place. Elle (jamais de prénoms ou de noms ne sont cités) est française, actrice, et termine (c’est son dernier jour au Japon) un tournage à Hiroshima. Lui est japonais, architecte. Tous les deux sont mariés, ont certainement des enfants. La brève passion dévorante qui les unit touche à sa fin, ils vont devoir irrémédiablement se séparer. Cette dernière journée sera pour les deux l’occasion d’une mise à nu émotionnelle. Chacun a ses secrets, des brisures profondes issues de la guerre.
Lui a au fond de son cœur le traumatisme d’une population « atomisée » par l’ennemi militaire (« Hiroshima … » n’est jamais un film à charge contre les Américains qui ont bombardé, mais contre le bombardement lui-même et ses conséquences).
Elle, c’est le personnage « fort » du film (assez rare dans le cinéma de l’époque, trop souvent reflet d’une société patriarcale). Provinciale de Nevers, elle est tombée toute jeune amoureuse d’un soldat allemand des troupes d’occupation (Bernard Fresson dans un de ses premiers rôles). Là aussi, Resnais et Duras zappent volontairement le nazisme. « Hiroshima … » n’est pas un film à vocation idéologique, c’est un film sur une histoire d’amour impossible. Et Elle fera dans ces dernières heures passées avec Lui un transfert de son amour de jeunesse « immoral » (on sait comment ont fini en général ces amants « maudits » de l’Occupation, et Elle et le soldat allemand n’y ont pas échappé) avec son amour forcément sans suite inenvisageable avec Lui, allant jusqu’à fusionner ces deux hommes qui ont traversé sa vie à quinze ans d’intervalle.
C’est le récit de cette liaison à Nevers, alors qu’ils sont attablés dans un bar, qui est le cœur du film. Un récit que rien ne vient parasiter, pas de musique, aucun bruit d’ambiance, seul le dialogue des deux acteurs, et le parallèle et la confusion entre l’Allemand et le Japonais. Un récit conclu par une magistrale paire de claques qu’Il lui donne.
Elle, c’est Emmanuelle Riva, troublante (très) plus que belle. Lui, c’est un acteur japonais Eiji Okada. Il y a dans leurs échanges tout ce détachement, cette lenteur typiques des dialogues de ce qui deviendra la Nouvelle Vague et que ce film commence à codifier. Tous ces gros plans, ces regards fixes, comme éteints par le poids de leurs destins, alors que l’on sent à l’intérieur l’incendie qui les consume.
Resnais fait preuve sinon de virtuosité, du moins d’une maîtrise certaine, dans ces deux histoires d’amour qu’il mène en parallèle. Si la fin de la première est montrée, celle d’Hiroshima est laissée en suspens, même si rien ne laisse supposer une happy end. Resnais joue les contrastes entre une ville de la France victorieuse, mais terne et grise, et celle d’Hiroshima, rasée mais qui renaît dans la lumière et le mouvement.
« Hiroshima … » a été dès sa sortie perçu comme un chef-d’œuvre, un film sans équivalent, sans référence dans le passé du septième art. Bon, je vais pas jouer les malins, mais j’en ai vu une. L’hôtel dans lequel Elle est descendue et dont on voit l'enseigne dans la dernière bobine s’appelle le Casablanca Hotel … Euh, « Casablanca », ce serait-il pas un film avec Bogart et Bergman qui raconte leur impossible amour sur fond de guerre mondiale ? Et ça ne voudrait-il pas dire que les deux films ont le même épilogue, même si ici il n'est pas montré ?

WANDA JACKSON - QUEEN OF ROCKABILLY (2000)


Little Wanda ...

Appeler une compilation « Queen of rockabilly », ça peut paraître gonflé … d’un autre côté, la concurrence est pas énorme … Mamie Van Doren ? Mis à part sa forte capacité pulmonaire, elle avait pas trop marqué les esprits. Janis Martin, « The Female Elvis » ? Ouais, bof … Brenda « Miss Dynamite » Lee, ses jupes plissées et ses gros mollets ? Euh, soyons sérieux, là … Donc, titre mérité pour Wanda Jackson. Et pas par défaut …
Wanda Jackson et le jumeau de Jesse Garon
Car ce petit bout de femme impressionna tout le monde à ses débuts dans le rock’n’roll en 1956, y compris le King lui-même qui la prit souvent en première partie. La rumeur (et pas seulement légendaire) prétend même que Wanda Jackson aurait partagé la couche royale, c’est dire si elle était au cœur de la tourmente rock’n’roll qui mettait l’Amérique à ses pieds.
Le rock (accessoirement ’n’roll), n’étant pas un milieu à l’ouverture d’esprit renommée, Wanda Jackson est beaucoup moins célèbre et célébrée que la plupart de ses contemporains masculins. Et pourtant, believe me, Wanda Jackson, ça déménage. Il se dégage de cette miniature (sur la – sublime, ce regard, cette attitude – photo de pochette de cette compilation, la guitare est « normale », c’est vraiment elle qui est petite) une voix d’une animalité, d’une sauvagerie peu commune, mais qui sait rester au plus près de la mélodie, de la chanson. L’égale, ni plus ni moins, d’un Little Richard (qui est, je le rappelle pour ceux qui ont des déficiences auditives, le plus grand chanteur de rock’n’roll de tous les temps). D’ailleurs il n’est qu’à écouter les reprises qu’elle fait de titres figurant au répertoire de Petit Richard (« Rip it up », « Whole lotta shakin’ goin’ on », « Slippin’ & slidin’ », et une phénoménale version de « Long tall Sally ») pour voir qu’on a là affaire à un gosier d’exception.
Wanda Jackson n’a qu’un point faible. Elle écrit peu, et se « contente » de reprises ou de morceaux écrits sur mesure pour elle. Dommage, serait-on tenté de lire, car un des rares titres dont elle est l’auteur (« Mean mean man ») est une tuerie totale, qui par bien des sonorités annonce les Cramps, et le plus sauvage d’un tracklisting dans lequel la ballade n’est pas de mise.
Les deux titres les plus connus de la dame sont bien là (« Fujiyama Mama » et « Let’s have a party ») dans cette compilation irréprochable, et le second qui reviendra comme un leitmotiv dans sa carrière décliné-décalqué-dupliqué (« There’s a party goin’ on », « Man, we had a party », …). Wanda Jackson avait, comme bien d’autres de son époque (Perkins, Lewis), débuté dans la country, et le premier morceau qui l’a fait connaître dans le monde du rock’n’roll est un curieux et unique mix de country et de rockabilly (« I gotta know »). Pour le reste, dans les trente titres de ce disque, on trouve des classiques 50’s (« Searchin’ », « Kansas City », « My baby left me », « Brown eyed handsome man », « Honey don’t »), certains dans des versions incroyablement furieuses et violentes (« Riot in cell block #9 », « Tongue tied »).
Wanda Jackson ne réussira pas à se hisser au niveau des plus grands (en terme de notoriété) dans le monde macho du rock’n’roll et retournera dès le début des années 60 à une carrière strictement country, avant, comme également beaucoup d’autres, de se vautrer dans la religion (elle est christian reborn il me semble) et de se consacrer au gospel à partir des années 70. A peu près disparue de la circulation depuis longtemps, elle a effectué un come-back assez étonnant (et également assez surestimé, mais la dame a bien plus de soixante dix ans, faut pas trop en attendre non plus), avec Jack White (qui d’autre ?) comme Pygmalion, et l’album s’appelle évidemment … « The party ain’t over », comme quoi c’est bien la période rockabilly de Wanda Jackson qui est à retenir …

RAY CHARLES - THE GENIUS OF RAY CHARLES (1959)


La leçon du Maître ...

Bon, on va pas chipoter sur la réputation de Brother Ray. Si vers l’époque où est paru ce disque, il était déjà le « Genius », et que plein de gens, et pas des moindres (James Brown, Miles Davis pour ne citer que les plus évidents et les moins modestes), acceptaient cette reconnaissance et ne la lui contestaient pas, peut-être bien était-ce parce que Charles la méritait.
L’aveugle avait une longueur d’avance sur tous les autres, pour dans le domaine de la musique noire, anticiper tous les genres qui allaient régner sur les ondes. Il avait déjà passé le jazz et le blues dans sa moulinette, codifié de façon définitive rhythm’n’blues et soul music. Et là, avec ce « Genius of Ray Charles », il s’attaque sans trop de modestie aux sons des big bands et aux crooners des années cinquante.
Douze titres se succèdent aujourd’hui sur le Cd, il y en avait six sur chaque face du vinyle original. Et chaque face avait sa couleur sonore bien précise. Même si des similitudes sont criantes. La moindre n’étant pas un  parti pris de foisonnement instrumental, genre exposition ostentatoire de signes extérieurs de richesse. Il y a derrière Charles et son piano une armée de musiciens, des bataillons de cordes, de cuivres et de choristes. De la musique version Cecil B. DeMille.
C’est là que le bât blesse quelque peu. Sur les rhythm’n’blues enlevés du début, ça peut aller, c’est le genre lui-même qui par essence est friand de cette luxuriance instrumentale. Par contre, pour les ballades lentes de la fin, oscillant entre soul et exercices de crooner, un peu moins de grandiloquence aurait me semble t-il été bienvenue. A vouloir trop bien faire, Ray Charles en fait parfois juste trop. Dans un genre somme toute pas très éloigné, Sinatra et son arrangeur Nelson Riddle savaient aller à l’essentiel, et doser beaucoup plus finement les arrangements.
Il convient quand même de rester mesuré, peu de gens (personne ?) à cette époque-là n’était capable d’entrevoir avec autant de lucidité et de talent ce qu’allait devenir la musique noire dans les années suivantes.
La première partie du disque est exceptionnelle, fait souvent penser aux big bands de Count Basie ou Duke Ellington qui se seraient aventurés « ailleurs » (d’ailleurs nombre de musiciens de ces deux orchestres interviennent sur ce disque), le seconde quand elle réussit à se départir de son côté péplum musical présente aussi de grandes et belles choses (« Tell me you’ll wait for me », et surtout « Am I blue » qui montre tout ce qu’un autre génie aveugle, Stevie Wonder, doit à Ray Charles).

Du même sur ce blog :
Ultimate Hits Collection


GENE VINCENT - BLUEJEAN BOP ! (1956)


Be-Bop-A-Lula ...

Le premier disque en 1956 de Gene Vincent… La plus belle voix blanche du rock’n’roll des pionniers. Capable de l’hystérie rockabilly (« Jump back, honey, jump back »), de la douceur d’un swing jazzy (« Ain’t she sweat »), d’une emphase jamais ridicule (« Lazy rain »), et surtout une voix qui trouve sa plénitude dans les tempos médium, ralentis, alanguis …
Gene Vincent & The Blue Caps
Mais Gene Vincent est aussi une des plus belles têtes de lard de l’histoire du rock, éthylique au dernier degré, capable de sautes d’humeur exaspérantes pour son entourage, ce qui lui vaudra de saborder à grande vitesse une carrière qui s’annonçait prodigieuse… Une des figures les plus mythiques du rock, qui a « inventé » la tenue vestimentaire tout de cuir noir (vite imité par Vince Taylor et … Dick Rivers), et un jeu de scène violent et apocalyptique, basé sur des déhanchements dus aux séquelles d’un accident de moto qui lui avait broyé une jambe.
Il ne compte qu’un seul impérissable « classique » à son répertoire, « Be bop a lula » tout de même, à l’origine seulement  face B de son 1er 45T « Woman love ». Et pourtant, il a eu toutes les cartes en main (aux débuts du moins) pour faire des disques d’anthologie. Son plus gros atout musical se tenait à côté de lui sur scène, souvent flanqué d’une Gretsch noire, et s’appelait Cliff Gallup, LE guitariste du milieu des années 50. Un jeu unique, très économe de notes, d’une inventivité prodigieuse, créant un accompagnement différent pour chaque titre …
Un guitariste qui a traumatisé Jeff  Beck, au point que l’irascible guitar-hero anglais lui a consacré un album entier de reprises (l’indispensable « Crazy legs » en 1993, avec un groupe monté pour l’occasion, les Big Town Playboys).
Sur ce « Bluejean Bop », Vincent et Gallup forment une paire indépassable. Peu après l’enregistrement, Gallup partira, ne revenant avec son leader que pour une série de séances studio qui donneront l’année suivante l’excellent « Gene Vincent & The Blue Caps » (les Blue Caps étant le nom du backing-band à géométrie variable qui accompagna Vincent dans les 50’s). « Bluejean Bop » se suffirait en lui-même, mais cette réédition accole aux douze titres originaux les trois 45 T sortis auparavant (dont évidemment « Be bop a lula » avec « Woman love », mais aussi « Crazy legs » et « Race with de devil »).
Ce « Bluejean bop » devient ainsi aussi indispensable que les Sun Sessions d’Elvis … 

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ROBERT JOHNSON - KING OF THE DELTA BLUES SINGERS (1961)


Genesis

Sans lui, il n’y aurait pas eu … tous les autres en fait. Et pas seulement les bluesmen. Les gens qui l’ont cité ou ont revendiqué son influence ne se comptent plus, tous ceux qui ont fait du rock à guitares sont ses plus ou moins lointains descendants.
Robert Johnson est une légende, dans tous les sens du terme. Pratiquement inconnu de son vivant, et révélé par des enregistrements qui ne seront compilés que plus de vingt ans après sa mort. Ce « King of the Delta blues singers » est son « premier » 33T sorti en 1961 et sera un choc immédiat, notamment pour tous les Britishs blues boomers, Keith Richards et Eric Clapton en tête…
De Robert Johnson, on sait plein de choses, tant la littérature qui lui a été consacrée est abondante … sauf que en fait, on n’est sûr de pratiquement rien. Juste des bribes d’anecdotes transmises de bouche à oreille par des gens qui l’ont connu, ou qui prétendent l’avoir connu, dans la tradition des chansons de geste médiévales, et comme elles sujettes à moultes enjolivures. Et depuis des décennies, de nouvelles « révélations » voient le jour. De Johnson, il ne resterait que trois photos (peut-être quatre) et quarante-deux enregistrements provenant de quatre sessions et vingt-neuf titres joués. Sauf que tout ceci est battu en brèche et sujet à controverses. Certains remettent même en cause son existence, d’autres affirment que (comme pour un de ses contemporains Sonny Boy Williamson), il y a eu un ou plusieurs usurpateurs-imitateurs se faisant passer pour lui, que les enregistrements qui nous sont parvenus ont été « pitchés » (c’est-à-dire légèrement accélérés, rendant la voix beaucoup plus aiguë, et le jeu de guitare plus rapide). Les causes de sa mort (à vingt-sept ans, Johnson a inauguré le fameux « Club des 27 ») sont à peu près inconnues, l’empoisonnement par un mari jaloux faisant office de thèse officielle.
Mais malgré tout, l’œuvre attribuée à Robert Johnson a révolutionné les blues et par effet de domino, toute la musique populaire du siècle. L’approche instrumentale est inédite par la place accordée à la guitare, dont Robert Johnson est devenue un des premiers et plus célébrés « heroes ». Les thèmes des chansons marquent une rupture et un démarquage total d’avec les origines du blues par le rejet ou au moins l’ambiguïté du rapport avec la religion. Johnson est le premier musicien « diabolique », celui qui a conclu le pacte faustien avec le Malin au fameux Crossroad (son âme en échange du jeu de guitare révolutionnaire qui sera le sien).
Ce « King of the Delta blues singers » (Johnson est originaire du Mississippi et sera un musicien nomade, perpétuant une tradition déjà établie, et poursuivie par la suite, Chicago devenant au fil des décennies le terminus du périple, l’Eldorado mythique des bluesmen du Sud) réunit un peu plus de la moitié des titres de Johnson, avec le seul « Travelling riverside blues » sous ses deux versions. Compilation non respectueuse de ce que l’on pense savoir de la chronologie des enregistrements, mais qui présente à peu près tous les titres liés à son pacte « diabolique » (« Cross road blues », « Walking blues », « Preaching blues », « Me and the Devil blues », …).
Un « Volume 2 » suivra à la fin des années 60, avant que soit réunis sur un double Cd (« Complete recordings ») en 1990 l’ensemble des titres de Robert Johnson.
Des titres tellement connus et repris que si Johnson avait eu une descendance ou des héritiers, ils seraient à l’abri du besoin pour plusieurs siècles.
La pierre angulaire obligatoire de toute discothèque …

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SABU - PALO CONGO (1957)


Bak to Africa

Blue Note 22665, il y a écrit sur la pochette … C’est donc avec une certaine circonspection, pour ne pas dire une circonspection certaine que j’ai appuyé sur « Play ». Il paraît que « Palo Congo » c’est pas du jazz … Ou pas vraiment.
Lui, c’est Sabu (Martinez), un temps percussionniste de Dizzy Gillespie, ce qui ne me dit rien (qui vaille). Il est ici entouré par quelques potes eux aussi joueurs de congas. Et le fil conducteur de ce disque est aussi simple qu’un scénario destiné à Steven Seagal : sur une base percussive, retourner aux racines africaines de la musique noire américaine. Back to Africa donc. Avec escale aux Caraïbes. Sans que cela ressemble pour autant trop aux machins affreux-cubains…
Ici, c’est beaucoup plus rythmé, avec des chœurs calqués sur ceux du gospel qui se répondent sur des mélopées lancinantes, le tout dans un espèce de patois espagnol … un résultat assez proche souvent des musiques « ethniques » africaines. Ce « Palo Congo » a été quelquefois présenté comme le disque fondateur de la « fusion » … why not, même si la fusion c’est comme le rock’n’roll, on ne compte plus ceux qui prétendent l’avoir inventé.
S’il n’y avait que des congas, ce disque filerait mal un mal de tête carabiné. Heureusement, un des participants est aussi un virtuose d’une guitare primitive … à trois cordes, ce qui limite tout de même les effets de manche. Suffisant cependant pour rompre l’uniformité des titres, ce qui fait qu’on s’approche parfois de rythmes de transes vaudous, que de jolies mélodies arrivent à se dessiner (« El Cumbanchero »), ou qu’on n’est quelquefois pas très loin des chansons ensoleillées de Kid Creole (« Rhapsodia del Maravilloso »).
En ce qui me concerne, avis mitigé plutôt favorable.

RAY CHARLES - ULTIMATE HITS COLLECTION (1999)


Génial, oui ... mais pas toujours ...

Ray Charles, c’est le Genius. Et si plein d’autres contemporains, dotés d’un talent certain et d’un ego démesuré (James Brown, Sinatra, Elvis, Miles Davis, Coltrane, …), ne lui ont pas contesté ce titre, c’est peut-être bien que Charles le méritait.
En une décennie magique (en gros de 1955 à 1965), il allait faire la synthèse de tous les genres de musique populaire existants et jeter les bases de nouveaux. Venu du gospel et du jazz, il va s’approprier le rock’n’roll naissant, le blues, la country et graver la définition du  rythm’n’blues et de la soul, laissant à chaque fois au passage quelques classiques imputrescibles.
Dresser la liste de ceux qui l’ont repris ou qu’il a directement influencés est totalement impossible tant cette liste est démesurée. Tous ceux qui se sont inspirés ou servis de la musique noire pour créer la leur lui doivent quelque chose. Et des morceaux géniaux de Ray Charles (je ne suis pas un grand connaisseur du bonhomme), il doit y en avoir de quoi remplir des coffrets de plusieurs Cds.
Le problème de ce « Ultimate Hits Collection » en deux Cds et trois douzaines de titres, c’est qu’il s’agit d’une « compile de supermarché » (c’est là que je l’ai achetée d’ailleurs il y a bien longtemps quand je voulais les versions originales  de tous ces morceaux que je connaissais repris par d’autres. Et même si c’est édité par Rhino, gage de qualité sonore, de travail sérieux et de notes de livret intéressantes). Une jolie ( ? ) photo consensuelle, un intitulé ronflant, et au final les 2/3 du second Cd qui, comment dire, … ne sont pas géniaux. Des titres des années 70 et 80 avec de grandes orchestrations, des cascades de violons, des roucoulades d’armées de choristes, des morceaux avec Willie Nelson, Chaka Khan, Quincy Jones, … eux aussi pas dans leurs meilleures périodes.
La faute aux clopes et au bourbon qui ont amoché la voix de Charles. A l’héroïne qu’il a consommé en quantités industrielles et qui, comme chez tous les autres, a fini par lui bouffer la créativité et l’inspiration. Ray Charles, comme tous les autres artistes noirs de sa génération, a été copieusement détroussé au début de sa carrière par l’ « industrie musicale ». Et parce qu’il faut payer les croquettes du chien et l’eau de la piscine, comme tous les autres, il a fini par faire de l’ « alimentaire » … même si sa soupe à lui est quand même meilleure que celle de beaucoup d’autres …
Un premier Cd fabuleux, l’autre dispensable …

Du même sur ce blog:
The Genius Of Ray Charles

LOUIS ARMSTRONG - LOUIS AND THE GOOD BOOK (1958)


Et Dieu dans tout çà ?

Parce qu’on a tendance à l’oublier, Il est à la base de tout. Enfin, du rock’n’roll au moins. Que ce soit dans le blues, la country, le folk, on le retrouve dans un paquet de titres antédiluviens. Et sans parler de la soul ... ils ou elles ont toutes commencé dans les églises … La source d’inspiration, la quête de rédemption, toutes ces choses…
Même si à un moment, y’a eu comme un bug … Robert Johnson au Crossroad, « Helter Skelter » et Manson,  « Sympathy for the Devil » et Altamont, Black Sabbath et le satanisme de pacotille, et tout ce qui a suivi…
Tout ça pour dire que plus encore que les gonzesses et les bagnoles, c’est la religion qui a été au cœur de la musique plus ou moins populaire depuis cent ans … Tout ça aussi pour meubler, parce que Louis Armstrong et son jazz à trompette, j’y entrave que dalle … Mais lui aussi a touché au « sacré » …
Quand un populaire trompettiste de jazz s’attaque au chant religieux, cela donne le forcément biblique « Louis and the Good Book » (le « good book », c’est l’Ancien Testament). Soutenu par une (superbe) chorale, rajoutant quelques touches de trompette, Armstrong a visiblement pris grand plaisir à poser sa voix si particulière sur cet enregistrement, à la bonne humeur et à la ferveur communicatives… euh, non, pas communicative la ferveur, faut pas déconner non plus …
Bien sûr, il est vivement conseillé d’apprécier a priori ce que l’on nommait autrefois avec une forte connotation raciste le « negro spiritual » pour profiter pleinement de ce Cd exclusivement consacré au genre.
A noter une copieuse section bonus (par rapport au vinyle original) d’une piètre qualité sonore et musicalement inférieure également (2 sermons putain de pénibles à la fin) mais qui ravira les amateurs d’Armstrong et du genre.
Voilà voilà … j’ai lu je sais plus où que si on doit avoir qu’un seul disque de spirituals, c’est celui-là. Ça tombe bien, je compte m’arrêter là …



LITTLE BLIND JOHNSON - COMPLETE RECORDINGS (2012)


L'ancêtre de tous les bluesman
C’est un miracle, une révélation, qui dans l’histoire de notre civilisation, n’a que peu d’équivalents (peut-être la découverte du site Inca de Machu Pichu, ou celle du tombeau de Ramses II, et encore …). Alors que l’on croyait tout savoir sur les origines du blues et ses plus anciennes figures tutélaires, les Lonnie Johnson, Son House, Ma Rainey, Robert Johnson, voici qu’en recoupant les archives du Smithsonian Institute et d’Alan Lomax (ces dernières rendues publiques après une suite d’imbroglios juridiques entre héritiers, à faire passer la succession de Liliane Bettancourt pour un vulgaire bail à ferme), on s’est aperçu que bien avant tous ces précurseurs, un homme déjà s’était réveillé le morning en se sentant so bad parce que sa baby était partie.
Little Blind Johnson a enregistré, aussi incroyable que cela puisse paraître, au milieu du XIXéme siècle, vers 1840 semblent dire les datations au Carbone 14 effectuées sur les acétates retrouvés. Une découverte qui va, n’en doutons pas, obliger à réécrire tous les ouvrages dédiés à la musique des djeunes (même si le blues n’est aujourd’hui plus écouté que par quelques grabataires souffrant d’Alzheimer et placés sous assistance respiratoire).
Une des rares photos supposées de l'Artiste (Little Blind Johnson est à gauche)
Ces vestiges sonores inespérés, des bribes d’interviews retranscrites sur de minuscules feuilles de chou locales et retrouvées après des enquêtes journalistiques à faire passer la quête du Graal pour de vulgaires courses au Prisu du coin, permettent d’en savoir plus sur ce pionnier. Vingt-deuxième enfant d’un couple de cueilleurs de coton, le petit Gustave-Edouard Johnson naquit en 1812. Aussi noir que ses parents. Dès lors, son avenir sembla tout tracé, il serait esclave, perpétuant ainsi une longue tradition familiale, évitant par là-même de longues et infructueuses recherches dans les Pôle-Emploi du secteur. Ne possédant rien, le petit Johnson n’avait pas grand-chose à perdre. Hormis la vue, suite à la vision d’un horrible accident survenu à son frère, quelques doigts à la main droite à cause d’une machine-outil, et le bras gauche, on ne sait en quelles circonstances, vraisemblablement dans un accident de chariot. De tels traumatismes ne furent pas sans conséquences sur son métabolisme, il arrêta très vite de grandir, ne culminant qu’à une soixantaine de centimètres, ce qui en plus de faire de Gustave-Edouard Johnson le plus ancien bluesman du monde, en fait aussi le plus petit.
Un miracle survint pourtant, une nuit qu’il croisa le chemin d’une cérémonie du Ku-Klux-Klan. Les encagoulés lui laissèrent la vie sauve, au prétexte qu’il était inutile de gâcher une bonne corde de chanvre pour pendre cet humanoïde avorton, le premier teckel à poil ras venu qu’il croiserait pouvant sans problème en faire son déjeuner … On le voit, des débuts dans la vie assez difficiles pour Gustave-Edouard Johnson, vite rebaptisé à cause de ses infirmités Little Blind Johnson. 
Mais c’est dans l’adversité que se forgent les plus grands destins. Ayant un jour trébuché à une guitare abandonnée à la hâte par un folkeux dans un bar de Hell’s Angels, il se mit en tête d’apprendre à jouer de cet instrument. Evidemment, ses membres incomplets ou manquants l'empêchèrent d’acquérir une technique classique, mais après quelques tâtonnements, il mit en place sa patte tout personnelle. Cordes montées à l’envers, bottleneck tenu de la main gauche, et jeu en picking avec les orteils du pied droit, le gauche battant la mesure. Un phrasé unique, mettant en valeur suites d’accords inouïs et arpèges enchanteresses.
Autre photo supposée du bluesman manchot
Blind Little Johnson, ayant sans doute entendu parler de Sacha Distel, se rêva d’abord guitariste jazzman de charme, avant que son physique tout particulier lui fasse changer de style. La Révélation définitive lui vint lors d’une de ces transhumances que les musiciens noirs accomplissaient parfois, partant des rives du Mississippi, obéissant à on ne sait quel instinct primitif, pour aller finir leur migration à Chicago. Ses soi-disant compagnons de périple, sans doute jaloux de son art, profitèrent des nombreux handicaps de Little Blind pour l’abandonner en chemin, le laissant seul face à son triste sort. Affamé et malade, hésitant sur la direction à emprunter au premier carrefour venu, il aurait dû finir dévoré par les coyotes. Nul ne sait comment, après une marche de 500 miles, il put atteindre Indianapolis (il est maintenant d’ailleurs question, que pour lui rendre hommage, une course d’endurance soit organisée dans cette ville). Little Blind Johnson raconta qu’à un croisement, une présence qu’il avait perçue comme diabolique lui avait proposé de le guider, et vu son état, ne lui aurait même rien demandé en échange. Une histoire légendaire, transmise de bouche à oreille par des générations de bluesmen, certains n’hésitant pas par la suite à se l’accaparer et à prétendre qu’il avaient rencontré le Malin à quelque crossroad … 
La fin de sa vie est mal connue, mais on pense que Johnson n’a pas fait de vieux os. Certaines rumeurs invérifiables prétendent que lors d’une rixe dans un club d’Indianapolis, Little Blind Johnson aurait été jeté dans la cuvette des toilettes et que quelqu’un, profitant de sa petite taille, aurait tiré la chasse pour s’en débarrasser, Johnson ayant vraisemblablement péri noyé dans les égouts de la ville …
Evidemment, pareille histoire semblerait abracadabrantesque, s’il n’y avait pas ce coffret paru sur ISF Records, réunissant tous ses enregistrements retrouvés. Un digipack cartonné à la présentation luxueuse, deux Cds présentant l’intégrale à ce jour de Little Blind Johnson, plus un BluRay avec une interview exclusive d’Eric Clapton (grand fan de Johnson), de dix-sept secondes en mono 5.1 sous-titrée en braille. Mais les deux Cds de la partie musicale valent ces décennies d’attente et d’ignorance. Le premier Cd, sous-titré « The complete recordings », contient un morceau de deux minutes quarante cinq secondes, seul vestige de la carrière de Johnson, restauré à partir du flexidisc d’origine. Le second Cd, « Greatest Hits remixed », nous offre une relecture en dix-huit versions de ce titre mythique par les plus éminents spécialistes de la scène electro comme DJ Gle Bells ou DJ Rondin (de Bordeaux), avec notamment un « Petrucciani Piano A Capella Dubstep Heavy Dance Mix » d’anthologie.  Mais bon, ces remix, quand bien même sont-ils de Little Blind Johnson, sont comme tout les remix, n'ont aucun intérêt et ne servent strictement à rien. Par contre le morceau retrouvé de Little Blind Johnson, le fabuleux « Life is beautiful », mériterait à lui seul plusieurs feuillets. S’inspirant avec une bonne humeur déconcertante de son existence, ce qui atteste tout de même d'un sacré sens de l'humour, il jette toutes les bases du blues du XXème siècle. Le rythme, les obligatoires douze mesures, le phrasé, tout est déjà là. Et que dire de la partie centrale du titre, dans laquelle Johnson dévoile une technique invraisemblable, jetant en quelques improvisations géniales les bases de ce qui aurait pu faire d’autres titres d’anthologie. Face à l’immensité de ce morceau, on oublie tout, même le prix un peu élevé du coffret (799 dollars hors taxes et frais de douanes).

Un disque essentiel, une pièce incontournable de la culture de notre humanité …
Rappelons que Little Blind Johnson, né le 1er Avril 1812, aurait 200 ans aujourd’hui.
Un grand merci pour leur participation involontaire à Little Walter, Blind Willie McTell, Robert Johnson, Ray Charles, Django Reinhart et Tommy Iommi, Rick Allen, Albert King, Muddy Waters et tant d’autres, les frères Coen, Gaspar Noé.
Merci aussi aux photos de Skip James et Son House.
Very special thanks à Robert Johnson (encore), et quelques zozos qui donnent des cours de guitare via YouTube en se prenant pour Ritchie Blackmore, Angus Young ou Keith Richards … 




TITO PUENTE - DANCE MANIA (1958)


Encaustique et parquets cirés ...
Pour arriver à Tito Puente, c’est facile, il suffit d’avoir les premiers disques de Santana et de lire les crédits. « Para los rumberos » sur « Santana III » et surtout « Oye como va » sur son chef-d’œuvre « Abraxas » sont signés Tito Puente.
Et un jour, dans un magasin de disques (vous savez, ce truc qui existait au siècle dernier et qui a pratiquement disparu de la surface de la planète aujourd’hui), j’ai acheté un Cd de Tito Puento, sur les conseils d’un vendeur qui n’y connaissait manifestement rien. Sans écouter le disque avant. J’aurais pas dû…
C’est pas que ce soit mauvais, ce « Dance Mania », c’est que c’est le genre de musique qui ne m’intéresse pas, dont je me contrefous royalement. Une sorte de big band de jazz latino, affreux-cubain ou un truc dans ce goût-là … Un bousin sophistiqué, perclus de percussions en tout genre (Tito Puente joue de tout un tas de trucs dont le fan de Motorhead ignore l'existence, du genre timbales, marimbas, vibraphone ou que sais-je encore). Plein de salsa, de rumba, de cha-cha-cha, cette sorte de choses. Beaucoup de trompettes aussi, c’est rythmé, même les instrumentaux sont entraînants à condition qu’on ait envie de se laisser entraîner. Le premier morceau du disque, « El Cayuco » fait illusion, ça ressemble vraiment à ce que fera Santana ; les suivants n’ont rien à voir.
C’est moins crétin que Gotan Project. Mais c’est totalement ringard, ambiance flonflons de bal des pompiers. Si ça se trouve, il y a peut-être des grabataires dans les unités de long séjour qui aiment encore ça …

JERRY LEE LEWIS - FRENCH EP COLLECTION (1992)


Rock'n'Country

Y’a des périodes comme ça, où certains reviennent plus souvent que de raison dans le lecteur du Cd. Ces temps-ci, c’est Jerry Lee Lewis. Un peu oublié, le Killer, et souvent réduit à une poignée de classiques des années 50. Des trucs très rock’n’roll (« Great balls of fire », « Whole lotta shakin’ goin’ on », … ce genre) de sa période Sun.
Bon, je vais pas refaire sa bio émaillée de quelques croquignolettes anecdotes, c’est déjà en ligne ailleurs sur ce blog, mais juste revenir sur un des aspects négligés de sa carrière, la phase country. Parce que ce grand cintré de Jerry Lee, il a toujours été partagé entre le rock’n’roll roots et la plouc music, et qu’il n’a jamais cessé d’enregistrer dans ce dernier genre. Et on en trouve toujours quelques titres dans la multitude de compilations qui lui sont consacrées. Compilations toujours articulées autour de la même quinzaine de scies.
Jerry Lee Lewis, usual suspect
Celle-ci se distingue du lot pour deux raisons. Elle est balèze (40 titres), et, cocorico, française Monsieur. Réalisée par une major (EMI), qui pour une fois a fait correctement son boulot, en partant des masters dépoussiérés (son costaud, mais respectueux de la stricte mono originale des premiers titres), d’une série de 45T quatre titres (on appelait ça des Ep, aux temps antédiluviens du vinyle), sortis quasi uniquement sur le marché français. Et la tradition voulait que derrière un titre qui serve de locomotive commerciale, on en rajoute d’autres plus obscurs.
Résultat, on se retrouve avec une bonne vingtaine de titres, certes pas inédits, tant tout a été compilé et recompilé un nombre industriel de fois, mais assez peu souvent mis en avant. Et là, on s’aperçoit qu’il y a majoritairement des titres de country. Un genre traité respectueusement selon l’Evangile de Saint Hank Williams, mais avec la Lewis touch, à savoir un piano bien en avant, et une certaine énergie, pour ne pas dire hystérie, peu coutumière dans la country. Evidemment, on ne peut pas ignorer que Johnny Cash faisait en même temps et sur le même label le même grand écart entre les deux genres. Les deux hommes ont peu en commun, Cash a eu les hits country, et quand il touchait au rock’n’roll, c’était d’une façon convenue et assez « sage », il n’a réellement survolé les débats que dans les années 60. Mais en cette fin des 50’s, net avantage pour Jerry Lee Lewis dans les deux genres.
Et puis, ce double Cd permet d’apercevoir un aspect encore plus ignoré de la carrière de Lewis, un virage soul-rhythm’n’blues au début des années 60, avec orchestre pléthorique, cuivres, choristes, et tout le tremblement. Même si ce n’est pas du niveau de Ray Charles, James Brown, ou ce que produiront plus tard des labels comme Stax ou Atlantic, il y a quand même quelques curiosités qui valent le détour, témoins une version énergique de « Ramblin’ Rose » (oui, ce titre qui ouvre le « Kick out the jams » du MC5), ou encore cette défenestration de « Sweet little sixteen » de Chuck Berry (Berry et Lewis se détestent, ce qui doit expliquer la rage du Killer dans cette version, alors que d’habitude ses reprises sont plutôt effectuées en roue libre en mode dilettante).
Des titres bonus ont été rajoutés, manière de faire de cette compilation un Greatest Hits. Deux regrets-reproches, ils ont oublié dans la section bonus « Breathless », qui fait quand même partie des incontournables du Killer, et ce Cd paru en 1993 n’a je crois jamais été réédité et ne se trouve plus que d’occase …

Du même sur ce blog :






Du même :
Rockin' Up A Storm 

LOUIS PRIMA - THE WILDEST (1956)


Juste un rigolo ?

Là, j’suis dans le rouge, j’vas causer jazz … ou plutôt de ce disque de Louis Prima, ce qui est pas pareil. D’ailleurs, je sais même pas si c’est du jazz, Prima. Les « puristes » doivent pas trop l’aimer, Prima… pas assez chiant.
Parce que « The Wildest », c’est frais, sympa, et surtout festif. Même un lundi matin, ça peut mettre de bonne humeur. Et puis, il y a sur ce disque des trucs tellement connus, qui sont rentrés dans l’inconscient collectif, que ça dépasse les genres, les codes, les barrières et les clans… Tiens « Just a gigolo », tout le monde connaît. Et bien, c’est de Louis Prima. Et c’est bien mieux par Prima et son band que quand David Lee Roth ou Carlos (putain, Carlos !) le reprennent. Sur ce « Wildest » de 1956, il y a le version définitive de ce titre qu’il avait créé presque trente ans plus tôt et qu’il a passé sa vie à réenregistrer.
Louis Prima, Keely Smith, et un inconnu ...
Prima a aussi passé sa vie à se marier et remarier, tel une Liz Taylor à trompette. Et ses femmes, il les faisait turbiner. Sa moitié à cette époque-là, Keely Smith, l’accompagne au chant sur ce disque. Le duo casse la baraque sur un « Nothing’s too good for my baby », autre titre hyper connu du disque. Au moins autant que « You rascal you », qui n’est pas de Prima, repris un nombre incalculable de fois par les big bands jazzeux mais pas seulement (en France, ça a donné « Vieille canaille » par Gainsbourg, Mitchell, et d’autres …).
Et puis ne pas croire que ce joyeux bordel, cet orchestre qui dérape, qui va chercher des arrangements à la limite de la justesse et du mauvais goût, est en roue libre. Non, non, on sent que tout çà ne doit rien à l’improvisation, a été longuement réfléchi et répété, dans l’esprit de tous ces big bands spectaculaires au sens premier du terme des années 40 et 50 (Cab Calloway, Count Basie, Lionel Hampton, Duke Ellington, …). De l’entertainment, point barre … Et du sérieux aussi, quand il s’agit de reprendre sans dénaturer des classiques de Louis Armstrong, auquel on a souvent comparé Prima. Prima qui était une star incontournable et tout public, devenant même un des personnages du « Livre de la Jungle » de Walt Disney (c’est lui et son band qui sont représentés à travers l’orchestre de singes, et c’est lui qui chante vraiment sur ce titre).
Ce genre de musique, jazz peut-être, mais surtout fun et léger, a quelque peu disparu de la circulation il me semble. C’est un jeunot venu du rockabilly roots, Brian Setzer, qui le remettra à l’honneur avec son Brian Setzer Orchestra …
Curieusement, ce « Wildest », pourtant pièce de référence de son auteur, est actuellement assez difficile à trouver, peu souvent réédité, mais quand c’est le cas avec des bonus, qui chose assez rare pour être soulignée, sont à la hauteur des titres initiaux …


RITCHIE VALENS - THE VERY BEST OF (2002)


One hit wonder ...

Ils ont peur de rien, et surtout pas du ridicule … Baptiser ce Cd « The very best of », alors que de son vivant Valens n’avait sorti que deux 45T, je veux bien, mais y’a quand même comme un léger foutage de gueule, là …
En fait, c’est pas loin d’être une intégrale, dont tout n’est pas si « very best » que ça … 
Car qu’en serait-il advenu de celui-là, s’il n’avait pas eu la mauvaise idée de monter dans le même coucou que Buddy Holly, le Big Bopper et quelques-uns de leurs musicos ? Un Luis Mariano d’opérette rockabilly, un Elvis mariachi, ou bien comme tant d’autres aurait-il disparu de la circulation après un unique hit ? The answer, mes friends, elle doit être blowin’ in the wind, plutôt que dans les notes du livret, qui fait de Valens une superstar en devenir …
Ritchie Valens, c’est « La Bamba », titre réarrangé façon early rock’n’roll, et dont les origines viendraient d’un chant traditionnel mexicain. Enorme succès fin 58, quelques semaines avant la mort de Valens, alors que le morceau n’était que la face B d’un 45T (face A : « Donna », sirupeuse ballade, qui profitera de l’aubaine pour également bien figurer dans les charts). Rebelote en 87, quand un biopic flatteur (pléonasme), remet Valens dans l’actualité, surtout grâce à l’énorme succès une fois encore de « La Bamba », cette fois reprise par Los Lobos, dans une version qui surclasse l’originale.
Parce que si l’on peut mettre au crédit de Ritchie Valens que c’était un auteur et un guitariste tout juste passable, il faut aussi reconnaître que malgré une bonne volonté et un entrain juvénile assez communicatifs, il chante à la limite de la justesse, et compose sans grande originalité, se contentant le plus souvent de recopier le style de ses amis et (ou) concurrents. Comment ne pas voir dans son premier 45T « Come on let’s go », juste un décalque du style Buddy Holly, ou dans « Ooh my head » une imitation limite vulgaire tant elle mauvaise de Little Richard . Peut-on raisonnablement s’extasier de quelques instrumentaux vaguement bluesy, du pataud Diddley beat de « Rockin’ all night », de la plus mauvaise adaptation que je connaisse de la nitroglycérine rythmée « Bonie Maronie », ou d’un final de Cd rempli de ballades poisseuses ?
Le succès aussi bref que quelque peu démesuré de Valens n’est pas que le fait du hasard ou d’un heureux concours de circonstances. Un malin directeur de label, Bob Keane, saura vendre (y’a pas d’autre mot) son poulain. Dans le rock’n’roll naissant, les Blancs ont leurs idoles, les Noirs aussi. Valens sera le héros swinguant de tous les autres métèques laissés pour compte dans le Sud américain, toute cette communauté hispanique ou chicano qui s’identifiera au jeune hidalgo chantant. Ce n’est pas un hasard si « La Bamba » est un titre totalement en espagnol, il y a derrière le gosse Ritchie les prémices de ces opérations marketing « ciblées » visant une tranche spécifique du public. Ritchie Valens n’est pour moi qu’un « produit » destiné à une minorité ethnique, avec toutes les arrière-pensées perverses que l’on peut imaginer en filigrane…
Juste peut-on regretter que ce gamin n’ait pas vécu assez longtemps pour profiter un peu de son succès…

CHUCK BERRY - HIS BEST VOLUME I (1997)


Guitar Man
L’homme sans lequel Keith Richards et tant d’autres auraient peut-être appris le violoncelle ou le kazoo à la place de la guitare. Et qu’on le veuille ou pas, un des trois incontournables des 50’s, avec le Petit Richard et le gros Elvis. Auteur de « Johnny B. Goode », un des trois morceaux que tout type qui a tenu une guitare dans les doigts a essayé de jouer, au même titre que « Jeux interdits » ou « Smoke on the water ».
Quand tout a commencé à s’emmancher, Chuck Berry était déjà un ancêtre, un quasi trentenaire (il est né en 1926), musicien inconnu végétant sur de petits labels et accompagnant d'autres inconnus qui voulaient bien de lui, essayant vainement de se faire remarquer des frères Chess, patrons du mythique label de blues de Chicago.
Trop vieux, et pas au bon endroit au bon moment (c’est à des milliers de kilomètres de là, dans le petit studio de Sam Philips à Nashville, que la révolution est en marche), Chuck Berry n’a aucune chance. Mais comme tant d’autres, c’est en rompant tous les codes traditionnels, en expérimentant en dépit du bon sens, qu’il va trouver.
Bill Black et Scotty Moore massacrant en studio un vieux standard rhythm’n’blues d’Arthur Crudup et Presley se joignant à eux par la voix a donné « That’s alright Mama ». Chuck Berry qui a évidemment entendu ce titre, va aller à l’opposé. Lui, le Noir, part d’une structure musicale bien blanche (une trame country), accélère au-delà du raisonnable le tempo, le saupoudre de blues. Ce titre (« Ida Red »), Berry va le faire écouter à Leonard Chess, qui lui fait modifier le tempo, rajouter une guitare électrique et le rebaptise « Maybellene ». Contre la publication en single,  Berry doit abandonner deux tiers des royalties à un certain Fratto, homme de paille des frères Chess, et à l’influent DJ Alan Freed, qui bien entendu n’ont en rien participé à l’écriture. « Maybellene » sera un bon succès, mais Berry gardera une rancune tenace à l’égard du music-business qui l’a spolié pour la première (et pas la dernière) fois, et une méfiance paranoïaque envers tous ceux qui y gravitent. Ajoutez une avarice légendaire, et vous avez avec Chuck Berry la hantise des organisateurs de concert pendant des décennies …

Evidemment, si l’on compare avec ses « classiques » comme « Sweet little sixteen », « Carol », « Johnny B. Goode », … ce « Maybellene » n’est encore qu’une ébauche. Berry est un bosseur, et un malin. Il va jouer légèrement sur le tempo, et surtout travailler  comme un forcené sur sa Gibson, avant de petit à petit mettre en place sa patte, ce style inimitable que tout le monde va dès lors s’efforcer de copier. Première étape avec « Brown eyed handsome man », franche attaque de guitare in intro, et le rythme « Chuck Berry » déposé. Confirmation avec « Roll over Beethoven », premier immense classique . Nouvelle étape avec « Too much monkey busines », et cette fois, c’est la mélodie irrésistible qui arrive. Dernière évolution avec « Oh baby doll », pas son plus connu, mais qui oriente la musique de Chuck Berry vers des boogies très rythmés, un filon qu’exploiteront ensuite tous les « Sweet little sixteen », « Johnny B. Goode », « Carol » …
Chuck Berry et un imitateur ... Gaffe à ton pif, Angus !
Comme d’autres (Lewis, Presley), Chuck Berry cultivera, et pas seulement dans ses textes, une attirance pour les (trop) jeunes filles, et une certaine forme d’exubérance joyeuse, notamment sur scène. Berry sera, pour l’époque s’entend, très spectaculaire, mettant au point pas de danse saugrenus (sa fameuse « duck walk »), et gesticulations diverses. A l’image des bluesmen, toutes ses gesticulations scéniques sont surtout là pour masquer son jeu de guitare et éviter que des gens dans le public puissent bien le visualiser pour ensuite le copier. Chuck Berry sait qu’il a inventé quelque chose et gardera le plus longtemps possible jalousement tous ses « secrets ». A ce sujet l’anecdote de sa première rencontre avec Keith Richards est révélatrice. Le guitariste des Stones, qui s’inspirait beaucoup de son jeu, a tenu à le saluer lorsqu’ils étaient à la même affiche d’une émission télé. A la main tendue de Richards, Berry lui répondra par une bonne droite dans le pif, l’accusant de n’être qu’un putain de voleur …
Ce « His Best Vol I » est une excellente compilation chronologique, l’essentiel de ses classiques et en tout cas les plus connus des années 50 sont là (manque juste le tardif « You never can tell », clippé par Tarantino dans « Pulp fiction »). Idéal pour une première approche …