French touch ...
Bon, « Comment voler un
million de dollars » est rarement cité comme un film majeur. Même pas une
comédie majeure. Ou un film de casse majeur. Pourtant y’a du lourd au générique
…
Derrière la caméra, William Wyler pour son antépénultième film. Il n’a rien d’un grabataire (la soixantaine), et a aligné tout un tas de films dans des genres très différents, cumulant succès critiques, publics et Oscars à la pelle. La consécration étant évidemment « Ben Hur » (onze statuettes, un record inédit, parfois égalé avec « Titanic » et le dernier volet du « Seigneur des Anneaux », mais jamais dépassé). Devant la caméra, Peter O’Toole superstar depuis son rôle-titre dans le « Lawrence d’Arabie » de David Lean, et Audrey Hepburn, la fiancée so chic idéale des 60’s. Mais aussi dans les hauts parleurs, la musique d’un quasi débutant, un certain John(ny) Williams.
Wyler, O'Toole & Hepburn |
« Comment voler … » est un film cosmopolite. Un Américain (naturalisé) à la réalisation, les deux acteurs principaux anglais, et une histoire qui se déroule à Paris, ce qui donnera quelques seconds rôles à des acteurs français (Jacques Marin, Moustache, Charles Boyer, Fernand Gravey, …). Wyler évite le cliché carte postale, ce qui n’est pas toujours le cas de films américains tournés à Paris (« Un Américain à Paris », « Gigi »). Il n’évite pas cependant le défilé de mode Givenchy, car Audrey Hepburn est sous contrat avec la maison de couture. Visuellement, on peut pas trop s’en plaindre, même si quelques tenues ou accessoires (d’improbables bibis ou binocles) font très datés genre sixties où tout est permis à donf … C’est pas gênant, mais bien voyant, ça donne même lieu à une joke de Peter O’Toole à l’attention d’Hepburn lorsqu’il la grime en femme de ménage pour les besoins du casse : « Dites à Givenchy qu’il peut disposer ce soir ». Aujourd’hui les distributeurs du film se verraient contraint de préciser la mention « contient du placement de produits » (l’Hôtel Ritz est aussi beaucoup cité) …
Le scénario est assez
basique : la fille d’un faussaire demande à un voleur qu’elle a surpris
chez elle de l’aider à dérober une statuette, évidemment fausse mais prétendue
inestimable que son vieux a prêtée à un musée pour une expo où elle sera expertisée
pour les besoins de l’assurance. Les deux beaux gosses finissant par tomber
amoureux, cela va de soi. Cette double intrigue (le casse et la romance) avait
de quoi remplir l’heure et demie syndicale. Le scénariste a cru bon de rajouter
quelques personnages secondaires et des intrigues mineures pour la plupart
incompréhensibles ce qui donne une demi-heure de plus assez brouillonne, ne
servant que de prétexte pour introduire quelques gags plutôt lourdauds,
comparés à ceux présents dans les histoires principales. C’est cette sensation
de « pièces rapportées » qui plombent quand même pas mal le résultat
final, parce que de toutes façons malgré les improbables rebondissements, il ne
peut y avoir qu’une happy end ...
Et c’est dommage, parce qu’il y a de la fantaisie, du rythme, O’Toole et Hepburn s’en donnent à cœur-joie, elle en ingénue délurée, lui en (faux) voleur débutant, le tout en Panavision et en couleurs pétaradantes. Quelques clins d’œil sont bien vus, comme lorsque O’Toole cambriole la maison familiale, Hepburn est en train de lire un bouquin sur Hitchcock et sursaute à chaque bruit. Face au système d’alarme hyper sophistiqué du musée, le casse est réalisé avec une ficelle, un aimant et un boomerang en carton par le couple de braqueurs d’opérette qui s’est fait enfermer dans un placard à balais (petits bras, les scénaristes à venir de la série des Ocean’s, Insaisissables, ou Mission Impossible, …).
Wyler reste sobre à la caméra,
on dirait du théâtre (de boulevard) filmé, on est loin des grands espaces de
« Ben Hur ». C’est parfois le contraire, comme les scènes filmées
dans le placard à balais, où le peu d’utilisation qui est faite du décor
naturel parisien (juste une remontée au petit jour des Champs-Elysées et
quelques plans de la Place Vendôme). Wyler laisse plutôt son couple d’acteurs
vedette s’exprimer. O’Toole en faux niais maladroit aux yeux bleus est très
bon, et Hepburn crève l’écran en écervelée longiligne, jouant parfaitement sur
son registre charmeuse mutine et glamour, une performance du niveau de celles
livrées dans « Diamants sur canapé », « Charade »,
« Vacances romaines, « Sabrina », … Et la voir en nuisette
classe chausser des bottes en caoutchouc pour une sortie nocturne précipitée ou
affublée des oripeaux d’une femme de ménage offre un contraste avec les
créations Givenchy qui lui vont comme une seconde peau …
« Comment voler un million
de dollars », c’est un peu la théorie du verre à moitié plein ou à moitié
vide. Ou plutôt de la bouteille de pinard à moitié pleine à moitié vide comme
celle qui viendra remplacer la contrefaçon de la statuette de Cellini sur son
socle une fois le braquage accompli … C’est un bon film mais qui laisse trop
souvent un goût de remplissage facile …
Du même sur ce blog :
J'ai vu ça à la télé, un soir, sympathique. Je me souviens d'une scène où ils sont enfermés dans un placard ? C'est vrai que les deux comédiens semblent bien s'amuser. Dommage que derrière la caméra, il n'y ait pas Stanley Donen, ou Blake Edwards.
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