Dans la peau d'un flic ...
Dupontel, on compte plus les récompenses obtenues
par ses films, c’est devenu un incontournable des Césars, apprécié par le
public et la critique. C’est pourtant loin d’être un acteur, un réalisateur et
un scénariste mainstream. Dupontel, il a construit patiemment sa carrière,
n’obtenant ses grands succès qu’à la cinquantaine. « Découvert » par
Patrick Sébastien, ce qui n’est pas forcément une ligne glorieuse sur un CV (ce
qui n’empêche pas Dupontel de le remercier au final du générique d’« Enfermés
dehors », en compagnie entre autres de Chaplin et des Monty Python), il a
beaucoup tourné (dans plein de genres, des films à gros budget, des séries B,
…) avant de se lancer dans l’écriture et la réalisation, et comme on n’est
jamais mieux servi que par soi-même, de se donner le premier rôle dans ses
films.Albert Dupontel
Son tiercé majeur c’est à ce jour « 9 mois
ferme », « Au revoir là-haut » et « Adieu les cons »
(chronologiquement mais aussi artistiquement). Un peu avant cette trilogie,
était sorti ce « Enfermés dehors ». Qui est un film brouillon,
confus, où l’on a l’impression que le scénario abracadabrant n’est là que pour
assurer les liaisons entre des scènes d’un burlesque délirant. On se dit (c’est
sans doute le but poursuivi) que « Enfermés dehors » n’est pas un
film, mais un dessin animé joué par de vrais acteurs. Le point de départ, qui
revient de temps en temps, c’est la confrontation du monde des SDF avec
« l’autre monde », celui des gens plus ou moins
« normaux », et du monde de la finance et du gros business. Bon, on
n’est pas chez Ken Loach, ou alors chez Ken Loach revisité par Tex Avery.
Les gags sont totalement cartoonesques (les vols
planés, les chutes, et d’une façon générale ceux qui les exécutent ou les
subissent) sont totalement irréels et constituent le ressort comique majeur du
film. D’autant que certains sont des running gags (les personnages des panneaux
d’affichage qui s’animent lorsqu’on sniffe de la colle, les pans de murs qui
s’effondrent sur le casting, la collision avec le motard, les vols planés qui
se finissent toujours dans la boutique de l’épicier du coin, …). Rajoutez un
casting de « gueules », Hélène Vincent et Roland Bertin en kidnappeurs
d’enfants, une bonne partie des Deschiens en SDF (Yolande Moreau, Bruno Lochet,
Philippe Duquesne), quelques apparitions fugaces de Bouli Lanners, Jackie
Berroyer, Gustave Kervern, deux Monty Python (Terry Gilliam et Terry Jones).Les beaux-parents indignes, Vincent & Bertin
Et l’histoire dans tout ça ? Ben y’en a pas, ou
plutôt y’en a trois. Roland (Dupontel) est un SDF devenu flic. Il s’entiche
d’une plaignante au commissariat Marie (Claude Perron, seul personnage
« normal » du film, elle bosse dans un sex shop et se sert de godes
pour faire du tapage nocturne …) qui vient signaler que sa fille est séquestrée
par ses beaux-parents. Il veut l’aider à retrouver sa gamine mais homonymie
oblige, va traquer un puissant homme d’affaires à la place des deux vieux …
Le point de départ est un classique de la comédie,
le quiproquo. Roland assiste au suicide d’un type qui se pend en sautant d’un
pont dans un fleuve (même si la corde est trop longue, il finit dans la
flotte). Roland, SDF qui dormait sur les quais, monte sur le pont, ouvre une
valise que le type avait laissé. Cette valise contient des habits de flic. On a
beau être un SDF défoncé à la colle, on n’en reste pas moins un honnête homme
et Roland va rendre la valise à l’hôtel de police, d’où son look et son odeur
le font expulser avant qu’il ait pu en placer une. La vision par un soupirail du
mess des pandores et la faim qui le tenaille lui feront endosser les habits du
flic, d’abord pour aller bouffer copieusement gratos, et ensuite s’intéresser
par hasard à la plainte de Marie, se servant de son bel uniforme (une chemise
bleue et un béret classiques de pandore, mais une improbable salopette de
conchyliculteur par-dessus …) pour entamer une enquête rocambolesque à sa façon.
Avec des alliés (souvent contraints à cause des vertus de l’uniforme bleu) « recrutés »
dans le milieu qu’il connaît le mieux, celui des SDF. Et évidemment avec des
méthodes assez peu orthodoxes (un squat finit par devenir une sorte de ZAD
gérée par des faux flics qui sert des repas aux jeunes mères démunies), et
quelques visions assez particulières de faire régner l’ordre dans la société
(Yolande Moreau : « il faut les lapider à coups de hache »).Yolande Moreau
Forcément tout est bien qui finit bien, au prix d’acrobaties
vertigineuses sur le rebord d’un toit de clinique privée (Roland accroché à une
antenne télé pendue dans le vide rattrape Hélène Vincent en chute libre avec ses
dents, les crochets de fixation de l’antenne n’arrêtent pas de céder, …), et
notre héros de plastoc va réussir sa mission impossible (enterrées les cascades
de Tom Cruise …).
On est avec « Enfermés dehors » dans le
registre de la comédie pure, l’affrontement « social » entre les
déshérités qui vivent dans la rue et les gros requins capitalistes est réduit à
quelques gags ubuesques (on est loin de la finesse, des magouilles et des
arnaques de « Au revoir là-haut »), il y a beaucoup de personnages « inutiles »
au scénario, qui sont juste là par copinage …
Reste un univers délirant assez unique dans le
cinéma actuel qui doit quand même un peu (beaucoup ?) à Caro et Jeunet (« Delicatessen »
notamment) et une imagination sans limite quand il s’agit de trouver des angles
de prises de vue totalement azimutés, la bizarrerie visuelle venant s’ajouter
au comique de situation …
Bon point aussi, les plaisanteries les plus courtes
étant les meilleures, quand avant le générique s’inscrit « Faim »
(sic) sur l’écran, on n’est là que depuis une heure vingt.
Conclusion : Dupontel pouvait mieux faire … et
il a fait mieux par la suite …
Vaguement vu à la télé. Comme tu dis, Dupontel est un cas. Alors que beaucoup de cinéastes en marge y restent confinés, dans le genre je ne rentrerai pas dans le "système", Dupontel, lui, réalise ses meilleurs films (que tu as cités) avec l'appui des grosses boites (Gaumont), des chaines télés, sans perdre pour autant sa licence artistique. Pour parvenir au résultat qu'il souhaite, visuellement, il sait qu'il a besoin de pognon. Et comme le public suit, les investisseurs alignent le fric ! Pas certain que Kerven et Délepine fassent "mieux" avec un budget de 30 millions.
RépondreSupprimerEn musique, on appelait ce genre de démarche le rock alternatif ... je sais pas si l'équivalent existe au cinéma (ne serait-ce que parce que les grosses boîtes sont derrière). Si Dupontel, Delépine & Kervern sont globalement de la même "famille", Dupontel est plutôt dans la grosse comédie tendance trash, tandis que Delépine et Kervern sont beaucoup plus politiques. Dans Mammuth, ils avaient quand même Depardieu et Adjani dans les rôles principaux, plus comme chez Dupontel, tout un tas de "guest" ...
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