MINISTRY - THE LAND OF RAPE AND HONEY (1988)

 

Métal urbain …

J’ai une tendresse toute particulière pour Ministry … parce que je suis bien cinglé ? ouais, certainement …

Situons le machin. Ministry est un faux vrai groupe. Le leader, c’est Al Jourgensen. Un type dont le CV et le way of life sont plutôt croquignolets. En gros, du punk et du métal dans leurs versions les plus radicales, et une addiction à l’héroïne à faire passer tous les déglingos du music business pour des amish … Keith Richards et Lemmy Motörhead, et tous leurs disciples, c’est petit bras à côté … Evidemment, ça peut donner lieu à quelques, comment dire, errements, tant musicaux que mentaux …

Ministry

Al Jourgensen a créé Ministry au début des 80’s. Avec les moyens du bord, c’est-à-dire pas grand-chose. Lui et quelques synthés d’occase. Dans ses débuts (pas écoutés), Ministry se situait dans la mouvance sonore de la pop synthétique anglaise. Petit à petit, des types viendront rejoindre Jourgensen (quelques fois des passages éclair), Ministry ressemblera au moins sur scène à un groupe de rock « classique », et parallèlement le son évoluera. La radicalité à tous les niveaux va s’imposer, et de ritournelles au synthé, on va passer à des choses beaucoup plus excessives, dans une surenchère sonore et comportementale apparemment sans limite. En une demi-décennie, Ministry va devenir la figure de proue (et plus ou moins l’inventeur) de ce que l’on appelle communément le métal industriel. Tout en végétant sur de micro-labels indépendants, et en voyant Jourgensen s’impliquer dans d’autres projets (Revolting Cocks) à peu près similaires et tout autant radicaux. Musique et prestations scéniques apocalyptiques généreront le buzz, les gros labels et les majors pointeront leur nez. Généralement, quand les gros cigares se pointent, la folie s’estompe. Chez Ministry, c’est le contraire. Plus il y a de fric, plus il y a de la coke et de l’héro, et plus il y a de boucan. Radicalisation totale …

« The land of rape and honey » (en voilà un titre qui claque, mais ne me demandez pas le pourquoi du comment, j’en sais rien) est le disque qui a fait passer Jourgensen et Ministry à l’étage supérieur, question notoriété. Il y a le nez creux de Seymour Stein le patron de Sire (filiale de la Warner, ça aide à diffuser de la rondelle argentée) qui vient de les signer, Sire est un label capable de dénicher les grosses ventes de demain (Pretenders, Cure, Madonna, Alanis Morissette, …) tout en gardant une certaine crédibilité artistique.

Al Jourgensen

Bon, classiquement comme tous les toxicos forcenés, Jourgensen a claqué la thune avancée pour le studio en substances chimiques diverses, et il a fallu faire du remplissage. Une paire de titres sont vite expédiés (« I prefer », « Flashback », tempo punk bourrin pour le premier, bouillasse sursaturée pour le second). Les trois premiers (et les trois meilleurs, on y reviendra) proviennent de singles et d’Eps déjà parus. Un fonds de tiroir est rajouté, c’est le dernier titre « Abortive », résultat de sessions antérieures londoniennes, produit sous pseudo par le célèbre remixeur Adrian Sherwood, et très différent du reste de la rondelle (basses slappées funky, sonorités très synthpop, et dialogues samplés de films qui remplacent le chant).

Tiens, j’ai cité le mot chant. J’aurais pas dû. Parce que ce qui tient lieu de ramage à Jourgensen ferait passer le chanteur de Rammstein pour Roberto Alagna. Et qui plus est, le raclement de gosier qui lui tient lieu de voix, est passé soit par un mégaphone, soit par tellement de consoles d’effets qu’on distingue pas un traître mot de ce qu’il gueule … ce qui est peut-être dommage (Jourgensen a passé huit ans à baver en interview sur W. Bush, c’est donc a priori un type intéressant) … ou pas (l’héro, l’alcool à doses monumentales, ça donne pas toujours des propos sensés…).

Pour ce disque, Ministry c’est Jourgensen et Paul Barker (on a longtemps pensé que Ministry était un duo, jusqu’à ce que Barker finisse par mettre les voiles après des années de bons et loyaux services), qui composent et produisent, sous les pseudos de Hypo Luxa (Jourgensen) et Hermes Pan (!) (Barker). Deux musiciens additionnels complètent l’attelage de base.

Ministry live

L’essentiel des titres, ou du moins les plus intéressants, balance un punk rock porté par des programmations tachycardiques, des riffs de guitare dévastateurs, et le râle scandé de Jourgensen. Il y a des trucs terrifiants d’efficacité, le single (afin, façon de parler, le titre a pas fini en haut des charts) « Stigmata » qui ouvre le disque, et les extraits de l’EP « Deity » (le morceau du même nom et « The missing »). « Deity » c’est aussi efficace que du Motörhead de la bonne époque, et « The missing », on dirait bien que la mélodie (si, si, y’en a une) est repiquée sur le jeu d’arcade « Space Invaders » (les grabataires sauront de quoi je parle, ceux qui connaissent le 1er Pretenders aussi).

En gros, la première partie du disque repose sur les titres les plus frénétiques, ensuite ça se calme un peu, il y a même quelques mid-tempo, certes énergiques. « Destruction » on dirait de la synthpop jouée par des zombies, « Golden Dawn », lourd, menaçant et atmosphérique (?), parle certainement de la secte du même nom. « Hizbollah » (je préfère pas savoir de quoi ça cause en détail, ce que Jourgensen a à raconter sur les islamistes libanais), c’est le « Kashmir » de Ministry avec son ambiance forcément arabisante. Le morceau-titre est lui un truc très martial, et me semble une référence musicale évidente aux assez équivoques belges de Front 242, influence revendiquée de Ministry (Jourgensen bossera pour un projet parallèle avec l’un des membres du groupe).

Musicalement, outre Front 242, on pense à Métal Urbain ou aux Bérurier Noir (la boîte à rythmes frénétique), ou au hard-rock le plus extrémiste (les riffs monstrueux, la voix glapie). Avec « The land of rape and honey », Ministry se met en route pour la reconnaissance « grand public », un des fers de lance américain de la scène indé américaine (participation au festival Lollapalooza). Leur chef-d’œuvre reste à venir (« Psalm 69 » en 92), et leur « enfants » les plus évidents seront Nine Inch Nails, Marilyn Manson, tout le métal indus …

Pas mal pour un défoncé sans aucun plan de carrière …


2 commentaires:

  1. Je connaissais vaguement le nom, je découvre le contenu. C'est pas si mal si on aime le beat de batterie martelé tous les temps. Sur wiki, y disent qu'il a arrêté la piquouse en 2003, y'a 20 ans, donc ça va maintenant, il est clean...

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    1. Dans tous les cas, une écoute en boucle n'est quand même pas conseillée. Psalm 69 est meilleur et aussi plus accessible ...
      Oui, il a bien été obligé d'arrêter, ne serait-ce que pour rester en vie. Par contre, il s'est fait une tète assez particulière à base de quantités de piercing ... hum, chacun ses goûts, mais comment dire, c'est quand même un peu too much, on dirait un cyborg maintenant ...

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