ERYKAH BADU - MAMA'S GUN (2000)

 

Soul's not dead ...

Un disque de soul en l’an de grâce 2000 ? Et pourquoi pas un disque de r’n’b tant qu’on y est ? Ouais, je sais les deux termes ont été plus que galvaudés en cette fin de siècle. Et on retrouve sous ces deux vocables des choses et des gens qui n’ont rien à voir avec la soul ou le rhythm’n’blues, tels qu’on entendait ces deux termes dans les glorieuses années 60 et 70 … Pourtant, quelques-uns et unes, peu nombreux, ont tenté vaille que vaille contre les vents mauvais des diktats du music-business de perpétuer les nobles idiomes. En sachant pertinemment qu’il y avait du taf pour faire aussi bien qu’Aretha, Jaaames, Marvin, Stevie, Curtis et les autres.


A quoi on les reconnaît ces gens-là ? Pour les mecs, c’est compliqué, ils sont parfois plus sobres vestimentairement (moins de couleurs flashy, moins de bagouzes) mais pas toujours … Pour les meufs, c’est plus simple (et ça tombe bien, Erykah Badu est une vraie meuf, mère de famille, tout ça …), suffit de googleler leurs photos. Si vous voyez une pétasse à wonderbra et string apparents, maquillée comme un camion portugais, un conseil, passez votre chemin … si la nana à l’air normale, ça sent la bonne pioche.

Erykah Badu a pas un physique de top model, et pose pas façon entraîneuse de bordel mexicain. Par contre elle sait faire des disques. Celui-ci est son second, le premier (« Baduizm ») l’avait faite favorablement remarquer. Et ce « Mama’s Gun », il est très bon … même si évidemment, il arrive pas à la cheville des rondelles majeures des zozos précités deux paragraphes au-dessus. Mais la Erykah coche plein de cases. Le label, c’est Motown. La vénérable maison de Detroit avait depuis ses années soixante fini de manger son pain blanc, les mirifiques succès des artiste signés par Berry Gordy n’étaient plus qu’un très lointain souvenir. Mais y’a des étiquettes sur un disque qui restent magiques … Ensuite, la Erykah a su s’acoquiner avec les bonnes personnes, cumulant dans les crédits du disque ceux qui savaient écrire des chansons et qui faisaient des disques avec des vrais instruments. Il y avait toute une connexion où l’on trouvait les types de Outkast (un des deux, Andre 3000 est le père du mioche à Erykah), ceux des Roots (particulièrement leur batteur et tête pensante Questlove) et derrière le micro des gens comme D’Angelo ou Common qui avaient du succès avec d’honnêtes rondelles. La revanche de l’humain sur les machines, et c’est d’autant plus appréciable quand il s’agit de musiques qui se veulent vintage … Bon, au débit de ce « Mama’s Gun », la longueur. Une heure dix, c’est un peu beaucoup longuet …


Les titres up ou mid tempo sont au début, la deuxième partie du Cd fait la place aux rythmes beaucoup plus lents. Le changement intervient avec le morceau « A D 2000 », qui comme le « American skin (41 shots) » de Springsteen fait référence à la mort d’Amadou Diallo, jeune guinéen de 22 ans, dégommé par les flics new-yorkais lors d’un banal contrôle d’identité (ils lui ont tiré dessus à 41 reprises, et l’ont touché 19 fois, no comment …).

Tous les titres du disque sont enchaînés, ce qui renvoie forcément au « What’s going on » de Marvin Gaye. Mais pas seulement à cause de ça. Il y a des paroles pas très cons (« concernées » comme on disait dans les seventies), et des influences, des rythmes, des sonorités jazzy. Même si par cet aspect, on est plus proche de Sade, la belle nigériane à la musique glaciale au début des 80’s (le single « Didn’t cha now », et surtout « Time is a wastin’ »). Vocalement, Badu est assez neutre, très loin des hurleuses à la Aretha. Bon point, des saletés de machines et de plug-ins ne viennent pas y superposer leurs effets, la voix reste naturelle, et c’est du chant, pas du rap. On pense plusieurs fois au génial Stevie Wonder des 70’s (notamment sur « Bag Lady », le single qui a le mieux marché, tout en haut des charts), à d’autres moments au non moins génial Curtis Mayfield (l’introductif « Penitenciary philosophy », cocottes funky, quelques notes de guitare wah-wah, pas aussi bien que la B.O. de « Superfly », mais bien mieux foutu que la plupart des titres des Red Hot Chili Peppers dans cette veine-là). Il paraît que la dame est fan de reggae. A part avec le vert-jaune-rouge délavé de la pochette, rien dans la musique ne semble en découler …


Le disque se conclue par un long, très long (10 minutes) titre (« Green eyes ») en trois parties, qui est censé être le sommet de la rondelle. Perso, il m’a plutôt gavé, tout comme à un degré moindre « … and on », réponse au « On and on » qu’elle avait fait avec son mec (le Andre 3000 déjà cité dont elle est séparée). On en a rien à foutre, mais c’est très en vogue dans les « musiques urbaines » ces interpellations perso sur fond de règlement de comptes, même si ici ça reste très soft … Je lui préfère nettement le gentiment funky « Booty » (second degré ironique, entre le Prince de « Parade » et le Wonder de « Songs in the key of life »), « My life », très typé Philly sound, la rustique et jazzy « Orange moon », très lente, avec ses grillons en fond sonore (même si question couleur de lune, je lui préfère la bleue d’Elvis ou la jaune des Neville Brothers).

Un bon disque de soul en l’an 2000 ? Si, si, ça existait …


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