De l'essentiel à l'accessoire ...
« Seven Nation Army », c’est certainement le titre le plus connu de la première décennie des années 2000. Avec un riff aussi bêta et aussi diaboliquement efficace que celui de « Smoke on the water ». « Seven Nation Army », c’est Jack White qui l’a écrit et popularisé avec sa fausse fratrie mais vrai ancien couple les White Stripes … Qui avec une mini-poignée d’autres (Strokes, Libertines, QOTSA, liste close) a atténué les nuisances sonores des pénibles Coldplay, Mumuse and so on …
Et Jack White, qui est loin d’être un con, recycle
le riff fédérateur sur « Freedom of 21 », un des titres de
« Blunderbuss », son premier disque solo après la fin des White
Stripes. Parce que les Stripes, ça pouvait pas durer toute une vie. La formule
guitare-batterie près de l’os, on a vite fait le tour, surtout quand derrière
le kit il n’y a pas une grande technicienne (Meg White n’était pas Billy
Cobham), et qu’en plus elle chante peu ou pas du tout et ne compose rien … et
il fallait au fil du temps rajouter des pianos, des cuivres, des overdubs, pour
pas sonner redite intégrale … Tandis que le Jack White, c’est un hyperactif.
Comme s’il en avait pas assez d’être une star mondiale avec son duo, il montait
et/ou participait à d’autres projets (Raconteurs, Dead Weather). Et puis, comme
d’autres pervers font la sortie des écoles, lui faisait celle des hospices et
ressuscitait de vieilles chanteuses oubliées, genre Loretta Lynn ou Wanda
Jackson en co-écrivant et leur produisant un disque … Comme si ça ne suffisait
ce maniaque du vintage en musique rachetait une bicoque à Nashville, en faisait
un studio d’enregistrement, puis au fil du temps y rajoutait une salle de concert,
le siège d’un label, des boutiques. Le tout sous le nom de Third Man, société
dédiée au vinyle et à l’enregistrement analogique … Et comme il était dans le
rock et riche, les top models lui tournaient autour. Il passera un temps la
bague au doigt à Karen Elson, et la jouant à la Prince ou Gainsbarre, deviendra
son Pygmalion musical, lui faisant enregistrer une rondelle (tout à fait
dispensable).
Evidemment, à la première occasion, Jack White publiera des disques en solo. « Blunderbuss » est son premier. Pas pire que ceux de Mick Jagger, Keith Richards, Pete Townshend, Joe Strummer, … mais pas meilleur non plus. « Blunderbuss » est une carte de visite. Montrant ce que Jack White sait faire en se tenant à distance respectable de ce qu’avaient produit les White Stripes.
Les principes de base du bonhomme sont là. De
l’enregistrement analogique, conçu pour le vinyle (d’où les quarante syndicales
minutes), no synthés, ordinateurs et toute la quincaillerie numérique qui va
avec, le tout fait à Third Man (le studio), écrit et produit par Jack White, et
publié sur Third Man (le label). Pas de groupe à proprement parler, mais une
équipe réduite (une dizaine de participants en tout, pas plus de quatre ou cinq
par titre) … La rupture avec les Stripes se voit aussi dans la palette de
couleurs utilisées tant sur la pochette que dans le livret : pas de rouge
et de blanc, un bleu pixelisé (gothique ?) domine le visuel.
Musicalement, ça sonne comme du rock indie des
années 80 sans les synthés. Et assez loin des obsessions revendiquées du
bonhomme. Pas de blues séculaire, pas de punk’n’roll. Des gentils morceaux
construits autour de mélodies centristes, une économie électrique parfois
gênante (pas de murs de Marshall tous potards sur onze), et une très nette
prédisposition pour le mid-tempo. Un cadre qui selon moi convient assez peu à
la voix de tête aigue de White, à sa place quand ça déchire ou dans la ballade,
un peu le maillon faible dans ces titres entre chèvre et chou … De plus le
tracklisting me semble plutôt mal agencé, des blocs de morceau œuvrant dans le
même sens se succèdent, puis on passe à autre chose, ça fait un peu décousu,
sans ligne directrice, et finalement on voit pas très bien quelle est la
tonalité d’ensemble.
Le piano est beaucoup utilisé et souvent mis en avant dans la construction des titres. On lorgne quelquefois vers le Randy Newman des mauvais jours (« Hip (eponymous) poor boy »), ou l’Elton John en panne d’inspiration (« Hypocritical kiss »), d’autres fois on reste sur sa faim (l’introductif « Missing pieces » et son joli début, mais le titre ne décolle pas). Parfois ça fonctionne beaucoup mieux (le Wurlitzer de « Love interruption », enjolivé par le renfort vocal de la ghanéenne d’origine Ruby Amanfu.
Mais en fait, là où Jack White reste le meilleur, c’est
quand il fait ce qu’on attend le plus de lui. Du White Stripes, du Dead
Weather, du Raconteurs en solo, du rock, accessoirement ‘roll. Des machins dont
on connaît tous les trucs, tous les tics … Et de ce côté-là, on en a pour son
argent avec « Sixteen salteens » qui envoie du bois avec ses très
très grosses guitares, le rockabilly d’avant le rockabilly « I’m shakin’ »,
ou « Trash tongue talker » qu’on pourrait croire enregistré par les
Stones en 72 dans la cave pisseuse d’humidité de Nellcote.
Parce que quelques fois, il se laisse un peu aller …Exemple
le plus marquant (enfin, façon de parler …) le dernier titre « Take me
with you », dans lequel sa douce Karen susurre de façon dispensable dans
les chœurs sur ce titre qui démarre façon ballade psyché 60’s avant qu’arrive
un saugrenu riff à la « Whole lotta love » à côté de la plaque … Sans
trop s’étendre sur « Freedom of 21 », qui recycle en version
acoustique le riff de « Seven Nation Army », on dira que l’inspiration
n’est pas toujours au rendez-vous …
A côté de la plaque, c’est malheureusement l’impression
dominante de ce disque. Les suivant du Jack en solo ne seront malheureusement
guère plus marquants, malgré la réputation irréprochable du bonhomme …
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