ANG LEE - ICE STORM (1996)

De tristes lendemains ...
Ang Lee est un réalisateur d’origine taïwanaise très vite repéré par les studios hollywoodiens. Un réalisateur qui touchera à tous les genres cinématographiques (de « Hulk » au « Secret de Brokeback Mountain » en passant par « Tigre et dragon » pour finir avec la 3D synthétique de « L’odyssée de Pi »). Difficile de trouver un thème conducteur dans sa filmographie, si ce n’est peut-être celui des relations humaines.
Ang Lee & Sigourney Weaver
« Ice storm » est un de ses premiers films « hollywoodiens ». C’est une fresque quasi entomologiste sur un petit échantillon d’américains. L’intrigue du film se déroule en quelques jours, et suit les pérégrinations, surtout amoureuses, de deux familles bourgeoises de la banlieue new-yorkaise (New Canaan dans le Connecticut). Plus que leur passé, Ang Lee prend beaucoup de soin à nous présenter les lieux, les gens, l’époque : le début de l’hiver 73, en plein scandale du Watergate. Le parallèle avec la politique n’est pas un hasard, en même temps que les citoyens se découvrent dirigés par des incompétents et des ripoux, toute une certaine american way of life est en train de s’effondrer. Toutes ces familles aisées, « cool », libérales et se croyant libérées, rattrapées par les idéaux hippies (la picole, les médocs-drogues légaux, la baise tendance échangisme), vont à l’occasion d’un événement climatique peu commun (une grosse pluie très givrante), prendre la réalité de la vie et de ses aléas en pleine poire …
Kevin Kline, Joan Allen & Christina Ricci
Là où beaucoup se seraient laissés aller à grossir le trait, Ang Lee fait dans la précision et le détail. Traite avec une finesse et une sensibilité que l’on retrouve toujours chez lui dans ces cas-là des situations « difficiles », ici les premiers émois amoureux d’enfants-adolescents … Mais ce sont aussi les détails qui servent à situer les personnages.
Le mari (Kevin Cline) ne parle pas de son travail, mais on le voit fugacement lire le Wall Street Journal, ça le situe. Sa femme au foyer (Joan Allen), on la sent fragile (elle a des pulsions kleptomanes, a suivi des thérapies de groupe). Ils n’ont plus de vie « physique » de couple. Leur fils aîné Paul est farci de complexes, se construit un monde en lisant ses BD de super-héros (le cocasse évidemment involontaire de la situation, c’est que le rôle est tenu par Tobey Maguire, futur Spiderman chez Sam Raimi). Leur fille (Wendy / Christina Ricci), en plein « âge bête » ne sait trop comment gérer sa sexualité qui bourgeonne et se la joue rebelle-contestataire.
Dans la famille voisine, le père est souvent absent et de toutes façons « ailleurs », sa femme (excellente Sigourney Weaver) joue les mantes religieuses avec les hommes qui passent à sa portée. L’aîné des enfants Mikey (Elijah Wood, on peut pas dire qu’il sente pas les carrières futures dans ses choix, Ang Lee, réunir dans trois rôles d’ados Maguire, Ricci et Wood, fallait le faire …), apparemment très doué, est livré à lui-même et se conduit souvent étrangement. Rien cependant à côté de son cadet, Sandy, gosse lunaire et très immature, qui souffre manifestement de l’absence morale de ses parents …
Tobey Maguire
Dans cette communauté (les deux familles n’entretiennent pas que des rapports d’amitié, il y a des liaisons en forme de chassé-croisé entre leurs composants) d’adultes infantiles et d’enfants laissés trop souvent seuls avec leurs problèmes, les masques vont tomber brutalement lors d’une soirée où s'abat une pluie givrante. Les parents sont réunis dans une soirée bourgeoise avinée décadente, une « soirée porte-clés » (les clés de voiture sont mises dans un saladier, les femmes en prennent une au hasard et partent passer la nuit avec le propriétaire de la voiture) qu’ils recréent dans leur petit bled, parce que les gens de la haute font ça à New York. Les enfants comme d’hab, sont livrés à eux-mêmes, et pour eux comme pour la plupart de leurs parents, la soirée va mal, voire tragiquement se passer …
Elijah Wood
Tout le talent de Lee, c’est de ne pas verser dans la soupe psychologique, les huis-clos bien plombants et les cris hystériques. Il y a toujours une situation, une attitude qui prêtent à sourire, entre ces parents qui ont tendance à s’infantiliser, leurs gosses à la ramasse et tous leurs petits secrets de pacotille. Il y a aussi des sujets graves ou dérangeants traités avec une finesse et une pudeur remarquables.

Il y a de nombreux points communs entre « Ice storm » et « De beaux lendemains » (« The sweet hereafter » en VO) de Atom Egoyan. Beaucoup de situations, de thèmes, les rôles primordiaux accordés aux enfants, et la météo glaciale sont communs aux deux films. Par pur hasard, ces deux excellentes réalisations étant sorties à deux semaines d’intervalle. Les grands esprits se rencontrent …


DUKE ELLINGTON - AT NEWPORT (1956)

Bis repetita ...
Le genre de skeud qui me passe par-dessus la tête. Et le type qui l’a fait tout autant …
Pourtant, les Stones (putain les Stones quoi !) rentraient sur scène lors du « Still Life Tour » en 81-82 au son de « Take the A Train » de Duke Ellington (ce devait être Charlie Watts qui avait fait du chantage). Et il y avait cette tuerie sur « Songs in the key of life » de Stevie Wonder qui s’appelait « Sir Duke », en hommage à … comment ça, vous aviez deviné ?
Le jazz, c’est un peu comme la techno (non, vous avez pas deviné que j’allais dire aussi chiant, d’ailleurs je l’ai pas dit), y’a cinquante genres et sous-genres qui me parlent à peu près autant qu’une notice de montage de chez Ikea, les ébénistes du pauvre.
Ellington, pour moi, c’est le jazz à papa, les big bands menés par les faux aristos (lui, Basie, …). Les centristes, quoi, comme Dick Rivers et Bruce Springsteen dans un autre genre … D’un autre côté, ça permettait à Ellington d’avoir dans son band les meilleurs zicos du pays, comme Springsteen et Dick … euh, non, ça marche pas avec ceux-là …
Duke Ellington 1956
Bon, faut être honnête (si, si, ça m’arrive quelques fois, même quand je cause musique) et dire que « Ellington at Newport » c’est bien foutu, ça joue, ça swingue. Assez vite gonflant quand même, mais quoi, faut pas espérer que je me pâme devant ce genre de rondelles, ces groupes à l’organisation militaire où toutes les improvisations sont minutieusement répétées. D’ailleurs, y’a tout un tas d’infos (ou de rumeurs, je m’en cogne un peu) sur cette prestation (public « surmixé », bandes a priori inutilisables, titres refaits en studio, puis bandes originales finalement utilisées, …) ce qui nous vaut sur l’édition 2 Cds l’intégralité du concert (en deux parties, à cause de la pluie qui a contraint le groupe à arrêter après deux titres, avant de revenir, puis en bonus les fausses présentations et quelques titres refaits en studio) ;
Les types assurent, c’est sûr, c’est même pas lourdingue, Ellington c’est une pointure, il a écrit plein de titres devenus des standards, pas un hasard si tout un tas de maltraiteurs de gamme le citent comme un des musiciens les plus importants du siècle, et c’est festif, plein de bonne humeur enjouée, comme on dit dans la presse provinciale pour causer de Marcel et son Orchestre, de Manau, des Têtes Raides, ou des sept ou huit zigotos qui faisaient du ska à l’occasion d’un festival dans un trou perdu de l’Auvergne …
Ellington & Band - Newport 1956
Tandis que Ellington, c’est à Newport, La Mecque de la musique live pour bourges friqués de la East Coast qui ont l’impression de s’encanailler en écoutant les fanfare de niggaz entre deux drinks dans les vertes pelouses du site … Eh ben tous ces dégénérés fin de race d’un capitalisme déjà triomphant, le Duke et sa troupe les ont fait bouger, crier, hurler (oui, je sais les réactions du public sont exagérément amplifiées au mixage, mais quand même …), alors que d’habitude chez ces gens-là, on dodeline mollement du chef pour marquer son contentement … Paraît même que sur le solo « historique » (pourquoi historique, hein, moi ça aurait plutôt tendance à me bassiner ce genre de démonstration, mais bon, chacun son truc …) du sax Gonsalves unissant les deux parties du « Diminuendo in blue and crescendo in blue », y’avait une nana qui était montée danser suggestivement sur scène, et cette vision inhabituelle jointe aux encouragements du Duke et du restant du Band avaient poussé le basané à cracher toutes ses tripes dans son sax … D’ailleurs, pour ceux qui aiment le sax, c’est ce truc-là qu’il doit falloir, tellement il y en a des saxeux (cinq s’ils ont tous recensés dans le livret), plus des trompetteux et des tromboneux. Et comme grand seigneur, le Duke (qui au passage se fait pas mousser, c’est pas son piano qui est en avant, il se contente d’être le chef d’orchestre) laisse chacun y aller de son petit numéro, ça solote surtout cuivré sur ce « Ellington at Newport », mais même le batteur a droit à son « espace ».
En fait, y’a qu’un truc qui m’interpelle vraiment. C’est que ça commence par une version pli sur la couture du pantalon de « Star spangled banner ». Pas le genre de titre neutre, et encore moins son interprétation (voir Hendrix à Woodstock). Ellington et son Band n’auraient-ils pas voulu montrer que malgré leur couleur de peau, ils sont bel et bien Américains (rappelons qu’à cette époque-là la ségrégation était officielle, notamment dans les lieux publics et les transports en commun), et en plus fiers de l’être ? Une autre façon de dire « I’m black and I’m proud » …

Sinon, n’étant point spécialiste de ce genre d’objet sonore, je ne sais point trop où il se situe dans le mouvement et l’évolution du fuckin’ jazz, même s’il me semble qu’à cette époque c’était déjà un peu suranné (comme aller voir Metallica aujourd’hui, quoi), et qu’à la même époque et dans d’autres genres des types comme Presley ou Petit Richard avaient entamé une révolution qui me parle beaucoup plus …

IRON MAIDEN - THE NUMBER OF THE BEAST (1982)

Working class hardos ...
Voir Iron Maiden aujourd’hui cité comme un des groupes de rock les plus populaires du monde, et le numéro un des groupes hard-metal-heavy-machin …, me semble tenir du prodige, et relève pour moi de l’incompréhension la plus totale. Jamais rien trouvé d’extraordinaire aux skeuds de ces satanistes de bande dessinée. Enfin, les disques studio, parce que les live, chez Maiden, c’est mieux, ça déménage vraiment. C’est peut-être pas en finesses et en nuances, mais ça déménage.

Il y a chez ce groupe une volonté, un acharnement, à bien faire son « métier », à essayer de faire mieux que ce que l’on attend d’eux. Des bosseurs forcenés, partis de rien ou pas grand-chose, et qui presque quarante ans après leurs débuts, enquillent les tournées mondiales (les vraies tournées mondiales, pas seulement Amérique du Nord, Europe de l’Ouest, Japon et Australie, les Maiden jouent dans des stades pleins en Amérique du Sud, en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique, en Europe de l’Est, et si un promoteur leur propose un concert sur la banquise ou la Lune, c’est sûr qu’il iront y jouer …) aux bénéfices colossaux. Faut le faire, les semaines d’interviews de promo aux quatre coins de la planète, les émissions de télé, les show cases, les séances de dédicace dans les endroits les plus improbables, et puis après ça, un an et demi all around the world pour plus d’une centaine de concerts gigantesques. Et au final, guère étonnant que ce soit des hardeux en général qui y arrivent, et Maiden en particulier. Depuis toujours, ces types rabâchent à longueur d’interviews les mots « travail » et « respect des fans ». Et c’est pas juste un vocabulaire cynique de com. Les Maiden, je suis persuadé qu’ils aiment leur job, et ils ne rechignent jamais à en faire toujours plus pour que le fan de base en ait pour son pognon …
« The number of the beast », c’est leur troisième disque, celui qui les a fait passer d’espoir quincailler à un des noms qui compte de la métallurgie lourde. Leur meilleur disent même certains fans. Celui des hits (oui, oui, on entendait « Run to the hills » à la radio), et des classiques célébrés depuis des décennies en concert (« Number of the beast », « Children of the damned », « 22 Acacia Avenue »). Maiden c’est avant toute chose Steve Harris, le bassiste compositeur quasi exclusif, incontesté leader discret. D’ailleurs discrets, ils l’ont toujours été, peut-être par la force des choses, parce qu’ils ont  pas vraiment les moyens de flamber. Simples (ou malins, allez savoir), ils ne se présentent pas en héros supra galactiques, ils sont avec leurs baskets, leurs jeans et leurs cuirs fringués comme le hardeux de base. Point de héros du micro (Dickinson, qui fait son entrée dans Maiden à l’occasion de ce disque, est un braillard correct, mais sans charisme ni talent). Les deux guitaristes (Murray et Smith), il viendrait à l’idée de personne de les citer dans un Top 100 des guitar-heroes, le batteur, ils vont après ce « Number … » faire un échange-standard avec celui de Trust. Des stars quasi anonymes, quoi …

Iron Maiden, ils ont pas inventé grand-chose (pour être aimable). Le rejet absolu de tout ce qui viendrait du blues ou du rock’n’roll comme préalable (quoique l’intro de « 22 Acacia Avenue est entièrement pompée sur le « Friday on my mind » des Easybeats, le groupe 60’s du frère aîné d’Angus Young), les morceaux qui finissent toujours en forme de cavalcade épique, et des emprunts guère discrets au classique symphonique ou à son avatar pour les sourds, le prog. Rien de surprenant dans l’écriture, les titres courts et rapides, les titres longs en forme d’épopée électrique, les titres qui commencent lentement pour finir à donf, et ceux qui commencent vite pour finir à donf, et Martin Birch (l’historique producteur du « In rock » de Purple) aux manettes. Les généalogistes de la chose métallique parlent de Maiden comme des précurseurs du speed ou du trash … bâillements. Quelques références guère finaudes à de la messe noire de pacotille et du satanisme de supérette leur vaudront malgré tout d’être qualifiés de diaboliques par quelques prêcheurs idiots (pléonasme). Et leurs pochettes toutes plus moches les unes que les autres avec leur mascotte, le zombie décharné Eddie, ravissent les porteurs de vestes jeans patchées avec leur tignasse au vent …

Maiden, c’est du hard un peu con et bourrin de base. Rien d’ignoble, mais pas de quoi se relever la nuit …

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CURTIS MAYFIELD - SUPERFLY (1972)

Un film comme clip ?
« Superfly », c’est un film de l’âge d’or du cinéma dit de blaxploitation, mis en scène par un certain Gordon Parks Jr. avec comme acteur principal le dénommé Ron O’Neal. Artistiquement, entre série B et nanar.
« Superfly », c’est la bande-son dudit film, écrite et produite par Curtis Mayfield. Et là, on n’est pas dans la série B, c’est peut-être bien la meilleure B.O. originale (avant que les B.O. deviennent des compilations de hits) jamais publiée.
Et pourtant, un bon paquet de stars de la black music s’y sont collées, à la B.O. des films de blaxploitation. Une façon pour eux de valider cette négritude artistique revendiquée par des cinéastes au tournant des années 70. Précurseur, Melvin Van Peebles, acteur, réalisateur et responsable de la bande-son de « Sweet Sweetback’s Baadasssss Song ». Dans la foulée, Marvin Gaye, James Brown (pas leurs disques les plus marquants), et deux sérieux clients pour qui l’exercice de la B.O. va constituer le tremplin majeur de leur carrière : Isaac Hayes pour « Shaft » et donc Curtis Mayfield pour « Superfly ».

Curtis Mayfield n’est pas vraiment un débutant en 1972. Une carrière à succès avec le trio vocal The Impressions, des débuts en solo remarqués (notamment « Curtis »), et surtout la co-fondation du label Curtom qui lui donnera une liberté artistique quasi totale. Il faut bien ça pour que paraisse un disque comme « Superfly », qui est un constat sans langue de bois de la situation des Afro-américains, écartelés entre racisme au quotidien et ghettoïsation (avec toute la spirale qui peut aller avec, la délinquance, la dope, …). Et sur le disque « Superfly », Curtis Mayfield va beaucoup plus loin que le film « Superfly », qui se contente à peu près d’avoir un héros Noir.
Bon, le discours politique et social au sens noble du terme (et encore faut-il être bilingue pour l’apprécier) n’aurait pas suffi pour que le disque traverse les décennies en restant une référence. C’est aussi du strict point de vue musical que ça se passe. Et là, il a fait très fort le Isaac Hayes. Tout écrit, tout arrangé, tout produit. « Superfly » est une prouesse assez unique. L’ADN du Isaac Hayes sound, c’est la voix de fausset et la guitare wah-wah. Et puis, viennent s’ajouter aux instruments basiques du rock (ou de la soul, ou du funk, …) des cordes, des cuivres, un grand orchestre, et d’une façon générale tout ce qui peut produire de la musique. N’importe  qui empilant tout ça produit un loukoum insupportable. Isaac Hayes arrive à faire sonner « minimaliste » une multitude d’instruments, alors que selon le modèle déposé par Spector (le Wall of sound), plus il y a d’instruments, plus le son doit être énorme. Généralement Hayes joue sur le mixage, mettant en avant tantôt une ligne de basse, tantôt sa voix, tantôt la guitare, ou les claviers, ou un petit gimmick aguicheur, et reléguant quasiment en sourdine tout le reste.
Curtis Mayfield live dans "Superfly"
Et puis, nerf de la guerre, y’a les titres. Les trois premiers sont fabuleux. « Little child runnin’ wild », avec tous les ingrédients sonores qui s’ajoutent les uns aux autres (les percus, la wah-wah, les riffs de cuivres, la voix de fausset de Mayfield, les phrases de sax, …) montrent où Prince est allé piocher (le nain par la taille de Minneapolis a toujours revendiqué cette influence), « Pusherman » est menée par une énorme ligne de basse magique, « Freddie’s dead » et son minimalisme exubérant (si, si, c’est possible), permet de voir dans une scène du film Isaac Hayes jouer le titre live dans une boîte. Trois titres qui avec le court instrumental jazz-funk « Junkie’s chase » faisaient de la première face vinyle de « Superfly » une des plus cruciales de la black music.
Côté verso, c’était pas mal aussi. « Gimme your love » servait (what else ?) de bande-son à des ébats dans une baignoire entre Ron O’Neal et une beauté black, « No think on me (Cocaine song) » est une ballade soul belle à en faire une overdose, « Think » est un instrumental introduit par une guitare acoustique et une ligne de synthé, avant de partir dans un crescendo ébouriffé, quant au funk-rock de « Superfly » le morceau, c’est le titre qui était sorti le premier en single, c’est dire qu’il a quand même un certain potentiel.

« Superfly » dépasse bien évidemment par l’influence qu’il aura sur la musique noire des 70’s (sans même parler de tous ceux du rap qui le sampleront par la suite) le strict cadre de la simple B.O. Il est curieux de voir qu’après sa mort (en 1999, après une dizaine d’années d’hémiplégie suite à la chute d’une rampe d’éclairage sur scène qui lui a brisé les reins), si tout ce que le music-business compte de grands noms centristes (Franklin, Springsteen, Stewart, Clapton, Marsalis, …), s’est réuni autour de ses chansons pour un album tribute, personne dans la liste n’a osé s’attaquer à un titre de « Superfly » …

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ENDLESS BOOGIE - LONG ISLAND (2013)


Spinal Tap boogie ?
Non, sérieux, y’a des gens qui font encore ce genre de trucs, là, aujourd’hui ? Ce genre de trucs, c’est (facile à deviner, tout est dit dans le nom du groupe) un boogie rustique à faire passer Canned Heat pour Beyoncé (ou Culture Club, on n’en est plus à çà près …).
Endless Boogie donc. Baptisés ainsi en hommage à un titre de John Lee Hooker. Pour moi un des trois plus grands du blues (pour ceux que ça intéresse, comment ça, personne ? les deux autres sont Robert Johnson et Muddy Waters) et une source d’inspiration dont il peut sortir des merveilles (« L.A. Woman » des Doors). Un Hooker qui a plus ou moins inventé le boogie aussi, certes. Bon, le boogie, c’est pas le truc le plus captivant et original qui soit, mais là, avec Endless Boogie, on touche le fond … ou le sublime, ce qui revient au même.
Les types (quatre ? cinq ? c’est assez fluctuant) de Endless Boogie doivent considérer Status Quo comme des hérétiques (Status Quo, c’est pas difficile, je vous explique, faut être deux guitaristes, les cheveux longs, des jeans pattes d’eph, écarter les jambes à 60-70°, se serrer l’un contre l’autre, secouer la tête d’avant en arrière, mouliner le même accord pendant cinq minutes en répétant ad lib « whatever you want, whatever you want, whatever you want … »). Endless Boogie, j’y mets ma main à couper, leur morceau de référence c’est le « Refried boogie » de Canned Heat. Onze minutes et des brouettes en version studio, quarante en public (sur « Living the blues ») et vingt-huit à Woodstock (rebaptisé pour l’occasion « Woodstock boogie »). Mais le Heat, à côté de Endless Machin, c’est du fuckin’ rock progressif. Endless Boogie, ils sont vomis d’une faille spatio-temporelle, horloges bloquées en 1968. Ça fait foutrement penser aux furieux répétitifs de l’époque, les Iron Butterfly de « In-A-Gadda-Da-Vida », les Vanilla Fudge de « You keep me hangin’ on », les Blue Cheer pour l’ensemble de leur œuvre, tous les ancêtres du hard-rock et du stoner en somme…
Vous avez dit rustiques ?
Endless Boogie, on imagine une bande de rustiques venus d’un coin paumé d’Arizona, Nouveau-Mexique ou Texas et se prenant pour les ZZ Top de leur trou du cul du monde. Sauf qu’ils sont de New York (Long Island ?) qui est bien un des derniers endroits où l’on imaginerait des ploucs, le museau dans le buvard d’acide, jouer leurs machins primitifs. Parce que les Endless Boogie, ils doivent jamais avoir vu un Cd. Ils raisonnent encore en terme de 33T. Sur ce « Long Island », huit titres (entre 6 et 14 minutes), groupés par deux en tranches de 20 minutes pour faire une face de vinyle. J’en vois un qui suit et qui me fait remarquer que donc, « Long Island » est l’équivalent d’un double 33T… c’est bien petit, si les gorets te prennent pas pour un topinambour, t’as de l’avenir.
Ce disque serait excellent si … la pochette était belle. Elle est horrible.
Ce disque serait excellent si … il y avait un bon chanteur. Y’en a bien un qui de temps en temps grogne ou parle. Mais chante jamais. Un éclair de lucidité lui fait apercevoir ses carences et y’a une paire de titres instrumentaux (« Occult banker » et « On cryology »).
Ce disque serait excellent si … y’avait des musiciens techniques qui t’en foutent plein les oreilles. La section rythmique swingue comme un super tanker par calme plat, les fans (t’imagines, un fan de Endless Boogie, moi j’y arrive pas) vous diront qu’elle est sobre mais efficace. Les guitaristes, quand ils partent en solo (ben à peu près tout le temps, qu’est-ce que vous voulez foutre pendant dix minutes sur un titre, à part un solo ?), entre deux notes, t’as le temps d’aller pisser, boire un café et fumer une clope. Autant dire que c’est pas des virtuoses, découvreurs de talents à la recherche du prochain Hendrix, vous êtes pas à la bonne adresse. Les types tartinent des trucs psyché-baveux plein de distorsion sur une rythmique imperturbable. Du boogie de chez boogie quoi. Plutôt niveau maternelle que Sciences Po …
En pleine réflexion : je tire ou je pointe ?
Quand c’est très mal joué (à moins qu’ils aient de l’humour et qu’ils fassent semblant de jouer encore plus mal que ce dont ils sont capables), cette bouillasse sonore s’apparente un peu aux Stooges de « Funhouse » (le premier titre « The savageist »). D’autres fois, on a l’impression qu’ils essayent d’imiter ZZ Top (« Taking out the trash »), voire AC/DC période Bon Scott (pourquoi, y’en a une autre ?) (« General admission »). Toutes ces similitudes fonctionnent jusqu’à ce qu’ils se mettent à « jouer », en gros le temps de l’intro, qui vu la durée des titres, peut durer pas mal …
Soyons fous et optimistes, ce genre de rondelle absurde pourrait plaire aux fans de tous les soporifiques jam bands dont le Sud des USA se délecte, des Allman Brothers à Gov’t et sa Mule. « Long Island », c’est tellement mauvais que ça en devient génial, l’idée fixe stupide qu’on pousse dans ses derniers retranchements, le jeu de mots pourri qu’on place toutes les cinq minutes. Il faut donc l’acheter. En plusieurs exemplaires. Pas pour les écouter, surtout pas malheureux, mais c’est le genre de crétinerie qu’on trouvera originale dans vingt ans, et que des nigauds s’arracheront à coups d’enchères délirantes sur eBay.

Du coup, je le fous pas à la poubelle ce « Long Island ». Je le garde et commence ma carrière de futur rentier rock’n’roll, tendance boogie … Mise à prix : trente euros … Faire offre …

KATE BUSH - THE KICK INSIDE (1978)

Seule au monde ...
Kate Bush, c’est impossible à ne pas reconnaître. Ne serait-ce qu’à cause de la voix (quatre octaves, tout en haut des aigus). A cause de la musique aussi, un peu, parce qu’elle œuvre dans un domaine assez original. Et ce dès son premier disque, « The kick inside ».
Kate Bush, c’est un peu l’anti-star du rock’n’roll circus. La fille de bonne famille, des années de danse classique, des cours de piano.  Et elle écrit des chansons. A dix-sept ans, elle en aurait écrit plus de cinquante. Certaines sont mises sur des cassettes que ses parents font circuler auprès d’amis musiciens. L’une de ces cassettes échouera chez David Gilmour, obscur guitariste d’un groupe pas très connu, Pink Floyd … On peut tomber plus mal d’entrée. Et donc Gilmour a les moyens dès 1975 d’envoyer la gamine en studio enregistrer trois titres, dont deux (« The man with the child … » et « Strange phenomena ») se retrouveront sur « The kick inside ». Gilmour fait signer Kate Bush chez EMI (ça n’a pas dû être trop difficile, ce sont eux qui vendent les disques du Floyd), délègue un de ses amis, Andrew Powell, aux fins de recruter des musiciens, et produire le premier disque de sa protégée.

Ce premier disque n’est pas là juste parce que c’est une tocade de milliardaire du rock à qui sa maison de disques ne peut pas refuser un petit service. Le Kate Bush Group se rode sur scène pendant deux ans avant d’entrer en studio (où là ce seraient des requins de studio qui les remplaceraient, prétend la rumeur). C’est à peu près la seule période de la carrière de Kate Bush qui va ressembler au parcours de n’importe qui dans le music-business. Après la sortie de ce disque, elle  va à peu près jouer « le jeu » une paire d’années (un peu de promo, quelques interviews, un disque par an, une tournée). Et puis basta … Finies les interviews, les tournées, et en tout et pour tout neuf « vrais » disques en trente cinq ans de carrière (un peu comme Manset, elle retravaille à l’occasion ses titres pour des compilations).
« The kick inside ». Le premier donc. Mais pas le meilleur. Même si on y trouve déjà tout ce qui fera le Kate Bush style. La voix et le piano, les éléments de base chez elle. Qui n’ont besoin de rien ni personne d’autre sur trois titres (« The man with the child in his eyes », « Feel it », « The kick inside »). Ensuite, pour le reste, un univers sonore original et unique pour l’époque. Pour lequel on a souvent vu citer l’adjectif de « féerique ». Où se mêlent des rythmes de comptine, de la musique classique ou baroque, mais produits par une instrumentation « rock » de base (guitare, basse, batterie, claviers), sur laquelle ne se greffent que très rarement d’autres instruments. Allez savoir pourquoi (enfin, si, je sais, à cause de quelques strates de musique classique ou planante, et la connexion Gilmour-Floyd), les vilains progueux ont été nombreux à s’enticher de la Kate. Ils ne furent pas les seuls, heureusement. Son premier 45T, l’a priori totalement improbable « Wuthering heights » (d’après le bouquin du même titre d’Emily Brontë) resta plusieurs semaines en haut des charts anglais (et aussi d’ailleurs), alors qu’il échappe totalement à tous les standards et formats de l’époque. Il écrase quand même un peu tout le restant de ce premier disque. Beaucoup de titres sont construits de la même façon, et passé l’effet de surprise, donnent un peu l’impression d’une formule trop systématiquement appliquée (ces mélodies très cinétiques, témoin du passé dans la danse de la Bush, cette ambiance elfique et pastorale, …) Les textes sont parfois assez cryptiques (certains fins analystes ayant même décelé en « The saxophone song » une ode à la masturbation et dans « Strange phenomena » une allusion aux cycles menstruels), souvent des mots choisis plus par leur musicalité que pour leur sens.
La pochette refusée par Kate Bush
On sent tout de même dans « The kick inside » une volonté (certainement la pression d’EMI, ils veulent bien faire plaisir à Gilmour, mais surtout vendre du vinyle) de coller à l’air du temps. Deux titres vaguement reggae (« Them heavy people » et « Kite ») font un peu beaucoup aguicheurs pour coller à l’air du temps, seront sans suite dans l’œuvre de Kate Bush et lui vont à peu près aussi bien qu’un jean slim à Beth Ditto … Mais bon, bien que jeune et débutante, Kate Bush ne s’en laissait pas toujours conter, elle a refusé la pochette initialement prévue pour une très « orientalisante »  (certainement un clin d’œil à son frère, karateka de haut niveau et fan de culture asiatique, un frère dont elle était très proche)

Toutes ces menues réserves ne sont valables que parce qu’aujourd’hui on connaît la suite et les disques qui vont en permanence s’améliorer jusqu’à son chef-d’œuvre « Hounds of love » en 1985. On aimerait que toutes celles qui l’ont copié sans vergogne (je balance pas, tout le monde le sait, la liste est même sur Wikipédia) aient pondu beaucoup de choses du niveau de ce « The kick inside » …


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GUIDED BY VOICES - ALIEN LANES (1995)

Illuminations ...
Guided By Voices (GBV pour les intimes), c’est un faux groupe. Ou pour être plus précis, un conglomérat à géométrie très variable gravitant autour de Robert Pollard, citoyen américain des mornes plaines de l’Ohio, leader, âme, et compositeur quasi exclusif des Guided By Voices.
Un gars qui devrait être reconnu comme un des plus brillants songwriters de son temps. Mais pour ça, il faudrait une seule chose : que les gens écoutent ou achètent ses disques. Mais voilà, Pollard ne fait pas des disques. Ou plutôt pas des disques dans le sens admis par le commun des mortels. Car personne, y compris le groupe garage-punk le plus radical, ne se pointerait chez un label aussi minuscule soit-il avec ce que Guided By Voices met sur « le marché ». Qualifier ce que publie Guided By Voices de maquettes est déjà très au-dessus de la réalité.
A côté des disques de GBV, les enregistrements de Son House ou Robert Johnson, c’est quasiment de la qualité sonore de « Dark side of the Moon ». On trouve sur « Alien lanes » (un de ses disques, voire son disque le plus abouti, au dire des spécialistes) la bagatelle de 28 morceaux (jamais terme n’aura aussi bien porté son nom) pour 40 minutes. Et non, les GBV ne font pas du punk hardcore. Loin de là, très loin, même.
Guided y Voices dans les 90's. Robert Pollard  à droite.
Pollard est un mélodiste incroyable, capable de torcher des rengaines que ne désapprouveraient pas les fans des Beatles ou des Kinks. De les enrober dans des guitares que ne renieraient pas les Lemonheads ou Dinosaur Jr. D’appliquer à ses titres un traitement lo-fi  à rendre jaloux Pavement ou les Minutemen. Pollard fourmille de bonnes idées (on se perd dans sa discographie pléthorique et labyrinthique), mais quand tout un chacun transformerait cette idée en chanson, en titre « normal », lui enregistre cette idée et basta, terminé, on passe à la suivante. Alors parfois, c’est juste une bribe mélodique, deux vers d’un couplet, et ça ne dure que 20 secondes. S’il est tout seul à ce moment-là, ben il fait ça avec la première gratte qui lui tombe sous la main, électrique, acoustique, peu importe. Si un ou plusieurs de ses potes traînent par là, ils prennent un instrument et enregistrent avec lui.
Enfin, enregistrer … les mots classiques du vocabulaire musical ne s’appliquent pas à Guided By Voices. Pour ce disque, le groupe avait signé avec un label indépendant, Matador. Qui envoya Pollard et sa bande dans un studio « normal », professionnel, mais certainement pas le plus high-tech des States. Le Pollard se prêta de mauvaise grâce au jeu, fit tourner les consoles quelques temps, écouta le résultat, et devant ce résultat beaucoup trop joli selon lui, retourna illico auprès de son quatre-pistes dans son garage.
« Alien lanes » est un disque qui demande de l’imagination. Au moins les deux tiers des titres sont à tomber et on se demande pourquoi des trucs d’une telle limpidité, d’une telle évidence, personne ne les avait jamais faits. Et là, il faut imaginer ce que donneraient ces titres avec un son correct, une intro, des arrangements, des ponts, d’autres couplets, un refrain, une coda … Parfois, on a des pistes, quelques titres sont pratiquement « finis », ils durent une paire de minutes, il y a plusieurs instruments, voire même des overdubs de guitare. Bon, peut-être aussi que tout ça perdrait tous son charme si c’était fait « comme il faut ». C’est tout ce côté amateur, enfantin quasiment, qui fait tout le charme de ce « Alien Lanes ». Totalement indescriptible, ça fourmille d’idées, de trouvailles, ça défile à toute vitesse, on passe de riffs sales grungy à du country-rock, de la sunshine pop à du folk acoustique, d’arpèges délicats à des rythmiques en surchauffe… déstabilisation et balayage d’idées reçues assurées…
Guided By Voices et Pollard ont bénéficié d’une réputation aussi flatteuse qu’underground, passant même plus tard par la case major (Capitol, avec Ocasek comme producteur). Sans résultat, évidemment (et sûrement aussi sans aucune motivation). On ne demande pas à un maître artisan chocolatier d’aller bosser chez Nestlé …

PS. On pourrait croire que Pollard est un rustique, un réfractaire à son temps. Il est très présent et « publieux » sur Facebook et le site de Guided By Voices et Pollard est d’une exhaustivité incroyable.

ETIENNE CHATILIEZ - LA VIE EST UN LONG FLEUVE TRANQUILLE (1988)

"Filmé avec les pieds ..."
C’est Chatiliez lui-même qui le dit. Réalisateur de publicités, « La vie … » est son premier long métrage. Pour lequel il a eu pas mal de problèmes pour trouver un financement (y’en a quelques-uns qui ont du s’en mordre les doigts jusqu’aux coudes, vu le carton commercial réalisé). Alors c’est fait avec les moyens du bord. Low budget, en décors naturels, et pas de mouvements sophistiqués de caméra.
Gélin & Hiegel
« La vie … » est une comédie tout public certes. Mais d’une férocité et d’une finesse jubilatoires. Tout le monde morfle, les prolos, les bourges, les jeunes, les vieux, les cathos, les notables, … Car avant d’être un film, « La vie … » est un scénario longtemps peaufiné par Chatiliez et Florence Quentin, et une minutieuse préparation du tournage. Débutant peut-être Chatiliez, mais pas dilettante, la moindre réplique, le moindre vêtement ou accessoire ne sont pas là par hasard. Et alors que dans la plupart des comédies grand public, tout le monde cabotine ou improvise, toute la gestuelle, toutes les répliques, étaient écrites.
Il y a dans « La vie … » une galerie de portraits exceptionnelle, tellement caricaturaux qu’ils ont l’air plus vrais que nature. Bien sûr, on peut trouver des similitudes avec le style Hara-Kiri (le côté foune-scato dans lequel se vautraient souvent complaisamment Choron et sa clique en moins), ou certaines BD « sociales » de Reiser, Wolinski (toujours la connexion Hara-Kiri), les Bidochon de Binet. En plus, dans « La vie … », il n’y a pas vraiment de héros ou de personnage principal. Trop difficile selon Chatiliez de tout faire reposer sur les épaules des enfants (en plus ils sont tous absolument débutants), même s’il sont le cœur de l’histoire. Il y a donc beaucoup de personnages secondaires, mais tous participent à la comédie globale.
Famille Groseille
C’est d’ailleurs  une relation extra-conjugale entre une infirmière (Catherine Hiegel) et un gynécologue (un énorme numéro de Daniel Gélin) qui est le point de départ de toute la mécanique du film, les deux ne sont présents que dans le premier quart du film (et dans la dernière scène, sur fond de « Paris en colère » par la très improbable Mireille Mathieu). Après une humiliation par son amant odieux, l’infirmière échange les berceaux de deux nouveaux-nés. L’un est de la famille Groseille (prolos, chômeurs, fainéants, alcoolos et vulgaires entre autres), l’autre de la famille Le Quesnoy (lui directeur régional EDF, aristo consanguin fin de race perclus de tics, elle grenouille de bénitier, les deux se vouvoient). Une dizaine d’années plus tard, et une énième humiliation plus tard, l’infirmière balance tout, à son amant, et aux deux familles. Les Le Quesnoy décident d’acheter aux Groseille leur véritable fils (Benoît Magimel), tout en gardant celle qui n’est pas leur vraie fille. L’occasion pour les Groseille (ils en sont pas à un gosse près, tout comme les Le Quesnoy, c’est une famille nombreuse) de flamber quelque temps avec ce pactole inespéré, qui les rend plus fainéants, plus alcoolos et plus vulgaires. Et chez les Le Quesnoy, la situation va vite se dégrader, sous l’impulsion du nouvel enfant arrivant, qui n’oublie pas d’où il vient …
Bouchitey, Vincent & Wilms
L’histoire, on s’en fout un peu, d’ailleurs dans le film, on ne peut pas dire qu’il y ait vraiment d’épilogue. C’est avant tout l’occasion de voir des tranches de vie des différents protagonistes, des dialogues fantastiques, lunaires, des mimiques désopilantes. Des répliques sont devenues cultes (l’enjoué « Le lundi, c’est raviolis », les fameux « La salope, la salope, … » de Daniel Gélin, l’inattendu « Vous me faites bander, Marielle » tout en haussements d’épaules incontrôlés de Le Quesnoy à sa femme totalement à l’ouest, ayant viré dépressive et poivrote, …). Les enfants sont plutôt bons (seul Magimel fera carrière par la suite, et dans une moindre mesure Tara Römer, son « frère » Groseille), leurs parents hilarants (André Wilms venu du théâtre subventionné et Hélène Vincent sont parfaits dans le couple Le Quesnoy, Christine Pignet – Mme Groseille truculente à souhait). Les seconds rôles ne sont pas en reste, avec mention particulière à Catherine Jacob (Marie-Thérèse, servante-Immaculée Conception des Le Quesnoy) et Patrick Bouchitey (le père Aubergé, curé obséquieux, et interprète de l’impérissable « Jésus reviens »).
Le film est fait avec des bouts de ficelle, la plupart des fringues vintage ayant été amenées par l’équipe, les figurants ou ceux qui n’ont qu’une brève réplique sont des techniciens du plateau ou des potes de Chatiliez. « La vie … » a été tourné dans le Nord (comme quoi, on peut y tourner des comédies autrement plus drôles que « Bienvenue chez les Ch’tis »), région d’où est originaire Chatiliez, pour ne pas ajouter au stress du premier film celui du dépaysement.
Et il est quand même réjouissant de constater, que même dans la fiction, des fils de bourges et de prolos peuvent se retrouver pour une séance de piscine (et de descente de bières) sauvage, ou dans un garage pour sniffer de la colle à rustines …
« Oh putain, Dédée elle en tient une bonne, elle va aller mettre la viande dans le torchon … ».
Film culte … et vraiment drôle …


IGGY & THE STOOGES - RAW POWER (1973)

L'alpha et l'omega ...
« Raw power » est le genre de disque qui trône au milieu d’un no-man’s land où bien peu ont osé s’aventurer, et qu’encore moins ont essayé de dépasser. Une borne, une référence, une limite aussi …
« Raw power » n’a pas une histoire banale. Ce n’est pas un disque enregistré par un groupe établi, qui a sorti dix disques avant et en sortira trois douzaines ensuite. « Raw power » a été enregistré par un groupe qui n’existe pas. Ou qui n’existait plus pour être précis. Les Stooges ont sorti au tournant des années 60 deux disques cruciaux, mais aux ventes misérables. L’insuccès et une sérieuse propension à la défonce entérinent de fait la dissolution du groupe de Detroit.
Mr Jones, Mr Pop & Mr Reed, 1972
De son côté, Bowie commence en Angleterre à toucher le jackpot avec « Ziggy Stardust » après des années de vaches maigres et d’essais plus ou moins infructueux de réussir dans la musique. Bowie est un malin, et ce succès « tardif » lui a permis de bien connaître le milieu trouble du show-biz. Dès les premières liasses de livres sterling amassées, il monte sa propre maison d’édition, Main Man Production, et met à sa tête un manager filou (pléonasme) Tony DeFries. Et Bowie qui a toujours renvoyé l’ascenseur vers les gens qu’il appréciait, décide de jouer les ambulanciers pour ses idoles quelque peu en perdition. Bénéficieront de ses services en 72-73 Mott The Hoople, Lou Reed et Iggy Pop, ce dernier chanteur admiré par Bowie (Ziggy-Iggy, y’a un petit quelque chose) de ces Stooges débandés. DeFries, tout en renâclant à cause de la réputation d’ingérable d’Iggy mais sous la pression de Bowie, le signe malgré tout pour un album solo. Iggy s’envole pour Londres, cherche vaguement des musiciens de séance pour son disque, et surtout envisage de claquer tout le fric avancé pour le studio en coke et héro. Pas chien, Iggy entend partager la dope avec ses anciens potes et fait venir en Angleterre les frères Asheton (oubliant le bassiste Dave Alexander, lequel lui en voudra jusqu’à sa mort en 1975). Joyeuses séances de défonce entrecoupées d’essai d’écriture et de jams chaotiques en studio. Petit problème, Iggy seul n’a jamais été foutu d’écrire une chanson audible. Il appelle à la rescousse James Williamson, rencontré pendant la débandade des Stooges. Williamson, en plus d’être d’être un toxico de première bourre est aussi un guitariste killer qui sait écrire des morceaux, Iggy rajoute les paroles, Ron Asheton est prié de passer de la guitare à la basse. Malgré tout, peu de choses concluantes. DeFries s’impatiente, menace, et finalement Iggy lui amène les bandes qu’il a arrangées et produites de ce qu’ils ont enregistré. A l’écoute, DeFries frise l’apoplexie, contacte Bowie en tournée américaine, et lui intime l’ordre de s’occuper de ses « protégés ». Bowie se fait livrer les bandes aux USA, et en une paire de jours entre deux concerts, remixe le disque. Qui sort avec Bowie crédité au mix et Iggy Pop à la production. Et n’a aucun succès.
Les Stooges vont continuer quelques temps, livrés à eux-mêmes, enregistreront un nouveau disque semi-officiel, « Kill City », avant de disparaître de la circulation. Les aventures d’Iggy avec Bowie ou d’Iggy & the Stooges verront d’autres épisodes s’ajouter à la saga, mais c’est une autre histoire …
Iggy & The Stooges 1973
« Raw power » continuera sa carrière de disque culte pendant des lustres sous sa version initiale. Jusqu’à ce qu’Iggy Pop, devenu riche et quelque peu amnésique, se répande en arguties diverses sur « Raw power », selon lui saccagé au mixage par Bowie. Des rééditions suivront (le mix d’Iggy Pop, un coffret des « Complete sessions ») qui ne changeront guère la donne. « Raw power » sous quelque version que ce soit est surtout une tuerie totale. Magma sonore, vomi musical … testeurs de chaîne hi-fi s’abstenir …
Il faut à peine quelques secondes de l’inaugural « Search and destroy » pour mesurer l’impact de la déflagration qui s’annonce. En fait jusqu’à ce que la guitare de Williamson parte en looping incontrôlé et qu’Iggy se mette à chanter … Chanter ? Oui, ou aboyer, glapir, rugir, feuler, râler, … comme on veut, tant sa performance tient plus de l'animalité que de l’humanité. Tout « Raw power » est un orage sonique d’une intensité jamais entendue auparavant. Sans être pour autant un mur de feedback. Il y a trois titres qui ressemblent peu ou prou à des ballades (« Gimme danger », « Penetration », et « I need somebody »). Des ballades passées à la moulinette Stooges, glauques, noirâtres, atomisées, pleines de rage larvée. Des occasions d’entendre Iggy Pop version crooner, comme un Sinatra punk et déglingué (quoi que le Sinatra, côté déglingue, il était pas mal aussi …). Les cinq autres titres, des rocks furieux, déjantés, borderline (« Raw power » le titre, épitomé du rock dur, crasseux, dangereux et agressif, « Shake appeal », ou comment les Stooges envisagent le rockabilly, l’ultime « Death trip », la fin du voyage sur la highway to hell, free-rock dans l’esprit de « Funhouse », voilà c’est fini, démerdez-vous avec çà, Armaggedon times are coming, bruit de bidet final sur le rock à papa, à bobos et à babs des seventies …).
Points communs à tous les titres, un son de poubelle rock’n’roll, avec au premier plan un Iggy qui s’arrache les boyaux pour chanter (plus ou moins juste, mais c’est pas le problème), et des overdubs de guitare folle de Williamson, en perpétuelle sortie de route, toute en larsens et feedback. Au second plan, la basse de Ron Asheton jouée façon Lemmy de Motorhead (c’est-à-dire comme une guitare) et la partie de guitare rythmique ou acoustique de Williamson. Au fond, perdue dans ce brouhaha d’apocalypse, la batterie de Scott Asheton … C’est pas punk, c’est pas metal ou tout ce que vous voudrez, ça ressemble à rien de ce qui ait été fait avant ou après, c’est les Stooges de 73. Point barre.
Si vous n’aimez pas ce Cd, allez en enfer. S’il vous plaît, c’est que vous y êtes déjà.

Des mêmes sur ce blog :
Live, Carcassonne, 27 Juillet 2011

PRIMAL SCREAM - XTRMNTR (2000)

La synthèse ...
Comme celle qui permet de fabriquer des poudres blanches … ou comme la conclusion d’une réflexion, d’un travail. Toxicos, les Primal Scream le sont, et pas qu’un peu dans les nineties. Enfin, Bobby Gillepsie, tant on peut quasiment résumer Primal Scream à sa seule personne. Aventuriers sonores, Primal Scream le fut aussi durant cette décennie. Qu’ils avaient quasiment inaugurée avec « Screamadelica », leur disque qui est rentré dans les livres d’histoire, et auquel on les réduit souvent, tant son succès et son impact ont marqué l’époque.
Perso, je lui reconnais toutes les qualités qu’on lui prête, mais je trouve qu’il vieillit mal (ou vite, ce qui revient au même), comme tous ces disques à la pointe de la tendance lors de leur parution et donc forcément démodés plus tard. En tout cas, ce cocktail de classic rock et de dance music est resté le fil conducteur de Primal Scream durant toute la décennie (après j’en sais rien, j’ai un peu laissé tomber). En gros, des disques qui tentaient de refaire le coup de « Screamadelica », avec plus ou moins de bonheur.
Bobby Gillepsie
Jusqu’à ce « XTRMNTR » (pour Exterminator, au cas où un fan de Maé passerait par là). Autant jouer cartes sur table, « XTRMNTR », je le trouve meilleur que « Screamadelica ». Parce que là, on parle plus de voisinage, de juxtaposition, de cohabitation de genres, c’est vraiment du mélange, de la fusion. Et pas seulement d’obsessions pour les Rolling Stones et les premières rave-parties. Ici, toutes les idoles du classic rock de Gillepsie remontent à la surface, les derniers sons electro-techno-dance-machin aussi, mais aussi des sonorités jusque là peu rencontrées chez Primal Scream.
Alors oui, on croise sur « XTRMNTR » le punk à tendance stoogienne, le Velvet, du free jazz, du krautrock, et plus encore, tout ça passé à la moulinette big beat, le son « électronique » du moment. Et là, Primal Scream déborde et enfonce les Prodigy et autres Chemical Brothers. Pour une raison toute simple, c’est que Gillepsie, du rock il en a fait pendant dix ans au début de sa carrière, et pas en version fleur bleue (il fut rappelons-le, le mauvais batteur des débuts des Jesus & Mary Chain, pas vraiment des tendres, à quelque niveau qu’on envisage le groupe des frangins Reid). Les bigbeateux, ils ont fait que sampler des grosses guitares hardos et déliré là-dessus.
Et « XTRMNTR », ça déchire sa race. Rien que les titres placent la barre très haut, « Kill all hippies » ou « Swastika eyes », ça a de la gueule, au moins autant qu’un douteux « Smack my bitch up ». Gillepsie et son inamovible lieutenant Innes ont réuni du beau monde, les Chemical Bros sont venus faire un remix, Kevin Shields a participé à un hommage à son groupe My Bloody Valentine, Sumner de New Order traîne sur un titre, et des remerciements sont adressés à Jaki Liebezeit, le fantastique batteur de Can et Liam Howlett, figure de proue de Prodigy.
Primal Scream live 2000
Ça démarre par un extrait de film, ensuite arrivent une guitare filtrée, une batterie très Liebezeit-style, se met en place un gros groove robotique, s’installent les gimmicks de synthé, et c’est parti pour « Kill all hippies ». « Accelerator » qui suit porte bien son nom, on monte dans les tours, « Exterminator » est une tuerie, rouleau compresseur sonore bâti sur une rythmique grondante et des guitares dissonantes. « Swastika eyes », petit succès en single, c’est à la base de l’electro-pop des 80’s, mais comme remixée par un savant fou genre Trent Reznor, ça tourbillonne de partout à en donner le vertige.
Le cœur du disque est plus calme, plus apaisé. D’une façon toute relative. Des chants grégoriens introduisent « Pills », puis il y a des scratches de vinyles sur lesquels Gillepsie ( ? ) vient rapper, au milieu d’arrangements tournoyants. Etrange mais pas forcément captivant. Un énorme grondement de basse à la Entwistle (des Who, pour le fan de Maé s’il est toujours là) lance l’instrumental « Blood money » dans lequel s’entrechoquent synthés cristallins, ambiance jazz, solo de batterie, pour un résultat qui sonne comme du jazz-rock sous acide. « Insect royalty » est un peu son pendant en version psyché barrée, comme si Zappa (quand c’est étrange, on cite toujours Zappa) avait gobé de l’ecstasy. Entre les deux, une magnifique ballade perverse « Keep your dreams », très Velvet Underground (les clochettes de « Sunday morning », les intonations à la Nico).
Retour au boucan pour le final. Un hommage à My Bloody Valentine, « MBV Arkestra (If they move, kill ‘em) », dans lequel le fan de « Loveless » risque fort de ne pas retrouver ses repères, il y a juste ces sonorités « liquides » typiques de la bande à Kevin Shields mais noyées si l’on peut dire dans des vapeurs de krautrock et de free-jazz, avant que tout ça s’encastre dans un mur dissonant. Le remix de « Swastika eyes » par les Chemical Brothers est peut-être le seul morceau sans réelle originalité, ça bastonne comme sur les morceaux énervés de « Surrender ». « XTRMNTR » s’achève par une tuerie (le bien nommé « Shoot speed / Kill light », c’est mixé à un volume beaucoup plus fort que tout le reste, ça envoie la purée, c’est répétitif, bête et méchant, donc excellent.
« XTRMNTR » marque à sa façon la fin d’une décennie, d’un siècle, d’un monde. Désormais, tout pouvait changer, être comme avant mais en pire …Pour moi le disque qui est en même temps le plus original et le plus abouti de Primal Scream …

TANGERINE DREAM - PHAEDRA (1974)

Un classique ...
Pas seulement de la littérature française. Aussi de la musique … Et là ça se complique, pour coller une étiquette. Musique planante ? Oui, mais pas que … Musique électronique ? Oui, certes, mais réducteur … Krautrock ? Why not, mais le terme regroupe tellement de choses …
Et pourtant, quand ce disque est sorti au milieu des seventies, ceux qui écoutaient de la musique se posaient moins de questions. Il n’était pas incongru de sortir du disquaire avec un vinyle des Stones et un du Floyd, ou bien un Led Zep et un Tangerine Dream… En ce temps-là, les minarets n’étaient pas encore construits et les ayatollahs du bon goût (enfin, du leur) prompts à trier le bon grain de l’ivraie étaient encore rares …
Tangerine Dream, qui tirent leur nom d’une chanson des Beatles fleurant bon le buvard d’acide, se sont rapidement orientés vers une musique toute électronique. Quelques tonnes de matériel, des kilomètres de câbles, du bricolage maison, le tout pour un résultat sonore quelquefois imprévisible, ouvrage qu’il fallait sans cesse remettre sur le métier …

Contrairement aux pompiers progressifs anglais, eux n’ont pas cherché leur salut dans les œuvres de Bach, ou pire, Wagner … Froese, le leader du groupe, faisait souvent état de Stockhausen, donc la musique expérimentale et avant-gardiste. La construction des morceaux de Tangerine Dream est totalement labyrinthique, rien qui ne ressemble à intro-couplet-refrain-pont …Des séquences souvent à base de Moog (leur synthé de prédilection) s’enchaînent, des thèmes sont développés, évoluent, disparaissent pour ne jamais revenir, puis on passe à un autre …
Musique planante, des grands espaces disait-on, et Tangerine Dream fut un des groupes fétiches de la queue de comète hippie, tous ces baba-cool écroulés, très en « avance » dans leur tête et qui partaient réinventer le Moyen-Age dans leur communauté ardéchoise … Fraîchement signés par Branson chez Virgin grâce à l’argent du « Tubular bells » d’Oldfield, les Tangerine Dream allaient devenir le groupe phare de la musique électronique « cérébrale » des 70’s, et leur influence sur l’ambient et le new age dont ils allaient finir par tartiner leurs disques dans les 80’s est considérable.
Avec leurs disques dont « Phaedra » est un des tout meilleurs, Tangerine Dream réussissent à créer une atmosphère musicale légère et sophistiquée, idéale pour conserver la zen attitude … ou pour aider à faire passer une gueule de bois carabinée …
Mais je vais quand même reprendre une aspirine …
Et le rapport avec Phèdre ? Aucune idée …

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Atem

MOTT THE HOOPLE - ROCK'N'ROLL QUEEN (1972)

Echec et Mott ...
Qu’en serait-il advenu des Mott The Hoople si Bowie ne s’était pas entiché d’eux et ne leur avait offert « All the young dudes » qui les a fait passer à la postérité et relancé leur carrière ?
Parce que là, quand paraît ce « Rock’n’roll Queen » début 72, ça sent le sapin, la fin de contrat. Une compilation de sept titres, dont un morceau live de dix minutes, le tout n’atteignant même pas les quarante de rigueur des temps vinyliques. Autant dire que la matière à Best of est assez rare chez Mott.
Derrière l’affaire Mott, il y a deux hommes. Ian Hunter, fan de Dylan. Pas exactement la meilleure idée à la fin des sixties, Dylan pour un tas de raisons (le retrait dû au prétendu accident de moto, les disques parus ensuite assez moyens, le son général du rock qui s’est considérablement durci, …) est à peu près oublié. La « chance » de Hunter sera de croiser la route de Guy Stevens, un des agitateurs les plus en vue du swingin’ London finissant. C’est lui qui a trouvé le nom des successful Procol Harum, qui enregistre dans son studio tout un tas de revivalistes et nostalgiques mod, … Et qui décide de prendre en main la carrière de Hunter. Stevens aide Hunter à monter un groupe (autre figure forte de Mott, le guitariste Mick Ralphs, héros de seconde zone de la six-cordes, qui fondera plus tard Bad Company), et lui conseille le look qui ne le quittera plus : cheveux mi-longs frisés, et inamovibles lunettes noires (plus un accessoire médical qu’autre chose au départ, Hunter est très myope).
Mott The Hoople 1970
Stevens produit les premiers pas discographiques. Accueil glacial. Le groupe s’entête sans lui. Même résultat. Il est prévu que le groupe assure la promotion de cette compilation (si tant est que quelqu’un soit demandeur), et se sépare, chacun s’en ira vaquer vers d’autres aventures.
Evidemment, cette compile sera un bide supplémentaire pour Mott. Et quoi qu’il se soit passé après « All the young dudes », et les disques intéressants qui ont suivi, la première partie de la carrière de Mott The Hoople ne peut être réhabilitée.
C’est indigent, voire limite grotesque. Le groupe anglais laborieux de seconde zone qui mouline sans imagination des trucs dans l’air du temps. Rien qui ressemble au Dylan chéri par Hunter (ça viendra en solo des années plus tard), mais plutôt tout qui navigue dans le sillage des Stones – Faces. Sans le talent des uns ou des autres.
Les boogie stoniens sont de la revue. « Rock’n’roll Queen » le titre, « Death may be your Santa Claus » ( ??), « Walkin’ with a mountain ». Plutôt tendance boogie bien gras et lourds que tendance stonienne d’ailleurs, sans imagination. A tel point l’anecdote fameuse concernant « Walkin’ … ». Mott enregistrait dans la cabine de studio voisine de celle des Stones, et leur parvenait le son de « Jumpin’ Jack flash ». Ces lourdauds n’ont rien trouvé de mieux que de plagier le titre qui allait devenir mythique, y compris dans les paroles, le « Jumpin’ Jack flash it’s a gas » répété ad lib par Ian Hunter …
Mais si Mott a plagié les autres, certains de ses titres n’ont pas été perdus pour tout le monde. Leur version instrumentale (mais pourquoi instrumentale ?) plutôt heavy du classique des Kinks « You really got me » a été littéralement photocopiée par Van Halen quand ils reprendront ce même titre sur leur premier disque.
Un morceau (« Midnight lady ») lorgne vers le glam lorsque T.Rex commence à squatter les ondes. Plus original est « Thunderbuck ram », qui après avoir frôlé le pire avec son intro classico-prog évolue en tournerie sauvage proche du space rock énervé que feront le Blue Oyster Cult, les Pink Fairies ou Hawkwind. Quand au titre live, un exercice dans lequel Mott a toujours eu bonne réputation, il ne la sert pas vraiment leur réputation, basé sur un medley laborieux («  Whole lotta shakin’ goin’ on » de Jerry Lee Lewis, « What I’d say » de Ray Charles) construit autour du « Keep a knockin’ » de Little Richard. Et faut faire très attention quand on touche au répertoire de Petit Richard, il a placé la barre tellement haut qu’on est souvent voire toujours ridicule, et Mott n’échappe évidemment pas à la règle.
Belle pochette … Qui évite de justesse à ce « Rock’n’roll Queen » la poubelle …

Des mêmes sur ce blog :
All The Young Dudes