Le cas Setzer ...
Il a eu l’immense mérite de faire perdurer avec ses Stray
Cats toute l’innocence originelle du rock’n’roll, s’escrimant à recréer toute
la magie perdue de choses aussi simples et évidentes que le Johnny Burnette
Trio et d’une façon générale l’ensemble des pionniers de l’écurie Sun. Oui,
mais voilà, pour éviter que ça tourne à la formule convenue, il fallait qu’il
aille voir ailleurs, en tout cas plus loin que le revival rockabilly dont il
était la jolie frimousse de proue. Et pour cela, crève-cœur obligatoire, se
séparer de ses copains d’enfance, Phantom et Rocker, gentils garçons mais tout
de même techniquement limités pour mener à destination tous les voyages
musicaux dont rêvait Setzer.
Ce « Knife feels like justice » sera son
premier album solo. En rupture par rapport à ceux des Stray Cats. Mais sans
grosse surprise, il ne fallait pas non plus s’attendre à voir Setzer se muer en
sorcier des synthés ou faire un disque avec des bonzes tibétains. Non, Setzer
est profondément américain (pire, new-yorkais) et viscéralement attaché à la
culture US, d’autant plus qu’elle aura une couleur 50’s vintage.
« Knife feels like justice » est donc un disque
tout ce qu’il peut y avoir d’américain dans ce mitan des 80’s. Setzer commence
à bénéficier, Stray Cats oblige, d’une bonne renommée de guitariste et
chanteur, il vend du disque, a le soutien d’une major et une bonne bouille … Il
se retrouve dès lors avec quelques moyens en studio, quelques requins, (la
doublette Aronson – Aronoff à la rythmique, c’est du sérieux), quelques
choristes réputés, et quelques « people » venus faire un tour pendant
les séances… Campbell et Tench, Briseurs de Cœurs chez Tom Petty, Miami
« Steve Bandana Futur Soprano » Van Zant, du backing-band du
Jean-Patrick Capdevielle américain Springsteen. Et le moins qu’on puisse dire,
c’est que Setzer a écouté les disque du Boss, notamment « Darkness »
et « The River », tant une grosse moitié des titres sonne comme des
chutes de studio de ces rondelles-là. On se retrouve donc avec pas mal de rock
lyriques, classiques, centristes, bien chantés, bien joués, avec quelques
bonnes parties de guitare (la Gretsch, c’est pas seulement pour faire joli sur
les photos, Setzer en joue plus que bien), mais qu’on a comme l’impression
d’avoir déjà entendus bien souvent (tous ces « Bobby’s back »,
« Chains around your heart », « The knife feels like
justice », « Maria » co-écrit avec Van Zant forcément…).
Quelques morceaux donnent eux dans le son FM, limite
variété (« Boulevard of broken dreams »), celui avec Campbell
ressemble étrangement à du Tom Petty, tout ceci finissant par traduire une
légère incapacité de Setzer à se démarquer, à innover par des compositions
vraiment originales. Finalement, il n’y a que quand il se lâche, sous
l’influence de ses premières amours rockab, que l’on a droit à trois titres
furieux et échevelés (« Radiation ranch », « Three guys »,
« Barbwire fence ») d’assez loin les trois meilleurs du disque.
En résumé, parce qu’on va pas y passer la nuit sur ce
disque en plus à peu près introuvable aujourd’hui (grosse gamelle commerciale
lors de sa sortie), ceux qui aimaient le rockabilly des Stray Cats n’y
trouveront pas leur compte, ceux qui n’en démordent pas du fantastique
jumpbilly du Brian Setzer Orchestra encore moins. Juste un disque ni vraiment
mauvais mais pas non plus franchement captivant de rock US 80’s … Pour amateurs
exclusifs du genre, tendance complétistes …
Je me suis arrêté au titre : le cas Setzer. Je reviendrai lire la suite plus tard. Mais je sens que je vais aimer !
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