Chevaux (Fous) de retour ...
En préambule et en guise d’avertissement, il y a un piège dans ce disque. Parce que, hein, avouez que vous y avez cru. Voir accolés à la suite les noms de Ralph Molina, Billy Talbot, Nils Lofgren et Neil Young, on pense bien évidemment à un disque du Canadien et de ses comparses, avec une coquetterie littéraire qui a juxtaposé leurs noms au lieu d’un habituel Neil Young & Crazy Horse. Ben non, vous avez tout faux.
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| Ralph Molina |
Ce « All roads lead home » c’est une
compilation au sens le plus strict du terme. Et pas une compilation de ce que
les quatre ont fait paraître ensemble. Non, une compilation de titres solo
enregistrés par les papys (ben oui, comment voulez-vous les appeler, ils ont
308 ans à eux quatre au moment de la parution du disque) lorsqu’ils étaient
bloqués chez eux pendant la pandémie du Covid. Le pire est quand même évité,
ils ont beau être vieux, ils savent (ou quelqu’un dans la baraque sait pour
eux) se servir d’internet, ont fait circuler des fichiers à des potes ou à leur
band, chacun à rajouté sa partie instrumentale, et on n’a pas à se farcir dix
titres acoustiques …
Quoique … Neil Young, que l’on a connu moins chiche (voir la cadence effrénée à laquelle il sort de nouveaux trucs ou fait paraître ses archives musicales), balance seulement une version acoustique (guitare, harmonica, voix) de « Song of the seasons », titre paru en version « orchestre » sur une de ses dernières rondelles « Barn ». Rondelle que j’avais oublié d’écouter (Neil Young a tendance depuis bien trente ans à faire du Neil Young d’avant, en moins bien). Une fois le titre original youtubé, verdict : la version de « Barn » est meilleure que celle de « All roads … » qui rajoute une minute et demie à la version d’origine de six minutes, pas vraiment concise … Au mieux un fonds de tiroir, au pire du remplissage tendance foutage de gueule …
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| Billy Talbot |
Les trois autres se montrent moins chiches, et a
priori nous honorent de titres originaux (difficile de savoir pour Nils
Lofgren, que ce soit en solo ou avec d’autres, il a dû sortir trois cents
douzaines de disques) avec un remarquable esprit d’équité (trois titres chacun).
Autant en venir à la conclusion, l’ensemble est assez décevant.
Pourtant, on a affaire à trois types qui ont quand
même fréquenté deux backing bands parmi les meilleurs des douze derniers
siècles (Crazy Horse pour les trois, le E Street Band en plus pour Lofgren).
Les trois vieux ont au moins deux problèmes majeurs. Ils ont peu composé (oui, je sais, Lofgren et sa kyrielle de disques, les meilleurs sont ceux des débuts, dans les seventies, j’en ai une paire que j’écoute jamais, et je dois pas être le seul), et on peut pas dire qu’ils avaient des titres fulgurants sous le coude à glisser sur « All roads … ». Pour finir de gâter la sauce, tous les trois n’ont plus de voix, si tant qu’ils en aient eu une un jour. A ce jeu, le pire est Ralph Molina.
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| Nils Lofgren |
Le problème, c'est que ces trois vioques, ils ont joué
tellement de fois tellement de bons morceaux dans leur vie, qu’il en reste
forcément quelque chose. Et surtout dans un registre classic rock, ballades
pépères, mid tempos enjoués, des trucs avec une intro, des couplets, un
refrain, un p’tit solo quand il faut (Lofgren est le plus démonstratif à la
guitare, même s’il n’y a rien qui donne envie de balancer les superlatifs).
Molina est celui qui compose le mieux, ses titres sont intrinsèquement les
meilleurs, mais bon, le malheur c’est qu’il chante. Lofgren est le plus concis,
dépassant rarement les trois minutes, et se conduisant en Rémy Bricka du
folk-rock-machin. Il joue de tous les instruments sur ses trois titres, avec le
renfort sur un titre d’un autre Lofgren (son frère ? son fils ?) et
d’un bassiste sur un autre morceau. Et Talbot, sans faire de vagues ou crisser
les pneus, nous sert trois morceaux centristes, dont à mon avis le meilleur de
la rondelle, ce « Rain » (rien à voir avec l’homonyme des Beatles)
placé en ouverture.
Outre ce « Rain », qu’est-ce qui mérite qu’on jette une oreille distraite sur ce disque ? « It’s magical » de Molina qui n’est pas spécialement magique (et cette voix !), est cependant une jolie ballade up tempo, « Cherish » de Talbot accroche grâce à son intro hendrixienne, avant de tourner vinaigre, la faute à un tempo mollasson inadapté à la stridence des guitares. A demi convaincante aussi, une autre compo de Molina, « Just for you », jolie ballade triste avec son sax pleurnichard.
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| Neil Young |
Les rares bonnes choses sont le « Rain »
déjà évoqué, le « Fill my cup » de Lofgren qui grâce à une rythmique
vaudou-tribale, amène un peu d’originalité à un ensemble prévisible et
ronronnant, et l’assez concerné mid tempo rock de « Look through the eyes of
your heart » de Molina.
Ce qui fait quand même assez peu pour des types dont
le nom clignote en haut de la chose folk-rock depuis des décennies. J’aurais aimé
tartiner des feuillets pour dire du bien de cette rondelle qui n’apportera rien
à l’œuvre de ses auteurs. Il faudra certainement attendre qu’ils sortent un
disque où ils jouent vraiment ensemble pour trouver quelque chose de consistant
à se mettre entre les oreilles …





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