The day the Music died ...
C’est bien simple, il a fallu que j’aille vérifier sur le
Net si Don McLean était toujours vivant (il l’est, merci pour lui), et j’ai
découvert avec surprise qu’il continuait encore à faire des disques. Faut dire
qu’on n’en entend pas trop parler, de celui-ci, et encore moins de ce côté-ci
de l’Atlantique.
Don McLean a eu son warholien quart d’heure de
gloire au début des années 70 avec ce disque. Un quart d’heure de gloire tout
de même assez monumental, car tous les chiffres qui concernent ce disque
s’égrènent au moins en millions (les ventes, les passages radios des singles).
Avec les trente six minutes de ce « American Pie », McLean s’est mis
à l’abri du besoin, et évitera bien des soucis de fin de mois à sa descendance
pour plusieurs générations…
Evidemment, on pourrait résumer ce disque à son
morceau-titre. Une épopée folk de plus de huit minutes ayant comme point de
départ « the day the music died », le 3 Février 1959, jour où ont
péri dans un accident d’avion Buddy Holly (idole de McLean), Ritchie Valens et
le Big Bopper. Ce titre est l’occasion pour McLean de donner une vision toute
poétique des rapports de la musique avec la société américaine, de
l’insouciance de la fin des 50’s aux prises de position utopistes, militantes
et engagées des sixties, jusqu’au réveil douloureux et désabusé du début des
années 70. Tout en restant assez elliptique (peu de noms sont cités, il faut se
contenter d’allusions évidentes à James Dean, Elvis, les Beatles, les Stones,
Dylan, les Byrds, …), et McLean s’est toujours refusé à commenter et éclaircir
ses paroles. Ce « American Pie », avec sa mélodie irréprochable est
pour moi le sommet de ces titres folk « héroïques » à la durée
démesurée, genre dans lequel concourent des choses aussi célèbres que le « Wooden
ships » (Crosby, Stills & Nash, et Jefferson Airplane) ou le
« Sad eyed lady of the Lowlands » de Dylan (une face entière de
vinyle, la dernière, de « Blonde on blonde »).
Mais McLean, apparemment en état de grâce, ne s’est
pas arrêté là. Ce « American pie » est parfait de bout en bout, une
sorte de synthèse de tous les courants de la musique folk apparus jusque là. Et
avec beaucoup de choses qui font penser aux Anglais. Il y a dans la pureté
mélodique, dans la finesse et la richesse des arrangements, beaucoup de choses
qui renvoient à Bert Jansch, Fairport Convention, Donovan, Cat Stevens, Nick
Drake, voire Syd Barrett … Dylan (difficilement contournable dès lors que l’on
est américain et que l’on fait du folk) est aussi de la revue à travers
« Everybody loves me, Baby ». Titre troublant, tout le Zim de
« Highway 61 revisited » est là, jusque dans les inflexions vocales,
surprise assurée au jeu du blind-test… Et tous les folkeux
« mélodiques » américains, de Paul Simon à James Taylor se retrouvent
au détour d’une intonation, d’une mélodie, d’un arrangement …Des choses comme
« Vincent » (hommage à Van Gogh) sont parfaites, et le final du
disque, qui fait cohabiter son dépouillé et montées lyriques
(« The grave », « Babylon ») annonce avec plus de vingt ans
d’avance les ambiances frissonnantes d’un Jeff Buckley …
Ce succès colossal, autant artistique que
commercial, restera à peu près sans lendemain, Don McLean n’ayant pas voulu (ou
pas été capable selon les sources), d’assumer le statut de superstar qui se
dessinait pour lui.