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FRED McLEOD WILCOX - PLANETE INTERDITE (1956)

 

Peurs et fantasmes ...

« Planète interdite », lorsqu’il est sorti en salles au printemps 1956 aux Etats-Unis a connu un joli succès populaire. C’est un film « à part », à la croisée de multiples genres.

Fred Wilcox

C’est résolument une série B (voire pire) plus ou moins assumée, mêlant parfois en dépit du bon sens science-fiction, romance, humour et horreur (tous ces genres devant aujourd’hui être appréhendés à l’aune de ce qu’ils signifiaient au milieu des années 50). C’est une série B qui se donne les moyens d’avoir du succès. La MGM produit, le film est tourné en Scope et en couleurs (Eastmancolor), les effets spéciaux sont en pointe et ambitieux. Et c’est apparemment le premier film d’anticipation qui envoie l’Homme vers les planètes lointaines (jusqu’alors, c’étaient des Aliens plus ou moins sympathiques qui venaient sur Terre). C’est aussi un film qui exploite les rêves, peurs et angoisses du moment pour les projeter dans le scénario.

Un scénario qui est une extrapolation de « La tempête » de Shakespeare (aucun avis, j’ai pas lu cette pièce). Derrière la caméra, Fred (McLeod) Wilcox, réalisateur maison de la MGM, dont le seul titre de gloire était d’avoir tourné la première série de films sur le colley Lassie la décennie précédente. Sur « Planète interdite », Wilcox fait le job, et utilise au maximum les effets spéciaux novateurs mis à disposition par la MGM.

Robby & Morbius

La star du générique est Walter Pidgeon, acteur canadien à la grosse voix grave qui eut son heure de gloire la décennie précédente avec des premiers rôles dans « Qu’elle était verte ma vallée » et « Mrs Miniver », avant de voir son nom écrit de plus en plus petit au générique de séries B. En haut de l’affiche avec lui, deux quasi débutants, Leslie Nielsen (oui, celui qui obtiendra dans les années 80 la célébrité internationale avec son personnage d’inspecteur Debrin dans la série de film « Y a-t-il un flic … ») et Anne Francis, exemple type de ces starlettes des 50’s qui partageront leur emploi du temps entre seconds rôles sexy dans des nanars et shootings pour pages centrales des premiers magazines pour adultes.

Et bizarrement, la star du film se révèlera être un tas de ferraille et de plastoc (avec un type à l’intérieur), Robby le Robot. Certainement « l’acteur » le plus cher du générique, sa conception et sa réalisation ayant coûté la somme non négligeable à l’époque de cent mille dollars. D’ailleurs Robby vivra sa vie après le film, en devenant le personnage principal d’une série B « The invisible boy » et d’un épisode d’un autre nanar télévisé (« The thin man »), un robot sans aucun rapport avec le « personnage » de « Planète interdite ».

Leslie Nielsen

« Planète interdite » est un film d’anticipation se déroulant à la fin du XXIIème siècle (un siècle après que l’homme ait marché sur la Lune, nous apprend-on en voix off au début du film). L’évolution technologique a permis les voyages intersidéraux à x fois la vitesse de la lumière et un équipage est en route vers la lointaine étoile Altaïr, où un vaisseau d’exploration ne donne plus de signe de vie depuis une vingtaine d’années. La mission de secours est menée par le capitaine Adams (Leslie Nielsen). Lorsque leur vaisseau s’approche de la planète, ils reçoivent un message peu amène du scientifique de l’équipe supposée disparue (le professeur Morbius / Walter Pidgeon) leur stipulant qu’il n’a besoin de rien et surtout de personne et l’enjoignant de faire demi-tour. Le vaisseau de sauvetage se pose malgré tout, est accueilli par un Morbius soupe-au-lait et sa fille Altaïra (Anne Francis) beaucoup plus accorte et avenante, assistés par leur robot multifonction Robby.

Très vite, on voit que Morbius maîtrise des technologies bien plus avancées que ses visiteurs, on apprend qu’avec sa fille ils sont les seuls survivants de leur équipage, décimé par une force mystérieuse et maléfique. Et à mesure qu’Adams et sa troupe percent les secrets de la planète Altaïr, ils se trouvent confrontés de plus en plus violemment à un ennemi aussi invisible que dangereux.

Bon, ce genre de thriller spatial, on en a vu des milliards. « Planète interdite » est novateur dans le sens où son scénario jette les bases de plusieurs thématiques qui seront reprises dans les films de science-fiction à suivre. Par exemple, la série télévisée « Star Trek » est totalement décalquée sur Adams, son vaisseau et son équipe (le plus frappant ces décors d’intérieur, avec ces immenses tableaux représentant les futurs ordinateurs où trônent juste une poignée d’énormes boutons). La planète « habitée » par un créature maléfique (« Alien » of course et tant d’autres), les civilisations à l’intelligence supérieure (les Krells disparus d’Altaïr ont eu bien des « descendants » sur grand écran), tout ça est déjà dans « Planète interdite ». Par contre, ce qu’on verra pas trop par la suite ce sont des filles aussi girondes qu’Anne Francis dont les ultra mini-jupes (des années avant Mary Quant et Paco Rabanne) ont marqué les spectateurs de l’époque (oui, elle est plus sexy que Sigourney Weaver en marcel et petite culotte à la fin de « Alien »).

Anne Francis

« Planète interdite » est un film qui joue sur les peurs. Celles visuelles (l’apparition du monstre), mais aussi celles diffuses dans la société de l’époque liées au développement du nucléaire et à son corollaire, celui des bombes atomiques. Le vaisseau d’Adams est propulsé par l’énergie nucléaire, les Krells d’Altaïr ont exploité au maximum cette énergie, l’ont utilisée pour leur bien, avant d’en devenir les victimes et de laisser ses vestiges comme une malédiction pour quiconque foulerait leur planète. On n’ira pas jusqu’à dire que « Planète interdite » ouvre un débat de société, mais il traduit bien les réactions de l’époque face à une technologie qui s’accélère, suscitant espoirs réels et craintes diffuses mais tout autant réelles.

« Planète interdite » rajoute des situations comiques (les scènes avec le cuistot de l’équipage, l’apprentissage de la vie en société et amoureuse d’Altaira, certaines apparitions de Robby, …), de la psychologie à deux balles (l’inconscient générateur de monstruosités ou de monstres tout court). Le tout construisant une espèce de macédoine scénaristique où tout part dans tous le sens, oubliant parfois le bon (sens). Autre élément défavorable, le jeu des acteurs ne rentrera pas dans les grands moments du 7ème Art.

Par contre, ce film rappelons-le de 1956 surprend par son aspect visuel. Les couleurs pétaradantes d’abord (on se contentait du noir et blanc pour la science-fiction, les défauts des trucages se voyaient moins), « Planète interdite » est du grand spectacle (les vaisseaux spatiaux se déplaçant à proximité des planètes, les décors « lunaires » d’Altaïr (pompés, et même carrément pillés par Roger Dean pour les pochettes de disque des sinistres Yes). Mais surtout, deux choses ont marqué les esprits : la visite de la cité souterraine des Krells qui juxtapose toutes les techniques d’effets spéciaux (images renversées, mate painting, décors gigantesques, …), et la création du monstre (c’est l’antique chefs des effets spéciaux du « Fantasia » de Disney qui a été recruté pour créer la bestiole, ainsi que les rayons laser des armes, et l’atterrissage du vaisseau).


D’ailleurs dans les bonus du Blu-ray (des heures, pas toujours captivantes), on a droit à un défilé de réalisateurs stars de films de sci-fi (Spielberg, Lucas, Scott, Cameron, Landis, Carpenter, Dante, …) qui ne tarissent pas d’éloges sur « Planète interdite », nombreux étant ceux qui avouent y avoir pioché des sources d’inspiration pour leurs œuvres majeures à eux. Tous sont à peu près unanimes pour dire qu’il faudra attendre « 2001 » de Kubrick pour trouver un aussi gros choc visuel. Et le plus enthousiaste du lot est Spielberg, alors que d’autres (Ridley Scott et James Cameron pour pas les nommer) frisent parfois la condescendance …





NICOLAS ROEG - NE VOUS RETOURNEZ PAS (1973)

 

Mort à Venise ...

Nicolas Roeg (claqué en 2018) a eu sa décennie de gloire dans les 70’s. Notamment en faisant tourner des stars du rock. Mick Jagger qui faisait du Mick Jagger dans « Performance », et David Bowie qui faisait son Ziggy Stardust dans « L’homme qui venait d’ailleurs ». Ces deux films, qui intrinsèquement valent pas lourd, et doivent leur postérité et leur notoriété à leurs acteurs principaux, ne doivent pas occulter le fait que Roeg sait concevoir un film et tenir une caméra.

Christie, Sutherland & Roeg

« Ne vous retournez pas » (« Don’t look now » en V.O.) en est la démonstration et a mieux traversé les décennies. Par exemple cité comme un film de premier plan par des gens ayant pourtant peu de choses en commun, comme Danny Boyle et Justine Triet.

Pour « Ne vous retournez pas », Roeg a un scénario et deux stars bankables au générique. Le scénario est dû à son complice Alan Scott, extrapolé d’après une courte nouvelle de Daphné du Maurier. Du Maurier, son thème de prédilection, c’est le polar, avec parfois une touche de fantastique. Pas étonnant que Hitchcock s’en soit servi à trois reprises (l’oublié « La taverne de la Jamaïque » et les deux beaucoup plus conséquents « Rebecca » et « Les oiseaux »).

Les deux stars de Roeg sont le Canadien Donald Sutherland (carrière aux States, révélé dans « Les douze salopards », premiers rôles dans « M.A.S.H. », « De l’or pour les braves », « Klute ») et l’Anglaise Julie Christie (entre autres l’inoubliable Lara du « Docteur Jivago »). Le reste du casting, au mieux présent sur quelques scènes (les deux sœurs) est composé de troisièmes couteaux pas vraiment très aiguisés devant la caméra.

L’histoire de « Ne vous retournez pas » est chronologique. Dans les premières scènes au montage alterné intérieur-extérieurs, on voit une petite fille en ciré rouge et son jeune frère jouer au bord d’un étang aux abords d’une maison cossue. Dans laquelle le père (John Baxter / Sutherland) visionne des diapos agrandies de vitraux pendant que la mère (Laura / Christie) lit. Quand le père a la vision d’une tache sanglante se répandant sur la diapo, il est surpris. Quand il pense que cette vision irréelle pourrait être une prémonition, il se rue vers l’étang, plonge et remonte avec dans les bras le cadavre de sa fille qui vient de se noyer. La mère qui passe derrière une fenêtre voit la scène et pousse un grand hurlement.


C’est à ce moment qu’intervient une transition remarquable (même si elle pompée sur une similaire vue dans « Les 39 marches » de qui vous savez et si vous savez pas je vous plains) où le hurlement devient bruit strident d’une perceuse qui fore un mur (avec un léger décalage, on entend d’abord le son avant d’avoir l’image).

A coté du gars qui tient la perceuse, Sutherland observe le mur dans un piètre état, le plan s’élargit, on est dans une église en cours de restauration. Très vite, on comprend que John est architecte, et supervise un projet de rénovation de bâtiments dans Venise, qui se passe en hiver, pour ne pas obérer l’activité touristique. Avec Laura, ils logent dans un hôtel à peu près vide, tandis que leur fils a été placé dans un pensionnat anglais. Les événements ont lieu (même si aucun repère temporel n’est précisé) peu après la noyade de leur fille dont on sent Laura beaucoup plus affectée que son mari. La rencontre d’un couple de vieilles anglaises comme eux, dont l’une est aveugle et médium sera un tournant dans leur séjour. Une Laura qui participe avec elles à une séance de spiritisme, au cours de laquelle la voyante leur recommande de quitter immédiatement Venise, en sort tout ébranlée, et doit faire face aux remarques narquoises de John, cartésien et rationnel, qui ne croit pas à ces balivernes.

Laisse les gondoles à Venise ...

Parce que lui est tout de même intrigué par une petite silhouette en ciré rouge qui semble se cacher et le fuir, et qu’il aperçoit fugacement une paire de fois aux abords des canaux. Même si le couple Baxter reste très uni, témoin une longue scène de plumard jugée très scandaleuse lors de la sortie du film (certains ont prétendu qu’elle n’était pas simulée, le prétendu réalisme n’est du qu’à un montage malin alternant plans de quelques secondes du couple en action et les mêmes se rhabillant pour aller à un dîner), une certaine parano commence à les envahir, elle très sensible aux visions de l’aveugle ( ! ), et lui victime d’un accident de chantier qui aurait pu lui être fatal. Ça flippe encore plus quand le pensionnat les appelle pour leur dire que leur fils a eu un accident bénin. John entend rester pour terminer son boulot, mais il accompagne Laura dans le vaporetto qui la conduira à l’aéroport pour qu’elle retourne au chevet du gamin en Angleterre. Sauf que le lendemain, il la revoit en tenue de deuil en compagnie des deux frangines sur une gondole-corbillard.

Direction le poste de police où dans un décor très Brazil-Gillian, il raconte tout à un flic qui ne l’écoute que d’une oreille distraite. Il faut dire que dans cette Venise hors-saison rôde un serial killer qui donne du couteau dans les ruelles sombres et étroites qui bordent les canaux, alors l’Anglais avec sa femme et les mystérieuses frangines, c’est pas une priorité. C’est quand le proprio du pensionnat lui téléphone et lui passe Laura qui lui annonce son retour à Venise que tout se complique et pour John et pour le spectateur. Et le dernier quart d’heure du film va donner lieu à un twist scénaristique remarquable.

Parce que Roeg (dont tous ceux qui le connaissent affirment qu’il avait quasiment image par image le film dans sa tête avant d’avoir commencé à tourner) installe une atmosphère à laquelle on ne peut guère échapper. Le cadre, c’est-à-dire Venise en hiver est glauque à souhait. Dans ces ruelles sombres, étroites et souvent désertes, dans ces bâtiments décrépis éclairés par une lumière d’hiver pisseuse, tout l’envers des cartes postales d’une place Saint-Marc grouillante de vacanciers en goguette au milieu des pigeons, il ressort des impressions mortifères et angoissantes. Les couleurs sont mates, sombres, l’éclairage est voulu approximatif, et l’image très granuleuse, à l’exception évidemment du rouge très vif de ce ciré que portait la fille Baxter quand elle s’est noyée et dont est aussi vêtue cette petite silhouette fugace aperçue plusieurs fois à Venise.

Et la parano et le malaise induits par les images et les scènes vont crescendo à mesure que les incidents, les accidents et surtout les visions et les prémonitions de la médium rajoutent des éléments surnaturels à l’histoire.

Le petit chaperon rouge ?

C’est ce mélange de genres qui fait la qualité de « Ne vous retournez pas ». Est-on devant un drame psychologique, une histoire surnaturelle, un thriller ? Et certains parlent du film comme un des très rares giallos non italiens, même si réduire « Ne vous retournez pas » à ce genre typiquement transalpin de la fin des années 60 – début des années 70 est plutôt réducteur, même si on retrouve chez Roeg meurtres sanglants, phénomènes étranges, érotisme, autant de thèmes chers aux Bava, Fulci, Argento et consorts …

En fait, en 1973 lors de sa sortie, « Ne vous retournez pas » est un objet cinématographique plutôt unique, à la marge de tous les genres évoqués. Qui n’a pas affolé le box-office, les distributeurs américains (Paramount il me semble) ayant exigé que Roeg en supprime une demi-heure, qui à ma connaissance est restée totalement inédite (pas de director’s cut sur les derniers supports physiques malgré une restauration en 4 K). A la longue, c’est devenu un film culte, des cinéastes plutôt « décalés » le citant comme une référence.

Et il y en a même un (Shyamalan) qui comment dire, me semble s’en être fort inspiré et qui a cartonné au box-office, avec Bruce Willis dans le rôle principal …


Du même sur ce blog :

L'Homme Qui Venait D'Ailleurs


INGMAR BERGMAN- FANNY ET ALEXANDRE (1982)

 

Clap de fin ...

« Fanny et Alexandre », promis juré, c’était le dernier film de Bergman. Comme n’importe quelle tournée des Stones ou d’Eddy Mitchell depuis trente ans est censée être la dernière … Mais le Maître suédois a lui à peu près tenu parole. Un court-métrage, le montage du making-of de « Fanny et Alexandre », un téléfilm (« Saraband ») qui finira par sortir au cinéma, suivront « Fanny et Alexandre ».

« Fanny et Alexandre » au départ, c’est aussi un téléfilm. D’à peine un peu plus de cinq heures. La version exploitée en salles fait deux heures de moins. Soit trois plombes. Ce qui est beaucoup. Et surtout pour Bergman. « Fanny et Alexandre » conte l’histoire d’une famille pendant quelques mois. Rappelons que « Les fraises sauvages » contait la vie entière d’un octogénaire en une heure et demie.

Bergman & Nykvist

« Fanny et Alexandre », c’est le péplum revisité par Bergman. C’est aussi le film, puisque annoncé comme son dernier, qui devait servir de résumé à sa carrière et exploiter des thèmes qu’il n’avait pas encore développés. Péplum parce qu’il y a des chiffres vertigineux (pour un film suédois s’entend). Plus gros budget jamais réuni pour une production locale, une soixantaine de rôles avec au moins une réplique, plus de mille figurants utilisés, sept mois de tournage (jusqu’alors, Bergman tournait ses films en 6-7 semaines).

On peut lire partout que « Fanny et Alexandre » est un film autobiographique. Même Bergman l’a dit. En apportant quelques nuances. Oui, Alexandre, c’est Bergman pré-ado (une douzaine d’années). Oui, certaines scènes ont été vécues par Bergman. Sauf qu’en grand-maître des émois intérieurs, c’est son état d’esprit qui est recréé par le jeune acteur à un moment donné, les événements y conduisant n’étant pas forcément autobiographiques.

Deux exemples. Au début du film, on fête le Noël 1907. Bergman est né en 1918, il y a donc un différentiel de plus de vingt ans entre les deux époques où Bergman et Alexandre avaient une douzaine d’années. Le père de Bergman était un pasteur très sévère, pour ne pas dire tortionnaire vis-à-vis de ses trois enfants. Ici, le pasteur n’est que le beau-père d’Alexandre et on a beau tourner son personnage, certes belle tête à claques, dans tous les sens, on n’arrive pas vraiment à savoir ce qu’il ressent pour son beau-fils.

Alexandre et Fanny

Beaucoup considèrent que « Fanny et Alexandre » c’est l’apothéose de Bergman. Pas moi. « Fanny et Alexandre » est décousu, Bergman part dans tous les sens, oublie parfois son histoire principale, se perd dans des histoires et des personnage secondaires, et le recours au surnaturel offre bien trop souvent des portes de sortie faciles quand le Maître s’égare dans ses digressions.

Le seul qui perd pas ses repères, c’est Sven Nykvist, son directeur photo attitré (quatorze films ensemble). C’est lui qui tient la caméra et visuellement, oui, « Fanny et Alexandre » est certainement le meilleur Bergman, il y a des plans, des scènes entières époustouflants de beauté, de fluidité. Pendant que Bergman se tient au plus près de ses acteurs, toujours à la limite du cadre, Nykvist accumule les prouesses, au milieu de décors et de costumes somptueux (logiquement, la direction artistique et les costumes auront une statuette).

L’histoire autour de laquelle s’articulent toutes les autres, c’est celle de la famille Ekdahl. Il y a la grand-mère, ancienne gloire locale (le film se situe à Uppsala) de théâtre, ses trois fils, un prof marié à une Allemande qu’il déteste, un coureur de jupons frénétique (il pioche ses conquêtes parmi les employées de maison, avec la bénédiction de sa femme), et celui qui a repris le théâtre familial (Oscar, piètre acteur), aidé par sa femme (Emelie, bonne actrice). On les voit tous réunis (ils habitent à des étages différents dans la même très grande bâtisse cossue familiale) pour fêter Noel 1907. Des signes d’essoufflement d’Oscar préfigurent la crise cardiaque qui va bientôt l’emporter, laissant Emelie passer sous la coupe d’un évêque spartiate, et ses deux enfants, Fanny (la plus jeune) et Alexandre en proie à leurs solitudes et leurs imaginations. Quand leur mère épousera l’évêque (luthérien, il a le droit de convoler), les deux enfants suivront les mariés dans ses appartements austères de l’évêché, au milieu d’une belle-famille rigide et de leurs domestiques guère plus accommodants. Alexandre entrera le premier en résistance (et en conflit) avec son beau-père. Et Fanny ? Même si elle partage le titre du film, elle n’a que deux ou trois répliques (ça se comprend, elle n’a que sept ou huit ans), se contentant de suivre son frère dans ses « aventures ».

Le film est divisé en deux parties, le téléfilm en cinq, aux intitulés explicites (Un Noel chez les Ekdahl, Le Spectre, La rupture, Les événements de l’été, Les démons). Parce que l’histoire, classique pendant à peu près une heure, bascule par la suite vers « autre chose ». Le père mort revient « guider » son fils, « discuter » avec la grand-mère, de lourds secrets semblent entourer l’évêque, les enfants lui sont soustraits (scène absurde, digne des gags de Scapin chez Molière), par Jacob, un théologien Juif ami-amant de la grand-mère, qui vit dans un musée de marionnettes pas si inanimées que ça, avec ses deux neveux (l’un magicien, l’autre doté de dangereux pouvoirs paranormaux et tenu – en principe, mais Alexandre ira le voir - sous clef). Tout ça se terminant (enfin, il reste une demi-heure de film) par des auto-combustions (?) de l’évêque et de sa sœur impotente. Le tout entrecoupé des « aventures » du reste de la famille.

L'évêque ( Jan Malmsjö) et Emelie (Ewa Frolling)

Le rôle principal (Emelie) est tenu par une actrice (blonde, évidemment) venue du théâtre (Ewa Frolling), comme d’ailleurs une grande partie de la distribution. A laquelle se rajoutent quelques « historiques » de Bergman (Jarl Kulle, Erland Josephson pour des rôles majeurs, et Harriet Andersson pour un petit second rôle). Pour moi, celle qui s’en sort le mieux est l’actrice de théâtre Gunn Wallgren (la grand-mère), et ce bien que très diminuée par un cancer qui l’emportera l’année suivante.

« Fanny et Alexandre », perso, il me laisse une impression mitigée. Côté positif, c’est visuellement magnifique, toutes les thématiques chères à Bergman sont là (les relations familiales, la mort, la religion). Coté négatif, un manque évident de scénario avec notamment un point crucial « oublié » : comment cette veuve, femme forte et déterminée tombe sous le charme de cet évêque psychorigide et sous la coupe de sa famille bien tarée (avant elle aussi de se rebeller). A voir le film, on pourrait supposer que des éléments majeurs se trouvent dans la version pour la télévision. Ben que nenni …

Erland Josephson & Gunn Walgren

« Fanny et Alexandre » a été des années introuvable en France sur un support avec langue française. C’est la Gaumont, distributrice du film lors de sa sortie, qui a fait le boulot, réunissant dans un même package (5 DVDs quand même), le film, la version télé, le making-of supervisé par Bergman et autres bonus. Les deux heures supplémentaires n’apportent rien de compréhensible à la version de trois heures, certaines très longues scènes – dispensables pour la très grande majorité – sont là pour mettre en valeur quelques amis de Bergman (nombreuses scènes au théâtre, très long face-à-face à la limite de l’absurde entre les deux beaux-frères d’Emelie et l’évêque, …).

« Fanny et Alexandre » a été le plus gros succès commercial de Bergman, même si succès commercial et Bergman n’ont jamais bien rimé. Pour moi, c’est loin d’être son meilleur. Au mieux son testament artistique. Et les testaments, c’est bon pour les notaires, moins pour les (télé)spectateurs …



Du même sur ce blog :

HAYAO MIYAZAKI - PRINCESSE MONONOKE (1997)

 

Mother's Nature Son ...

« Princesse Mononoke » c’est le film au retentissement mondial qui révèlera et Miyazaki et les productions de sa (co-)création, les studios Ghibli. Et plein de cinéphiles ou au moins d’amateurs de films d’animation s’aperçurent qu’il existait autre chose dans ce domaine que les studios Disney et ses productions. Tiens, suffit de comparer « Princesse Mononoke » avec le winner toutes catégories (et surtout financière) du genre, « Le Roi Lion » sorti trois ans plus tôt. « Le Roi Lion » c’est pour les enfants ou pour ceux qui font l’effort de rétropédaler dans le temps et retrouver des émotions de gosse, les personnages sont peu nombreux et les « saines » valeurs sont développées, le malheur, la souffrance, la résilience, avant le triomphe final. « Princesse Mononoke » a de quoi faire flipper les chères têtes blondes.

Hayao Miyazaki

L’intrigue est complexe et protéiforme, les personnages secondaires nombreux et surtout, c’est un film violent (voir l’affiche du film, plutôt soft par rapport à de nombreuses scènes). Le sang gicle de partout, l’amour et le « camp du bien » ne triomphent pas forcément. Et comme dans la plupart des films de Miyazaki, les héros se trouvent confrontés à des forces maléfiques et des mondes parallèles.

Point de départ, en des temps immémoriaux, le jeune prince Ashitaka, affronte la charge d’un monstre géant qui menace son village. Il tue le bestiau mais est blessé. Une vieille chamane du village lui révèle que sa blessure se révèlera mortelle (car le monstre est un sanglier « contaminé » et mutant), sauf à gagner les bonnes grâces d’une entité, l’Esprit de la forêt, qui seule a théoriquement le pouvoir de guérir la blessure. Voici donc notre héros chevauchant sa monture (un élan rouge) en route pour des contrées lointaines. Où il rencontrera un moine trop malin pour être honnête, une reine de la sidérurgie locale, des samouraïs belliqueux, forcément belliqueux, une jeune princesse (Mononoke) qui vit en compagnie de loups géants, une immense harde de sangliers géants, une foule de petites entités mignonnes et gentilles (les Sylvains, un peu le pendant des Ewoks de la saga Star Wars), et finalement l’Esprit de la forêt (un Dieu-Cerf qui marche sur l’eau le jour, et qui la nuit se transforme en créature immense semi gazeuse).

Mononoke & Ashikata

Le monde (ou plutôt les mondes) décrits par Miyazaki font référence à d’obscures légendes nippones, le Bien et le Mal s’affrontent perpétuellement et les personnages sont complexes, ambivalents (les amitiés et alliances sont de circonstance et ne durent pas toujours). Et puis des intrigues vont bien au-delà de l’histoire elle-même. On finit par comprendre que l’équilibre séculaire entre les humains et les forces naturelles (symbolisées par les bestioles géantes) a été rompu et que les animaux doivent tuer les hommes « mauvais » pour rétablir cet équilibre. Le principal point d’achoppement est représenté par Dame Eboshi qui règne sur une sorte de phalanstère de parias (lépreux, anciennes prostituées), fournit des métaux transformés (acier et ferrailles diverses) à l’Empereur, et pour entretenir ses hauts fourneaux, déforeste à tout-va, ce qui entraîne la révolte des entités animales. Ce qui fait de « Princesse Mononoke » un film écolo militant avant que l’écologie militante devienne à la mode. L’activité de Dame Eboshi étant cruciale, elle doit la défendre en mettant au point des armes innovantes (des arquebuses hyper puissantes) et faire face à la convoitise de ses clients (l’Empereur qui envoie ses samouraïs conquérir le village-usine).

Mononoke représente elle les humains qui ont choisi de prendre fait et cause pour les animaux et l’équilibre ancestral qu’ils défendent. Pas vraiment dans l’esprit babacool, elle mène des raids violents à la tête de ses loups géants contre tous les agresseurs de la nature. Ces trois personnages principaux (Ashitaka, Eboshi, Mononoke) vont passer le film à s’observer, se jauger, s’allier, se combattre, tout en n’étant jamais ensemble dans le même « camp ». Et quand la cupidité des hommes (l’Empereur qui veut la tête du Dieu-Cerf censée lui conférer pouvoir suprême et immortalité) ira crescendo, la riposte de la Nature sera proportionnelle (l’espèce de lave qui s’écoule de la divinité décapitée va tout emporter sur son passage) … on meurt beaucoup dans « Princesse Mononoke » et pas seulement les méchants …

Dame Eboshi

Par rapport aux précédents succès des studios Ghibli, notamment la triplette inaugurale de ses productions, « Le château dans le ciel », « Mon voisin Totoro » (dont le gentil monstre sert de logo aux studios), « Le tombeau des lucioles », « Princesse Mononoke » est beaucoup plus sombre, plus « engagé », plus « militant ». La fin est positive a minima, on ne peut pas parler de happy end. Et de tous ceux que je connais de l’immense Miyazaki, « Princesse Mononoke » est de loin le plus sanglant, le plus violent.

Esthétiquement, on est dans la ligne du parti des studios Ghibli. Tons pastel à la limite de la transparence, décors de fond invariables quand l’action se passe au premier plan. Ce qui n’empêche pas les prouesses graphiques des armées d’animateurs. Les bases scénaristiques sont aussi intangibles, de jeunes héros évoluent dans des mondes parfois parallèles peuplés de créatures aux pouvoirs surnaturels face auxquelles ils doivent se surpasser, sortir de leurs zones de confort …

« Princesse Mononoke » n’est pas la porte d’entrée la plus facile de l’œuvre (qui accumule quand même une flopée de grands films) de Miyazaki. Mais c’est certainement son film le plus adulte, le plus dense (plus de deux heures sans temps mort), en un mot le plus magistral. Cauchemars garantis pour petites têtes blondes non averties …


LARS VON TRIER - ANTICHRIST (2009)

 

Chemin de croix ...

« Antichrist » de Lars von Trier est un film qui suscite des réactions très variées, tant par son contenu que par sa forme. Ce long-métrage, sorti en 2009, est souvent décrit comme une œuvre provocante et dérangeante, mêlant horreur psychologique et drame existentiel.

D'un côté, certains critiques saluent la manière dont von Trier aborde des thèmes profonds tels que la douleur, la perte et la nature du mal. Les performances de Charlotte Gainsbourg et Willem Dafoe sont souvent mises en avant, leur intensité émotionnelle apportant une profondeur au récit. La cinématographie, avec ses images saisissantes et symboliques, contribue également à créer une atmosphère oppressante et troublante.

Cependant, le film a également été critiqué pour sa violence graphique et son approche parfois jugée misogyne. Les scènes explicites peuvent choquer et déranger, ce qui peut amener certains spectateurs à se sentir mal à l'aise ou à rejeter le film. De plus, la narration non linéaire et les éléments symboliques peuvent laisser certains spectateurs perplexes, rendant l'expérience cinématographique difficile d'accès.

En somme, "Antichrist" est un film qui ne laisse pas indifférent. Il peut être perçu comme une œuvre d'art audacieuse et réfléchie ou comme une provocation gratuite, selon la sensibilité de chacun. C'est un film qui invite à la réflexion et à l'interrogation, mais qui nécessite une certaine ouverture d'esprit pour en apprécier pleinement les nuances. »

Von Trier & Dafoe

Ah que voilà une analyse centriste, on sort tous les parachutes. Bon cette critique est signée Chatgpt, j’avais jamais testé l’A.I., et j’ai vite compris que n’importe qui avec trois neurones connectés sortira quelque chose de moins neuneu … Alors cher Chat etc …, voici ma contribution.

Allons droit au but comme on dit à La Jonquera. « Antichrist » est une purge, une vraie. Prétentieuse, grotesque, malsaine, et je pourrais continuer la liste. Ce qu’on voit et entend à l’écran, et pire, ce que ça sous-entend apportera une citerne d’eau au moulin de ceux qui aiment pas Lars Von Trier … moi, perso, je m’en fous de Von Trier, de ses dépressions à répétition, de ses problèmes de bibine, de ses déclarations douteuses. J’aimerais pas boire une bière avec lui, c’est un type qui m’intéresse pas.

Ses films, par contre j’en ai vu quelques-uns. De ses premiers « dogmatiques » jusqu’à ces démonstrations techniques dont « Melancholia » me semble être l’apogée.

La fille de Serge
« Antichrist » se présente sous des atours chiadés. Du gros travail sur le son, encore plus sur les images. Du noir et blanc très contrasté et hyper ralenti du « prologue », à son pendant, le ralenti en moins dans les dernières images, en passant par du traitement numérique high tech (les optiques lensbaby, genre de fish-eye à l’envers, l’insertion d’images subliminales, les bords de cadre mouvants, les rajouts ou effacements numériques, …), ça a du sens, ça voudrait prouver que le taf est pas bâclé …

J’ai poussé la conscience professionnelle (ou conscience bénévole plutôt) jusqu’à m’offrir (pour pas cher du tout d’occase) une version Dvd avec pléthore de bonus et d’extras, il faut deux disques pour tout caser. Premier truc intrigant, alors que Arte a mis des sous dans la production du film, c’est M6, pas vraiment réputée pour ses choix cinématographiques pointus, qui édite les deux rondelles. Chacun en tirera les conclusions qui s’imposent (ou pas). On a droit au commentaire audio du film par Von Trier, interviewé par un critique (et surtout fan) anglais. Le Lars a pas grand-chose à dire (peur du dérapage ?) et tape en touche genre « j’avais pas pensé à ça, là c’est juste pour plaisanter, c’est pas moi qui tenais la caméra, ça c’est juste un hommage, … ». Dans le genre langue de bois de SAV, Charlotte Gainsbourg fait dans la marqueterie d’art pendant une interview promo de trois-quarts d’heure quelques temps après avoir reçu le prix d’interprétation féminine à Cannes (pour son talent ? pour son courage ? son inconscience ? sa démarche suicidaire ?) pour son rôle dans le film, où non, franchement, elle ne pense pas du tout que le film soit choquant ou véhicule une image hyper misogyne de la femme … Bon soit. Passons et attachons-nous à ce qu’on voit à l’écran.


Première séquence (en hyper ralenti donc, genre clip « torride » de George Michael). On y voit un couple (Willem Dafoe et Charlotte G.) faire l’amour nu sous la douche. Avec pendant quelques secondes un gros plan du machin qui rentre dans le truc (effectué par des hardeurs). Arrêt sur image. C’est quoi l’utilité de ce gros plan X ? Peur que les gens comprennent pas ce qui se passait, ou première provoc totalement gratuite ? Et pendant que le couple se livre à une partie de va-et-vient comme ils disent dans « Orange mécanique » leur bambin de deux-trois ans ouvre les barrières de son lit, monte sur le rebord de la fenêtre, bascule dans le vide et va s’aplatir sur le bitume enneigé quelques étages plus bas.

Séquence suivante, image couleur classique à l’enterrement du bambin (bonne idée, procession filmée depuis l’intérieur du corbillard) et là, Charlotte (comme dans « Hiroshima mon amour », le couple n’a ni nom ni prénom) s’effondre. Des jours plus tard, elle reprend ses esprits à l’hôpital, on comprend qu’elle a complètement dévissé émotionnellement et psychologiquement. Ça tombe bien, Dafoe est thérapeute et va l’aider à remonter la pente. Pas l’idéal, c’est lui-même qui le dit, un thérapeute ne doit pas soigner un proche ni baiser avec son patient, et donc il va commettre deux fautes professionnelles.

Et avoir une très mauvaise idée. Le couple va partir se retirer au milieu des bois dans une cabane coupée du monde. Et là tout va déraper. Et pas qu’un peu ... Arrêt sur image. Ce qui va survenir dans cette cahute en rondins c’est encore plus con que ce qui arrive aux promeneurs dans « Evil dead », film qui au moins revendiquait la grosse blague gore. « Antichrist » vise plus haut que « Evil dead », c’est pas dans la cave qu’il faut pas aller, ici c’est dans le grenier, et « Antichrist » n’est évidemment pas un hommage au film qui a rendu célèbre Sam Raimi. « Antichrist » est dédié, accrochez-vous, c’est inscrit après la dernière image, à Tarkovski. Pourquoi ? Accrochez-vous bis, c’est le Lars qui le dit, parce que Tarkovski est son cinéaste préféré (soit), parce qu’il y a beaucoup de scènes en forêt (ouais, comme dans « Stalker », mais c’est pareil dans tous les Tarzan ou « Délivrance ») et parce qu’à moment donné … il pleut (parce qu’il pleut souvent dans les films de Tarkovski, mais dans « Seven » ou « Limbo » aussi, et encore plus, et c’est pas des films de Tarkovski).


Par contre ce que vous verrez pas dans la filmo de Tarkovski et que vous verrez en gros plan dans « Antichrist », c’est une espèce de torture porn à base de coups de bûche sur le gourdin, de perçage de mollet à la chignole rouillée, de fixation d’une meule au dit mollet, de plantage de ciseaux dans le dos, pour finir par une excision en très gros plan, avant strangulation définitive. Le tout entrecoupé de copulations frénétiques et d’images d’animaux sauvages en voie de putréfaction, de bras et de jambes sortant des racines d’un arbre, un renard qui parle … et pourquoi donc tout ça me direz-vous, pour démontrer quoi ?

Oh, un truc bien basique, bien vieux et bien rance. Que la femme est par nature hystérique, et peut être facilement possédée (non, pas dans ce sens, bande de pervers, dans l’autre, par le démon). Et pour que ce soit bien évident, Von Trier nous dissèque tout ça dans sa cabane dans les bois (hommage littéral de ma part à un autre nanar horrifique). Construisant pas à pas, plan par plan, sa théorie misogyne qui voit la Charlotte passer de la prostration à l’abattement, aux visions, à la perte de contrôle, à l’échafaudage secret de plans diaboliques, aux pétages de plombs hystériques du final, le tout servi par des indices grotesques (le « souffle » de Satan par la fenêtre ouverte, les manuels de sorcellerie planqués, les passages à l’acte, jusqu’à sa fin « flamboyante »). Sans oublier les théories fumeuses des « trois mendiants » (la corneille, la biche et le renard, manquait plus que la belette pour se croire dans une chanson de Manau), les pluies de glands (non, non, ceux qui tombent du chêne), et jusqu’à la dernière scène de nouveau en noir et blanc où une foule de femmes sans visage monte sur une colline dans la forêt.

« Antichrist » est un film prétentieux. Visuellement réussi. Mais c’est surtout un film très con … A fuir … J’espère au moins que ça a aidé Von Trier à sortir de sa dépression à lui …


Du même sur ce blog :

Breaking The Waves
Les Idiots


PAUL VERHOEVEN - LE QUATRIEME HOMME (1983)

 

Veuve noire et instinct basique ...

« Le quatrième homme » est le dernier film exclusivement néerlandais de Paul Verhoeven. Le suivant (« La chair et le sang ») sera un financement européen, lui vaudra un petit succès controversé (tout est dit dans le titre) et lui ouvrira les portes d’Hollywood avec des succès souvent accompagnés d’un arrière-goût de soufre au box office.

Paul Verhoeven, Jeroen Krabbé & Renée Soutendijk

Bon, soufre et Verhoeven, c’est un classique de la rime cinématographique. Quasiment tous ses films prêtent à controverse(s). Sauf un, « Le choix du destin » en français (« Soldaat van Oranje » chez les Bataves). Souvent considéré comme le plus grand film néerlandais de tous les temps, on a au contraire plutôt reproché à cette fresque sur la Seconde Guerre Mondiale vue et vécue par un groupe de jeunes potes néerlandais, d’être trop lisse, trop convenue, trop consensuelle (ce qui ne sera pas le cas presque trente ans plus tard de son quasi jumeau – du moins par la thématique – « Black book »). Parce que Verhoeven, à ses débuts, c’était des films provos, plus ou moins drôles, en tout cas loin du consensuel. Et donc le Paulo, pour ce qui allait constituer ses adieux cinématographiques au pays qui l’avait vu naître, va pas y aller avec le dos de la cuillère … If you want blood et full frontal nudity (des mecs, des nanas, des mecs et des nanas, des mecs ensemble, …) vous allez être servis.

Si vous voulez des rapports impies avec la religion, aussi. Tiens, vous vous souvenez du clip de Madonna « Like a prayer » (gros succès et gros scandale en 89) ? On y voyait la Louise lécher les pieds d’un Christ (noir par-dessus le marché) avant de se livrer à une danse peu catholique tout nombril en avant. Si vous voulez mon avis, elle a dû voir « Le quatrième homme », où l’on voit l’acteur principal, embrasser dans une église les jambes en bois sombre du Christ crucifié, jambes qui deviennent celles d’un éphèbe en slip, slip qui va vite finir sur ses chevilles, et comme le héros est un homo, je vous raconte pas la suite (non, vous risquez d’être surpris, c’est pas ce que vous croyez …).

« Le quatrième homme » commence par un écran noir de presque une minute, sur fond de musique synthétique glaciale. Les premières images nous montrent une araignée (une veuve noire) prendre et tuer trois moucherons dans sa toile avec en surimposition le générique qui défile en lettres rouge sang. Quand le générique est terminé, la caméra va un peu plus bas sur la droite, où trône sur un meuble une petite statue de la Vierge, et poursuivant son chemin, vers un lit où se réveille un type. Qui se réveille super gueule de bois, mains tremblantes et bite pendante, descend au rez-de-chaussée où un blondinet joue du violon. Le gars étrangle le violoniste. Seconde scène, le gars est en bas de l’escalier, on comprend qu’il est en couple avec le violoniste, et il lui annonce qu’il est à la bourre pour partir donner une conférence. La première scène de l’étranglement était donc un cauchemar. Et des rêves, des cauchemars ou des visions prémonitoires, tout le film en est farci, et tout est fait pour que le spectateur ne sache pas s’il s’agit de rêves ou de réalités, c’est généralement la scène suivante qui nous l’indique. Le procédé n’est évidemment pas nouveau, c’est sa multiplication qui en fait l’originalité.

Le mec à la gueule de bois (sacré picoleur, ça lui jouera des tours) est un écrivain, Gérard Rêve (inspiré d’un vrai écrivain néerlandais controversé, forcément controversé tout comme Verhoeven qui s’appelle Gerard Reve ouais, Verhoeven a fait – volontairement - un jeu de mots sur le nom et un des axes majeurs du film que seuls les Français peuvent comprendre). Le Gérard prend un journal au kiosque de la gare, et en bon homo à la recherche d’un p’tit coup, tourne autour d’un éphèbe en train de mater un mag porno (féminin), monte dans son train, où une blonde avec un nourrisson lui inspire d’autres visions sanglantes. Pour vous dire que Verhoeven a fait profond dans la réflexion, cette blonde qui retrouvera son Jules à la descente du train, c’est la Vierge Marie (elle servira plusieurs fois de guide et/ou d’ange gardien à Gérard), son mari c’est Dieu et son bambin, of course Jésus (c’est Verhoeven qui le dit, l’ange gardien j’avais compris, la Trinité, ça m’avait échappé). Faut dire que Verhoeven multiplie plein d’allusions, souvent de l’ordre du subliminal ou de l’ésotérique (que ceux qui pigent toutes les symboliques du film au premier coup se fassent connaître, y’a rien à gagner), comme une réponse à ceux qui l’avaient accusé de faire du cinéma « léger ».

Les choses deviennent plus simples lorsque le Gerard se fait vamper à sa conférence par Christine (là encore, étymologie du prénom, alors que c’est elle le personnage diabolique – ou pas – du film) une sublime blonde androgyne en rouge (forcément en rouge, c’est la couleur dominante du film) silhouette et coiffure à la Sylvie Vartan des années 80, 90, ou plus tard, je sais pas, j’ai jamais été fan des voix bulgares, surtout chantées faux … Elle l’amène chez lui, il réussit à la sauter (difficilement, mais il est un peu bi à ses heures perdues). Elle est veuve, riche, propriétaire d’un institut de beauté (le Sphinx, doté d’une enseigne en néons, mais y’en a qui marchent pas, on lit Spin, faut avoir fait néerlandais en première langue pour savoir que spin, ça veut dire araignée). Et elle fume des Dunhill International. Et là vous vous demandez pourquoi je cause des Dunhill Inter ? Ben facile, c’est les clopes que moi je fume … A partir de cette nuit passée ensemble, whisky aidant, les rêves ou pas, cauchemardesques ou prémonitoires vont se multiplier pour le Gérard. Avec un enchaînement croquignolet de trois vaches encore saignantes pendues dans un mausolée au-dessus de jarres contenant leur sang, avec une quatrième jarre en attente. La scène suivante, Gerard se réveille, commence à caresser Christine, qui saisit une grosse paire de ciseaux et … ben oui, vous avez deviné …

Evidemment, toutes ces visions prendront sens quand Gerard découvrira que Christine a été mariée trois fois et s’est retrouvée veuve trois fois. Des bobines de Super 8 trouvées dans un secrétaire laissent à penser qu’elle est peut-être bien pour quelque chose dans la mort de ses trois époux. Dès lors, Gérard serait-il le quatrième ?

A ce stade, y’a un titre de film qui clignote, celui de « Basic instinct », de, tiens comme c’est bizarre, Paul Verhoeven. Ben oui, d’ailleurs il s’en cache pas, le personnage de Cathy Tramell est un décalque de celui de Christine dans « Le Quatrième Homme », Verhoeven a toujours eu tendance à se plagier …

« Le Quatrième Homme » plutôt concis (une centaine de minutes), n’en reste pas moins un pavé. Et comme tous les pavés, quand tu le prends dans la gueule, tu trouves que c’est lourd. Il embrasse plein de genres (le polar, le thriller, le psychologique, l’érotique) multiplie des symboliques parfois absconses et donc pas faciles à suivre. Les deux acteurs principaux (Jeroen Krabbé et Renée Soutendijk) font partie des habitués de la période européenne de Verhoeven. Ils tenteront eux aussi une carrière américaine, avec nettement moins de succès (pour être gentil) que leur metteur en scène.

« Le Quatrième Homme » au vu de ce que je connais de la filmo de Verhoeven, est certainement son plus glauque. Mais pas son meilleur, tant le hollandais violent semble se bonifier dans ses vieux jours. « Black book », « Elle » et « Benedetta » sont pas mal du tout, mais désolé Paulo, j’ai jamais été fan de tes succès intergalactiques genre « Robocop », « Total recall » ou « Basic instinct » …


DARREN ARONOFSKY - THE FOUNTAIN (2006)

 

The tree of life ?

« The tree of life », chacun le sait (?), est le premier film à peu près totalement foiré de Terrence Malick, quand il s’est mis à tourner à un rythme pour lui effréné, et qu’il a voulu barbouiller son pensum d’un mysticisme et d’un ésotérisme de pacotille.

Weisz & Aronofsky

Du mysticisme et de l’ésotérisme à deux balles, y’en a aussi dans le troisième film d’Aronofsky. Et aussi un arbre de vie. « The fountain » est plutôt déroutant d’entrée, et le devient de plus en plus. D’abord, il commence par une incrustation à l’écran d’une citation de la Genèse, qui peut laisser augurer du pire à tout infidèle qui se respecte. Ensuite, on voit un conquistador et une paire de ses soldats qui ont trouvé ce qu’ils cherchaient : un temple maya à la silhouette menaçante gardé par une forêt de crânes empalés sur des piques … comme dans n’importe quel Indiana Jones. Et comme t’as déjà vu les Indiana Jones, tu te dis, putain n’y allez pas, c’est plein de pièges … Et dans « The fountain » comme chez Spielberg, y’a évidemment des pièges et des sauvages plus que menaçants. Les deux fantassins font pas long feu, le héros (ou le type supposé tel) affronte bravement la meute, se fait mettre à terre, et là, les Mayas le portent pas vraiment en triomphe, mais ça y ressemble, au pied des marches du temple, qu’ils l’obligent à gravir. Sauf qu’en haut, y’a une sorte de chef emplumé avec une épée enflammée qui l’attend, qui lui enfonce un poignard dans le bide pendant leur baston et s’apprête à l’achever … Fin de la première séquence …

Deuxième séquence : dans une bulle transparente qui semble dériver au fin fond des galaxies, une sorte de moine bouddhiste est en lévitation à côté d’un arbre vénérable et gigantesque, mais pas très en forme, il semble sec, qui remplit quasiment toute la sphère. Le type arrête sa lévitation, va près de l’arbre (on voit qu’il est vivant, l’arbre, il a les poils qui se dressent, non, je déconne pas …) et bouffe un morceau d’écorce …

Conquistador Jackman

Troisième séquence. Dans un laboratoire, un groupe de chercheurs fait des expériences sur des chimpanzés atteints de tumeurs au cerveau. Un nouveau protocole est tenté, on va rajouter aux substances chimiques habituelles un extrait d’écorce d’un arbre provenant des forêts du Guatemala …

Soit trois séquences qui se déroulent à cinq siècles d’écart (le conquistador en 1500, le chercheur en 2000 et le bonze dans l’espace en 2500). Point commun, les trois sont joués par le même acteur, Hugh Jackman. Dont on a dit beaucoup de mal parce qu’il avait fait fortune dans les films Marvel. Ouais, d’accord, mais qui à part Daniel Day-Lewis et quelques rares autres n’est pas allé cachetonner chez Marvel ? Vous voulez la liste, de tous ceux affublés de fringues ridicules près du corps qui se sont agités devant des écrans verts ?

De toutes façons, on s’en fout de Jackman (même s’il est très correct dans « The fountain »), on n’a bientôt plus d’yeux que pour l’actrice principale, Rachel Weisz (à l’époque compagne d’Aronofsky), tellement belle que même un macho comme James Bond en tomberait vraiment amoureux (ceux qui n’ont pas compris gagnent un abonnement à Gala). Et comme Jackman, Weisz intervient dans les trois époques. Elle est la Reine d’Espagne qui veut sortir son pays du joug des inquisiteurs et envoie le brave conquistador à la recherche de l’Arbre de Vie, et s’il le trouve, elle lui donnera son amour, ils auront la vie éternelle, et libèreront leur pays. Elle est la femme du chercheur, et elle souffre d’une tumeur au cerveau comme le premier chimpanzé de laboratoire venu, et elle est soit Reine d’Espagne soit femme de chercheur sous forme d’apparitions dans la bulle dans l’espace). D’ailleurs c’est pas une bulle, c’est un vaisseau spatial, finit-on par apprendre, en route vers une planète en train de s’éteindre et qui serait la matrice de la vie dans l’Univers, selon une légende maya, retranscrite par la femme du chercheur dans un bouquin qu’elle est en train d’écrire, et qui s’appelle « The fountain ». Comme quoi tout est dans tout, et inversement … vous suivez ?

Weisz et Jackman , années 2000

Et comme les trois histoires se chevauchent à l’écran, et qu’à l’intérieur de ces trois époques la chronologie n’est pas respectée, tu finis par te sentir gagné par un tenace mal de crâne. « The fountain », c’est un peu un brouillon des films à Nolan, la première fois tu regardes les images, les fois suivantes, t’essaye de comprendre quelque chose …

Pour moi, après deux premiers films peu conventionnels mais très réussis (« p » et « Requiem for a dream »), « The fountain » est le premier (et pas le dernier, voir « The wrestler » et surtout « Noé ») faux pas d’Aronofsky.

Alors on peut lui trouver des excuses, voire des circonstances atténuantes. « The fountain » devait être un film à gros budget. Aronofsky, avant même que les acteurs soient recrutés, avait fait construire des décors gigantesques en Australie et des scènes devaient être tournées un peu partout dans le monde. Coup de ciseau de la major qui in fine lui retire le budget, décors en Australie bradés à qui en voulait, et une petite coproduction americano-canadienne low cost pour finir.

Les mêmes dans le futur ...

Le film  a été entièrement tourné à Montréal, et Aronofsky, qui est quand même un mec doué qui sait s’entourer, a fait un film qui en fout plein les yeux (surtout dans sa partie futuriste). Alors je sais pas quel était son projet de départ, mais là, en une heure et demie générique compris, tout est fini. Même si une heure supplémentaire n’aurait pas été forcément nécessaire (on finit par saisir tous les tenants et aboutissants, toute la symbolique lourdingue du truc sur la vie qui renaît de la mort, la chimère de l’immortalité, et autres balivernes mystiques …).

« The fountain » est à mon sens sauvé du naufrage par de belles prestations de Jackman et Weisz qui portent le film sur leurs épaules. A cause de son budget riquiqui, peu de personnage secondaires (tout juste quelques répliques d’Ellen Burstyn), le pognon étant englouti par le cachet des deux vedettes, quelques raccourcis et twists narratifs assez saugrenus, et une myriade d’effets spéciaux plutôt psychédéliques mais assez réussis.

Prévoir tout de même une boîte de dolipranes pour le premier visionnage …


Du même sur ce blog :

Mother!