Affichage des articles dont le libellé est Fantastique. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Fantastique. Afficher tous les articles

PAUL VERHOEVEN - LE QUATRIEME HOMME (1983)

 

Veuve noire et instinct basique ...

« Le quatrième homme » est le dernier film exclusivement néerlandais de Paul Verhoeven. Le suivant (« La chair et le sang ») sera un financement européen, lui vaudra un petit succès controversé (tout est dit dans le titre) et lui ouvrira les portes d’Hollywood avec des succès souvent accompagnés d’un arrière-goût de soufre au box office.

Paul Verhoeven, Jeroen Krabbé & Renée Soutendijk

Bon, soufre et Verhoeven, c’est un classique de la rime cinématographique. Quasiment tous ses films prêtent à controverse(s). Sauf un, « Le choix du destin » en français (« Soldaat van Oranje » chez les Bataves). Souvent considéré comme le plus grand film néerlandais de tous les temps, on a au contraire plutôt reproché à cette fresque sur la Seconde Guerre Mondiale vue et vécue par un groupe de jeunes potes néerlandais, d’être trop lisse, trop convenue, trop consensuelle (ce qui ne sera pas le cas presque trente ans plus tard de son quasi jumeau – du moins par la thématique – « Black book »). Parce que Verhoeven, à ses débuts, c’était des films provos, plus ou moins drôles, en tout cas loin du consensuel. Et donc le Paulo, pour ce qui allait constituer ses adieux cinématographiques au pays qui l’avait vu naître, va pas y aller avec le dos de la cuillère … If you want blood et full frontal nudity (des mecs, des nanas, des mecs et des nanas, des mecs ensemble, …) vous allez être servis.

Si vous voulez des rapports impies avec la religion, aussi. Tiens, vous vous souvenez du clip de Madonna « Like a prayer » (gros succès et gros scandale en 89) ? On y voyait la Louise lécher les pieds d’un Christ (noir par-dessus le marché) avant de se livrer à une danse peu catholique tout nombril en avant. Si vous voulez mon avis, elle a dû voir « Le quatrième homme », où l’on voit l’acteur principal, embrasser dans une église les jambes en bois sombre du Christ crucifié, jambes qui deviennent celles d’un éphèbe en slip, slip qui va vite finir sur ses chevilles, et comme le héros est un homo, je vous raconte pas la suite (non, vous risquez d’être surpris, c’est pas ce que vous croyez …).

« Le quatrième homme » commence par un écran noir de presque une minute, sur fond de musique synthétique glaciale. Les premières images nous montrent une araignée (une veuve noire) prendre et tuer trois moucherons dans sa toile avec en surimposition le générique qui défile en lettres rouge sang. Quand le générique est terminé, la caméra va un peu plus bas sur la droite, où trône sur un meuble une petite statue de la Vierge, et poursuivant son chemin, vers un lit où se réveille un type. Qui se réveille super gueule de bois, mains tremblantes et bite pendante, descend au rez-de-chaussée où un blondinet joue du violon. Le gars étrangle le violoniste. Seconde scène, le gars est en bas de l’escalier, on comprend qu’il est en couple avec le violoniste, et il lui annonce qu’il est à la bourre pour partir donner une conférence. La première scène de l’étranglement était donc un cauchemar. Et des rêves, des cauchemars ou des visions prémonitoires, tout le film en est farci, et tout est fait pour que le spectateur ne sache pas s’il s’agit de rêves ou de réalités, c’est généralement la scène suivante qui nous l’indique. Le procédé n’est évidemment pas nouveau, c’est sa multiplication qui en fait l’originalité.

Le mec à la gueule de bois (sacré picoleur, ça lui jouera des tours) est un écrivain, Gérard Rêve (inspiré d’un vrai écrivain néerlandais controversé, forcément controversé tout comme Verhoeven qui s’appelle Gerard Reve ouais, Verhoeven a fait – volontairement - un jeu de mots sur le nom et un des axes majeurs du film que seuls les Français peuvent comprendre). Le Gérard prend un journal au kiosque de la gare, et en bon homo à la recherche d’un p’tit coup, tourne autour d’un éphèbe en train de mater un mag porno (féminin), monte dans son train, où une blonde avec un nourrisson lui inspire d’autres visions sanglantes. Pour vous dire que Verhoeven a fait profond dans la réflexion, cette blonde qui retrouvera son Jules à la descente du train, c’est la Vierge Marie (elle servira plusieurs fois de guide et/ou d’ange gardien à Gérard), son mari c’est Dieu et son bambin, of course Jésus (c’est Verhoeven qui le dit, l’ange gardien j’avais compris, la Trinité, ça m’avait échappé). Faut dire que Verhoeven multiplie plein d’allusions, souvent de l’ordre du subliminal ou de l’ésotérique (que ceux qui pigent toutes les symboliques du film au premier coup se fassent connaître, y’a rien à gagner), comme une réponse à ceux qui l’avaient accusé de faire du cinéma « léger ».

Les choses deviennent plus simples lorsque le Gerard se fait vamper à sa conférence par Christine (là encore, étymologie du prénom, alors que c’est elle le personnage diabolique – ou pas – du film) une sublime blonde androgyne en rouge (forcément en rouge, c’est la couleur dominante du film) silhouette et coiffure à la Sylvie Vartan des années 80, 90, ou plus tard, je sais pas, j’ai jamais été fan des voix bulgares, surtout chantées faux … Elle l’amène chez lui, il réussit à la sauter (difficilement, mais il est un peu bi à ses heures perdues). Elle est veuve, riche, propriétaire d’un institut de beauté (le Sphinx, doté d’une enseigne en néons, mais y’en a qui marchent pas, on lit Spin, faut avoir fait néerlandais en première langue pour savoir que spin, ça veut dire araignée). Et elle fume des Dunhill International. Et là vous vous demandez pourquoi je cause des Dunhill Inter ? Ben facile, c’est les clopes que moi je fume … A partir de cette nuit passée ensemble, whisky aidant, les rêves ou pas, cauchemardesques ou prémonitoires vont se multiplier pour le Gérard. Avec un enchaînement croquignolet de trois vaches encore saignantes pendues dans un mausolée au-dessus de jarres contenant leur sang, avec une quatrième jarre en attente. La scène suivante, Gerard se réveille, commence à caresser Christine, qui saisit une grosse paire de ciseaux et … ben oui, vous avez deviné …

Evidemment, toutes ces visions prendront sens quand Gerard découvrira que Christine a été mariée trois fois et s’est retrouvée veuve trois fois. Des bobines de Super 8 trouvées dans un secrétaire laissent à penser qu’elle est peut-être bien pour quelque chose dans la mort de ses trois époux. Dès lors, Gérard serait-il le quatrième ?

A ce stade, y’a un titre de film qui clignote, celui de « Basic instinct », de, tiens comme c’est bizarre, Paul Verhoeven. Ben oui, d’ailleurs il s’en cache pas, le personnage de Cathy Tramell est un décalque de celui de Christine dans « Le Quatrième Homme », Verhoeven a toujours eu tendance à se plagier …

« Le Quatrième Homme » plutôt concis (une centaine de minutes), n’en reste pas moins un pavé. Et comme tous les pavés, quand tu le prends dans la gueule, tu trouves que c’est lourd. Il embrasse plein de genres (le polar, le thriller, le psychologique, l’érotique) multiplie des symboliques parfois absconses et donc pas faciles à suivre. Les deux acteurs principaux (Jeroen Krabbé et Renée Soutendijk) font partie des habitués de la période européenne de Verhoeven. Ils tenteront eux aussi une carrière américaine, avec nettement moins de succès (pour être gentil) que leur metteur en scène.

« Le Quatrième Homme » au vu de ce que je connais de la filmo de Verhoeven, est certainement son plus glauque. Mais pas son meilleur, tant le hollandais violent semble se bonifier dans ses vieux jours. « Black book », « Elle » et « Benedetta » sont pas mal du tout, mais désolé Paulo, j’ai jamais été fan de tes succès intergalactiques genre « Robocop », « Total recall » ou « Basic instinct » …


DARREN ARONOFSKY - THE FOUNTAIN (2006)

 

The tree of life ?

« The tree of life », chacun le sait (?), est le premier film à peu près totalement foiré de Terrence Malick, quand il s’est mis à tourner à un rythme pour lui effréné, et qu’il a voulu barbouiller son pensum d’un mysticisme et d’un ésotérisme de pacotille.

Weisz & Aronofsky

Du mysticisme et de l’ésotérisme à deux balles, y’en a aussi dans le troisième film d’Aronofsky. Et aussi un arbre de vie. « The fountain » est plutôt déroutant d’entrée, et le devient de plus en plus. D’abord, il commence par une incrustation à l’écran d’une citation de la Genèse, qui peut laisser augurer du pire à tout infidèle qui se respecte. Ensuite, on voit un conquistador et une paire de ses soldats qui ont trouvé ce qu’ils cherchaient : un temple maya à la silhouette menaçante gardé par une forêt de crânes empalés sur des piques … comme dans n’importe quel Indiana Jones. Et comme t’as déjà vu les Indiana Jones, tu te dis, putain n’y allez pas, c’est plein de pièges … Et dans « The fountain » comme chez Spielberg, y’a évidemment des pièges et des sauvages plus que menaçants. Les deux fantassins font pas long feu, le héros (ou le type supposé tel) affronte bravement la meute, se fait mettre à terre, et là, les Mayas le portent pas vraiment en triomphe, mais ça y ressemble, au pied des marches du temple, qu’ils l’obligent à gravir. Sauf qu’en haut, y’a une sorte de chef emplumé avec une épée enflammée qui l’attend, qui lui enfonce un poignard dans le bide pendant leur baston et s’apprête à l’achever … Fin de la première séquence …

Deuxième séquence : dans une bulle transparente qui semble dériver au fin fond des galaxies, une sorte de moine bouddhiste est en lévitation à côté d’un arbre vénérable et gigantesque, mais pas très en forme, il semble sec, qui remplit quasiment toute la sphère. Le type arrête sa lévitation, va près de l’arbre (on voit qu’il est vivant, l’arbre, il a les poils qui se dressent, non, je déconne pas …) et bouffe un morceau d’écorce …

Conquistador Jackman

Troisième séquence. Dans un laboratoire, un groupe de chercheurs fait des expériences sur des chimpanzés atteints de tumeurs au cerveau. Un nouveau protocole est tenté, on va rajouter aux substances chimiques habituelles un extrait d’écorce d’un arbre provenant des forêts du Guatemala …

Soit trois séquences qui se déroulent à cinq siècles d’écart (le conquistador en 1500, le chercheur en 2000 et le bonze dans l’espace en 2500). Point commun, les trois sont joués par le même acteur, Hugh Jackman. Dont on a dit beaucoup de mal parce qu’il avait fait fortune dans les films Marvel. Ouais, d’accord, mais qui à part Daniel Day-Lewis et quelques rares autres n’est pas allé cachetonner chez Marvel ? Vous voulez la liste, de tous ceux affublés de fringues ridicules près du corps qui se sont agités devant des écrans verts ?

De toutes façons, on s’en fout de Jackman (même s’il est très correct dans « The fountain »), on n’a bientôt plus d’yeux que pour l’actrice principale, Rachel Weisz (à l’époque compagne d’Aronofsky), tellement belle que même un macho comme James Bond en tomberait vraiment amoureux (ceux qui n’ont pas compris gagnent un abonnement à Gala). Et comme Jackman, Weisz intervient dans les trois époques. Elle est la Reine d’Espagne qui veut sortir son pays du joug des inquisiteurs et envoie le brave conquistador à la recherche de l’Arbre de Vie, et s’il le trouve, elle lui donnera son amour, ils auront la vie éternelle, et libèreront leur pays. Elle est la femme du chercheur, et elle souffre d’une tumeur au cerveau comme le premier chimpanzé de laboratoire venu, et elle est soit Reine d’Espagne soit femme de chercheur sous forme d’apparitions dans la bulle dans l’espace). D’ailleurs c’est pas une bulle, c’est un vaisseau spatial, finit-on par apprendre, en route vers une planète en train de s’éteindre et qui serait la matrice de la vie dans l’Univers, selon une légende maya, retranscrite par la femme du chercheur dans un bouquin qu’elle est en train d’écrire, et qui s’appelle « The fountain ». Comme quoi tout est dans tout, et inversement … vous suivez ?

Weisz et Jackman , années 2000

Et comme les trois histoires se chevauchent à l’écran, et qu’à l’intérieur de ces trois époques la chronologie n’est pas respectée, tu finis par te sentir gagné par un tenace mal de crâne. « The fountain », c’est un peu un brouillon des films à Nolan, la première fois tu regardes les images, les fois suivantes, t’essaye de comprendre quelque chose …

Pour moi, après deux premiers films peu conventionnels mais très réussis (« p » et « Requiem for a dream »), « The fountain » est le premier (et pas le dernier, voir « The wrestler » et surtout « Noé ») faux pas d’Aronofsky.

Alors on peut lui trouver des excuses, voire des circonstances atténuantes. « The fountain » devait être un film à gros budget. Aronofsky, avant même que les acteurs soient recrutés, avait fait construire des décors gigantesques en Australie et des scènes devaient être tournées un peu partout dans le monde. Coup de ciseau de la major qui in fine lui retire le budget, décors en Australie bradés à qui en voulait, et une petite coproduction americano-canadienne low cost pour finir.

Les mêmes dans le futur ...

Le film  a été entièrement tourné à Montréal, et Aronofsky, qui est quand même un mec doué qui sait s’entourer, a fait un film qui en fout plein les yeux (surtout dans sa partie futuriste). Alors je sais pas quel était son projet de départ, mais là, en une heure et demie générique compris, tout est fini. Même si une heure supplémentaire n’aurait pas été forcément nécessaire (on finit par saisir tous les tenants et aboutissants, toute la symbolique lourdingue du truc sur la vie qui renaît de la mort, la chimère de l’immortalité, et autres balivernes mystiques …).

« The fountain » est à mon sens sauvé du naufrage par de belles prestations de Jackman et Weisz qui portent le film sur leurs épaules. A cause de son budget riquiqui, peu de personnage secondaires (tout juste quelques répliques d’Ellen Burstyn), le pognon étant englouti par le cachet des deux vedettes, quelques raccourcis et twists narratifs assez saugrenus, et une myriade d’effets spéciaux plutôt psychédéliques mais assez réussis.

Prévoir tout de même une boîte de dolipranes pour le premier visionnage …


Du même sur ce blog :

Mother! 



TIM BURTON - EDWARD AUX MAINS D'ARGENT (1990)

 

Tout l'univers ...

Non, il ne sera pas question de l’encyclopédie pour ados vendue au porte à porte et qui eut son heure de gloire dans les 70’s, mais de l’univers de Tim Burton dont « Edward aux mains d’argent » est le film le plus emblématique, voire son meilleur …

Même si le film commence par suivre les pérégrinations d’une vendeuse (excellente Dianne Wiest) à domicile des produits Avon. Elle bosse dans une banlieue et essaye de refourguer sa came à ses voisines. Sans succès. De dépit, alors qu’elle vient de se prendre un nouveau râteau, elle aperçoit dans le rétroviseur le château gothique qui surplombe le quartier et dans lequel personne ne va jamais. Elle décide d’y tenter sa chance, se fraye à pied un passage dans un maquis broussailleux, puis traverse un petit parc magnifique, avec des arbustes en forme d’oiseaux, de dinosaures, de mains, … au milieu de parterres de fleurs. Un aspect paradisiaque qui contraste avec celui délabré et menaçant (ses gargouilles aux sculptures infernales) de la bâtisse. Elle frappe à la lourde porte, personne ne répond, la porte n’est pas fermée, la commerciale s’enhardit, pénètre dans une sorte de ruine emplie de poussière et de toiles d’araignée, arrive jusqu’aux combles éventrés, pour apercevoir une étrange créature apeurée qui semble vivre sur une paillasse. Là, magnifique silhouette filmée à contre-jour, qui s’avance lentement et à son grand effroi la Miss Tupperware voit que cet humain a des lames de ciseaux à la place des mains. Prise de pitié, elle lui propose de l’emmener dans sa maison familiale, et la créature la suit … Le film va nous raconter la vie et les aventures de cet Edward Scissorhands (son nom et le titre du film en V.O.) dans cette famille et cette riante banlieue …

Burton, Ryder, Depp & Elfman

« Edward … » est un conte. C’est pas moi qui le dit, c’est Tim Burton lui-même lors de son commentaire du film … l’occasion de signaler que Tim Burton est pas volubile, il doit parler en tout et pour tout dix minutes sur l’heure trois-quarts que dure le film, et pour dire des banalités sans grand intérêt ... enfin il s’en sort mieux dans le même exercice que Danny Elfman, auteur de la bande musicale, encore plus taiseux sur une version amputée de tous les dialogues, on a l’impression de voir un film muet en couleurs … Bon, revenons-en au conte de Burton. Tim Burton, c’est le sosie officiel de Robert Smith, sans le rouge à lèvres. Et comme le Curiste en chef, il cultive dans son art un aspect gothique. Le château d’Edward, où se conclura le film est un « vrai » château construit par l’équipe des décorateurs. Il contraste avec la banlieue pavillonnaire qu’il surplombe, et me semble grandement inspiré par celui de Dracula (dans les versions de Todd Browning, de la Hammer ou de Coppola). Et tant qu’à parler des héros de l’imagerie gothique, le Frankenstein interprété par Boris Karloff a, par ses cicatrices sur le visage, servi d’inspiration au look balafré en tous sens d’Edward.

Dianne Wiest & Winona Ryder

Bien sûr, Edward va détonner dans cette famille d’adoption : le père, col bleu à tendance alcoolo, la vendeuse Avon, le petit minot, et sa grande sœur, maquée par un débile baraqué … Dans ce quartier, un vrai quartier de Floride aux maisons repeintes de couleurs pastel par l’équipe de Burton, et aux personnages caricaturaux (la quinqua sexy et allumeuse, la chrétienne fondamentaliste, la commère obèse, sans oublier maris et marmaille dans la lignée), Edward va susciter une énorme curiosité. Et fera finalement disjoncter tout le monde, élément perturbateur dans ce monde formaté et réglé comme du papier à musique (il me semble bien que ces baraques sans âme et la chorégraphie des voitures qui amènent ou ramènent du boulot doivent pas mal au grand Jacques Tati). Il n’aura d’autre choix que de revenir dans son manoir, la populace (hors sa famille d’adoption) à ses trousses, dans une parabole anti-raciste assez évidente …

Bon, tout ça pourrait ne servir que de trame à un bon dessin animé (genre auquel Burton s’attaquera avec « L’étrange Noel de Monsieur Jack » et « Coraline »), mais on a affaire à un grand film. Grâce à Tim Burton et à ses deux acteurs principaux, Johnny Depp et Winona Ryder.


Burton avec « Edward … » s’attaque à son quatrième long métrage. Une comédie inspirée par « Le voleur de bicyclette », le navet loufoque « Beetlejuice », une adaptation de Batman foirée malgré un gros casting (Nicholson, Keaton, Basinger) et une B.O. signée Prince, tout cela n’avait pas convaincu grand monde (même si pas mal de gens les ont vus). Burton n’est considéré par personne comme « the next big thing » (à preuve, après les premiers jours d’exploitation, Avon ne mouftera pas, alors que la marque est citée plusieurs fois et ses produits guère à leur avantage, estimant qu’il n’y a pas matière à engager une procédure avec un type catalogué looser). Avec « Edward … » il va placer la barre beaucoup plus haut, faire un bon succès au box-office et devenir un réalisateur culte, certes à l’œuvre assez difficile d’accès, mais un réalisateur bankable. « Edward … » est un film qui multiplie clins d’œil et références. Celles évoquées quelque part plus haut, auxquelles il faut rajouter le second rôle tenu par Vincent Price (le dernier rescapé des vieux de la vieille des antiques films d’horreur, ce sera sa dernière apparition devant une caméra) qui joue « l’inventeur » d’Edward, humanoïde inachevé …


Edward, c’est Johnny Depp, qui porte quasiment le film à bout de bras (ou de ciseaux, comme on veut). Pas un choix évident, le Johnny était jusqu’alors surtout connu comme une vedette de série télévisée (« 21 Jump Street »), seul le barré John Waters venant de lui donner sa chance en tête de distribution dans « Cry-Baby ». Depp crève l’écran chez Burton, et deviendra d’ailleurs un de ses acteurs fétiches. Totalement décalé par rapport au monde qui l’entoure, beaucoup de sentiments, de réactions passent par ses yeux le plus souvent ahuris. Johnny Depp montre dans ce film qu’il est un grand acteur, perception parasitée par ses multiples digressions people qui en ont fait pour beaucoup de la chair à tabloïd.

Lesquels tabloïds vont se délecter de la liaison qui sera officialisée pendant le tournage avec sa partenaire Winona Ryder qui joue, comme d’hab, la gentille fille de famille (celle qui a « recueilli » Edward), nunuche diaphane et transparente, belle-fille idéale d’une Amérique aseptisée. Pour être franc, la Winona ne m’a guère convaincu dans ses films … En tout cas, ce couple improbable réuni par Burton va se retrouver dans la presse people, qui surtout avec Depp va trouver un sacré client porteur. Pour l’anecdote, archi-connue, il se fera tatouer sur le biceps un « Winona forever », qu’il transformera quelques années plus tard une fois leur séparation actée en un « Wino forever » (poivrot pour toujours) …

A mon sens toute la réussite du tient dans ses changements de tons. On passe fluidement de scènes comiques (le braquage raté, le matelas à eau, la drague lourde des femmes du quartier, …), à des séquences gothiques (celles tournées dans le manoir) chargées de drames (le final plutôt gore, la mort de Vincent Price, …).

C’est cet équilibre a priori détonnant qui fait la qualité et la réussite du film …


JUAN CARLOS FRESNADILLO - 28 SEMAINES PLUS TARD (2007)

 

Variant Z ?

« 28 Semaines plus tard » est la suite de … « 28 Jours plus tard ». Déjà, au niveau du titre, y’a plus d’efforts que dans la série des « Fast & furious ». D’accord, guère plus …

Parce que rien qu’en lisant le nom du réalisateur (Juan Carlos Fresnadillo, un Espagnol plus ou moins inconnu au bataillon avant, et apparemment disparu de la circulation depuis une dizaine d’années), ça pue le film de zombies gore. Ben non, c’est pas des zombies, juste des vivants infectés par un virus tellement méchant qu’à côté le Covid c’est comme disait le ridicule Raoult une grippette …

Juan Carlos Fresnadillo

« 28 Jours … » avait été réalisé cinq ans plus tôt par Danny Boyle, un type qui avait à cette époque-là un film culte à son actif (« Trainspotting »). Comme je l’ai pas vu « 28 Jours … », je vais pas en causer, mais si j’en crois les bonus du Blu-ray, il expose les débuts du virus dans la vie de tous les jours. Fresnadillo situe donc son film 28 semaines plus tard, dans un Londres devenu un no-man’s land, avec comme seule bonne nouvelle l’éradication présumée définitive du virus depuis plusieurs mois …

L’OTAN (donc l’armée américaine) gère la décontamination et le repeuplement de la ville, des familles survivantes commencent à revenir y habiter dans un quartier hautement sécurisé. Vous le voyez venir le pitch : l’armée, un virus porté disparu, et la famille lambda colonisatrice … Ben oui, vous avez tout compris : on va assister au retour de la vengeance du virus qui va s’en prendre à la gentille famille, aux gentils militaires ricains et aux méchants soldats ricains qui vaccinent à coups de napalm … Donc de l’émotion, des effets spéciaux de destruction (mais pas seulement), du sang (et même du sacrément gore) … le genre de film qu’on a déjà vu avant même de le regarder …

Les poursuivants

Bon, y’a des moyens (Boyle qui avait fait le premier volet a mis des pépettes dans le tour de table pour financer la suite), des effets spéciaux, des acteurs qui font ce qu’ils peuvent … la véritable star du film, c’est Londres. Londres en version post-apocalyptique. Des rues désertes d’humains, seulement emplies de détritus, d’épaves de bagnoles, de cadavres … L’équipe a tourné très tôt le matin, les décors de carte postale sont les vrais endroits, pas de trucage numérique (juste les vrais avions « effacés » à l’aéroport, la ligne de métro aérien qui conduit au quartier de repeuplement rajoutée numériquement, et le Stade de Wembley où il n’y a pas eu l’autorisation de tourner remplacé par celui du Millénium Stadium de Cardiff « retouché »). Dommage que l’ami Fresnadillo (et son chef opérateur dont il n’arrête pas de parler en termes élogieux) utilise une caméra comme une Kalachnikov. Le truc de la caméra souvent portée à l’épaule n’est pas une excuse, c’est le montage qui est calamiteux. Frénétique pour le moins. Changer de plan toutes les deux secondes ne sert ici qu’à masquer un manque évident de vision pour le déroulement des scènes. A comparer avec les premières minutes du film (la scène dans la baraque barricadée, l’assaut des infectés, et la fuite du père en canot à moteur) filmée par Danny Boyle, et qui a beaucoup plus de consistance que le reste du film …

Les poursuivis

De quoi donc il est-il question dans « 28 semaines … » ? Dans une baraque à la campagne éclairée à la chandelle et avec toutes les ouvertures condamnées, un groupe de personnes réfugiées là se prépare à bouffer les dernières boîtes de conserve. Un couple sans nouvelles de ses enfants en fait partie. C’est plutôt anxiogène, on ne sait pas de quoi il retourne. Un gosse apeuré frappe à la porte, les occupants lui ouvrent, il dit qu’il a les zombies à ses trousses. Ils arrivent, avec leurs yeux injectés de sang, et commencent à mordre et donc contaminer tout ce qui est encore vivant à leur portée. Le père s’enfuit, se sauve en canot, sa femme n’a pas pu le suivre, il l’a laissée face aux zombies …

Quelques semaines plus tard (non, non pas 28, un peu moins), le père est devenu responsable de la logistique dans le quartier de Londres en reconstruction, gigantesque bunker gardé par une multitude de militaires, on ne peut pas en sortir, il y a des snipers de l’armée sur tous les toits. Les gosses (un garçon et une fille) du type reviennent d’Espagne et sont les premiers mineurs accueillis dans le quartier … ces deux cons de minots vont faire le mur, partir à la recherche de leur mère, dans leur maison du centre-ville de Londres. Et évidemment la trouver, sauf qu’elle est contaminée, porteuse saine on ne sait pas pourquoi, mais qu’elle peut infecter les autres. Une aubaine pour une jeune toubib de l’armée qui pense qu’il y a chez elle matière à trouver les origines de cette rage et donc son vaccin. Mais le corniaud de mari (il est concierge, donc il a des passes, y compris celui du labo ultra-sécurisé de l’armée, vous y croyez, vous ?) réussit à entrer en contact avec sa meuf, lui roule une pelle et cinq secondes plus tard devient enragé, yeux injectés de sang et commence à bousiller tout ce qui se trouve sur son passage (à commencer par sa femme) … Et les infectés commencent donc à se multiplier et à bagdadiser la zone sécurisée, pendant que les gosses, la toubib et un sniper qui en avait assez de tirer dans le tas (ordre donné de pas de tri sélectif, on tue tout ce qui bouge, puis en désespoir de cause, on balance du napalm sur la ville) tentent de s’enfuir vers des contrées meilleures, avec le père des gosses à leurs trousses, et occasionnellement quelques infectés …

Massacre à la pale d'hélicoptère

Les zombies-infectés n’ont aucun intérêt, ils sont là pour se faire dégommer (au fusil de précision, à la mitrailleuse lourde, au napalm, à la pale d’hélicoptère, au gaz, au lance-flammes, …). Les survivants qui croisent la route de la petite troupe non plus, pas besoin d’être grand devin pour deviner qu’ils vont se faire zigouiller la scène suivante …

Ce qui nous amène à un double triple à la fin : triple tap au fusil à infrarouge sur le papa infecté (dans « Zombieland » ils s’arrêtent à deux, c’est beaucoup plus marrant), et triple scène finale : dans un couloir sombre de métro, dans un hélico de Wembley vers la France, et à proximité de la Tour Eiffel. A noter que cette dernière scène a été rajoutée bien après le bouclage du tournage, ça laisse la possibilité d’une suite : « 28 mois plus tard », « 28 ans plus tard », « 28 années-lumière plus loin », …

Un mot sur les commentaires audio de Fresnadillo et Lopez Lavigne (co-scénariste). D’une rare prétention, je cite « des sommets d’horreur et de tension », « un boulot épatant, de bonnes idées » … Sans rire ? Et un quart d’heure à nous parler de scènes tournées en nuit américaine. A les écouter, on croirait qu’ils ont inventé le procédé … vieux de presque un siècle …

Robert Carlyle

Le casting se partage entre anglais et américains. Côté british, l’ado est interprétée par Imogen Poots (passable), le père par Robert Carlyle (pas crédible), la mère par Catherine McCormack (plutôt théâtre et télévision), le gosse a été recruté par casting dans une école (ça se voit, on n’y en demande pas trop), et Idris Elba (le chef d’Etat-Major). Côté ricains, on a Jeremy Renner (spécialisé dans les seconds rôles de films d’action, ici en sniper repenti), et moins présent Harold Perrineau (le pilote et son hélico arlésienne). La meilleure du lot est d’assez loin l’Australienne Rose Byrne (la toubib) malgré des invraisemblances fatales (les infectés courent aussi vite qu’Usain Bolt sans se servir des bras et en zigzaguant, elle arrive à leur échapper en courant à cloche pied parce qu’elle a pris une bastos dans la jambe et en faisant suivre le minot de douze ans …).

Un film pour une soirée Deliveroo, quand on a invité des potes un peu lourdauds, des pizzas et des bières, et qu’on a égaré son cerveau …


WILLIAM CAMERON MENZIES - LA VIE FUTURE (1936)

 

Nouveau Monde et Ordre Nouveau ...

William Cameron Menzies c’est un peu le prototype du poissard. Plus gros coup de malchance : c’est en quelque sorte l’âme damnée de Selznick sur le projet, et un des gars qui a le plus bossé sur « Autant en emporte le vent », eh bien il a disparu du générique (c’est pas le seul sur cette affaire-là me direz-vous, mais bon …). Idem un peu plus tôt sur « La vie future » (« Things to come » en VO). Celui qui a son nom écrit en gros sur l’affiche, c’est HG Wells, le plus célèbre écrivain d’anticipation de l’époque (« La machine à explorer le temps », « L’Île du Docteur Moreau », « l’Homme invisible », « La guerre des Mondes », …).

« La vie future », c’est le projet totalement délirant et mégalo du producteur anglais d’origine tchèque Alexander Korda et de Wells, lequel s’implique à fond dans le scénario, allant même jusqu’à choisir celui qui sera chargé de la musique (Arthur Bliss, un cador du genre, qui composera une pièce de quatre (!) heures dont seules quelques bribes seront utilisées pour le film). Parce qu’à moment, il a fallu trancher dans le vif, et revenir à quelque chose de « réalisable » (techniquement et financièrement).

WC Menzies

Le bouquin de Wells (« The shape of things to come »), paru en 1933, décrit l’évolution de l’Angleterre (mais pas seulement) de 1940 jusqu’en 2106. Dans le film, l’histoire s’arrête en 2036. Classique, Wells sera très fâché par la tournure des évènements, devant ce qu’il estime être un film au rabais de son œuvre …

Le film commence pour le Noel 1940 à Everytown, ville fictive d’Angleterre. Les gens s’affairent à préparer le réveillon, au milieu de placards qui annoncent l’imminence d’une guerre mondiale. Et dans la nuit, les bombardements commencent. Le conflit va durer jusqu’en 1970, deuxième époque de l’histoire. Dans une humanité quasi décimée en proie à une terrible pandémie, toute structure sociale et politique a disparu. Ne subsistent que des systèmes claniques dirigés par des chefs de guerre qui luttent entre eux pour la conquête de territoires ou d’outils technologiques (des avions, de l’essence, …). Atterrit dans la ville à bord d’un avion futuriste une sorte de gourou qui prêche pour un monde scientifique et pacifique. Retenu prisonnier, il sera libéré par ses amis, technologiquement supérieurs au reste de l’humanité. Transposition en 2036 pour la troisième partie dans laquelle un nouveau monde scientifique hégémonique (voire dictatorial) part à la conquête de l’espace.

1940

Evidemment, à quelques mois près, le déclenchement d’un conflit mondial a fort logiquement marqué les esprits. Même si le régime nazi n’est pas directement évoqué, il est fortement suggéré (il en restera des traces lors de la période suivante, dans un plan fugace où on salue le chef de guerre – tyran, en levant et tendant les deux bras main ouverte). Extrapolation audacieuse mais guère « magique » au vu de la montée conjointe du Reich et de la capitulation diplomatique du reste du monde face à Hitler et sa clique … Beaucoup plus intéressante est la vision des années 70. Quand on voit la situation (la recherche de l’essence, le virus qui zombifie les infectés, ne laissant le choix aux autres que de les abattre) et les fringues de rigueur (les armures en haillons, pour faire simple), on tient là la matrice du 1er Mad Max, du dernier (« Fury Road »), et de « La nuit des morts-vivants » (mêmes symptômes, même démarche, même inexpressivité). Miller et Romero doivent avoir vu « La vie future » …

La dernière partie laisse quelque peu dubitatif. Cette vie future, où savoir, science (et népotisme, on y reviendra) dirigent d’une main de fer le monde pour le bien de tous (selon la formule consacrée), où face à une contestation sociale qui commence à s’amplifier, on envoie en catastrophe un couple (vision allégorique et biblique d’Adam et Eve à la recherche d’un nouveau jardin d’Eden) vers la Lune, cette vie future-là, on sait pas trop quoi en penser, et surtout ce qu’on veut in fine nous montrer, les « effets spéciaux » prenant le pas sur l’histoire elle-même, au milieu de dialogues et de situations confuses…

1970

Mais un film, c’est avant tout des images. Et qu’est-ce qu’on voit dans la vie future ? Visuellement, c’est un « Metropolis » version british. Menzies à l’origine est chef décorateur sur les tournages et ça se voit. « La vie future » ne fait pas son âge, exploite des décors pharaoniques (ou plutôt romains, en 2036 les types sont habillés en toge et jupettes), des effets spéciaux (la flotte d’avions futuristes) qui n’ont rien à envier à ce qui se fera à la fin des années 50 (certains trucages sont trop voyants, on voit bien que ce sont des maquettes miniatures, mais ça confère une patine poétique à l’ensemble). De ce côté-là, « La vie future » est réellement en avance sur son temps …

Une fois posé le contexte général, il y a un « héros » dans « La vie future ». Il s’appelle John Cabal, il est en 1940 dubitatif face à la menace de guerre, il pense que la sagesse humaine l’emportera sur les velléités belliqueuses, et on le retrouvera 30 ans plus tard face au chef de guerre (c’est lui qui atterrit avec son avion futuriste), avant de s’apercevoir après sa libération (pacifique, grâce à des gaz anesthésiants) qu’il est le leader de cette espèce de secte-confrérie qui entend amener l’humanité vers justement plus d’humanité. Et dans la dernière partie, c’est son petit-fils Oswald qui est la plus haute autorité de ce monde nouveau (d’où le népotisme). C’est le même acteur, le Canadien Raymond Massey qui joue les deux Cabal, et qui bien qu’ayant participé à quelques classiques dans des seconds rôles, trouvera avec « La vie future » son apparition la plus célèbre. Une remarque : dans les étriqués bonus, Jean-Pierre Dionnet, maître es-cinéma de série B, suggère que le nom du personnage vient de la Kabbale, et de la pseudo-secte qui découle de cette fumisterie mystique.

2036

Que retenir de ces visions d’anticipation ? Des images, des effets spéciaux et des décors grandioses (notamment ceux de la dernière partie, genre style romain démesuré), font de « La vie future », sinon un classique absolu, du moins un film qui compte parmi ceux d’anticipation de la première moitié du siècle dernier. Des systèmes d’organisation publique et sociale, qui une fois oubliés les oripeaux fashion des costumes, mettent tous en filigrane des systèmes totalitaires très hiérarchisées, même si un semblant de révolte populaire contre les « élites » semble possible (dernière partie). Et la conclusion n’est guère optimiste, le seul salut semble être pour la fille Cabal (décidément une affaire de famille) et son compagnon d’aller rechercher des jours meilleurs sur la Lune …

Remarque : la vraie star du film ne figure même pas au générique. Il s’est occupé un peu du montage et fait une apparition en tant que figurant. Son heure de gloire sera tardive (plus de 50 ans plus tard !) lorsqu’il tournera son dernier film, la fabuleux « Un poisson nommé Wanda ». Il (pour ceux qui confondent cinéma et films Marvel) s’appelle Charles Crichton.


OREN PELI - PARANORMAL ACTIVITY (2009)

Spielberg Activity ...

« Paranormal Activity », c’est écrit sur la jaquette du Dvd, c’est le film qui a terrorisé Spielberg … Hum, sérieusement ? Parce qu’il faut préciser certaines choses.
Micah, Katie & Oren Peli
Quand le dénommé Oren Peli, programmateur israélien dans le monde du jeu vidéo exilé aux States, a tenté de vendre à des distributeurs son film, personne n’en a voulu, des majors du cinéma jusqu’aux petites boîtes spécialisées dans les films de genre gore. Tout juste le film avait été montré dans un festival de village où il avait péniblement reçu un accueil pas trop mauvais. Jusqu’à ce que Peli, à tout hasard, parce que c’était pas du tout le genre de la maison, envoie une copie à Dreamworks, la boîte de Spielberg. Les types qui chez Dreamworks, ont jeté un œil, ont trouvé ça extrêmement cheap, tout juste bon à servir de base à un remake filmé par un vrai réalisateur avec de vrais acteurs (c’est pas moi qui le dis, mais Peli qui le laisse entendre dans la section bonus). Le Dvd a donc fini chez Spielberg pour qu’il prenne une décision. Et là, le Steven a claironné haut et fort que « Paranormal Activity » dans sa version brute était le film le plus effrayant qu’il ait jamais visionné. Il aurait même constaté chez lui (on ne rit pas) que des portes se fermaient toutes seules de l’intérieur et se serait empressé de se débarrasser du Dvd (à se demander si c’était pas « Ring » qu’il avait vu).
Grand couteau et mauvais cadrage
Toutes ces déclarations de Spielberg, on ne dit pas (ou on oublie de le dire) si elles sont antérieures à la décision prise de faire sortir le film en salles sous l’étiquette Dreamworks sans rien modifier des 83 minutes du film (même si une fin « alternative » grotesque avait été tournée par Peli). En gros, Spielberg, en bon boss et premier commercial de sa boîte, a fait un super coup de marketing pour cette mocheté qu’il venait d’acheter …
Parce que le seul truc à vraiment filer le frisson, ce sont quelques chiffres issus de « Paranormal … ». Budget matos : 3000 dollars, une caméra digitale Sony FX1, posée sur un trépied dans une piaule ou tenue à l’épaule par l’acteur principal. Décors : la baraque de Peli avec toute juste la peinture rafraîchie par endroits et quelques loupiotes rajoutées (c’est lui qui le dit). Le casting : cinq noms (quatre qui « jouent » et une autre dont on voit juste trois photos sur une page internet). Le scénario : le même que celui du « Projet Blair Witch » qui se passe dans cent mètres carrés au lieu de se passer dans des bois …
Les autres chiffres, tous les étudiants des écoles de commerce du cinéma les connaissent (des zilliards de dollars de bénef, et des suites numérotées genre discographie de Chicago (le groupe).
Alors, bouillasse en images ou pas, « Paranormal Activity » ? Ouais, mais pas nul de chez nul, surtout parce qu’on a vu (ou qu’on a évité de voir) pire depuis … Faut dire que le Peli a passé des années à cogiter son machin, tourné ensuite en cinq jours. Il y a une montée graduelle de la tension, bien soulignée à l’écran par l’affichage digital de la caméra (super trouvé, ça par contre). Des heures montrées en version très accélérée (ou évidemment il ne se passe rien) et puis quand le compteur défile à vitesse normale, on sait que là, il va se produire quelque chose … Sauf que la fin « normale » vient tout foutre en l’air (on comprend, enfin, façon de parler) et que la fin alternative (juste le dernier plan différent, la Katie qui s’égorge face caméra) est ridicule.
Attention au grand méchant loup ...
Des pans entiers de « Paranormal … » sont pompés sur « Blair Witch » (le coup des bandes vidéo retrouvées par la police et montrées au spectateur) qui lui finissait en point d’interrogation, ce qui en faisait tout le « charme ». Également sur « La maison du Diable » de Robert Wise qui lui foutait vraiment les jetons, et quelques emprunts à « L’Exorciste » (ici le médium prend les jambes à son cou devant tant de mauvaises ondes ressenties).
« Paranormal Activity » a juste fini d’ouvrir la boîte de Pandore des films horrificques comme aurait dit Rabelais censés être de vrais documentaires filmés avec les pieds par des types qui ont une caméra sur eux et devant lesquelles s’agitent de vrais faux acteurs de quinzième zone au jeu outrancier multipliant hurlements de terreur au milieu de gerbes de sang … Ceux qui pensent aux navrants « [REC] » ont gagné l’intégrale de Romero, leur père spirituel, qui boxait quand même dans une catégorie infiniment supérieure …
Les deux acteurs principaux ( ? ) ont du être bouffés par un démon de passage, car hormis dans les suites de « Paranormal Activity », on ne les a jamais revus. Peli, lui, avec les thunes amassées, a dû refaire sa baraque …
Bien joué Spielberg, tu as fait croire à des millions de types que « Paranormal Activity » était un bon film qui faisait peur …



ANDY & LARRY WACHOWSKI - MATRIX (1999)

Bruce Lee et la Matrice ...

« Matrix », moi ça me dépasse. Enfin, surtout son succès. La référence de la fin du siècle dernier en matière de culture geek. Un vaste gloubi-boulga où se mêlent science-fiction angoissante forcément angoissante (avec des pompages éhontés de « Alien » et « Terminator »), histoires pour petits nenfants (les mangas, Alice au pays des Merveilles, la Belle au Bois Dormant, …), bastons taekwandesques pour attirer les fans endeuillés de Bruce Lee, bouillasse techno et/ou hardcore en fond sonore, j’en passe et des trucs plus pénibles encore.
C A Moss, Andy & Larry Wachowski
« Matrix », c’est lors de sa parution l’œuvre d’une vie des pas encore sœurs Wachowski (et comptez pas sur moi pour en rajouter une couche sur l’histoire des deux mecs qui se sont fait implémenter une matrice). Qui mettent cinq ans pour accoucher du bestiau. A grands renforts d’effets numériques et spéciaux en tout genre à la pointe de la modernité, d’un scénario abracadabrant mais suffisamment malin pour nourrir en même temps QI négatifs et réflexions métaphysiques (la vie est-elle un songe, la virtualité peut-elle agir sur la réalité, vous avez trois heures et une boîte de Doliprane pour répondre). Et aussi d’un casting qu’on jurerait issu des premiers prix d’une comice agricole, multipliant profils bovins inexpressifs. Et qu’on me dise pas que c’est le jeu des acteurs, Reeves (pas l’astrophysicien, le Keanu), Fishburne et la Moss sont au taquet, au maximum de leurs possibilités …
Pour appréhender « Matrix », faut retomber en enfance, débrancher le cerveau, et regarder les images. Et là, ça peut fonctionner. Tu suis le lapin blanc, tu passes à travers le miroir, tu arrives dans un autre monde, tu deviens un mutant (ou un vrai humain, allez savoir) qui file des torgnoles plus vite que son ombre, tu évites les balles, tu bousilles de l’androïde indestructible... Tu peux même mourir virtuellement et ressusciter réellement (à moins que ce soit le contraire), pour finir, après avoir sauvé l’humanité (qui a disparu), par t’envoler tel Superman qui aurait troqué son survêt moulant rouge et bleu contre un long manteau de cuir noir, vers de nouvelles aventures … Elles est pas belle, ta nouvelle vraie vie ?
Les gentils
Reste que « Matrix », c’est même pas si mauvais que ça au final… Comparé à des « Hulk », « Captain America », et les suites interminables des super-héros Marvel (à quand le 25ème Batman et le 72ème Spiderman ?). Même si comme de bien entendu, on connaît la fin dès le début. Neo / Reeves, c’est comme Macron, c’est l’Elu. Celui qui mine de rien, va sauver la galaxie. Avec la Moss (pas la Kate, la Carrie Ann) dans le rôle de Brigitte, et Laurence Poissoncouille dans celui d’Edouard Philippe. Y’a même le traître qui va les abandonner au cours de la mission (non, pas Hulot, Joe Pantoliano), passer du côté obscur de la farce et faire copain-copain avec les hybrides fringués à la Blues Brothers – Reservoir Dogs – Men in Black – Laurent Delahousse, mais bien fait pour lui, il se fera dégommer par un type qu’il vient pourtant de tuer … Vous avez rien compris, c’est pas grave, vous allez quand même lire jusqu’au bout. C’est comme ça, « Matrix », y’a rien à comprendre, c’est bête comme chou, mais tu regardes jusqu’à la fin …
Le méchant
Le seul truc qui sauve le film, c’est le rythme. Ça commence très fort, et ça accélère toujours (contrairement à la série des « Speed » qui avait « révélé » le beau gosse ombrageux Reeves). Les Wachowski y sont pas allés avec le dos de la cuillère (vous savez, la fameuse cuillère, celle que le gosse fringué en dalaï lama explique à Neo qui rend visite à l’Oracle qui fait des cookies, comment il faut faire pour la tordre rien qu’en la regardant), les frangins ont utilisé des kilomètres carrés de rideaux verts devant lesquels, filmés par des caméras hyper high tech disposées concentriquement et qui prennent des photos pour donner les fameux effets de ralenti accéléré chers à John Woo, s’agitent des acteurs suspendus à des câbles façon trapézistes chez les Gruss, … et que il va vite falloir que je mette un point quelque part pour finir cette phrase ...
La Warner a mis un gros paquet de pognon devant le museau des Wachowski, assorti d’un contrat bien ficelé (là, les mecs, ils sont bien dans le réel, l’espèce sonnante et trébuchante), anticipant un gros succès populaire, et toute une litanie de déclinaisons, dont deux épisodes supplémentaires si le premier volet de ce qui était conçu comme une trilogie fonctionnait … Jackpot. On compte plus les millions de dollars de cash rien que sur l’exploitation du film en salles, sans parler de la multitude d’éditions VHS, Dvd, Blu-Ray, les produits dérivés (BD, bouquins, jeu vidéo, …). Côté business, on n’est pas dans la matrice, mais bien dans le monde réel …
Welcome to the machine & have a cigar ?



ROLAND EMMERICH - INDEPENDENCE DAY (1996)

Les Etats-Unis et leur Président sauvent le Monde ...
« Independence Day » est un des plus gros cartons commerciaux des années 90. Logiquement, serait-on tenté de dire, tant le film accumule toutes les grosses ficelles (et aussi un budget conséquent) qui font se précipiter les cochons de payants dans les salles obscures. Un réalisateur ne lésinant pas sur les effets spéciaux, Roland Emmerich (« Universal soldier », « Stargate »), une trame de film catastrophe, des histoires d’amour à deux balles qui foutent la larme à l’œil, des scènes comiques, des explosions de partout à la pointe de la technologie, des aliens bien méchants, des héros charismatiques, des clins d’œil à d’autres films à succès, n’en jetez plus …
Bill Pullman il va sauver le Monde ...
Forcément, à force de vouloir faire trop bien, on en fait juste trop. « Independence Day » donne l’impression de quelques scènes fortes enchaînées. Et entre des pulvérisations de maquettes vraiment spectaculaires (même plus de vingt ans après), on a dû rajouter une histoire. Inutile donc de préciser que le scénario ne brille pas spécialement par sa finesse. Ni par sa crédibilité, bien qu’on évolue dans l’univers sciencefictionnesque. Imaginez, le Monde, que dis-je le Monde, l’Humanité entière (enfin, ce qu’il en reste à ce moment du film) est sauvée grâce à une opération d’aviation avec en chef d’escadrille le Président des Etats-Unis himself. Ça en a fait tiquer quelques-uns, bien avant qu’un corniaud à perruque orange ne profère ses « Make America great again » …
Et quelques autres aussi pour d’autres raisons. Parce qu’il y a des fois où le Emmerich (et ses scénaristes) se sont pas trop foulés. Entre extraits de films cultes vintage (« Le jour où la Terre s’arrêta ») du génial touche-à-tout Robert Wise, décalques de scènes de « Rencontres du 3ème type » (la séquence de « communication » des hélicos de « bienvenue ») ou de « La planète des Singes » (la Statue de la Liberté couchée sur le sable), répliques piquées à des films cultes (le « Nobody’s perfect » qui concluait « Certains l’aiment chaud » lors de la prière dans la Zone 51), plans de vaisseaux spatiaux en mouvement déjà vus chez Kubrick ou Ridley Scott, …, on peut pas vraiment dire qu’on nage dans l’inédit total…
La fin de la Maison Blanche ...
La plupart des acteurs têtes d’affiche cabotinent à qui mieux-mieux. Notamment Will Smith (ancien ? rappeur reconverti ici en pilote d’avion de chasse et de navette extraterrestre) et Jeff Goldblum (petit employé dans la maintenance de signaux satellite se transformant en Géo Trouvetou qui implémente un virus dans le vaisseau-mère des aliens).
Le film est quasiment un scénario cornélien. Tout se passe en trois journées, du 2 au 4 Juillet, le 4 Juillet étant est-il bon de le rappeler aux fans de Christian Clavier, le jour de la Fête Nationale (Independence Day) des Etats-Unis. Paradoxalement, ce film à la gloire du pays de Lady Gaga, a rencontré tout un tas de problèmes avec l’Etat Fédéral. Qui surtout n’a pas apprécié que toute une partie de l’histoire se déroule dans la fameuse Zone 51. La Zone 51 (ho, le fan de Clavier, branche tes neurones, c’est pour toi) est un peu la tarte à la crème de tous les tenants de la théorie du Complot et serait l’endroit gardé secret où sont étudiés les extraterrestres (celui de Roswell notamment), leurs vaisseaux et leurs technologies, venus s’échouer ou se crasher sur le sol yankee … les mêmes « autorités » n’ayant paraît-il également que peu apprécié que le Président des USA (Bill Pullman dans le film) prenne à moment donné la décision d’utiliser l’arme nucléaire sur le sol de son propre pays (eh, les mecs, si vous avez filé le code à Trump, attendez-vous à tout …). Résultat des courses : interdiction à l’équipe de filmer dans la Maison-Blanche et même de s’en approcher. Des maquettes et les décors du film « Nixon » ont permis de contourner cela.
Bon, ce qui a fait surtout se précipiter l’humanité dans les salles, c’est un ton léger, badin, humoristique malgré les millions (milliards ?) de morts du scénario (le film est classé tout publics). Force est de reconnaître qu’il y a quelques bonnes vannes habilement amenées (certaines au millième degré, tel le savant fou responsable de la Zone 51, maquillé pour ressembler trait pour trait au responsable des effets spéciaux de « Stargate », le précédent film d’Emmerich) quelques mimiques drolatiques du casting (mentions particulières au vétéran Robert Loggia, en chef d’Etat-major qui se livre à une imitation convaincante de tous les tics de John Wayne ; à Randy Quaid, pilote vétéran du Vietnam bourré durant tout le film).
Will Smith & Jeff Goldblum : l'étoffe des héros
Mais surtout, ce qui a fait le succès de « Indepedence Day », ce sont les effets spéciaux pyrotechniques. Parenthèse : ne surtout pas écouter dans les bonus du Blu-Ray les technicos qui commentent le film en ne parlant, des fois avec vingt minutes d’avance, que de la façon dont ils s’y sont pris pour réaliser leurs trucages. Après 45 minutes de présentation des personnages et de mise en place anxiogène des gigantesques vaisseaux spatiaux, arrivent des séquences de destruction massive et totale des villes américaines (New York, Los Angeles, Washington) quasiment toutes « faites main ». De la même façon, les multiples séquences de combats aériens entre les chasseurs F18 ricains et les soucoupes violentes des aliens ont été réalisés sans le concours de l’armée et de l’aviation (voir plus haut) avec en tout et pour tout trois maquettes en bois grandeur nature …

Allez, rassurez-vous, tout est bien qui finit bien, tout le casting ou à peu près s’en tire, et s’il y en a quelques-uns qui crèvent (la femme du Président, Randy Quaid), c’est de façon hyper-héroïque. Comme je l’ai dit quelque part plus haut, « Independence Day » est un film tout public. Avec les qualités et les défauts d’un film tout public …