HAYAO MIYAZAKI - PRINCESSE MONONOKE (1997)

 

Mother's Nature Son ...

« Princesse Mononoke » c’est le film au retentissement mondial qui révèlera et Miyazaki et les productions de sa (co-)création, les studios Ghibli. Et plein de cinéphiles ou au moins d’amateurs de films d’animation s’aperçurent qu’il existait autre chose dans ce domaine que les studios Disney et ses productions. Tiens, suffit de comparer « Princesse Mononoke » avec le winner toutes catégories (et surtout financière) du genre, « Le Roi Lion » sorti trois ans plus tôt. « Le Roi Lion » c’est pour les enfants ou pour ceux qui font l’effort de rétropédaler dans le temps et retrouver des émotions de gosse, les personnages sont peu nombreux et les « saines » valeurs sont développées, le malheur, la souffrance, la résilience, avant le triomphe final. « Princesse Mononoke » a de quoi faire flipper les chères têtes blondes.

Hayao Miyazaki

L’intrigue est complexe et protéiforme, les personnages secondaires nombreux et surtout, c’est un film violent (voir l’affiche du film, plutôt soft par rapport à de nombreuses scènes). Le sang gicle de partout, l’amour et le « camp du bien » ne triomphent pas forcément. Et comme dans la plupart des films de Miyazaki, les héros se trouvent confrontés à des forces maléfiques et des mondes parallèles.

Point de départ, en des temps immémoriaux, le jeune prince Ashitaka, affronte la charge d’un monstre géant qui menace son village. Il tue le bestiau mais est blessé. Une vieille chamane du village lui révèle que sa blessure se révèlera mortelle (car le monstre est un sanglier « contaminé » et mutant), sauf à gagner les bonnes grâces d’une entité, l’Esprit de la forêt, qui seule a théoriquement le pouvoir de guérir la blessure. Voici donc notre héros chevauchant sa monture (un élan rouge) en route pour des contrées lointaines. Où il rencontrera un moine trop malin pour être honnête, une reine de la sidérurgie locale, des samouraïs belliqueux, forcément belliqueux, une jeune princesse (Mononoke) qui vit en compagnie de loups géants, une immense harde de sangliers géants, une foule de petites entités mignonnes et gentilles (les Sylvains, un peu le pendant des Ewoks de la saga Star Wars), et finalement l’Esprit de la forêt (un Dieu-Cerf qui marche sur l’eau le jour, et qui la nuit se transforme en créature immense semi gazeuse).

Mononoke & Ashikata

Le monde (ou plutôt les mondes) décrits par Miyazaki font référence à d’obscures légendes nippones, le Bien et le Mal s’affrontent perpétuellement et les personnages sont complexes, ambivalents (les amitiés et alliances sont de circonstance et ne durent pas toujours). Et puis des intrigues vont bien au-delà de l’histoire elle-même. On finit par comprendre que l’équilibre séculaire entre les humains et les forces naturelles (symbolisées par les bestioles géantes) a été rompu et que les animaux doivent tuer les hommes « mauvais » pour rétablir cet équilibre. Le principal point d’achoppement est représenté par Dame Eboshi qui règne sur une sorte de phalanstère de parias (lépreux, anciennes prostituées), fournit des métaux transformés (acier et ferrailles diverses) à l’Empereur, et pour entretenir ses hauts fourneaux, déforeste à tout-va, ce qui entraîne la révolte des entités animales. Ce qui fait de « Princesse Mononoke » un film écolo militant avant que l’écologie militante devienne à la mode. L’activité de Dame Eboshi étant cruciale, elle doit la défendre en mettant au point des armes innovantes (des arquebuses hyper puissantes) et faire face à la convoitise de ses clients (l’Empereur qui envoie ses samouraïs conquérir le village-usine).

Mononoke représente elle les humains qui ont choisi de prendre fait et cause pour les animaux et l’équilibre ancestral qu’ils défendent. Pas vraiment dans l’esprit babacool, elle mène des raids violents à la tête de ses loups géants contre tous les agresseurs de la nature. Ces trois personnages principaux (Ashitaka, Eboshi, Mononoke) vont passer le film à s’observer, se jauger, s’allier, se combattre, tout en n’étant jamais ensemble dans le même « camp ». Et quand la cupidité des hommes (l’Empereur qui veut la tête du Dieu-Cerf censée lui conférer pouvoir suprême et immortalité) ira crescendo, la riposte de la Nature sera proportionnelle (l’espèce de lave qui s’écoule de la divinité décapitée va tout emporter sur son passage) … on meurt beaucoup dans « Princesse Mononoke » et pas seulement les méchants …

Dame Eboshi

Par rapport aux précédents succès des studios Ghibli, notamment la triplette inaugurale de ses productions, « Le château dans le ciel », « Mon voisin Totoro » (dont le gentil monstre sert de logo aux studios), « Le tombeau des lucioles », « Princesse Mononoke » est beaucoup plus sombre, plus « engagé », plus « militant ». La fin est positive a minima, on ne peut pas parler de happy end. Et de tous ceux que je connais de l’immense Miyazaki, « Princesse Mononoke » est de loin le plus sanglant, le plus violent.

Esthétiquement, on est dans la ligne du parti des studios Ghibli. Tons pastel à la limite de la transparence, décors de fond invariables quand l’action se passe au premier plan. Ce qui n’empêche pas les prouesses graphiques des armées d’animateurs. Les bases scénaristiques sont aussi intangibles, de jeunes héros évoluent dans des mondes parfois parallèles peuplés de créatures aux pouvoirs surnaturels face auxquelles ils doivent se surpasser, sortir de leurs zones de confort …

« Princesse Mononoke » n’est pas la porte d’entrée la plus facile de l’œuvre (qui accumule quand même une flopée de grands films) de Miyazaki. Mais c’est certainement son film le plus adulte, le plus dense (plus de deux heures sans temps mort), en un mot le plus magistral. Cauchemars garantis pour petites têtes blondes non averties …


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