Une pépite ...
Neil Young doit avoir le don d’ubiquité. Pour le
même prix, vous pouvez tomber sur un disque du Roi des hippies
(« Harvest » au hasard), ou sur un du Parrain du rock lourd
(« Ragged glory » tout aussi au hasard). Sachant que la plupart du
temps vous risquez de vous retrouver avec un mélange des deux.
« After the gold rush » est le troisième
disque en solo de Neil Young, paru juste après sa collaboration à (très gros) succès avec Stills et
les deux boulets Crosby et Nash. La pochette est sombre, le contenu un peu
moins. Triste et mélancolique, c’est bien le moins … En tout cas dans mon
tiercé des préférés du Canadien.
« After the gold rush », c’est le disque
des mélodies en or massif, les plus délicates et souvent les plus dépouillées
de sa carrière. Et même si on trouve au casting trois guitaristes (Young, Danny
Whitten et Nils Lofgren), c’est le piano qui est l’instrument roi du disque.
Les accompagnateurs historiques de Young sont là (le Crazy Horse, et David
Briggs à la production).
Alors bien sûr il y a toutes ces ballades portées
par la voix fluette, plaintive et inimitable de Neil Young, qui donnerait envie
de chialer tellement c’est beau rien que s’il lisait le bottin. Des sommets de
feeling que l’on croyait intouchables ou inaccessibles surgissent de partout.
L’irréelle « After the gold rush » (juste piano et voix), « Only
love can break your heart » (une des plus belles mélodies de Young qui
dépasse largement le côté baba-cool dans laquelle on pourrait la réduire),
« Don’t let it bring you down » (même verdict que la précédente), la
petite bluette sautillante d’à peine plus une minute (« Till the morning
comes »), ou encore « Birds » et « I believe in you »
qui évitent tout pathos lyrique dégoulinant … Grosso modo, ces titres
représentent la moitié du disque.
Il y a encore d’autres choses fabuleuses. « Oh
lonesome me », c’est un blues mais avec l’approche toute particulière qu’a
toujours eu Neil Young pour le genre rustique. « Tell me why » placé
en ouverture est un country-rock cool et pépère, peut-être le maillon faible du
disque, le genre de morceaux qu’on a l’impression d’avoir entendu mille fois
depuis, et qui ne laisse pas vraiment présager de la qualité de ce qui suit.
Dernier titre, « Crippple creek ferry » est un hillbilly
antidéluvien, qui ravira ceux qui ont été scotchés par la B.O. de
« O’Brother ».
Et puis avec parcimonie (un titre sur chaque face du
33T original), et parce qu’il faut bien occuper les trois gratteux, deux
déflagrations électriques. Oh, pas des tord-boyaux tout en larsens, non, plutôt
des titres sournois, puissants mais bridés, reposant sur de gros riffs semblant
joués au ralenti, « When you dance you can really love », et le
fameux « Southern man ». Fameux parce que c’est un classique youngien
qui fait chauffer les Marshall, et aussi parce que ça en a énervé quelques uns,
des hommes du Sud. Faut dire que Young a souvent oublié qu’il avait un
passeport canadien et s’est mêlé de ce qui se passait dans la vie sociale et
politique aux Etats-Unis, souvent de façon bizarre et incompréhensible. Mais
avec « Southern man » pour le coup c’est très clair, c’est une
dénonciation de tous les culs-terreux réactionnaires qui ont tendance à
pulluler à mesure que le soleil donne comme dirait l’autre. Un titre qui avec
son quasi-siamois par le propos « Alabama » (sur « Harvest »),
fera voir rouge à quelques-uns, les plus célèbres étant les par ailleurs
excellents graisseux Lynyrd Skynyrd qui répliqueront avec leur « Sweet
home Alabama » (genre par chez nous, c’est très bien, c’est juste que
c’est pas un bled pour les chochottes, et que si le Sud des USA te plaît pas,
tu retournes dans ta cabane au Canada).
« After the gold rush » sera un gros
succès pour Neil Young, qui va avec ce disque continuer la période la plus
florissante commercialement parlant de sa carrière, entre les cartons
planétaires de « Déjà vu » (avec Stills et les deux boulets
sus-cités) et de « Harvest ».
Du même sur ce blog :
Everybody Knows This Is Nowhere
Harvest
On The Beach
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