MIOSSEC - L'ETREINTE (2006)


Miossec se mouille ...

J’ai pas tous ses disques, j’en ai juste une petite poignée. Et celui-ci me semble son plus intimiste, celui où Christophe Miossec dévoile son âme, ce qui coûte plus que de montrer son cul (dixit Gainsbourg).
Derrière une pochette que je trouve très moche (due à un de ses potes peintres, également responsable de l’artwork du livret), se cache un de ces essais musicaux introspectifs que je redoute, sur lequel un quidam vient raconter sa vie et chialer sur l’épaule d’un auditeur qui n’a rien demandé.
Ce coup-ci, ça passe, peut-être parce que quelque part Miossec ne « joue » pas, et qu’il se livre. Il y a des textes qui en disent tellement qu’ils sont vrais, et ne sont pas là par hasard. Il y a des plaies béantes, de vraies blessures de l’âme qui apparaissent, mais derrière tout ça une humilité, une humanité. Miossec ne se plaint pas, ne cherche pas le réconfort, il se raconte …
Musicalement, ça donne dans « l’ambiance ». C’est pas vraiment du rock, du folk, ou un mélange des deux, ça tient plus du nappage instrumental que de la récitation d’un genre identifié, ça se contente de pulser, de swinguer gentiment. C’est tout entier au service des mélodies, et il y en a quelques-unes de bien foutues (« L’amour et l’air », la plus belle et marquante, « Mon crime : le châtiment », « La facture d’électricité », …).
C’est au niveau des textes qu’il a fait fort, Miossec. Fini le poivrot existentiel, le Tom Waits mâtiné de Gainsbourg des débuts, et place à un adulte qui a morflé, et qui nous montre ses bleus à l’âme. Dans des thèmes difficiles, dont beaucoup tournent autour de l’amour (de sa vie, de celle qui est partie, de celle qu’on voudrait reconquérir, …), et de toutes ces choses anodines et intimistes qui ne marquent l’existence que de celui qui les vit. Il faut oser, et surtout trouver les mots qui sonnent juste et vrai pour chanter des choses comme « Maman », « Quand je fais la chose », « La grande marée », « L’imbécile », « L’amour et l’air ». Tous ces titres introspectifs occupent le cœur du disque, et il n’y a finalement qu’au début et à la fin qu’on retrouve un Miossec connu. L’observateur acerbe de la société, de ses aléas et de ses travers avec la géniale « La facture d’électricité », une des choses qui parlent autrement mieux du chômage que des heures de discours politiques ou syndicaux. Et les deux derniers titres (au demeurant peut-être les plus faibles du disque), la conventionnelle ballade « Julia » et la berceuse « Bonhomme », dans lequel les coïncidences avec un double disque blanc de quatre types de Liverpool sont tellement troublantes qu’il ne peut s’agir que d’un hommage, décalé, certes, mais hommage quand même.
Les fans des débuts semblent assez partagés sur ce disque, qui évite, vus les thèmes abordés, de tomber dans les soupes braillées à la Ferré (l’excellent « La mélancolie »), les pleurnicheries à la Charlélie Couture (« Le loup dans la bergerie », bonne joke, mais à quel degré faut-il prendre ce titre ?). Qui évite aussi les chansons d’amour avec violons terminalement nulles. Non, Miossec avec ce disque ne fait pas non plus un revival Mike Brant.
Il est juste là, en face de nous, avec son cœur qui saigne. Et il nous montre qu’un cœur qui saigne, ça peut être beau …

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Boire