DAVID BOWIE - THE MAN WHO SOLD THE WORLD (1970)


Bowie en 70, la grosse cote ...
Quand sort ce disque, Bowie n’est rien, ou au mieux pas grand-chose, et pas grand monde à l’écoute de cette rondelle n’a du se hasarder à lui prédire la carrière que l’on sait. Un lustre qu’il traîne dans le Swingin’ London, avec ses groupes mod ou garage (King Bees, Lower Third), un premier disque solo chez Deram … De cette époque, juste une paire de titres à sauver (« London boys » et « Liza Jane ») à condition d’être de bonne humeur, et tout un tas d’horreurs dont par charité chrétienne on ne dira rien. Et puis, en 1968, coup de bol, Bowie en sortant d’un ciné fortement impressionné par le film qu’il vient de voir, « 2001 Odyssée de l’Espace » de Kubrick, compose l’ébauche de ce qui deviendra le titre « Space Oddity ». Sorti en single en 69, bénéficiant de l’effet Armstrong et Aldrin marchant sur la Lune, « Space Oddity » deviendra un hit. Mérité, c’est le premier grand Bowie classic. Las, il va se retrouver perdu sur un album du même nom très moche, englué de babacooleries folky atroces, tout juste bonnes à ravir un fan de Devendra Banhart.
La "Drag cover" censurée
« The man who sold the world », l’année suivante est différent. Meilleur, certes, et de loin, mais sûrement pas un des albums de Bowie « qui compte ». D’ailleurs l’Histoire n’en a d’abord retenu que sa triple pochette, dont la scandaleuse (pour l’époque s’entend) « drag cover ». Il faudra attendre plus de vingt ans et la reprise par un certain Kurt Cobain et son groupe sur leur « Unplugged in New York City » du morceau-titre, pour qu’on se souvienne que oui, finalement, ce « The man who sold the world » était un bon morceau. Et même le meilleur et d’assez loin de ce disque…
Pourtant, le casting est pas mal, avec Visconti à la basse et à la production, Woodmansey à la batterie, Ronson à la gratte, et Ken Scott qui assiste Visconti … Soit le producteur de « Ziggy Stardust » et la moitié des Spiders from Mars … Ronson est énorme sur ce disque. Il sauve presque par quelques solos dans un final rageur « The width of a circle », interminable titre d’ouverture qui fait penser à du Grateful Dead repris par Black Sabbath (ou le contraire, peut-être bien …), et enjolive heureusement « Black country rock » (titre hésitant entre heavy-rock et glam-rock) et « Runnin gun blues » sur lequel le caméléon vocal Bowie ne fait pas à mon avis un choix très heureux, trop dans les aigus, ce qui convient assez mal à un machin bluesy, par ailleurs quelconque…
La pochette US
Mais Ronson a beau se multiplier, il lui faut faire face à un Tony Visconti qui a profité de son rôle de producteur pour se faire mousser et mettre sa basse inconsidérément en avant dans le mix, et surtout à son patron, Bowie ne laissant guère de compositions inoubliables sur ce disque. Au contraire, il part sans trop de directions dans ce projet, multipliant balourdises (« All the madmen », c’est du fuckin’ prog qui veut pas dire son nom), ou citations par trop évidentes (« Saviour machine », assez intéressant cependant, n’est qu’une imitation de Scott Walker, modèle pas seulement vocal de Bowie). Et comme il le fera toujours par la suite, Bowie jette dans ses disques des passerelles vers de possibles futurs. Ici, c’est le dernier titre, totalement hors contexte par rapport au reste, qui retient l’attention. Il s’appelle « The Supermen », et par son titre, son thème, sa mise en place sonore et vocale, préfigure « Ziggy Stardust » et les dérives idéologiques du Thin White Duke …
« The man who sold the world », logiquement, ne fera parler de lui que par sa pochette … Bowie a toujours vite appris et retenu les leçons. Le disque suivant opèrera un virage radical. Il s’agit de  « Hunky Dory » …

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