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TALKING HEADS - FEAR OF MUSIC (1979)

Le OK Computer des années 70 …
Squelettique et sautillant, le 1er Talking Heads avait fait l’effet d’une bombe deux ans plus tôt. « Talking Heads 77 », c’était un disque martial d’épileptique sous Tranxène, un disque de punk pour ceux qui aimaient pas çà. Le groupe avait eu beau partager la scène miteuse du CBGB avec les Ramones, ils avaient rien de sniffeurs de colle en Perfecto, et leur musique était loin du binaire « 1,2,3,4, Hey ho, let’s go ». Les Talking Heads, c’était un déjà vieux de la vieille (Jerry Harrison, un ancien des Modern Lovers de Jonathan Richman), une rythmique funky (le couple à la ville comme à la scène Chris Frantz – Tina Weymouth), et tête pensante des Têtes Parlantes, le sieur David Byrne. Lequel Byrne s’entiche très vite de l’œuvre d’une autre tête très pensante, Brian Eno.
Brian Eno & David Byrne
Eno, je connais. Ses débuts dans les deux premiers Roxy Music, quelques-uns de ses disques solos (dont je raffole pas au-delà), et pas mal de disques des autres qu’il a produit (dont je suis plutôt preneur), et là la liste est longue, son « client » le plus célèbre en cette fin des seventies étant David Bowie pour ses disques dits « berlinois ». Et il me semble avoir compris quelque chose au travail de producteur d’Eno. Il aime pas vraiment le rock au sens large (ouh, le vilain !) et veut faire « autre chose » quand il bosse sur un disque. En instaurant une sorte de rapport de forces psychologique avec les gens qu’il produit. Et là, si t’as pas du caractère, et des idées bien arrêtées, t’es mort, tu te retrouves avec un disque de Eno. Faut instaurer un combat artistique avec lui. Ce que n’a pas fait David Byrne en allant le chercher. Byrne est trop fan de Eno, et Eno a bouffé les Talking Heads. Non sans que Weymouth et Frantz résistent, ils reprendront la main le coup d’après (le superbe « Remain in light », toujours avec Eno, mais il a été obligé de lâcher du lest), dernier éclat de ce groupe qui s’appelait Talking Heads, avant qu’il devienne la chose du seul David Byrne.
« Fear of music » donc. La tarte à la crème de ceux pour qui le rock doit être mûrement pensé, pesé, intello et cérébral. La référence suprême de la disco des Talking Heads pour ceux qui n’aiment pas le rock. La matrice de tous les groupes d’Anglais torturés et leur descendance qui vont faire leurs les années 80, tous les Joy Division, OMD, Cabaret Voltaire et consorts … « Fear of music » est un virage radical pour les Talking Heads. Sur onze titres, seuls une paire (« Paper » et « Animals ») se situent en terrain connu. Tous le reste est une plongée vers l’inédit sonore, et on sent que Eno et Byrne ont pris leur pied en utilisant un nouvel état d’esprit (le punk-new wave-machin chose) pour triturer la carcasse du bon vieux old rock.
1979, les Talking Heads prennent l'eau
Le résultat d’ensemble, désolé, mais je vois là-dedans rien qui puisse ressembler au chef-d’œuvre indiscutable qu’on tente de nous refourguer depuis plus de trente ans. Y’a de bonnes choses, d’accord, et aussi des machins pénibles qui me gavent. Genre « Cities », funk robotique syncopé en totale roue libre, « Drugs », anecdotique machin barré-psyché-krautrock … Au hasard, deux des titres jugés « fabuleux » par ceux qui aiment ce disque. Par contre, j’aime bien l’inaugural « I Zimbra », avec son texte en kobaïen africanisant, et la guitare mathématique de Robert Fripp reconnaissable entre mille, « Mind » comme du Roxy Music des débuts (période Eno donc) repris par les Talking Heads, « Life during wartime », rhythm’n’blues quasi méconnaissable et pour moi meilleur titre du disque. et puis une grosse partie du skeud qui me laisse à peu près indifférent (« Heaven », toutes les recettes du Bowie période berlinoise mais mieux vaut l’original, le sombre « Memories can wait » très joydivisionnesque mais là aussi c’est mieux avec Ian Curtis et sa bande de tristos).

En fait, l’histoire l’a montré, deux tendances commençaient à s’affronter au sein des Talking Heads. Pour faire simple, on dira la tendance intello (Byrne et son nouveau pote Eno, quasiment cinquième membre du groupe), et la tendance funky (Weymouth et Frantz, au final rejoints par Harrison). « Remain in light » sera un compromis étonnamment réussi, avant que le groupe n’implose, la bassiste et le batteur fondant le rigolo et dansant Tom Tom Club, mais continuant de participer aux disques des Talking Heads, désormais sous la tutelle entière de Byrne.

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SIMPLE MINDS - NEW GOLD DREAM (81-82-83-84) (1982)

Stars des années 80 ...
Je l’écris en tout petit, mais bon, à l’époque, j’ai écouté les Simple Minds. Je trouvais même ça pas trop mal. Pas aussi bien, loin de là, que les Cramps, le Gun Club, les Fleshtones et d’autres cohortes d’obscurs garage bands. Mais nettement mieux que tout un tas de daubes qui commençaient à pulluler.
Simple Minds 82
Mais voilà, trente après, ça fait quand même mal aux oreilles les Simples d’Esprit. Et encore, là, avec ce « New gold dream », ils faisaient un grand bond qualitatif en avant. Faut dire qu’ils (re)venaient de loin, du trouble marigot où s’ébrouaient des contingents de new-waveux cold-waveux. Mais là, tout d’un coup, avec quelques autres dont leurs potes de U2, ils allaient se retrouver en haut de l’affiche. A coups de grandes chansons conçues comme des hymnes, de messages « positifs », de refrains à reprendre en chœur dans les stades, parce que in fine, c’est de çà qu’ils rêvaient (et les majors derrière eux), ces vastes communions dans des endroits de plus en plus gigantesques, où toutes les stars de la décennie allaient finir. Le retour aux grands raouts sixties, alors que depuis quelques années, grâce au pub-rock et au punk, la musique était revenue dans les petites salles conviviales, seules quelques superstars vieillissantes (les Who, les Stones, Queen, …) se produisaient dans les stades.
Les Simple Minds de « New gold dream », c’est un peu l’avènement du « gros son », ce mirage du message qui passe mieux quand c’est joué plus fort, et dans lequel tous (de Springsteen à Tears for Fears, de Bowie à Cyndi Lauper) allaient se fourvoyer dans cette maudite décennie, toutes grosses caisses de batterie en avant et pléthore d’arrangements pompiers. Simple Minds, ça cogne. Enfin, ça commence, ce sera pire sur le suivant « Once upon a time ». Ici, le groupe hésite encore, le cul entre deux chaises, entre new wave à synthés (y’en a partout, en « nappes », comme on disait à l’époque, ils sont aussi en avant que la batterie et la voix comme il se doit de stentor du chanteur), et rythmiques rentre-dedans beaucoup plus « rock ». Curieux de voir, au vu de l’évolution future du groupe, qui deviendra un duo avec des sessionmen, que l’un des deux leaders en puissance, le guitariste Charlie Burchill, est quasiment inaudible tout au long du disque. Ce sont des accords de synthé et pas des riffs de guitare qui font monter la température dans les morceaux.
Jim Kerr 1982
Lesquels morceaux commencent à s’allonger, comme une répétition ad lib d’un message. Quasi tous dépassent les cinq minutes. Le frontman du groupe, le chanteur Jim Kerr, à grands coups de brailleries « concernées » et de poses christiques, va devenir une des superstars de la décennie. Trois hits, et pas des petits, de ceux qu’on entendait vraiment à la radio, seront extraits du disque, « Someone somewhere in Summertime », « Glittering prize », et le gros carton « Promised you a miracle ». Aujourd’hui, ça me donne l’impression d’hymnes pompiers renforcés par de gros gimmicks vulgaires de synthé ou de batterie, avec des montées tout en puissance vers le refrain braillé comme un slogan. Le problème vient tout autant des autres titres, bâtis sur le même modèle, bien résumé par « Big sleep », on ne peut mieux nommé.
Le genre de skeud tout juste intéressant pour une soirée à thème sur les « fabuleuses » années 80 dont quelques sourds quadra-quinqua se délectent encore.
Enfin, une question essentielle me turlupine. Comment Chrissie Hynde (putain, Chrissie Hynde, quand même) a t-elle pu divorcer de Ray Davies (putain le Ray Davies des Kinks, le meilleur auteur anglais des cinquante dernières années) pour aller épouser ce tocard de Jim Kerr ?
Ouais, Chrissie, pourquoi t’as fait ça ?

SIOUXSIE AND THE BANSHEES - THE SCREAM (1978)

La Prêtresse gothique ...
C’est l’étiquette indélébile qui la suivra jusqu’à la nuit des temps. Et qui la gonfle passablement. Elle, c’est Susan Ballion pour l’état civil. Une figure du Londres punk. Quasiment une star au sens warholien du terme. Egérie du Bromley Contingent, la section hardcore du fan-club des groupes punks, et des Pistols en particulier. Dont les photos se sont retrouvées sur les tabloïds. Elle passe pas inaperçue, celle qui se fait maintenant appeler Siouxsie. Coiffure de jais spike au rasoir, yeux au charbon, et tenue vestimentaire traditionnelle composée de soutien-gorges en cuir noir sous imperméable transparent. Au bras de l’imper, un brassard à croix gammée. Les paparazzi s’en donnent à cœur joie.
Siouxsie 1978
Alors quand avec des potes de squatt Siouxsie entend se lancer dans la musique, par un grand coup de balancier réactionnaire (les punks sont ingérables, et les leaders du mouvement, les « scandaleux » Sex Pistols, en pleine débandade seulement un an après leur apparition), ça se bouscule pas du tout pour les signer. Malgré tout, sur la foi d’un seul single à gros succès (« Hong Kong garden »), Polydor complète sa devanture musicale « branchée » en s’offrant Siouxsie et son groupe, les Banshees.
Le premier 33T des Banshees sort fin 1978. Quasiment après la bataille pouvait-on penser. S’il s’était agi d’un disque de punk-rock basique, personne ne s’en serait préoccupé. Or Siouxsie et ses trois garçons (formation basique, guitare-basse-batterie), vont déposer dans les bacs une étrangeté sonore telle qu’elle n’a pas pris une ride depuis sa parution. Rares sont les disques qui peuvent se vanter d’être parmi les fondateurs d’une mode, d’une tendance, d’un courant. « The scream » réussit l’exploit d’être à la fois une des premières parutions de post-punk, new wave, cold wave, rock gothique. Aussi fort, aussi important que les disques contemporains de PIL, Magazine ou Wire, une longueur d’avance et un modèle dans lequel ont très largement puisé Joy Division, Cure, Bauhaus, et toute la clique des corbacs gothiques. Et plein de gens qu’on pourrait croire à des lieues de tout ça ne cessent de revendiquer l’héritage de ce disque ou de Siouxsie (de Jane’s Addiction à Radiohead, ça ratisse large …).
Alors, il y a quoi dans ce « Scream » ? Deux choses qui dominent. La voix de la Siouxsie qui hurle et monte dans les aigus pour tester les tympans. Un type, John McKay, qui joue de la guitare façon scalpel, tout en riffs incisifs et saignants, dédaignant tout le foutu bazar pentatonique bluesy. Les deux stridences se mélangent, se répondent, s’invectivent, et tous ces gimmicks juste entrevus chez Wire ou Magazine sont la base même de la musique des Banshees. Ajoutez un tout jeune producteur, Steve Lillywhite, qui deviendra un des pousseurs de manettes roi des années 80 grâce à ses batteries mixées très en avant. Ici, si ça ne sonne pas encore comme U2 ou Simple Minds, le son de batterie des Banshees, tout en brisures et en contre-temps, porte sans nul doute la patte du producteur.
Siouxsie & The Banshees avec Robert Smith
« Pure » ouvre les hostilités. Et on est bien en terrain hostile. C’est un court instrumental menaçant comme la B.O. d’un giallo de Dario Argento, avec quelques cris terrifiants au fond du mix (Siouxsie). Mais on égorge quoi là ? Le punk, tout simplement. Parce que la suite confirme. La guitare crissante sur une note, la rythmique tournoyante, la voix qui hurle dans les aigus, c’est « Jigsaw feeling », c’est une coulée de lave glaciale qui sort des sillons du disque. Troisième titre et troisième plongée dans l’inconnu, « Overground », avec son riff au cutter débuté à la limite de la perception avant de gronder en avant, une incantation de la Siouxsie, et quand la batterie arrive, on a du Cure (qui n’a pas encore sorti de disque). Ensuite, on prend ses repères, c’est quasiment du terrain connu. « Carcass », sur un riff dérivé de celui de « Rebel rebel » de Bowie (la dame est très fan du chanteur aux yeux vairons), et ne serait cette voix syncopée, ce serait du classic rock de l’époque. On relâche la garde à l’intitulé de « Helter Skelter », ouais, ces jeunots, ils s’amusent à faire du boucan désorganisé, mais ils reviennent vite aux Beatles, aux valeurs sûres. Grave erreur, fallait rester vigilant. Le titre de Paulo Macca est totalement déchiqueté, déstructuré à rendre jaloux l’insupportable Zorn et son fan-club, et si Manson avait pu entendre cette reprise, c’est pas Sharon Tate et une poignée d’autres, c’est tout Los Angeles qui se serait retrouvée les tripes à l’air… Fin de la première face du vinyle …
La seconde n’a rien de primesautier. Moins surprenante, parce que là, maintenant, on est prêt à tout. Mais pas pour autant mainstream. « Mirage » anticipe la pop noire et hantée des 80’s (pas un hasard si les Depeche Mode en mode « célébration noire » des débuts ne tarissaient pas d’éloges sur les Banshees), tous les corbeaux gothiques se délecteront des stridences de « Metal postcards ». Sûrement concession aux potes du Bromley Contingent, « Nicotine stain » est le titre plus ou moins punk de l’album, mais du punk qui n’en est déjà plus (post-punk ?, post-rock ?). En tout cas, il paraît léger à côté du final, le très lent et très inquiétant « Suburban relapse », avant la conclusion (« Switch »), longue montée névrotique entamée par des arpèges de guitare et voix plaintive de la Siouxsie, un titre qui contient en germe la trilogie « glaciale » des Cure.

Accueil critique dithyrambique, accueil poli du public. Ce disque est très novateur, et à mon sens, les Banshees n’iront plus jamais aussi loin dans ce qu’il est bien convenu d’appeler quand même de l’expérimental. D’ailleurs de la formation présente sur « The Scream » ne resteront vite que Siouxsie et le bassiste Steve Severin. Budgie, le batteur des Slits, et futur Monsieur Siouxsie les rejoindra, Robert Smith viendra faire quelques piges à la guitare, avant l’arrivée de John McGeoch (ex Magazine) pour ce qui constituera alors la formation « à succès » de Siouxsie & The Banshees … 

KATE BUSH - THE KICK INSIDE (1978)

Seule au monde ...
Kate Bush, c’est impossible à ne pas reconnaître. Ne serait-ce qu’à cause de la voix (quatre octaves, tout en haut des aigus). A cause de la musique aussi, un peu, parce qu’elle œuvre dans un domaine assez original. Et ce dès son premier disque, « The kick inside ».
Kate Bush, c’est un peu l’anti-star du rock’n’roll circus. La fille de bonne famille, des années de danse classique, des cours de piano.  Et elle écrit des chansons. A dix-sept ans, elle en aurait écrit plus de cinquante. Certaines sont mises sur des cassettes que ses parents font circuler auprès d’amis musiciens. L’une de ces cassettes échouera chez David Gilmour, obscur guitariste d’un groupe pas très connu, Pink Floyd … On peut tomber plus mal d’entrée. Et donc Gilmour a les moyens dès 1975 d’envoyer la gamine en studio enregistrer trois titres, dont deux (« The man with the child … » et « Strange phenomena ») se retrouveront sur « The kick inside ». Gilmour fait signer Kate Bush chez EMI (ça n’a pas dû être trop difficile, ce sont eux qui vendent les disques du Floyd), délègue un de ses amis, Andrew Powell, aux fins de recruter des musiciens, et produire le premier disque de sa protégée.

Ce premier disque n’est pas là juste parce que c’est une tocade de milliardaire du rock à qui sa maison de disques ne peut pas refuser un petit service. Le Kate Bush Group se rode sur scène pendant deux ans avant d’entrer en studio (où là ce seraient des requins de studio qui les remplaceraient, prétend la rumeur). C’est à peu près la seule période de la carrière de Kate Bush qui va ressembler au parcours de n’importe qui dans le music-business. Après la sortie de ce disque, elle  va à peu près jouer « le jeu » une paire d’années (un peu de promo, quelques interviews, un disque par an, une tournée). Et puis basta … Finies les interviews, les tournées, et en tout et pour tout neuf « vrais » disques en trente cinq ans de carrière (un peu comme Manset, elle retravaille à l’occasion ses titres pour des compilations).
« The kick inside ». Le premier donc. Mais pas le meilleur. Même si on y trouve déjà tout ce qui fera le Kate Bush style. La voix et le piano, les éléments de base chez elle. Qui n’ont besoin de rien ni personne d’autre sur trois titres (« The man with the child in his eyes », « Feel it », « The kick inside »). Ensuite, pour le reste, un univers sonore original et unique pour l’époque. Pour lequel on a souvent vu citer l’adjectif de « féerique ». Où se mêlent des rythmes de comptine, de la musique classique ou baroque, mais produits par une instrumentation « rock » de base (guitare, basse, batterie, claviers), sur laquelle ne se greffent que très rarement d’autres instruments. Allez savoir pourquoi (enfin, si, je sais, à cause de quelques strates de musique classique ou planante, et la connexion Gilmour-Floyd), les vilains progueux ont été nombreux à s’enticher de la Kate. Ils ne furent pas les seuls, heureusement. Son premier 45T, l’a priori totalement improbable « Wuthering heights » (d’après le bouquin du même titre d’Emily Brontë) resta plusieurs semaines en haut des charts anglais (et aussi d’ailleurs), alors qu’il échappe totalement à tous les standards et formats de l’époque. Il écrase quand même un peu tout le restant de ce premier disque. Beaucoup de titres sont construits de la même façon, et passé l’effet de surprise, donnent un peu l’impression d’une formule trop systématiquement appliquée (ces mélodies très cinétiques, témoin du passé dans la danse de la Bush, cette ambiance elfique et pastorale, …) Les textes sont parfois assez cryptiques (certains fins analystes ayant même décelé en « The saxophone song » une ode à la masturbation et dans « Strange phenomena » une allusion aux cycles menstruels), souvent des mots choisis plus par leur musicalité que pour leur sens.
La pochette refusée par Kate Bush
On sent tout de même dans « The kick inside » une volonté (certainement la pression d’EMI, ils veulent bien faire plaisir à Gilmour, mais surtout vendre du vinyle) de coller à l’air du temps. Deux titres vaguement reggae (« Them heavy people » et « Kite ») font un peu beaucoup aguicheurs pour coller à l’air du temps, seront sans suite dans l’œuvre de Kate Bush et lui vont à peu près aussi bien qu’un jean slim à Beth Ditto … Mais bon, bien que jeune et débutante, Kate Bush ne s’en laissait pas toujours conter, elle a refusé la pochette initialement prévue pour une très « orientalisante »  (certainement un clin d’œil à son frère, karateka de haut niveau et fan de culture asiatique, un frère dont elle était très proche)

Toutes ces menues réserves ne sont valables que parce qu’aujourd’hui on connaît la suite et les disques qui vont en permanence s’améliorer jusqu’à son chef-d’œuvre « Hounds of love » en 1985. On aimerait que toutes celles qui l’ont copié sans vergogne (je balance pas, tout le monde le sait, la liste est même sur Wikipédia) aient pondu beaucoup de choses du niveau de ce « The kick inside » …


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JOE JACKSON - LOOK SHARP ! (1979)

Catalogue new wave ...

Les punks avaient démontré que point n’était nécessaire d’avoir des décennies d’études musicales derrière soi pour faire des disques. Joe Jackson allait prouver que des années de conservatoire (du piano à la très sérieuse et très prestigieuse London’s Royal Academy of Music), ça pouvait aussi aider pour faire de la musique.
Avec pareil background, Joe Jackson n’a forcément rien d’un punk. Il arrivera avec ce disque, son premier, alors que les punks commencent à avoir du plomb dans l’aile, dans une Angleterre de la fin des années 70 qui voit émerger chaque semaine des sons et des gens nouveaux. Le tout englobé dans le terme générique de new wave, regroupant des artistes aussi différends que Cure, Siouxsie, Magazine, Police, Madness, Costello …
Scoop : Joe Jackson a eu des cheveux !
Costello, justement. L’autre Elvis avec lequel Joe Jackson a souvent été comparé à ses débuts. Tous les deux ont débuté avec des chansons sèches, presque austères, nerveuses, avec de nombreuses choses venues du reggae … et tous les deux ont vite été à l’étroit dans le format qui les avait fait connaître. Il y a une différence fondamentale entre eux, leur culture musicale de base. Costello rêve de folk et de country, Jackson de jazz et de musique classique, et très vite, ils bifurqueront vers ces genres qui les fascinent …
Mais à ses débuts, Joe Jackson est parfaitement raccord à l’air du temps, et son talent certain de musicien lui permettra de glisser dans ce premier disque des titres marquants, qui feront de ce « Look sharp ! » un bon succès et un des incontournables de l’époque. Un premier disque carte de visite, en ces temps reculés où l’on ne cherchait pas à tout prix la rentabilité immédiate, où l’on raisonnait en terme d’œuvre, de carrière. Joe Jackson sort un disque en prise avec son époque, mais suffisamment personnel pour qu’on le remarque du lot.
Une chose frappe tout du long de ce « Look sharp ! ». Tous les morceaux reposent sur un son de basse caoutchouteuse, ample, tenue par Graham Maby. Que beaucoup s’arracheront pour leurs disques ou leurs tournées, mais qui toujours restera fidèle à Jackson tout du long de sa carrière, inamovible piler du Joe Jackson Band … Et Maby, on l’entend d’autant plus que pas mal de titres de « Look sharp ! » sont construits à partir de bases reggae (« One more time », avec son refrain pop, sec et nerveux, « Sunday papers », sur les tabloïds anglais, « Fools in love », avec un piano jazzy au milieu du morceau, « Look sharp ! » le titre est un ska sautillant qui évolue vers des accords tarabiscotés qui eux évoquent  … le prog, nobody’s perfect). La basse est quasiment seule à assurer les couplets tout en lenteur avant un refrain très mélodique de « Is she really going out with him », premier hit de Joe Jackson et un de ses titres fétiches.
Joe Jackson Band 1979
Et puis, de temps en temps la petite équipe (guitare, basse, batterie, Jackson au piano, plus rarement à l’harmonica, et David Kershenbaum à la production) se lâche, balançant du rock’n’roll (« Throw it away »), du punk-rock (« Got the time »), deux genres dans lesquels Joe Jackson ne s’investira plus guère par la suite et ces titres font un peu figure de curiosités. Ils clôturaient chacun une face du vinyle original. Un titre saccadé (« Having loving couples ») évoque le Costello des tout débuts, un autre (« Baby stick around ») fait penser au Clash de « Give ‘em enough rope », « Pretty girls » me semble très inspiré par le « Do wah diddy » de Manfred Mann. Et pour achever le tour du propriétaire, il y a des riffs très Led Zep sur « Do the instant mash », et sur la réédition Cd deux titres bonus assez anecdotiques …
« Look sharp ! » sera assez bien perçu lors de sa sortie, et contribuera vraiment à lancer la carrière de Joe Jackson. Qui suivra dans la même veine avec « I’m a man » que l’on peut raisonnablement trouver meilleur. Ensuite, l’Anglais à forte tête (c’est pas toujours un client « facile » niveau relations humaines, il a des jours « sans », où il est très soupe au lait), bifurquera vers des genres pas très à la mode (en gros du swing jazzy très orchestré le temps d’une paire de disques) avant de revenir à la pop avec ce que beaucoup considèrent comme sa masterpiece, « Night and day », et à nouveau de repartir dans d’autres directions musicales, démontrant un talent évident, protéiforme, mais pas toujours facile à suivre …

THE SPECIALS - MORE SPECIALS (1980)


Enjoy yourself ?
C’était il y a une éternité … Le ska, le two-tone, les damiers noirs et blancs, les pork-pie hat … la grosse affaire de la toute fin des années septante, juste après les punks, avant tout le reste, l’Angleterre de la réac bitch witch Thatcher … ca y est, vous situez ? Comment ça, vous aviez séché les cours à la Rock’n’Roll University quand y’avait les TP de rocksteady-dub-ska-reggae ? Pfff, que des branques … bon, je résume l’affaire.
Angleterre. Les punks. Qui par définition se devaient d’être éphémères (rien n’est plus con qu’un vieux punk), de vite disparaître ou de passer à autre chose. Les punks qui ne respectaient rien ni personne. Sauf les Jamaïcains et leur musique (Clash, Slits, Ruts, Costello, euh hum, … Police). Une communauté jamaïcaine très fournie en Angleterre (relents d’impérialisme britannique). Et très vite, alors que la première vague punk retombe dans le sillage de la débandade des Pistols, le besoin d’une autre nouvelle vague. Et au milieu des prémices des scènes post-punk, new wave à synthé, gothique, rockab, des formations plutôt pléthoriques se lançant dans un revival de musique jamaïcaine, abordé par son côté le plus festif, le ska.
Les Specials 1980
Une nuée de groupes multiraciaux (two-tone) surgit de partout (beaucoup, allez savoir pourquoi, de Coventry, dont les Specials). L’écrémage se fera vite. En quelques mois, ne resteront plus que les Bodysnatchers, les Selecter, le Beat, Madness et les Specials. Les deux premiers, trop limités, passeront à leur tour vite à la trappe. Le Beat va se trouver confronté à un groupe américain homonyme (celui de l’excellent Paul Collins), et le temps de quelques plaidoiries et changement de nom en The (English) Beat arrivera en retard pour le succès. A la trappe également. Restent donc Madness et les Specials. A Madness les ventes colossales de singles (« One step beyond »), aux Specials le bon disque (leur premier éponyme, magistralement produit par Elvis Costello).
Tout ça nous menant à ce « More Specials » second disque de la troupe à Jerry Damners. Ah, je vous ai pas dit, les Specials sont nombreux, tous sont en principe égaux, mais comme disait Coluche, Jerry Damners est plus égal que les autres. C’est lui la tête pensante du groupe, le plus souvent son porte-parole, et si la plupart des autres composent, c’est lui qui signe les meilleurs morceaux. Autant dire que c’est le leader, détail qui aura très vite son importance …
D’ailleurs c’est lui qui produit ce « More Specials ». Damners est un type intelligent, qui voit l’impasse du strict revival dans lequel vont se fourvoyer les concurrents de Madness (avant de virer pop et d’en devenir un des meilleurs groupes des 80’s, mais c’est une autre histoire). Et donc, déjà, il est évident pour lui que son groupe doit aller voir « ailleurs », chercher une porte de sortie au rythme sautillant et festif qui commence déjà à lasser le grand public. La rupture ne sera pas totale (il y a sept bouches à nourrir dans les Specials, faut assurer un minimum), mais ce « More Specials » le sera suffisamment, spécial, pour être rejeté par une grosse partie des fans de la première heure.
Le ska est pourtant là et bien là, à l’image des deux singles, « Enjoy yourself » et « Rat race », bien dans la ligne du parti. Mais ensuite, ça se complique, Damners entraîne le groupe, pousse les autres au cul pour qu’ils participent, vers des sonorités sinon expérimentales, du moins inattendues. Certaines choses restent dans « la famille », que ce soit les touches dub de « Man at C & A », ou celles reggae de « Hey, little rich girl » ou « Pearl’s Café ». Des cuivres mariachi font leur apparition (« Holiday for tonight »), et en plus de la Jamaïque, d’autres îles caraïbes semblent de la croisière sonore (« Do nothing », « I can’t stand it »). « Sock it to ‘em J.B. », très funky, semble un hommage à James Brown (logique), d’autres disent à James Bond (?). « Stereotypes », le morceau de bravoure du disque commence comme un tango, avant de virer dub dans un hommage à la culture toaster. Il y a même un titre curieux, bizarre, qui mélange une infinité de sons d’où émergent à peine funk et reggae au milieu d’empilement de synthés et de voix filtrées et trafiquées. Et comme un signe fort de rupture avec le passé, une courte version très lente, funèbre, du « Enjoy yourself » inaugural, vient clôturer ce « More Specials ».
Avec sa curieuse (non) dentition, Jerry Damners et les Specials
A l’époque de sa sortie, le contraste était net entre les deux faces du vinyle, la face « classique » au début, « l’expérimentale » pour conclure. L’enregistrement du disque se fera un peu au forceps. Les deux chanteurs Lynvall Golding et Terry Hall (ce dernier est le boyfriend d’une des Go-Go’s, ce qui explique que les Californiennes soient créditées pour quelques chœurs) vont s’opposer à Damners sur la ligne musicale à suivre. Le clash aura lieu lors de la parution d’un single très politisé, non présent sur l’album (« Ghost town » qui sera le seul N°1 du groupe). Golding, Hall et le percu Staple iront former les Fun Boy 3 (anecdotique), Damners et le restant de la troupe deviendront The Special AKA, tout aussi anecdotique. Comme d’hab, résurrection-reformation sans intérêt des décennies plus tard …
Il est de bon ton de dire que « More Specials » est le meilleur des deux disques du groupe car le plus « original », le plus « varié ». Sachez que c’est un bon disque, mais qu’il n’arrive pas à la cheville du premier produit par Costello …
Fin du cours de rattrapage de ska …
Pouvez sortir et aller fumer …

Des mêmes sur ce blog :
The Specials


THE FALL - THIS NATION'S SAVING GRACE (1985)


Plus dure sera la chute ?

The Fall c’est, un, un groupe de Manchester parmi les premiers à avoir mis la ville sur la carte du rock, avant Joy Division, et bien avant les Smiths, Madchester et Oasis ; deux, la chose de Mark E. Smith, acariatre leader tyrannique et ronchon, à faire passer Lou Reed pour Frankie Vincent ; trois, le groupe préféré de tout un tas de musiciens anglais et du célébrissime DJ John Peel.
Même s’il ne s’agit pas d’une formation so british comme ont pu l’être les Kinks ou les Smiths, The Fall ne bénéficiera que d’une certaine notoriété dans son pays. La faute à son leader, peu adepte du cirque médiatique et « ingérable » en interview, ce qui l’écartera des faveurs de la presse dite musicale et donc d’un large public, la faute aussi à une instabilité chronique dans le groupe, Smith virant et embauchant à des cadences effrénées ses accompagnateurs, la faute aussi à une production pléthorique qui aborde quantité de genres musicaux, la faute surtout à des disques faits à la va-vite dans lesquels on ne prend pas la peine d’élaguer le superflu et de travailler l’essentiel … en gros un joyeux bordel dans lequel on est prié de faire son tri …
The Fall live 1985
De la bonne quarantaine de disques parus à ce jour, reviennent souvent quelques-uns des années 80, correspondant aux premières années du groupe et surtout à une période pendant laquelle Smith était quelque peu « stabilisé » par son mariage avec l’Américaine Brix, elle aussi guitariste, chanteuse et co-auteur d’un paquet de titres. Et ce « This nation’s saving grace » fait partie de la poignée des disques de The Fall à faire à peu près l’unanimité des fans …
Et effectivement, c’est un peu le foutoir … Même si une ligne musicale semble dominer, celle d’une new wave ténébreuse et martiale, servie par une brutalité et une sécheresse sonores peu communes. C’est clair, The Fall ne vise pas les charts. L’anecdote (ou la légende ?) prétend que Smith, mécontent de la production de John Leckie, pourtant une pointure (il a commencé à Abbey Road, et s’est retrouvé plus tard aux manettes derrière Radiohead ou Mumuse), aurait exigé que le disque soit pressé à partir d’un enregistrement sur K7 des bandes master, ce qui lui donnerait cet aspect froid et métallique …
Alors, on brasse pas de l’air à la batterie, on assure une rythmique stricte, les guitares se contentent de mouliner des accords en boucle, très peu d’arrangements, et la voix de Mark E. Smith qui s’efforce d’aller aussi loin dans l’inexpressivité que Lou Reed, l’une de ses idoles. Rajoutez pour les bilingues, les textes acides qui flinguent tout ce(ux) que Smith n’aime pas (en gros, le reste de la planète), et on comprend vite que l’on est en face d’un disque « difficile ».
Même si quelques titres donnent l’impression de copier-coller, le couple Smith sait trouver quelques bonnes idées à la base des meilleurs titres, tels « Bombast » (comme du Joy Division qui reprendrait PIL, ou le contraire), « L.A. » (peut-être un hommage aux Stooges, autre groupe chéri de Smith, mais ça sonne comme le Gun Club, ce qui est loin d’être un reproche), « Rollin’ Dany » (en bonus, un rockabilly saugrenu à la Cramps), « Gut of the quantifier » (martial et sautillant comme du Talking Heads ou du Gang of Four)… et puis aussi quelques morceaux qui marquent leur territoire, qui s’incrustent plus facilement dans la mémoire… Le simplet « Paint work », bluette pop, comptine totalement barrée, répétitive jusqu’à l’écœurement et parasitée par des discussions, le lancinant « What you need », le très Cramps (limite plagiat) « Vixen », le post-rock gothique de « Barmy ». Et surtout, le titre le plus connu du disque, « I am Damo Suzuki », hommage à Can et à leur chanteur japonais, sur lequel The Fall essaye d’imiter le style (ça fait vraiment illusion au début, c’est moins évident ensuite) très particulier du meilleur groupe expérimental des trente derniers siècles …
Une anecdote pour finir. The Fall partage avec The Cure bien des similitudes. Parfois assez proches musicalement, apparus à peu près en même temps, groupes de fait d’une seule personne qui s’appelle Smith, citant tous les deux Camus (The Fall baptisé ainsi d’après le  roman « La Chute », le premier titre de Cure « Killing an Arab » d’après « L’Etranger ») … Et bien, logiquement, Mark E. Smith n’aime pas Robert Smith … Et vice-versa …

KILLING JOKE - NIGHT TIME (1985)


L'épicentre  de la new wave anglaise

Au milieu des années 80, les cartes sont distribuées dans la new wave anglaise. La gloire et les succès pour U2, Simple Minds et Cure, les accessits pour les autres, dont Killing Joke. Emmenés par son grand fada de chanteur Jaz Coleman, Killing Joke est avec « Night time » au sommet de son art, et symbolise avec ce disque une certaine forme d’apogée de cette « new wave » du début des années 80.
Depuis ses débuts un lustre plus tôt, le groupe n’a guère varié musicalement. C’est humainement que les choses ont bougé, le bassiste Martin Glover, co-fondateur du groupe, s’en est allé et commence sous le nom de Youth une carrière de producteur multi-genres très demandé. Jaz Coleman, déjà bien abîmé dans sa tête ne s’est pas encore tout à fait projeté dans cet ailleurs où il s’imagine être un gourou new age et apocalyptique, et qui bientôt lui fera mettre la carrière du groupe en pointillés.
Sur ce « Night time », dés le premier morceau qui donne son titre à l’album, la machine est lancée. Les guitares sonnent comme celles de Robert Fripp sur le « Scary Monsters » de Bowie, et la musique de l’album en général est une habile synthèse du trio vainqueur de l’époque : Cure, U2 et Simple Minds. Même si c’est inspiré de …, ce n’est toutefois pas du plagiat, et ce Cd possède son originalité, bien mise en valeur par le producteur Chris Kimsey, collaborateur attitré des Stones durant les 80’s.
Ces rythmiques martiales et métronomiques bien dans l’air du temps ont engendré le plus grand succès du groupe, « Love like blood », et un des hymnes new-wave les plus connus.
Enfin, ultime vanne qui tue, l’intro du dernier morceau, « Eighties » est entièrement pompé sur celle de « Come as you are » de Nirvana. 

YOUNG MARBLE GIANTS - COLOSSAL YOUTH (1980)


Minimalisme colossal

Mais que diable font-ils sur cette galère ?
« Colossal Youth » est un disque qui ne ressemble à rien (de connu) : rachitique, minimaliste, étriqué, épuré, simplifié à l’extrême.

25 morceaux en moins d’une heure, soit quasiment toute la carrière du groupe (le 33 T « Colossal  Youth », plus quelques singles) est contenue dans ce Cd.

Une basse, une guitare économe de ses notes, une voix féminine opaque et voilée (mais pas sur tous les morceaux, 1/3 du Cd est instrumental), de temps en temps un orgue et une boîte à rythmes squelettiques. Mais il exsude cet assemblage minimaliste de comptines quasi enfantines et de ballades fragiles une émotion et une pureté uniques.

Par comparaison, un groupe comme les Violent Femmes des débuts ressemble à un orchestre symphonique, c’est dire le degré d’épure atteint par les Young Marble Giants, et il existe peu de choses à ma connaissance ressemblant à ce Cd.

« Colossal Youth » est un disque unique, rare et précieux . Une expérience en soi.

Indispensable.


THE THE - INFECTED (1986)


A mettre en quarantaine ...

Il prend l'eau de toutes parts ...
Quand Matt Johnson, un musicien anglais de seconde zone découvre les possibilités de l’informatique et de l’électronique embarqués dans les studios, il monte un concept de groupe fumeux (The The, en fait lui tout seul), passe des mois au milieu de ses machines et sort ensuite des disques pleins du bruit de ces machines.

Empilant les couches de synthés sur une sorte de bousin rythmique vaguement dansant, The The accouche d’indigestes pièces montées sonores, aussi vaines que grandiloquentes. Et pour être respectable voire respecté, le tout est accompagné de textes « engagés » contre la guerre (mais au fait vous en connaissez des chanteurs pro-guerre ?), le gouvernement de Maggie Thatcher (pas difficile, la Dame de Fer fut le dirigeant anglais le plus détesté du siècle passé), et autres problèmes de « société ».

Ah, et il y avait aussi dans les chœurs la « star » Neneh Cherry. En fait de star, quand « Infected » est sorti en 1986, le seul titre de gloire de Neneh Cherry avait été d’être la chanteuse éphémère des non moins éphémères Rip Rig & Panic (ses premiers succès en solo datent de 1988).

« Infected » … Pour moi ce titre est trop long. Il y a deux lettres de trop.


NEW ORDER - POWER, CORRUPTION & LIES (1983)


Adhérez à l'Ordre Nouveau !

New Order 1983, en plein désordre ...
Pouvoir, corruption et mensonges par l’Ordre Nouveau. Ce pourrait être le slogan de campagne électorale d’un parti politique. Ce n’est heureusement qu’un Cd plein à la gueule de bonne musique.
L’histoire est connue. Joy Division, le suicide de Curtis, un premier album pas terrible, un maxi 45 tours au succès énorme Outre-Manche (« Blue Monday »), dont l’absence pèse sur certaines rééditions du Cd.
Et pourtant « Power, … » est à mon avis le meilleur Cd de Joy Division, leur plus homogène, celui qui définit le mieux leur musique, ces morceaux dansants portés par la basse de Hook.
Ce son qu’ils allaient par la suite photocopier jusqu’à l’écœurement sur leurs disques suivants, on le trouve ici pour la première fois dans toute sa splendeur. Et ce qui ne gâche rien, les compositions sont toutes à la hauteur, sans rien qui sonne comme du superflu ou du remplissage.
Laissez-vous corrompre par le pouvoir et ses mensonges …

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Low Life 
Brotherhood
Substance

EVERYTHING BUT THE GIRL - EDEN (1984)


Jardin cool

EBTG 1984
Premier Cd du duo Tracey Thorn – Ben Watt, « Eden » a tranché lors de sa parution (1984) dans le paysage de la pop anglaise, dominée par les rengaines électroniques péraves de Depeche Mode et autres Orchestral Manœuvres in the Dark et Duran Duran.

Doté ( ?) d’un physique plutôt ingrat, le couple Thorn – Watt ne pouvait jouer sur son image et n’avait lui, que sa musique à mettre en avant. Ce Cd d’une élégance rare et raffinée de tout juste une grosse demi-heure, nous entraîne dans une ambiance jazzy et bossa-nova portée par la voix au timbre voilé de Tracey Thorn, une des  meilleures chanteuses (avec Liza Frazer des Cocteau Twins) de la new-wave anglaise (qui s’est malheureusement trop souvent dispersée dans de nombreuses collaborations pas toujours judicieuses, amenant beaucoup et retirant peu).

Aux manettes, on retrouve Robin Millar, metteur en sons d’une scène cool et jazzy (notamment la réfrigérante Sade), spécialiste de ce son « boisé » qui enrobe les morceaux.

Fond sonore idéal pour des cocktails, « Eden » est à consommer en toute circonstance sans modération.

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PERE UBU - DUB HOUSING (1978)


 Mondo Bizarro

Ce « Dub housing » est le second volet de la doublette de référence de Pere Ubu, paru quelques mois après leur célébrissime (sourires narquois dans l’assistance) « Modern dance ». Avec lequel il partage une réalisation a minima (quelques jours en studio avec un budget famélique) et cette apparence surréaliste et novatrice, la surprise en moins. On pourrait aussi le qualifier de plus accessible, avec des titres mieux construits (entendre par là qu’on peut déceler des structures couplets-refrains à peu près mémorisables). Rien cependant qui puisse attirer le « grand public », Pere Ubu restant synonyme d’avant-garde, « compliqué », « branché », quelquefois qualifié de post-punk (alors que quand ce disque est paru le punk battait son plein), ou de post-rock (ce qui ne veut rien dire) …

Même leurs photos filent mal au casque ...
Des morceaux étranges, plutôt bruitistes et expérimentaux, il en reste encore : le morceau-titre « Dub housing », « Thriller » (rien avoir avec Michou Jackson évidemment, plutôt un collage genre « Revolution n° 9 » de Lennon, c’est dire s’il n’est pas le meilleur du Cd), « Blow Daddy-O » …

Malgré l’étrangeté sonore souvent déconcertante, ce qui fait la liaison chez Pere Ubu, c’est la voix de David Thomas, poussée par son quintal et quelque vers les aigus les plus affolants. Immédiatement reconnaissable, et beaucoup plus « placée », beaucoup moins hystérique et saccadée que sur « Modern dance ». Dès lors, entre efforts d’écriture et modulation vocale, les titres sont beaucoup plus abordables … « Navvy », c’est un rock basique en pointillés, « On the surface », un titre pop et sautillant, tout en brisures de rythme … « Caligari’s mirror », référence au film baroque allemand, (les références cinématographiques « antiques » sont nombreuses sur ce disque), alterne ambiances planantes et refrain très power-pop, « Ubu dance party » est un reggae autiste, « I will wait » du free-jazz psychiatrique … Le dernier titre, « Codex » ressemble à une B.O. de film, dont le thème aurait été composé par un Nino Rota sous acide …

Pere Ubu, comme ses « cousins » Residents, ont été des groupes ayant influencé pas mal de gens se réclamant post-quelque-chose … Pas assez glamour, très peu vendeurs, et seulement cités du bout des lèvres par des groupes leur ayant emprunté pas mal de choses, ils continuent depuis plus de trente ans leur bonhomme de chemin loin des sentiers de la gloire.


PERE UBU - THE MODERN DANCE (1978)


Déconstructivisme et pataphysique

Pere Ubu ont souvent été rangés dans le même sac que les Residents, Devo, voire Suicide… Un sac bien lesté et jeté au fond d’un puits par le public qui n’a guère suivi les méandres musicaux de ces groupes atypiques.
Cubistes ? Pere Ubu 1978
Evidemment, Pere Ubu, avec un nom pareil, auraient été volontiers classés dans la catégorie rock pataphysique, si celle-ci n’avait pas déjà existé, regroupant la queue de la comète Soft Machine ainsi que les 1ères parutions du « frère ennemi » Robert Wyatt, en solo ou avec Matching Mole …
Quelques paresseux ont décidé de classer Pere Ubu dans le post-punk. Sauf que … quand ils ont commencé à enregistrer « Modern dance » en 1976, il n’y avait pas encore la moindre crête orange à l’horizon, et que quand il est sorti en 1978, rien ne ressemblait à ça …
Ça, justement, ce sont ces guitares aigrelettes qui balancent des riffs très Chuck Berry retravaillés par Robert Fripp (King Crimson) avant de disparaître on ne sait où, une section rythmique qui pousse très fort mais que les autres s’entêtent souvent à ne pas suivre, des synthés fantomatiques qui ont beaucoup plus à voir avec le free jazz qu’avec ELP ou Genesis… Et par-dessus ce vacarme minimaliste, un (très) gros type, David Thomas, qui s’acharne à poser une voix dans un registre très proche de David Byrne des Talking Heads sur ce qui finit par ressembler à des funks cryogénisés.
Tous ces titres en lambeaux, donnant toujours l’impression d’être prêts à se désintégrer, se dressent tout démantibulés comme des immeubles éventrés après un bombardement nucléaire (et cette ère nucléaire est un des thèmes développés dans ce disque) constituent l’œuvre majeure de Pere Ubu, et ne peuvent pas laisser indifférent. « Modern dance » est un Cd difficile, tortueux, que tous les gens qui font du post-quelque chose essayent de copier et d’égaler.
Souvent en vain …



NEW ORDER - LOW-LIFE (1985)


Sans surprises

Qu’il est loin le temps de Joy Division ! Les anciens comparses de Ian Curtis s’éloignent un peu plus à chaque disque du concept initial du groupe de leur chanteur suicidé, devenant peu à peu un groupe dansant coincé du popotin , des Pet Shop Boys sans humour et second degré.

Quand on partait de bon matin ...
Avec « Low-life », on s’approche encore un peu plus de la création résolument commerciale (ce n’est pas un reproche, juste un constat). Ces musiciens quelques années plus tôt novateurs sont juste dans l’air du temps, ainsi leur intro de « Love vigilantes » est très voisine de celle de « In between days » des Cure, les deux titres sont sortis à quelques semaines d’intervalle.

Ce disque passe du tout bon (« Sunrise » et son début très … Joy Division), au pas génial (l’instrumental liturgique « Elegia »), voire au ridicule (« Sub-culture », dont on aimerait être sûr qu’il est à prendre au second degré tant il accumule toutes les tares de la techno-pop des années 80).

New Order finira par enregistrer l’hymne officiel de l’équipe d’Angleterre de foot. « Low-life » nous les montre résistant encore au bruit des tiroirs-caisse. Profitons-en, bientôt ils seront cuits...

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ABC - THE LEXICON OF LOVE (1982)


Les seuls à sauver ?
L’Angleterre du début des années 80 voit s’installer sur le devant de la scène une nuée de groupes rassemblés sous l’étiquette « Nouveaux Romantiques ». Si tous étaient nouveaux, on cherche encore le côté romantique de la plupart, et des horreurs comme Visage, Spandau Ballet, Human League, … squattaient le haut des charts.
ABC : brillants ?

Les seuls vraiment classe du lot, c’était ABC. Et pas seulement parce qu’ils s’habillaient chic (costards lamés, ce genre de fringues …), au lieu de vider les penderies de leurs grands-parents comme la concurrence.
Martin Fry, le maniaque leader maximo du groupe, était un croisement assez réussi entre Bryan Ferry et David Bowie (également vocalement) et savait écrire des chansons. Avec un soupçon de soul funky (modèle évident : « Young americans » l’album de Bowie) et un talent mélodique certain (« Avalon » de Roxy Music, les albums solo de Ferry)
« Poison arrow » et « The look of Love » ne laissent pas indifférents et ont eu en leur temps un succès mérité. Boostés par des arrangements et une production clinquants (section de cuivres, quelques cordes), œuvre de Trevor Horn qui commençait à échafauder avec ABC les cathédrales sonores qui en feront un des maîtres du son des années 80 (le succès énorme de Frankie Goes to Hollywood).
« The Lexicon of Love » est un Cd élégant et distingué.
Pour les fans et les complétistes, existe en version DeLuxe.

JOY DIVISION - UNKNOWN PLEASURES (1979)



Sur la corde raide ...
Un des disques les plus importants des années 70 … Qui à lui seul siffle la fin de la récréation punk, et annonce beaucoup de sons des années 80. Un disque indissociable de son leader tourmenté Ian Curtis.
Un prolo de la banlieue de Manchester, fasciné par les destins tragiques de Jim Morrison et James Dean, et musicalement très impressionné par le Velvet, les Stooges, et forcément leur plus grand prosélyte David Bowie. D’ailleurs Joy Division (un nom qui fera froncer quelques sourcils, car il fait allusion à des convois de prostituées remontant  le moral des troupes du front Russe et des gardiens de camps de concentration) se nommera d’abord Warsaw, d’après « Warsawa », un des titres de « Low » … Un Ian Curtis fortement impressionné par un concert des Sex Pistols, qui le décidera à se lancer lui aussi dans la musique…
Tous ceux qui sont impliqués dans « Unknown pleasures », seul disque publié du vivant de Curtis, deviendront des acteurs-clés de la scène musicale anglaise des  années 80. Albretch (guitares, claviers), Hook (basse), Morris (batterie) formeront New Order, le producteur Martin Hannett sera un des plus cotés de la décennie suivante, Tony Wilson patron d’une boîte de nuit et d’un label (tous deux nommés Factory) sera un incontournable du music-business, l’auteur de la pochette Peter Saville un des graphistes les plus courus … « Unknown pleasures » était pour tous ces gens le premier contact avec le milieu de la musique …
« Unknown pleasures » est un disque sombre, noir, laissant peu de place à l’espoir, à l’image de sa pochette représentant l’écho radar d’une étoile en train de mourir. Evidemment, le suicide de Curtis moins d’un an après la sortie du disque, fera hurler au signe prémonitoire, ainsi que certains textes de chansons … Classique. Même si la fin tragique de Curtis (il souffre d’épilepsie, devient rapidement une star alors qu’il est marié, père de famille, a une maîtresse, vit le quotidien de Mr. Tout Le Monde, et n’a pas toujours le moral au beau fixe ), sans être vraiment surprenante, n’était pas pour autant inéluctable …
« Unknown pleasures » est le disque du mal-être, du tourment intérieur. Le son est particulièrement novateur, même si on peut trouver quelques similitudes avec quelques passages de Can, Pere Ubu, Residents, tous groupes que les Joy Division connaissaient. En fait, la seule référence à peu près évidente se retrouve sur le dernier titre « I remember nothing », longue dérive noirâtre comme en ont fait les Doors (« The End », « When the music’s over »). Tout le reste crée son propre univers sonore, avec la basse très en avant de Hook qui définit la mélodie, la batterie métronomique de Morris, apparemment souvent doublée lors de la production par des percussions électroniques, et une guitare n’entretenant loin dans le mix qu’un long tapis de striures lancinantes. Et par dessus, la voix grave, souvent lente et monocorde de Curtis installant un climat de douloureuse tristesse … Le résultat donne un disque dense, compact, dans lequel les variations de tempo sont infimes, tout au plus peut-on trouver que « Shadowplay » est le plus lancinant et « Interzone » le plus rythmé, le plus « rock » …
Ce disque, même s’il n’a pas bénéficié de ventes colossales (le groupe est à peu près inconnu, Factory est un label indépendant), aura rapidement un gros succès, marquera au fer rouge toute une génération de mals dans leur peau, victimes de la dévastation économique dans les métropoles anglaises, et sera annonciateur d’une grosse part des productions new wave, cold wave, gothique, influençant durablement des groupes comme Cure ou Bauhaus …


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