GUALTIERO JACOPETTI, PAOLO CAVARA & FRANCO PROSPERI - MONDO CANE (1962)

 

Les trois ténors ...

… du sordide, du glauque, du malsain … Ce trio de manieurs de caméra italiens (plus grosse part du taf pour le sieur Jacopetti) a réussi à sortir un pensum d’un peu moins de deux heures consacré à … on en est encore à se le demander quand « The End » s’affiche sur l’écran.

Jacopetti & Prosperi

« Mondo cane » (un monde de chiens pour ceux qui parlent pas la langue de Giorgia Meloni, et le name dropping de la petite fachote n’est pas là par hasard, j’en recauserai de toute cette symbolique à la noix …) sous-titré « Bon ou mal, notre monde tel qu’il est » est un enchaînement d’une trentaine de séquences qui passent du coq à l’âne, conçues sur le mode documentaire … enfin, documentaire, faut le dire vite.

Sur le site IMBD (banque de données exhaustive sur tout ce qui a fini sur grand écran), ils qualifient « Mondo cane » de « shockumentary », comme quoi les anglo-saxons peuvent avoir le sens de la formule et du mot-valise … ici, on appellerait ça documenteur. Parce que, quoi qu’en dise la voix off lors des présentations des « reportages », bon nombre font l’effet d’être reconstitués, voire d’être des fakes complets. Et il faut pas attendre bien longtemps.

Première séquence, un hommage à Rudolf Valentino, dans le petit patelin italien où il naquit, nous offre à l’image une succession de jeunes bellâtres ténébreux et gominés qui fixent ostensiblement la caméra au milieu de la foule, essayant de nous persuader qu’ils ont quelque chose du rital lover du cinéma … Hum, pris sur le vif, vraiment ?

Vous avez dit racoleur ?

Deuxième séquence, une chasse au « beau mâle » dans une île de Nouvelle-Guinée, où une troupe d’indigènes jeunes et fort girondes se mettent topless pour poursuivre dans l’eau un sex symbol de leur tribu qui tente de leur échapper sur sa pirogue (bon, évidemment, il y met pas toute sa conviction dans sa fuite …). Totalement ridicule, et vulgaire. Je sais pas ce qu’ils ont après les peuplades de Nouvelle-Guinée, mais ils sont plus souvent qu’à leur à « l’honneur » dans ce machin (en train de massacrer des cochons, de gaver (y’a pas d’autres mots) des femmes pour les refiler comme épouses à une sorte de squelette ambulant qui leur tient lieu de chef, d’être filmés de loin parce qu’ils sont « très dangereux », de construire des pistes d’atterrissage pour avions en bambou auxquels ils vouent un culte …). Tout ça empeste la condescendance colonialiste, et s’il faut faire simple, le racisme.

D’ailleurs, les peuples du Sud-Est asiatique, ils morflent sévère, ils sont montrés comme des brutes inhumaines (ils bouffent des chiens, des serpents, décapitent des buffles lors de cérémonies militaires, vont par millions dans des centres de « dégrisement » où des jeunettes en bikini les aident à dissiper leur gueule de bois …). Comble du malaise, un prétendu mouroir à Singapour où sont stockés (y’a pas d’autres mot) des vieux en fin de vie (parce que – dixit le commentateur – Les Chinois qui peuplent majoritairement Singapour se reproduisent tellement qu’il n'y a plus de place dans les logements pour les vieux). Et si les ancêtres persistent à rester en vie, on organise des prières avec offrandes pour qu’ils cassent leur pipe plus vite …

Autres « victimes » des trois compères, les Ricains, tournés en ridicule avec leurs cimetières pour animaux domestiques, leurs clubs de fitness pour mémés, leur société d’hyperconsommation avec les casses de voitures, … Un « reportage » sur des Allemands (et des Allemandes) très bourrés dans le quartier chaud de Hambourg et un sur les corridas très particulières au Portugal (les types essayent d’immobiliser à mains nues des taureaux lancés à toute blinde dans des rues ou des arènes) sont censés montrer les « tares » des voisins européens (bizarrement les Français y échappent peut-être pas dans les suites de « Mondo cane », parce que tant qu’à faire, il y en a eu une paire, de suites à ce machin). Et les Italiens dans tout ça ? Ils sont beaux gosses comme Valentino, font des processions en se baladant avec des serpents, font des processions en se scarifiant avec des tessons de verre, font entretenir par des enfants un ossuaire médiéval, … En fait, les Ritals du début des 60’s sont beaux, (ultra)cathos, et conservateurs …

Sunday, bloody Sunday ?

Tout ça est gratuit, complaisant (du nibard et du sang en veux-tu en voilà), tournée dans un cinémascope pétaradant de couleurs vives, et idéologiquement répugnant …

Deux séquences (sur trente, ça fait pas lourd) sont moins racoleuses. Une tournée sur l’atoll de Bikini (lieu des essais nucléaires américains) nous montre des champs d’œufs d’oiseaux de mer qui n’ont pas éclos et des tortues de mer qui après avoir pondu ne retrouvent plus la mer et crèvent desséchées dans les terres, tout ça à cause des effets des radiations, bien qu’il ne soit aucunement question d’un plaidoyer anti-nucléaire. Autre séquence juste amusante, un bateau de croisière rempli à la gueule de retraités qui débarque à Honolulu, et sont aussitôt initiés aux danses hawaïennes, un exercice pour lequel ils sont vraiment pas doués. C’est drôle, mais sans rapport avec tout le reste …

A cette époque-là en Italie, le cinéma cherchait un nouveau souffle après le néo-réalisme et en attendant les œuvres majeures (et beaucoup plus provocantes en fait que le piteux « Mondo cane ») des Fellini, Antonioni, Pasolini et autres … Jacopetti, Cavara et Prosperi ne sont certes pas le chaînon manquant entre ces deux grands courants. Tout au plus, leur complaisance et leur sens de la « manipulazione » de l’image préparent le terrain aux Berlusconi et autres Melloni …


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