Ascenseur pour l'échafaud ...
Bon, il a pas fini sur l’échafaud, Mesrine (puisque « L’instinct de mort » est le premier d’un diptyque de films biographiques qui lui sont consacrés), mais il aurait pu, pour peu que les cowboys du commissaire Broussard aient tenté de l’arrêter au lieu de le cribler de balles Porte de Clignancourt. Mais c’est une autre histoire et un autre débat … un autre jour peut-être, si j’en viens à causer de « L’ennemi public n°1 » la suite (et fin) de « L’instinct de mort ».
Cassel, Richet & Cécile de France |
Quand « L’instinct de mort » est mis en
chantier vers la fin de la première décennie des années 2000, il y a presque
trente ans que Mesrine est mort, et que ses (mé)faits font figure de babioles
face à des pervers serial killers (les Heaulme, Fourniret, Louis, …), ou les
futurs djihadistes à kalach … Il n’empêche que surtout durant les 70’s, le
Jacquot Mesrine à défrayé la chronique, et pas qu’une fois … Roi du braquage,
de l’évasion, de la com, mettant en scène sa propre histoire et légende …
L’histoire de Mesrine transposée sur grand écran, c’est
l’affaire de deux hommes (quoique, on y reviendra), Jean-François Richet et
Vincent Cassel. Le premier est un banlieusard militant, le self made man venu
des cités, le second est un fils de ... venu des beaux quartiers et qui se la
surjoue rebelle (sa fascination moultes fois étalée pour le gangsta-rap et les
délinquants d’une façon générale). Alors quand le premier est venu trouver le
second pour lui proposer le rôle de Mesrine, pensez si le fils de Jean-Pierre
Cassel a été d’accord. L’occasion de jouer un dur autrement plus consistant et
célèbre que le Vince de « La haine ». Et on sent le metteur en
scène et l’acteur principal fascinés par le truand le plus célèbre de son
époque. Et Cassel va y aller à fond, dans une performance digne de l’Actor’s
Studio genre De Niro dans « Raging Bull ». Cassel prendra au long du
tournage une vingtaine de kilos pour suivre les transformations physiques de
son personnage.
Le scénario pour tourner un biopic de Mesrine, c’est pas mission impossible pour l’écrire. La documentation ne manque pas, que ce soit l’autobiographie de Mesrine (« L’instinct de mort »), et tous les entretiens qu’il a donnés à la presse dans les 70’s. Richet choisit la chronologie (sauf pendant le générique de début, qui en split screen, nous montre l’embuscade finale en 1979), procédant par bonds dans le temps, des incrustations sur l'image situant la date et le pays.
Depardieu, Cassel & Lellouche |
Toute sa vie, Mesrine a été un solitaire, mais qui
cherchait la compagnie, des femmes, mais aussi ponctuellement ou pour quelques
mois d’autres truands avec lesquels il sévissait, au hasard de rencontres,
notamment en prison où il a passé pas mal de temps. On commence donc avec la
violence des tortures et des assassinats lors de la guerre d’Algérie où il était
bidasse, avant la démobilisation et le retour chez papa-maman. La maison
familiale est juste un point d’ancrage, car un de ses vieux copains (joué par
Gilles Lellouche, son personnage est quasiment le seul inventé pour les besoins
du film), le met en relation et l’intègre aux hommes de main et à tout-faire d’un
caïd de la mafia parisienne membre de l’OAS, Guido. Ce dernier est joué par un
Depardieu pour une fois tout en retenue, alors que son personnage pourrait donner
lieu au jeu outré et expressif dont il est coutumier. Depardieu, Lellouche, les
parents Mesrine (Michel Duchaussoy et Myriam Boyer), ses premières maîtresses, sa
première femme, sa compagne braqueuse (Cécile de France à contre-emploi, brune
en cuir et darkshades), ne sont là que pour quelques scènes. Cassel, lui, est
quasiment toujours à l’image. Certainement le rôle de sa vie, sa fascination
pour la truandaille (comme avant lui Melville et Delon) trouve un exutoire en
la personne de l’exubérant Mesrine.
Cassel, que j’apprécie pas particulièrement, joue
juste, rendant bien la faconde et la démesure violente et égomaniaque du
personnage. Mesrine n’était pas le Robin des Bois moderne que certains ont cru (ou
voulaient) voir en lui (et lui-même a toujours démenti cette image d’Epinal).
Mesrine prenait du fric aux riches (les grosses entreprises, les banques, les
casinos, les milliardaires qu’il kidnappait, …), mais ne le refilait pas aux
pauvres, il le claquait en babioles pour ses femmes et/ou maîtresses, flambait (et
perdait gros) aux tables de poker, et finançait son quotidien (vivre caché
entouré d’un luxe de précautions quand toute la flicaille de France essaye de
te serrer coûte cher).
Il y a quand même un problème avec « L’instinct de mort ». Pour moi, il s’appelle Richet. Le gars (qui a pourtant réussi comme d’autres expatriés européens avec de gros budgets aux States) assure tout juste. Le making-of du film est révélateur. Le metteur en scène, c’est Cassel, qui suggère, propose (ou plutôt impose), remanie parfois le script, place les caméras, les autres acteurs. Problème, Cassel n’est pas un réalisateur, et Richet, on l’aperçoit tout juste assis dans un coin, observant et écoutant son acteur principal diriger le tournage. Encore plus flagrant quand Depardieu et Cassel ont des scènes ensemble, Richet disparaît totalement de la circulation, attendant que les deux aient arrangé les scènes … Richet filme sobrement, et parfois trop sobrement. Son montage est très académique. Et quand il s’essaye à une « fantaisie » (dont il semble très fier), un effet tournoyant de caméra quand Cassel-Mesrine est enfermé au cachot dans un QHS de prison canadienne, ça dénote totalement avec le reste des prises de vue. Problématiques aussi, les scènes de gunfights. Outre une paire de ralentis accélérés sur les balles de revolver à la « Matrix » dispensables, il manque cruellement de rythme. On est loin des gunfights de Michael Mann dans « Heat » ou de la folie furieuse de Ridley Scott dans « La chute du Faucon Noir ». Flagrant notamment lors de l’attaque par Mesrine et son complice québécois de la prison où ils ont été enfermés et où ils reviennent après s’être évadés pour libérer les autres détenus. Plus gros foirage à mon sens, le face à face de Mesrine et son pote avec les gardes-chasse canadiens, qui manque singulièrement de tension, alors que c’est la dernière scène du film.
M. et Mme Mesrine |
Il me semble que Richet a été dépassé par l’enjeu
(et le budget conséquent de 45 millions pour le diptyque). Il a eu les moyens
(tournage en France, en Espagne, au Canada, et même à Monument Valley alors que
Mesrine n’a jamais foutu les pieds en Utah, il a été arrêté avant d’y arriver en
Arizona). A son crédit, il a bien rendu la violence (souvent générée par lui-même)
dans laquelle baignait Mesrine.
Conclusion, « L’instinct de mort » est un
bon film, quand même en dessous de ce qu’aurait pu donner la démesure du
personnage hors norme (quoi qu’on pense de lui) dont il raconte les premiers
faits d’armes. Le second volet (« L’ennemi public n° 1 ») c’est
encore plus un one-man show de Cassel … après, verre à moitié vide ou à moitié
plein, chacun est libre de choisir son camp …
Ca date de 2008 ? Alors je ne l'ai pas revu depuis ça sortie au cinéma. Dans mon souvenir j'avais bien aimé, plutôt agréablement surpris par l'aspect "classique" finalement, là où on aurait attendu un Richet plus original. Je ne savais pas que Cassel avait vampirisé la mise en scène, ceci explique cela. C'est pareil avec les films de Delon dans les 80's, on sait que c'est lui, producteur, qui gérait tout le film, et justement, ce Mesrine me rappelle ces polars avec Delon, bien ficelé, avec des comédiens connus, des seconds rôles. J'aurais bien vu Kassovitz à la réalisation, il sait tenir une caméra, le sujet aurait pu lui plaire.
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