Y’en a pas beaucoup des groupes, peut-être une paire
de poignées au maximum, qui à un moment se sont retrouvés dominant tout le
reste du troupeau de la tête et des épaules. Pour moi, les Pixies ont fait
partie de ces Elus, quelque part vers la fin des années 80 et le début des
années 90. Les Pixies ont redonné à ceux qui les écoutaient … plein de choses
et de sentiments diffus, des petits frissons le long de la colonne vertébrale, aussi
l’espoir … que le rock pouvait se régénérer et non plus dégénérer en laissant
le devant de la scène à de cyniques bateleurs juste là pour la thune, tous ces
ersatz de chanteurs et de musiciens qui paradaient au sommet des fuckin’ Top 50
et passaient en heavy rotation sur MTV.
Black Francis |
Mais les Pixies, c’est pas un conte de fées,
l’histoire qui finit bien du vilain petit canard qui se transforme en cygne
majestueux… Non, les Pixies, ils ont vendu des nèfles, et se sont sabordés dans
une ambiance et une atmosphère délétères. Et ils ont jamais été glamour pour
deux sous … N’empêche … Ce
« Bossanova », je vous le dis ma bonne dame, c’est quand même quelque
chose, des skeuds comme on aurait aimé en entendre plus souvent …
Parce là, avec « Bossanova », les Pixies
ont tout donné, sont allés aussi loin que possible. Certes, ce devait pas être
leur label, 4AD, un des plus exigeants en termes de qualité artistique, qui
leur foutait la pression pour faire du chiffre de vente. Les Pixies ils
aimaient peut-être bien passer pour le groupe le plus cool de la Terre, mais
bon, il serait rentré un peu de thune dans la lessiveuse, ils s’en seraient pas
offusqués. Les réputations en béton, c’est bien joli, mais quand t’envisages de
peser cent cinquante kilos comme Black Francis, faut aussi de quoi becqueter…
Tout çà pour dire que quand « Bossanova » est sorti, et croyez-moi,
j’y étais, certains prétendus fans ont fait la grimace, et lâché l’insulte
suprême : « commercial »… Bande de sourds … Z’avez rien compris,
ni aux Pixies, ni à la zique, ni au wokanwol … z’avez rien compris à rien,
d’ailleurs, tas de nazes …
Kim Deal |
Parce que je vais vous dire, les quatre premiers
cons venus, ils foutent le museau dans le manche de la gratte et les potards de
l’ampli sur onze, et ils feront du boucan. Y’aura juste un problème quand il
faudra passer à l’écriture des chansons. Des frangins Bruitos tendance
hard(core), c’en est plein les encyclopédies du rock. Au mieux sympathiques le
temps de trois titres, au pire inécoutables. Les Pixies viennent pour une
grande part de ce monde-là, le hardcore, Sonic Youth et Hüsker Dü. Les Pixies
sont sortis du lot, parce que à l’instar des New-Yorkais arty et des défoncés
de Minneapolis, ils ont été capables d’écrire des putains de grandes chansons,
des trucs que tu les entends une fois et qui te restent à vie dans la tête. En
plus les Pixies ils ont su faire ça quasiment d’entrée, sans passer par la case
de la demi-douzaine de skeuds « difficiles » comme les deux autres.
Et là, avec « Bossanova », ils sont pour
moi à leur sommet. La maîtrise totale du « quiet-loud » qui a fait la
fortune de Nirvana et autres grungeux et indie-poppeux à guitares en avant, et
dont beaucoup se seraient contentés. Mais les Pixies c’est beaucoup plus que
çà. La voix lead ou les chœurs de Kim Deal confèrent à tous les titres sur lesquels
elle intervient une douceur éthérée qui vient se fracasser sur les couinements
et hurlements de goret de Black Francis ou sur les guitares
tronçonneuse-perceuse du métèque Santiago (rappelons que ce basané, cofondateur
du groupe avec le gros, tient toute l’architecture sonore des Pixies avec sa
gratte). N’oublions pas non plus qu’un lustre avant les BO de Tarantino, les
Pixies foutaient de la surf music partout sur leurs disques, et
« Bossanova » n’échappe évidemment pas à la règle (l’instrumental
« Cecilia Ann », un peu plus loin « Ana »).
Joey Santiago |
Tout ça, perclus de gimmicks insensés (que ceux qui
ne sont pas foutus de trouver un truc pour rendre intéressant un morceau s’envoient
« Dig it for fire » il y a dans les arrangements hallucinants de ce
seul titre matière à publier un double-album), de poussées de fièvre
tachycardiques (le frénétique « Rock music », « Hang wire »
passerelle entre hardcore 80’s et grunge 90’s), de mélodies dignes de la
sunshine pop (« Velouria »), et surtout, surtout, de ces choses
curieuses et inimitables qui n’appartiennent qu’aux Pixies.
« Is she weird » invente et définit
l’indie-rock des décennies à venir, « All over the world » est une
construction pop à deux voix qui semble venir en droite ligne des sixties
mélodiques, « Stormy weather » m’a toujours fait penser aux Beatles
du Double Blanc (pourtant pas une référence mise en avant par le gros et la
toxico), en fait faudrait les citer quasiment tous tant ce disque part dans
tous les sens, les merveilles succédant aux merveilles. Les grincheux auront
beau jeu de noter que « Blown away » évoque fortement « Gouge
away » (et pas seulement par son titre), ne manqueront pas de signaler que
ce « Bossanova » a été, comme le reste de la disco du groupe, un flop
commercial, et qu’on n’y trouve pas l’ombre d’un de ces immenses hits
underground tardifs comme l’ont été « Where is my mind » ou
« Monkey gone to heaven ».
David Lovering |
Il n’empêche que des gens qui ont le bon goût de s’inspirer
avant Cobain (décidément) du « The man who sold the world » de Bowie
(sur « All around the world »), qui truffent les textes de références
débiles de science-fiction bas de gamme, qui présentent le plus beau quarteron
de moches jamais réunis dans un même groupe (oui, Kim Deal était
« cool », mais assez loin physiquement de Debbie Harry, si vous voyez
ce que je veux dire), ben ces gens-là, ils avaient tout pour se vautrer en
beauté. Ce qu’ils ont évidemment fait. Mais en laissant derrière eux une
poignée de disques cruciaux dont « Bossanova » constitue pour moi le
fleuron.
Des mêmes sur ce blog :
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Quand j'avais vu "Pixies" dans "prochainement", j'ai cru que tu t'étais risqué sur leur nouvel album. Perso j'ose pas. J'ai pas envie.
RépondreSupprimerBon, qu'est ce que je peux dire que je n'ai pas déjà dit ? Que des quatre albums + premier EP des Pixes, c'est celui qui est pour moi le moins bon, parce qu'il n'est *que* excellent. C'est dire à quel niveau je les situe. L'ouverture avec enchainement Cecilia Ann + Rock Music est une tuerie et "Is She Weird" est une de mes chansons préférées des Pixies. Voilà. Les Pixies, le meilleurs groupe du monde. Je suis bien embêté qu'ils aient sorti un nouvel album (sans Kim Deal en plus, bouh !!), alors que je suis super content que Faith No More s'y lance pour 2015.
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RépondreSupprimerPfff, "c'est du rock quoi". C'est comme tu disais de, je sais pas, Aphex Twin ou LFO "ouais, c'est de l'électro quoi". Hein Lester, tu valides mon analogie, hein, hein ?
SupprimerT'imagines, ils ont appelé un genre IDM les joueurs de disquettes... j'ai été 'achement déçu quand j'en ai écouté, c'est pas intelligent, tu peux pas danser et c'est pas de la musique ...
SupprimerAphex Twin ou LFO, c'est de la daube, quoi...
Non, je déconne ... quoique...
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