Conclusion : ce disque est embarrassant …
voilà, voilà …
Pourtant a priori, j’avais envie d’en dire du bien.
Une Française (Melody’s Echo Chamber c’est Melody Prochet seule aux commandes),
qui ne donne pas dans la chanson française, qui ne singe pas je ne sais quelle
mouvance sonore anglo-saxonne … Et qui donc fait quelque chose de relativement
original. Sans vraiment rien inventer (d’ailleurs qui invente quelque chose
depuis des lustres ?).
Melody Prochet |
Son premier disque, auréolé de la présence du type
en pleine hype (Kevin Parker, soit Tame Impala à lui seul) à ses côtés, avait
créé le buzz. Un disque correct, bien que quelque peu convenu, paru en 2012.
Depuis, plus rien. On lit ici ou là que la Melody a connu une déception
amoureuse traumatisante, un sévère carton en bagnole, deux accidents de la vie
dont elle a mis longtemps à se remettre. Soit … Qu’elle a dû se reconstruire, physiquement
et mentalement avant de retourner à la musique. Qu’elle a rencontré
fortuitement deux types, des Suédois, d’un groupe (Dungen, jamais entendu
parler, soi-disant de la pop lorgnant sur …arghhh le progressif). Qu’elle a
fait ce disque avec eux, d’ailleurs il y a plein de nom à consonnance du pays
de Zlatan dans les crédits, et même un titre acoustique qu’elle chante en
suédois (« Van hart du vart ? »), folk dispensable, avec par
moment des faux airs mélodiques de « The girl from Ipanema ».
« Bon voyage » est une rondelle souvent
agaçante, parfois même plombante …
Agaçante parce qu’il y a un parti-pris de noyer tout
le son (instruments et voix) sous des tonnes d’effets, et de faire partir la
plupart des titres dans tous les sens (effet prog ?), en multipliant les
approches mélodiques, les ponts, les breaks, alternant parfois dans le même
morceau chant en français et en anglais. Points communs à tous les
titres : des couches de mellotron, pas l’instrument le plus discret du
monde, même s’il donne une patine rétro (futuriste ?) à l’ensemble.
Beaucoup également de sons et d’ambiances orientaux, en filigrane dans la
pochette du disque. Un crobar tendance perse – kamasoutra où l’on voit la
Melody se rapiécer la peau à hauteur du cœur (syndrome Ugolin – Manon des
Sources ?) …
Ce qui nous amène à l’aspect plombant. Le propos
global n’est pas joyeux, il donne plutôt dans l’introspection déprimante. La
Melody n’a pas le moral au beau fixe, revient comme la misère sur les pauvres
sur son amour disparu. Clairement, ce disque fonctionne comme une thérapie pour
elle. Ce qui place l’auditeur dans la situation de voyeur de ses états d’âme.
J’aime pas ça, d’une façon générale, ces gens qui te prennent en otage alors
qu’ils sont en train de faire un strip-tease de leur âme. Tout le monde n’a pas
le génie de (au hasard) Nick Drake pour ce genre de figure de style…
Melody's Echo Chamber live |
Faut donc zapper pas mal d’aspects de cette galette
si l’on ne veut s’en tenir qu’au résultat final. Melody Prochet est
talentueuse, c’est sûr. Elle est capable d’écrire de grandes et belles choses,
mais a trop tendance à les diluer et les étirer au-delà du raisonnable
(seulement sept titres pour à peine plus d’une demi-heure). Un seul titre est
« facile », d’une structure assez simple. « Breathe in, breathe
out » qu’il s’appelle. D’ailleurs, et c’est certainement pas anodin, il
est sorti en single. Le reste évoque pêle-mêle Gainsbourg – Burgalat – Air
(« Cross my heart », « Visions of someone »), les montées
dans les aigus de la voix (alors que Melody Prochet a naturellement une voix de
non-chanteuse genre Adjani-Birkin) ressuscite à l’occasion le fantôme de Björk
(proximité nordique entre Suède et Islande ?), se perd dans une
sophistication envahissante (exemple type, « Shirim », instrumental
de fin, avec cocottes funky engluées dans des synthés parfois proches de ceux
de Daft Punk, sans qu’on voit où la Melody veut en venir).
« Bon voyage », c’est un peu le disque des
générations Facebook ou Instagram, l’exhibition devant la Terre entière de ce
qui ferait mieux de rester dans le domaine de l’intime et du privé. La qualité
de ce qui nous est jeté en pâture devenant accessoire.
Reviens quand tu veux, Melody, mais s’il te plaît,
avec un disque pour tout le monde, et pas seulement pour toi …
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