WILLIAM WYLER - BEN-HUR (1959)

Judah & Jesus ...

Quelque part, il y a une donnée qui résume tout : 11 Oscars pour Ben-Hur, record mondial partagé avec « Titanic » et « Le Seigneur des Anneaux – Le retour du Roi ». En clair, pour ramasser pareille avalanche de statuettes dorées, faut faire dans le grand spectacle familial consensuel. Ce qui n’est pas honteux, mais oblige quand même à arrondir certains angles… ou à en faire un peu trop …
Il y a tout ça dans « Ben-Hur », film fleuve (faut-il faire des films de plus de trois heures pour gagner plus de dix Oscars ?) centré sur cinq ans de la vie de Judah Ben-Hur, riche juif de Judée sous le règne de l’empereur Tibère.
C Heston, S Boyd (Messala) & W Wyler
Sauf que … la première scène voit les Rois Mages en Galilée qui suivent des yeux l’Etoile du Berger (merci Sheila) pour aller déposer leurs présents sur le berceau du fils du charpentier. Deux cent vingt minutes plus tard, un rayon de soleil éclaire le Golgotha et ses trois croix … Et de temps en temps dans le film, le petit Jésus (pas si petit que ça, de subtils cadrages ou subterfuges, à se demander s’ils le mettent sur un escabeau, il dépasse tout le monde de deux têtes) vient croiser la route de Judah Ben-Hur (ou le contraire) : il lui donne à boire quand il est conduit aux galères, il prêche au Mont des Oliviers quand Judah passe par là, et Ben-Hur traîne dans les rues lors du Chemin de Croix, et est au premier rang lors de la crucifixion … un Jésus toujours filmé de dos, mais bien présent. Trop ? En tant que suppôt de Satan, pour moi c’est oui. Et ça vient parasiter un peu beaucoup l’intrigue principale sans lui apporter quoi que soit de déterminant (le pardon rédempteur de la fin, on a vu ça des milliards de fois sans pour autant que Dieu ou sa famille aient besoin de s’en mêler). « Ben-Hur » ne risquait pas de s’attirer les foudres de tous ces groupuscules et lobbies de pression religieux si influents aux Etats-Unis.
Ça ne devait pas déranger outre mesure non plus William Wyler, bon metteur en scène chasseur de succès au box office (« Les Hauts de Hurlevent » « Mrs Miniver », « Vacances romaines »), qu’il ne viendrait à personne l’idée de qualifier de réalisateur révolutionnaire … Même si techniquement le Wyler se surpasse. Avec une histoire de format d’image novateur auquel j’entrave rien, mais surtout avec quelques scènes grandioses, comme la bataille navale, le triomphe à Rome, et forcément la course de chars. Cette dernière ayant nécessité des semaines de tournage, des nuées de figurants, des caméras partout (il paraît qu’on en voit si on fait défiler image par image, non mais, y’a vraiment des gens qui ont rien à foutre de leur vie, comme si ça durait pas assez longtemps …), quelques vrais blessés sur le tournage pour cette version antique des duels Prost – Schumacher …
Ben-Hur & Esther
Il n’empêche, que réserves laïques (païennes ?) mises à part, Ben-Hur se laisse regarder plaisamment. Surtout en Blu-Ray avec image restaurée (version 2009) et d’une netteté euh … diabolique. Ben-Hur, c’est Charlton Heston. Le beau gosse baraqué de l’époque, tous pectoraux en avant. Faut dire qu’il avait déjà testé le péplum biblique en étant en haut du casting dans « Les Dix Commandements ». Et faut reconnaître aussi qu’il signe une performance irréprochable et mérite la statuette dorée qu’il a récoltée à titre personnel. Il y aurait beaucoup à dire sur ce qu’est devenu le jeune premier (un Républicain figure de proue de la NRA). On s’en tiendra juste à la remarque qu’on peut avoir été un grand acteur et finir sale gros con … « Ben-Hur » repose sur les épaules de Heston, entouré d’acteurs que l’on peut sans être injurieux qualifier de seconds couteaux, venant de tous horizons (en plus des obligatoires américains, on trouve des anglais et même une israélienne, Haya Harareet, qui joue Esther, l’amoureuse-compagne de Ben-Hur).
Un certain sens du grandiose
L’histoire est simple, les ressorts de l’intrigue également. Ben-Hur, chef d’une famille princière très aisée de Judée, voit débarquer à Jérusalem son ami d’enfance, le Romain Messala. Ils ne se sont pas vus depuis longtemps et après les premières effusions, l’atmosphère devient glaciale, puis très vite haineuse entre eux. Judah ne rêve que d’émancipation pour son peuple colonisé et asservi par Rome, Messala est un ambitieux arriviste qui rêve lui d’une grande carrière dans l’Empire. Messala utilisera le premier prétexte venu pour envoyer Ben-Hur aux galères, où il ramera des années avant de sauver la vie d’un haut dignitaire romain lors d’une bataille navale, d’être adopté par lui, de triompher à ce titre à Rome, d’y devenir un grand conducteur de chars. Il sera dès lors temps pour lui de revenir en Judée pour se venger de Messala lors de la fameuse course de chars, Messala représentant Rome, et Ben-Hur les Judéens et les Arabes (autre peuple asservi) qui lui ont fourni les chevaux. D’autres événements et personnages secondaires donnant un peu plus de consistance au scénario, la recherche par Ben-Hur de sa mère et de sa sœur arrêtées en même temps que lui, l’histoire d’amour avec Esther, la fille de son intendant, l’apparition des personnages historiques ou bibliques tels Ponce Pilate, Tibère, Balthazar, …
Si l’on est pervers, on peut voir dans Ben-Hur la symbolique du peuple opprimé se révoltant contre son oppresseur, on peut garder les Juifs et « remplacer » les Romains par les nazis, et toutes sortes de symboliques de ce genre. Pas sûr que Wyler et ses scénaristes aient voulu aller aussi loin. Beaucoup plus prosaïquement, faut certainement s’en tenir à ce qu’on voit à l’écran.
Et si on s’en tient à ça, « Ben-Hur » reste quand même un bon film et un bon spectacle familial …


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