Si l’on en croit la légende ( ? ), ils se sont
retrouvés au bar d’un endroit branchouille chicos de L.A. où ni vous ni moi
n’avons aucune chance d’être un jour acceptés à l’entrée. Tous les trois avec
une saleté macrobio, colorée, édulcorée, et sans alcool dans le verre. Et ils
se sont remémorés les good old times, quand ils étaient moins vieux et qu’ils
picolaient plus sévère qu’un Biélorusse déprimé. Et comme ils s’emmerdaient
ferme malgré les montagnes de billets verts amassés depuis des décennies, ils
se sont dit tiens, pourquoi est-ce qu’on ferait pas un disque ensemble, juste
pour le fun. Et comme aucun n’avait été foutu d’écrire un titre audible depuis
au moins le siècle dernier, pourquoi est-ce que ce serait-il pas génial de
reprendre des titres qui nous éclataient quand on était jeunes, il y a de cela
très longtemps. Et puis, comme on est pas vraiment dans le besoin, on filera la
thune du disque à une asso qui s’occupe de soigner des musiciens alcoolos dans
la dèche (solidarité de piliers de bars repentis oblige), et comme ça on
reparlera vachement de nous et ce sera l’occasion de gagner par la suite encore
plus de pognon (bon, ça ils l’ont peut-être pas dit, mais ça se voit gros comme
un tatouage sur le cul d’une stripteaseuse que c’est aussi le but de la
manœuvre, relancer une carrière qui part un peu en sucette, et c’est pas les
hexagonaux Enfoirés qui diront le contraire …).
Perry, Depp, et Cooper. Fatigués, les vieux ? |
Bon et alors, t’accouches Ducon, c’est qui ces trois
types ? Vincent Furnier, plus connu sous le nom d’Alice Cooper, Joe Perry
d’Aerosmith, et Johnny Depp, du Pirate des Caraïbes Lonely Hearts Club Band. Un
type pour produire ? Facile, ce sera Bob Ezrin, vieux compagnon de route
du Coop. Et manière de pousser la vanne jusqu’au bout, on fera venir quelques
potes. Ah ça, des potes, vu qu’ils ont sur leur portable une liste de contacts
autrement plus glamour que les nôtres, il en est venu de partout. Résultat des
courses, le sticker qui les liste couvre la moitié de la pochette du disque.
Des convenus qui cachetonnent en studio derrière l’Alice, jusqu’à Sir Paul
Macca et Sir Christopher Lee (et que ceux qui ont pas compris pourquoi
Cristopher Lee sur « Hollywood Vampires » se fassent connaître, y’a
une morsure dans le cou à gagner …). D’ailleurs le Lee, c’est un des derniers
trucs qu’il a fait, cette intro de disque avec sa grosse voix sépulcrale, avant
d’aller s’allonger cette fois pour de bon dans son cercueil.
Les mêmes, plus Laboriel et McCartney |
Des reprises de vieux machins, plutôt connus, pour
pas dire célébrissimes. Traités façon hard, c'est-à-dire quand même un peu
beaucoup bourrin la plupart du temps. C’est bien là le problème, d’ailleurs.
Ces titres, on les a pour la plupart tellement entendus dans leur version
d’origine, que là ça fait souvent tout bizarre, de les retrouver dans des
versions avec un son kolossal qui fissure l’émail des molaires, avec des chœurs
façon hooligan, et des solos de guitare qui à force te font regretter de pas
être fan de Mouloudji. En gros, y’a des fois ou trop c’est trop. Par exemple
« Instant Karma » de Lennon ou « My generation » des Who,
ça m’enchante pas, leur version. Ça marche bien mieux à mon sens sur le
« Itchycoo Park » des Small Faces, voire « Come and get
it » de Badfinger (sur lequel on retrouve un McCartney qui se multiplie au
piano, à la basse, aux vocaux, bon faut dire que c’est lui qui l’a écrit le
titre il y a plus de quarante ans).
Autre truc qui me chagrine les oreilles, la voix de
Cooper, omniprésent au micro. Oh, certes, il est reconnaissable entre mille,
avec ses intonations de maniaque vicieux et pervers, et il s’en sert bien pour
ses morceaux, mais ceux des autres, hum … Il est à mon sens totalement à côté
de la plaque sur « Whole lotta love », où il manque toute la
sexualité développée sur l’originale par Plant (il ont d’ailleurs zappé les
râles de la partie centrale) et c’est pas les chœurs du pauvre Brian Johnson
qui vont relever le niveau … De même, on s’attaque à un medley Doors, et on
passe à côté de l’ambiance chaman en rut de Morrison, malgré le renfort d’un
orgue manzarekien plus vrai que nature et de Robbie Krieger à la gratte.
Bob Ezrin au centre (de l'affaire) |
Puis, y’a carrément des choses qu’il faudrait pas
oser. Reprendre du Hendrix quand on est guitareux et qu’on veut coller à
l’original (une version problématique de « Manic depression ») ou à
T.Rex quand on swingue comme un régiment d’enclumes (le mauvais choix du lascif
« Jeepster » sans le chaloupement érotique de Bolan, ça le fait
vraiment pas).
Et comme quand on aime on ne compte pas, on a droit
à une paire de titres quelconques écrits pour l’occasion par le Coop et le Depp
dont l’hommage final aux hordes de rockers tombés au champ d’honneur verre de
vodka orange à la main (« My dead drunk friends »). Ah, et j’allais
oublier, ce qui est par beaucoup perçu comme le coup de génie du disque, le
medley « School’s out / Another brick on the wall » montre juste
qu’un bon morceau d’Alice Cooper n’en vaut pas un bon du Floyd. Si encore ils
avaient eu l’idée d’y rajouter « L’école est finie » de Sheila, ça
aurait été mieux, et surtout plus drôle. Parce qu’au final, c’est un peu ça qui
manque, le fun. Tout le disque empeste la bonne copie appliquée, tout le monde
bien concentré sur son sujet avec une mine de carême …
« Hollywood Vampires » n’est pas mauvais,
il est juste un peu trop scolaire à mon goût.
Si ça peut permettre aux « jeunes
générations » (c’est pas gagné, les djeunes ils doivent s’en taper de ces
vioques qui jouent des trucs de vioques pour les vioques), de se cultiver au
son de titres mémorables des 60’s -70’s, pourquoi pas …