Jad Wio est un groupe à part dans l’assez triste panorama
du rock français. En même temps nostalgique et avant-gardiste, ne se rattachant
à l’Hexagone que par un méticuleux travail sur les textes. Mais là, on est très
loin du slogan chanté. Plus proche en fait des poètes symbolistes (Mallarmé,
Apollinaire, Lautréamont, …), les paroles de Jad Wio, mixées « à
l’anglaise » (c’est-à-dire pas mises en avant, on n’est pas chez Renaud ou
Aznavour, thanks God), sont chiadées, ciselées, abordant parfois des
thématiques chères à Gainsbourg comme l’addiction sexuelle mise en rimes. Pas
un hasard si le premier titre (« Bienvenue ») fait beaucoup penser
par sa diction et son rythme musical à « Melody Nelson » ou
« L’Homme à tête de chou ». Pas de hasard non plus s’ils reprennent dans
une version quasi méconnaissable le « Contact » composé par
Gainsbourg pour Bardot. Faut aussi préciser que la production est assurée par
Bertrand Burgalat, autre esthète sonore et littéraire, qui signe pratiquement
là ses débuts derrière les consoles. Et ceux qui trouvent que pas mal de choses
ressemblent des années avant au premier disque de Air n’ont pas tout à fait
tort.
Bortek & K-Bye |
Mais Jad Wio ont un terrain de jeux beaucoup plus vaste.
Les deux piliers de l’édifice, le chanteur Denis Bortek et le guitariste K-Bye
font aussi une petite fixette sur le glam-rock, ou plus exactement sur sa
frange dite « décadente », représentée en des temps immémoriaux par des
gens comme Bowie Stardust ou Ferry Music. Les Jad Wio poussant le bouchon aussi
loin qu’il se peut (ou qu’ils peuvent financièrement se le permettre) lors de
concerts-évènements où ils apparaissent fortement grimés dans une mise en scène
théâtralisée parfois jusqu’à l’outrance.
Jad Wio, ce qui saute aux oreilles, c’est la voix et la
guitare. La voix exsude tour à tour comme très peu y sont arrivés, sensualité,
stupre, perversion. Jamais démonstrative (Bortek est pourtant un grand
chanteur), parfois s’alanguissant dans le talk-over, ailleurs entraînant les
titres dans une sarabande lubrique. La guitare n’écrase pas tout, des pans
entiers de morceaux s’en passent mais quand elle surgit, elle se fait remarquer
par son originalité et son inventivité, et ses apparitions parfois fugaces mais
qui s’incrustent grave dans les oreilles ne sont pas sans rappeler les
interventions de Robert Fripp dans le « Scary Monsters » de Bowie.
Le seul reproche qu’on puisse faire à « Fleur de
métal » est de partir dans tellement de directions qu’on finit par ne plus
très bien s’y retrouver, on vadrouille de classic glam T-Rexien (« Fleur
de métal » le morceau), à une reprise plutôt funky de la légende mod
française des 60’s Ronnie Bird (« SOS Mesdemoiselles »), à de la pop
synthétique sous forte influence Taxi Girl – Elli & Jacno (« Automate »
qui évoque un étrange jeu de séduction entre un homme et une machine, texte
assez proche dans l’esprit de celui de « In every dream home a heartache »
de Roxy Music, dans lequel Ferry faisait une déclaration d’amour à une poupée
gonflable), à des mini-jams funky (« Le beatnik de l’espace ») qui rendent
vaines l’écoute du piteux Sinclair, voire à des choses qui s’apparentent à ce
qu’on l’on appellera bientôt le trip-hop (« Tsé-tsé », chanson d’amour
à – forcément – une mouche), pour finir carrément jazzy (« Mystère »).
Et les textes ne donnent guère de pistes, les mots ne sont parfois là que pour
leur sonorité, d’autres fois on nage dans des concepts ésotériques relativement
fumeux (le trip Bowie-Ziggy du « Beatnik … », l’imaginaire du Ridley
Scott de « Blade runner », …)
« Fleur de métal », comme à peu prés tout ce qu’a
produit Jad Wio est assez déroutant, mais d’une beauté formelle assez peu
atteinte par des groupes de par ici …
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