« Underneath the rainbow » dure trente quatre
minutes. Et quand le skeud est terminé, tout être normalement constitué doit se
poser une question, un peu saugrenue mais inévitable : les Black Lips
sont-ils là, aujourd’hui, en ce printemps ripou de 2014, le meilleur groupe du
monde ?
J’en vois déjà qui manquent de s’étouffer, ‘tain le
Lester depuis le temps qu’on l’avait pas vu, qu’on se demandait s’il avait péri
en mer, avait été pris en otage par des muslims vendeurs de pavot, ou pire,
nommé ministre par Manu militari Valls, voilà t-il pas qu’il nous assène des
énormités à propos d’un groupe qui a même pas fait la une des Inrocks. D’autant
que si on s’en va googleliser « Black Lips », on va trouver des montagnes
de pages où plein de gens qui s’affichent musicalement incontestables vont vous
raconter que ce « Underneath … » c’est quasi de la daube … Les
écoutez pas ces pantins, c’est moi qui ai raison, comme d’habitude, quand bien
même ma légendaire modestie dusse-t-elle en souffrir …
Les Black Lips 2014, comme une pochette des Byrds, on dirait ... |
Parce que les Black Lips y’a des années que skeud après
skeud, ils se sont forgé une crédibilité en plutonium enrichi dans le milieu du
punk-garage-sixties-bidule (eux se qualifient de flower-punk, ce qui ne veut
rien dire, mais fallait y penser…), le genre de réputation après laquelle
courent des milliards de groupes. Objectif avoué de l’opération : ravir
les quatre pantins rances serviteurs rigoristes de la chapelle et surtout à ce
moment-là ne plus bouger d’un iota. Et arrivés à ce stade, qu’est-ce qu’ils ont
fait les Black Lips ? Sont allés chercher Mark Ronson, producteur-DJ
branchouille et variéteux (Lily Allen, Robbie Williams, Aguilera, …) et dans un
grand éclat de rire sonore, ont consciencieusement « saboté » leur carrière
(leur précédent et déjà excellent selon moi « Arabia Mountain »). Là,
avec « Underneath the rainbow », ils font le contraire, vont chercher
un type « crédible » (Carney des Black Keys) pour produire quelques morceaux,
mais en contrepartie se lâchent encore plus tout au long des douze titres.
Qu’il n’y ait pas de malentendus. C’est sérieux, les
Black Lips, on n’est pas chez les Ludwig Von 88 ou Sha Na Na. Mais les quatre
d’Atlanta ne s’interdisent rien. Même pas de se payer Mick Rock himself pour la
photo de pochette (qui au passage a de faux airs de celle de l’antique 33T
éponyme du Band avec sa dominante sépia). Même pas de citer des choses très
éloignées du garage sixties (« Justice after all » ou « Drive-by
Buddy », c’est du classic rock comme Petty ou Springsteen ne savent plus
en faire depuis des décennies), de faire des références appuyées aux
crétineries punk californiennes des 90’s comme Green Day ou Offspring
(« Smiling »), de rendre hommage aux Ramones (enfin, c’est ce qu’il
me semble) avec « I don’t wanna go home », de rendre obsolète le
disque de « reformation » des Pixies (parenthèse : mais
qu’est-ce qui lui prend à ce gros patapouf de Frank Black, arriérés
d’impôts ? notes en retard chez le traiteur ? et tout çà en virant
Kim Deal, faut pas déconner, gros lard …) avec un morceau comme
« Funny », savants entrelacs de mélodies pur sucre et de grosses
guitares fuzz …
Et puis, manière de faire un doigt aux garagistes 60’s
intégristes, ils jettent en milieu de disque une sorte de truc yé-yé bubblegum
très pop (« Make you mine »), un peu plus loin revisitent à leur
façon le riff du « Lucifer Sam » du Floyd de Barrett, ça s’appelle
« Do the vibrate », et ils le font suivre d’une bouillasse psyché
(« Dandelion dust »), peut-être une référence au énième degré aux
Stones (« Dandelion » est la face B de « We love you »
sortie au milieu de l’an de grâce 1967, quand les Cailloux s’essayaient – de
façon assez risible – au psychédélisme).
« Underneath the rainbow » est une rondelle
qu’on ne sait à quel degré il faut l’appréhender. Jetée en pâture sur ce qu’il
reste du « marché du disque » et démerdez-vous avec. Les Black Lips
semblent comme tous les idiots savants n’en faire qu’à leur tête. Sortent un
disque a priori joli, consensuel mais qu’on peut aussi percevoir comme une vaste
joke j’menfoutiste. Bande de zigotos totalement ingérables qui balancent une
rondelle « grand public » sur le label indépendant (mais balèze, on y
trouve aussi Bloc Party, les Streets, Justice et … Charlotte Gainsbarre) Vice
Records, les Blacks Lips peuvent compter sur leur leader azimuté Cole Alexander
(adepte entre autres « facéties » de terminer ses morceaux live futal
sur les chevilles, signe d’extrême satisfaction chez lui) pour fracasser
consciencieusement et méticuleusement tout plan de « carrière » …
Des mecs bien qui font de bons disques … Le meilleur
groupe du monde de la Terre d’aujourd’hui ...
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