Brian Eno, comme il l’a répété
pendant des siècles, c’est un non-musicien… qui a quand même sorti des
milliards de disques, que ce soit sous son nom propre ou avec plein d’autres.
Eno, c’est un cérébral, limite gourou, un type qui a élaboré des théories
tellement compliquées sur la musique que si t’as pas fait Sciences Po, l’ENA et
HEC à la suite, tu peux rien comprendre. En d’autres termes, si t’es fan de
Status Quo et que tu vois le nom d’Eno sur une pochette de disques, tu passes
ton chemin …
Ceci posé, il n’en reste pas
moins que cette grande asperge au crâne dégarni (à vingt cinq ans, en pleine
vague glam-rock, ça jette un froid, … comment ça, c’est mesquin de
flinguer sur le physique, et alors je fais ce que je veux, non mais …) a eu par
moments quelques inspirations assez étonnantes et que dans l’ensemble de son
œuvre, y’a tout de même quelques trucs pas dégueu … dont ce « Before and
after science ».
Brian Eno, adepte du bodybuilding ? |
Un disque paru en 1977, et on
s’en doute, personne a songé à lui coller un sticker « punk music ».
Brian Eno fait tout son possible pour ne pas être à la mode, ce qui ne
l’empêchera pas d’être cité comme le gourou sonore de plein d’avant-gardistes,
allez comprendre.
Avec son nom qui fleure bon
l’aristocratie consanguine (il est né le divin enfant affublé du patronyme de –
on ne rit pas et on prend bien son souffle – Brian Peter George St. John le
Baptiste de la Salle Eno), il a commencé à se faire remarquer avec Roxy Music
(vu sa calvitie, c’était lui le plus exubérant niveau fringues dans un groupe
où personne n’essayait de passer inaperçu), bidouillant force synthés. Très
vite (à partir du second album) il a commencé à faire son Clapton (what ?
nous avons du succès ? je me casse …) et a quitté le monde du glam pour
s’acoquiner avec quelques types chelous réputés pour leurs théories musicales
absconses (pote-type de Eno, Robert Fripp, le mathématicien de la guitare
furieuse). Curieusement, les premiers disques de Eno sont assez faciles
d’accès, et perso je les trouve moins aventureux, moins « bizarres »
que ceux de Roxy auquel il a participé.
Plus gros coup de Eno dans la
seconde moitié des 70’s : la collaboration avec Bowie pour ce que l’on
appellera la trilogie berlinoise de l’ex Ziggy. En étant en studio aux côtés de
Bowie, Eno voit sa « célébrité » et sa reconnaissance faire un bond
prodigieux vers l’avant. Et ce « Before and after science » devient
de fait un disque « attendu » et écouté, disséqué. Les spécialistes
de Brian Peter George etc … affirment même qu’il fait partie de ses meilleurs,
voire que c’est sa masterpiece. C’est en tout cas dans sa discographie
personnelle la fin de sa période dite « pop », avant celle dite
« ambient ».
« Before and after
science » est aussi un disque très people. Manque juste Bowie, occupé à sortir
Iggy Pop des hôpitaux psychiatres où a pris l’habitude de séjourner l’ancien Stooge, pour le
traîner dans les studios Hansa et lui faire enregistrer des disques. Parce y’a
du beau monde (enfin, quelques relous aussi) aux crédits de « Before
… ». Dans le désordre, on y trouve Jaki Liebezeit, le métronome
tambourineur de Can, Manzanera de Roxy, Fripp pour un solo évidemment
déstructuré (sur « King’s lead hat »), les deux types aux blazes de
légionnaires romains du groupe de krautrock Cluster (Roedelius et Moebius).
Aussi quelques boulets, genre l’inénarrable Phil Collins ou le guitareux jazz
d’avant-garde Fred Frith (qui finira par échouer avec John Zorn, no comment …).
Eno se réservant les parties chantées de sa voix douce, et tout ce que la création
a pu accoucher de synthés, claviers et autres pianos.
Brian Eno, adepte du body painting ? |
Evidemment, le résultat est
notablement différent des classiques d’Howlin’ Wolf. Malgré le casting
pléthorique, c’est une certaine forme d’économie qui prévaut dans tous les
titres qui peuvent se partager dans deux grandes familles : d’une part des
morceaux de format très pop, très mélodiques, et un peu à l’opposé des plages
plus « compliquées » aux sonorités aventureuses, expérimentales.
Assez curieusement, alors que Eno est perçu comme un type dont on s’inspire,
c’est l’influence du premier disque des Talking Heads qui apparaît parfois (dans
les schémas rythmiques, la façon d’aborder le chant), flagrant sur « No one
receiving ». D’ailleurs, Eno deviendra vite la Yoko Ono de David Byrne, avec
pour les Talking Heads le même résultat que pour les Beatles (le split).
Bon, comme moi j’suis pas un avant-gardiste,
ma préférence va largement aux belles mélodies déprimées (« Here he comes »,
« Backwater » et son clone « By this river »), même si des choses
comme le rock’n’roll pour trisomiques de « King’s lead hat », « Julie
with … » et son atmosphère la tête dans le sac au fond du puits, ou « Spider
and I » (qui permet de comprendre où les U2 – produits par Eno – sont allés
chercher les ambiances d’hymnes funèbres de certaines plages de « Joshua tree »)
valent aussi le détour.
Un disque somme toute bien accessible,
pas forcément réservé à « l’élite » …
Du même sur ce blog :
Tiens, aucun commentaire ici ?
RépondreSupprimerje m'y mets.
c'est par cet album que je suis devenu une sorte de suiveur de Eno.
j'ai ensuite fouillé dans les précédents et mis du temps avant de "saisir" le concept d'ambient pour lequel je reste un accro (eno, budd, etc...).
je ne vais pas débattre ici de cette "non musique" - elle a le mérite d'opinions opposées, ce qui de fait la positionne comme digne d'un minima d'intérêt.
cet album je l'ai écouté en boucle, avec la trilogie bowie et la rupture KC de fripp parti en solo.
Roxy... toujours un dilemme pour moi, je peux adorer comme très vite me barrer. Ferry et son falsetto n'y étant pas pour rien. Et pourtant j'aime l'artiste, donc total paradoxe.
tu résumes bien le disque. ces miniatures un tantinet pop, des guests (pour P.Collins j'ai toujours trouvé son jeu intéressant en sideman à l'inverse de son pote souvent invité en sessions le rare bassiste capable d'insister lourdement en jouant faux sur une basse fretless à savoir Percy Jones et qui plus est d'avoir des émules... un truc incompréhensible à mon sens, car il y a tout de même pléthore de bassistes dans la sphère jazz-rock capables de faire le deal à un autre niveau tant technique que musical).
Quant à F. Frith, j'en suis resté à Henry Cow ou les Art Bears (pas si loin d'ailleurs que ça, mais en plus glauque, de cette ambiance Eno ici, du moins dans le minimalisme). Zorn est un autre débat.
là encore. mais ça sent vite la supercherie en mode branlette intellectuelle / j'aime le free jazz mais le mode buitiste pour se la raconter et faire, pas vraiment mon trip (peut être un album intéressant par bouts c'est le lulu, live avec Frisell)
Bon, cet album dégage une plénitude et une quiétude d'instantanés chantés et par un non musicien non chanteur, ce qui rend l'affaire encore plus énigmatique et différente. Aux côtés de la trilogie berlinoise, de The Idiot, des premiers T.Heads (j'écarte U2, vas t'en savoir...), il prend bien sa place.
et reste en bonne place dans ma collectionnite Eno (oui t'as bien lu) que j'assume sans vergogne.
Bon w end.