Time Waits for no one ...
Et lui encore moins … Soixante ans et quelque au
compteur, intronisé au Rock’n’roll Hall of Fame (le musée Grévin du binaire),
et des disques qui depuis sa paire d’as du début des années 80
(« Swordfishtrombones » et « Rain dogs »), se perdaient
régulièrement entre auto-parodies et expérimentations cacophoniques. Tom Waits
faisait pour moi partie des affaires classées, rubrique des bons vieux
souvenirs, le type dont on n’attend plus grand-chose, et encore moins un bon
disque … Et pour tout dire, il valait mieux le voir ou le revoir dans des films de Jarmusch
ou Altman qu’écouter ses dernières productions.
Et bien, ce « Bad as me », il est très
bon. Presque avant même de l’écouter, quand on voit au générique des crédits le
vieux pirate Keith R., les vieux potes Ribot et Taylor, le plus tout jeune
Hidalgo de feu Los Lobos … pas exactement des perdreaux de l’année, mais ça
rappelle plein de bons souvenirs de ses grands disques passés. Et
« Chicago », très rock avec riffs de Richards et un sax qui déraille
ouvre on ne peut mieux les hostilités. On sent que là ça ne récite pas de la
formule, ça ne ronronne pas, les vieux croûtons envoient d’entrée la sauce.
Qu'est-ce que tu dis, Lester ? Que j'ai fait un bon disque ? |
Alors on oublie la présence de Flea, certes grand
bassiste, mais depuis combien de temps il a pas fait de bon disque avec ses
RHCP ? On zappe aussi la présence de Madame Tom Waits, sa Yoko Ono à lui
Kathleen Brennan, créditée de la co-écriture de tous les titres (on aimerait
vraiment connaître son niveau d’implication, elle nous avait pas habitué à tant
de bonnes choses, plutôt marâtre veillant jalousement sur son époux et ses
intérêts que grande songwriter, mais bon, passons, …). On oublie deux-trois
titres complaisants de remplissage (« Hell broke Luce » ou Waits
semble s’intéresser à quelque chose qui ressemble à du doom metal, ce qui lui
va aussi bien qu’un bon scénario à Danny Boon, « Kiss me », où le Tom
nous refait le coup du pochetron déglinguo de piano-bar qui avait lancé sa
carrière dans les années 70 et dont on se fout aujourd’hui).
Mais pour le reste, hats off … ça rocke, ça rolle,
ça bluese, ça rythm’n’bluese, ça ballade triste, rien que du bon … Et puis,
chose pas entendue depuis … oh, plus que çà, même, Tom Waits chante. Enfin,
c’est pas encore Pavarotti, et c’est heureusement tant mieux, mais là, sur ce
« Bad as me », il ne se contente pas de marmonner et de bredouiller
dans sa barbichette de sa voix tout dans les graves devenue un gimmick, non, il
suit la mélodie, fait des efforts pour détacher les syllabes, il chante, tout
simplement, et il s’assume me semble t-il comme jamais dans cet exercice… Et du
coup, tous ces rocks décharnés, toutes ces ballades concassées de fin de cuite
prennent une autre dimension … Et autant qu’un classique sens de la concision
retrouvé dans les compositions, cet accompagnement vocal rend ces titres encore
plus intéressants.
Des exemples ? « Face the highway »,
énorme titre d’americana traînante qui à lui seul rend obsolète l’intégrale de
Giant Sand, « Bad as me » le morceau-titre, rythm’n’blues baroque et
habité qui évoque le grand cintré Screamin’ Jay Hawkins, le méchamment rock
« Satisfied » (clin d’œil à un fameux titre cosigné par Keith
Richards ?), « Last leaf », la meilleure ballade du disque, très
dépouillée et feeling à la tonne, « New Year’s Eve », complainte de
fin de réveillon triste …
C’est Noël juste un peu avant l’heure, Tom Waits is alive
and well …
Du même sur ce blog :
Closing Time
Nighthawks At The Diner
Asylum Years
Bizarrement, je n'ai toujours rien écouté d'autre que Bone Machine. Mais j'adore en général (y compris tout ce que tu dois détester.;)). Faut vraiment que je creuse...
RépondreSupprimerJe connais assez Tom Waits ... celui-ci fait partie pour moi de ses quatre ou cinq meilleurs.
RépondreSupprimerBone machine est pas mauvais selon moi, même si je trouve qu'il force un peu trop sur son obsession pour Captain Beefheart, et en fait un peu trop dans le "massacre" des chansons, avec les mégaphones et les instruments zarbis ... il y a un peu d'épate genre "vise comment je peux faire cacophonique"
Rain dogs et sword... sont pour moi incontournables, rocks classiques mais bien désossés quand même ...