Stadium rock ...
Plus dure sera la chute … Quatre ans après s’être
extirpés du néant, la bande des frères Gallagher est à peu près devenue la plus
grosse attraction musicale du monde dit libre. Il y en a qui arrivent à gérer
ce statut et tout le gigantisme dans tous les domaines qui va avec, comme au
hasard les Stones. Mais pas Oasis …
D’abord parce que les types sont ingérables. Enfin, les deux qui comptent, les deux frangins. Avec mention particulière à Liam, oscillant en permanence entre Sid Vicious et Mr Bean, capable de réparties incendiaires et parfois drôles, mais aussi de boxer sa gonzesse. Tout ceci hypertrophié par beaucoup d’alcool et de coke. Mais ça fait vendre du tabloïd (la pseudo guéguerre Blur-Oasis), et donc entretient la surmédiatisation du groupe.
Oasis 1997 |
Qui peut s’appuyer sur ses deux premiers disques plus que
bien torchés, reprenant les choses là ou Beatles et Stones les avaient laissées
en 68, et Who et Faces en 71. A la manœuvre, et donc à l’écriture, Noel, lider
maximo de la bande. Qui a trouvé un gimmick au niveau du songwriting qui fait
que ça accroche. Des mélodies mid tempo (qu’il suffit d’accélérer ou de
ralentir pour avoir un nouveau titre), des guitares lourdes, une rythmique qui
enclume, et des arrangements et des constructions de titres (à peu près
toujours les mêmes) qui semblent être ce que le peuple (celui qui contribue à
faire des chiffres de vente colossaux) a envie d’acheter à ce moment-là.
Alors, qu’est-ce qui les a pris avec ce « Be here
now » ? J’en sais rien et je m’en fous, mais je m’en doute un peu.
Tout le monde (le Noel, toujours responsable de tous les titres, le reste du
groupe, le management, le label, …) a pris le melon. A voulu faire un disque
qui marque l’Histoire. A la manière d’un Michael Jackson qui écrivait tous les
jours sur le miroir (qu’on imagine grand comme un parking de supermarché) de sa
salle de bain « 100 millions », soit le nombre de disques qu’il
voulait en vendre alors qu’il s’attelait au successeur de
« Thriller ». Et si le Michou se shootait à l’oxygène dans un caisson
hyperbare, les Oasis carburaient à des trucs qui te déglinguent aussi les
neurones.
Comment personne, parmi tous ceux qui étaient concernés avant que le disque sorte, n’a été foutu de se rendre compte qu’il y avait un gros souci avec « Be here now ». Peut-être quelqu’un a-t-il osé faire la remarque aux sourcilleux frangins, mais il est sûr qu’il n’a pas été écouté …
Deux frères ... |
Tout dans « Be here now » empeste la
mégalomanie. De la pochette à « messages » et énigmes, à cette
litanie de titres interminables. Le lecteur de Cd affiche 71’38’’ pour onze titres.
Presque six minutes par morceau, et il y en a même un (« All around the
world ») qui dépasse les neuf minutes. Et comme les types sont pas des
virtuoses, ça mouline à l’infini le même accord, et c’est pas les claviers (qui
rejouent généralement les accords de guitare) qui viennent aérer ce son. Toutes
ces couches instrumentales empilées, mixées tous les potards sur onze, ça fait
beaucoup plus de bruit que de musique. Parce que la partie musicale de
l’affaire est réduite au strict minimum, des trucs qu’on a déjà entendus sur
les deux disques précédents, en plus concis et plus imaginatif (la bonne
trouvaille de la scie musicale sur « Wonderwall » par exemple). En
gros le son de « Be here now » est peu ou prou celui du magma de guitares
saturées qu’on trouvera un peu plus tard sur le live « Familiar to
millions ». Qui lui a tout de même l’avantage d’être aussi un greatest
hits live.
Bon, des hits, il y en a deux de corrects sur « Be here now ». Pas forcément par hasard, ce sont deux ballades très typées 70’s, où il faut le reconnaître, Oasis excelle. « Don’t go away » ne déroutera pas les fans des Red Hot Chili Peppers, n’est point trop assourdissante, et a l’immense mérite d’avoir un final à la guitare acoustique, ce qui offre une pause bienvenue pour les oreilles … « Stand by me », elle, figure dans la poignée des meilleurs titres d’Oasis, avec sa montée progressive vers un refrain qui sait se faire désirer. Dans à peu près le même registre, un bon point également au morceau-titre, qui ne marque tout de même pas autant les esprits … Des titres dont la construction convient parfaitement au style vocal de Liam Gallagher, jamais aussi à l’aise que dans les tempos lents. Ce qui nous amène à souligner son inaptitude souvent criante lorsque le rythme s’accélère. Le lad suprême est à la ramasse sur le up tempo de « My big mouth », et la plupart du temps est obligé de gueuler plutôt que de chanter pour pas se faire écrabouiller vocalement par le mur de guitares.
Du coup, tout ce que les détracteurs d’Oasis avaient
d’emblée mis en avant se trouve ici de façon exacerbée. Le manque d’imagination
de l’écriture de Noel, la manque de souplesse vocale de Liam, la technique
musicale rudimentaire de l’ensemble, les citations-hommages-pastiches un peu
trop voyants (Lennon et les Who sur l’insignifiant « Fade in – Fade
out », « It’s getting better » qui cite par son intitulé les
Beatles de « Sgt Pepper’s … » mais est un des plus mauvais de la
rondelle avec l’épouvantablement strident « I hope, I think, I
know »). Pour tenter de sauver la face, Oasis va même jusqu’à
s’autoparodier (« The girl in the dirty shirt » reprend tous les tics
d’écriture de Noel et tous les tics vocaux de Liam entendus jusque là).
En fait un seul titre résume l’affaire. Le premier, « D’you know what I mean ? ». Une
intro avec bruit d’avions (on se croirait dans « The Wall » ou « The
final cut » de Waters / Pink Floyd), des borborygmes de synthés … Il faut
attendre une minute pour que le titre « démarre », avant que
s’enchaînent clins d’œil appuyés à tout ce qui a fait le succès du groupe, sans
que jamais celui-ci ne semble mettre un terme à cet enchaînement de grosses
ficelles (7 minutes 42 secondes au compteur).
Un mot sur l’ésotérique pochette. On voit bien qui
« commande ». Noel au premier plan, Liam un peu en retrait, les trois
autres loin derrière. Un calendrier qui indique la date de sortie dans le pays
concerné, une Rolls dans une piscine (référence à une anecdote avinée de Keith
Moon), une montre sans aiguilles (là, ça m’étonnerait que ça fasse allusion au
film de Bergman « Les fraises sauvages » où on en voit une
similaire), la Vespa, le vieil électrophone (la nostalgie, camarades, c’était
mieux avant), la mappemonde du premier disque, et puis plein de détails que seuls
peuvent assimiler les fans hardcore … Il paraît que c’est une des pochettes les
plus chères de l’histoire du rock … bâillements …
La suite de l’aventure ne sera pas meilleure, loin de là.
Vladimir Gallagher devra lâcher du lest, laissant les autres (malheureusement)
écrire des chansons, en contrepartie de quoi il passera (malheureusement)
occasionnellement derrière le micro, le tout dans une ambiance de guerre civile
fratricide qui durera une dizaine d’années avant le sabordage parisien.
Bien que globalement très médiocre, « Be here
now » est le dernier disque studio encore écoutable d’Oasis …
Des mêmes sur ce blog :
(What's The Story) Morning Glory ?