Fortunate son ...
Comme tout le monde, Charlotte est la fille de ses parents. Mais c’est la seule au monde à être la fille de Serge Gainsbourg et Jane Birkin. Ce qui n’est pas forcément un handicap dans la vie. D’ailleurs, elle fait carrière sous le pseudo de son père (pour l’état-civil, elle s’appelle Charlotte Lucy Ginsburg). Son gagne-pain, à Charlotte, c’est d’être actrice. Un métier pour lequel elle est assez douée, excellant dans des rôles de pleureuse diaphane triste, mais pas que …Elle fait des disques aussi, la Charlotte … et là on peut se poser deux questions : pourquoi et comment ?
Pourquoi faire des disques quand on s’appelle
Charlotte Gainsbourg ? Parce que Gainsbourg, dans le monde des maltraiteurs
de gamme, c’est un nom bankable, et il n’a échappé à personne que le monde de
la musique, c’est aussi une industrie qui exige des résultats, des marges, des
dividendes, etc … On prend moins de risques à sortir un disque étiqueté
Gainsbourg que celui de gugusses peut-être extrêmement talentueux mais
inconnus. Et puis, Charlotte Gainsbourg et la chansonnette, y’a peut-être quelque
chose de freudien et d’œdipien à régler. On se souvient de son père la forçant
à chanter toute gamine des mélodies difficiles, sur des textes (et un clip)
pour le moins équivoques (l’assez douteux « Lemon Incest ») …
Comment on fait de la musique quand on s’appelle
Charlotte Gainsbourg ? Et que certains prérequis pointent aux abonnés
absents. Quand on ne compose pas qu’on n’écrit pas (ou si peu) de textes, et
qu’on a une voix à faire passer Maman Jane pour la Callas, on fait quoi ?
A mon humble avis, on ferait mieux de rester à la maison … Pas Charlotte, à qui
on donne un disque « clés en mains », sur lequel elle n’a plus qu’à
poser son petit filet de voix. Bon, des gens qui ne font quasi exclusivement que
chanter sur leurs disques, on en connaît et des fameux (Frank Sinatra ou Elvis
Presley pour n’en citer qu’une paire). Mais ils chantent mieux que Charlotte …
Cet « IRM » est beaucoup plus un disque de
Beck (Hansen) que de Charlotte (Gainsbourg). Beck, au début, c’était un mixeur de
genres assez étonnant, réussissant à faire des choses pas dégueus en marchant à
rebrousse-poil des conventions (de l’électro, du rap et de la country avec « Loser »,
fallait y penser). Son étrange mayonnaise a fini à la longue par tourner
vinaigre, et encore plus quand est venu se rajouter à la musique un malvenu
prosélytisme scientologue. Mais on peut toujours compter sur lui pour bricoler
des trucs bizarres.
Ici, il s’en donne à cœur-joie, réunissant une multitude
de zozos programmant leurs Mac, lui-même étant crédité de plein de bidules
électroniques. Même s’il y a aussi de vrais instruments (noyés sous les programmations),
et un casting aussi long qu’un générique de dessin animé Pixar, c’est Beck qui
écrit, compose et joue quasiment tout. A part deux types dont je préfère pas citer
le nom pour les paroles d’une imbécilité rare de « Le chat du Café des Artistes »
qui accumulent des trucs aussi forts que « Quand on est mort c’est qu’on
est mort, quand on ne vit plus c’est qu’on ne vit plus », et un poème d’Apollinaire
mis en musique (la tarte à la crème de la chanson française de « qualité »,
aller piocher chez Verlaine, Rimbaud, Apollinaire, ça fait littéraire et romantique
…).Charlotte G. & Beck H.
Musicalement, Beck oblige (ou se sent obligé ?),
on passe du coq à l’âne, pauvres mélodies interchangeables sur fond d’innombrables
programmations rythmiques envahissantes, on va butiner vers plein de genres
(vers l’électro, la ballade acoustique, la pop 60’s).
Quelques rares compos tiennent à peu près la route. « Le
chat du Café … » s’il avait un bon texte renverrait aux meilleurs trucs
que composait Gainsbourg Père pour Jane B., « Heaven can wait » est
un joli exercice rétro très influencé par le Beatles sound, « Time of the
assassins » c’est pour moi le meilleur titre de la rondelle, belle mélodie
pop-folk à la Duncan Browne. A noter aussi, mais pour d’autres raisons « Dandelion »
(étonnant que Tony Visconti ou les héritiers de Marc Bolan n’aient pas dégainé
les avocats, c’est un plagiat du T-Rex sound époque « Electric warrior »).
Le reste, c’est du bruit pour after de bobos, furieusement (?) novateur (?) et
étrange (?), manière d’accompagner le champagne rosé quand les lumières de l’aube
viennent signifier la fin d’une nuit passée dans des endroits rupins des beaux
quartiers de Paris…
La Charlotte « chante » pour l’essentiel
en anglais, c’est-à-dire qu’elle murmure des textes en essayant de suivre la
mélodie. Dans les meilleurs moments assez proche de la tessiture de sa Jane de
mère, mais sans son feeling ingénu. Ici, c’est pour le moins laborieux …
Pour paraphraser le philosophe hélicoptérisé Balavoine,
qui déclarait qu’il faudrait remplacer le besoin par l’envie, Charlotte G.
aurait dû se poser la question essentielle : avait-elle besoin de faire un
disque ou en avait-elle juste envie ?