De ces cathédrales pop dont la recette semblait
perdue à jamais … de ces machins et tellement tarabiscotés et tellement
évidents à la fois, qui naissaient dans des temps immémoriaux de l’esprit
dérangé de Brian Wilson ou Arthur Lee, ou dans les rêves de McCartney.
The Coral, ils ont eu un énorme handicap. Ils
venaient de Liverpool et savaient trousser la mélodie, et donc, sans qu’ils
aient rien demandé, se sont évidemment vus taxer de (énièmes) nouveaux Beatles.
Ce qui, malgré une poignée de disques, honorables voire plus dans les années
2000, était un costard un peu trop grand pour leurs épaules. L’affaire Coral
semblait classée, d’autant que leurs deux ou trois dernières livraisons,
parasitée par des départs (celui du guitariste notamment), étaient loin de
faire l’unanimité y compris au sein de leurs aficionados.
The Coral 2018 |
Et ce « Move through the dawn » se pointe. Avec
sa pochette à faire frémir, genre rednecks américains en goguette à Tokyo (y’en
a un avec un tee-shirt Mickey, même Curt Cobain, peu soucieux de sa garde-robe
et de son look, n’avait pas osé …). Le genre de skeud que tu mets dans un coin
en te disant que tu l’écouteras quand tu auras vraiment rien d’autre à foutre …
Tout
faux. « Move
through the dawn » est un grand coup de pied aux idées reçues et aux a priori …
même avec la meilleure mauvaise volonté du monde … Ouais, le premier titre
« Eyes like pearls » est extraordinaire, un bijou de sunshine pop, un
titre comme plus personne n’en a sorti depuis Crowded House, Prefab Sprout ou
XTC, ce qui ne rajeunit personne et surtout pas moi... Mais tout le monde met
un bon morceau en ouverture des disques, je vais pas me faire avoir, et je
prépare la kalachnikov pour dézinguer le reste, qui forcément, ne tiendra pas
la route…
Sauf qu’il faut arriver au dixième titre (sur onze),
le très mal nommé « Stormbreaker » (on dirait un titre de chanson de Deep
Purple ou de Rainbow, c’est dire) pour trouver quelque chose qui s’apparente à
une baisse de niveau, un semblant de régression qualitative. Et encore, on en
connaît à la pelle, des zozos qui passent en tête d’affiche des festivals avec
cachet indécent à la clé, qui vendraient père et mère pour être capables d’écrire
ce genre de ballade mid-tempo très seventies avec sa partie centrale très Pink
Floyd. Tout ceci avant que le disque ne se termine par « After the fair »,
ritournelle folk pleine d’arpèges acoustiques que n’aurait pas reniée un Nick Drake
et qui devrait inciter nombre d’apprentis Dylan ou Neil Young qui pullulent
depuis cinquante ans à changer de métier …
James Skelly, chanteur et principal compositeur |
Tout le reste est un enchantement (pour qui n’est
pas fan de Slayer s’entend). On ne sait plus où donner de l’oreille devant ces
trouvailles mélodiques, ces arrangements millimétrés d’une finesse et d’une
classe folle, alors que le genre abordé (la pop baroque ou luxuriante) ne conduit
généralement qu’à un ramassis de sonorités ampoulées et prétentieuses. Tout ça
en évitant le piège de l’emphase, du kouglof mis en musique. Les titres sont
vifs, nerveux. « Reaching out » fera plaisir aux fans des Go-Go’s ou
du Dwight Twilley Band, « Sweet release » aurait trouvé sa place dans le « Live
at Budokan » de Cheap Trick, « She’s a runaway » swingue et
funke comme le meilleur de Crowded House, « Stranger in the hollow »
déploie des trouvailles mélodiques insensées, « Eyes of the moon »
fait oublier l’absence depuis des lustres du Paddy McAloon (pas vraiment sa
faute, il est gravement malade) qui tutoyait les étoiles avec Prefab Sprout, et
« Undercover of the night » (rien à voir avec un très mauvais disque
des Stones 80’s) sonne tellement Simon et Garfunkel qu’on croirait que le nabot
et la grande asperge se sont encore rabibochés.
Et puis, pour en revenir aux Beatles dont il était
question au début, « Love or solution » devrait donner envie à tout
le monde de réécouter « Revolver » pour constater que oui, ce titre aurait
pu y figurer dans le tracklisting sans que personne y trouve à redire.
A ce stade, il reste deux questions : un, mais
putain comment les Coral ont-ils fait pour torcher pareille merveille et deux,
seront-ils capables de reproduire pareil coup d’éclat ? On l’espère …