De Josh Ritter, je ne sais quasiment rien.
Singer-songwriter folkeux de la « nouvelle génération », la trentaine
au moment de la rondelle dont au sujet de laquelle il est question. Encensé à
ses débuts comme un génie en devenir, genre Ron Sexsmith ou Rufus Waingright,
avant que ses laudateurs d’un jour passent à autre chose … Et ce disque acheté
au hasard, sur la foi de quelques dithyrambes venus de sites ricains, parce que
la notoriété du bonhomme a oublié, comme celle de nombre des ses congénères, de
traverser l’océan …
« The historical conquests … » (et ne demandez
pas pourquoi ce titre à la con, j’en sais rien) est bluffant d’entrée. Mais
vraiment bluffant. Le premier titre (« To the dogs of whoever ») convoque instantanément
le Dylan circa 65, que ce soit dans le rythme de la chanson, ou dans la voix, à
s’y méprendre. C’est pas un décalque, parce que ça évolue en une sorte de gigue
celtique qui fait penser à des Pogues au ralenti. En tout cas, effet garanti,
ça capte l’attention.
Et ça continue. « Mind’s eyes », qui suit
est plus que bien foutu, avec son gimmick de guitare-sirène à la « London
calling » (le morceau) du Clash. Et pendant la première moitié du disque,
rien à jeter. Et pas grand-chose qui
renvoie à un tristos égrenant sur sa gratte acoustique un pathos dégoulinant
pour faire chialer dans sa bière. « Right moves », c’est du
Supergrass avec une partie cuivrée (trompette ? trombone ?) à la Love
(ou aux Pale Fountains, ce qui revient au même). C’est électrique, mélodique,
entraînant, finement produit (le dénommé et inconnu pour moi Sam Kassirer).
Et ça continue, encore et encore. Quatrième morceau,
le springsteenien par son titre (« The temptation of Adam »), semble
en fait tout droit sorti d’un inédit de Nick Drake (l’épure mélodique
parfaite). « Open doors », drivé par un gros shuffle emporte la
chanson bien au-delà du folk à papa. « Rumors » est une petite tuerie
pop.
Et puis, alors qu’on se dit qu’il va falloir faire
un triomphe à cette rondelle et tresser une couronne de lauriers à son auteur,
se pointe un court instrumental, genre bouton sur le pif de Miss France. On est
prêt à pardonner ce qui pourrait passer pour une faute de goût mineure, un
péché de jeunesse. Sauf qu’arrive pile poil derrière « Wait for
love », un truc avachi entre folk et ragga hindou, qui te fait
immédiatement réviser à la hausse l’œuvre pénible d’un Devendra Banhart.
Impression dubitative renforcée avec « Real long distance » qui fait
penser aux Kinks, mais gros hic, aux Kinks des années 80, avec mélodie tarabiscotée
limite pénible et batterie herculéenne.
Le reste est à l’avenant, soupe à la grimace sonore.
On voit bien où le Ritter veut en venir, piochant dans des références (bonnes,
voire plus) pour les ressortir à sa sauce. Sauf qu’à force de faire des titres
« à la façon de », tu te caches, oublies de montrer de quoi tu es
vraiment capable, et l’ensemble finit par sonner comme une auberge espagnole
musicale (« Next to the last romantic », comme si Johnny Cash
reprenait du Creedence, ou le contraire, à quoi ça sert, sinon à montrer que tu
es capable de sonner comme les deux…). Et là, ça défile dans le commun, voire
le balourd, avec dans cette seconde partie du disque, le seul « Still
beating » (classic folk, mais qui sonne « personnel ») à sauver.
Heureusement que le Ritter a la bonne idée de donner
dans le concis (14 titres pour quarante minutes), sinon y’a des fois où on
finirait par trouver le temps long … Etrange, cette construction symétrique
(pour moi, lui doit pas envisager les choses de la même façon), où après un
début sur les chapeaux de roues, on termine dans le bac à sable (l’inconsistant
mantra folk « Wait for love » en point final).
Dans l’esprit « t’as vu comme je suis doué et
malin, je peux tout jouer … », Josh Ritter me fait penser à Wilco. Sauf
que dans Wilco il y a (en plus d’une cohorte de redoutables instrumentistes)
Jeff Tweedy qui évite de se perdre dans les hommages trop voyants pour toujours
rester au-dessus de ses influences. Et depuis dix ans, il me semble pas que la
notoriété de Ritter soit en passe de rattraper celle de Kanye West …
Conclusion : si vous tombez sur cette rondelle
pour pas cher, vous pouvez tenter le coup. Sinon, écoutez … autre chose.