« Tetsuo », y’a écrit en tellement grosses lettres
partout « film culte » que ça en devient trop voyant, limite
embarrassant.
De quoi retourne t-il ? Tout d’abord, et c’est
difficile de ne pas le reconnaître, « Tetsuo » est un film différent.
D’à peu près tout ce qui est paru jusque là, même s’il pioche allègrement dans
des œuvres « classiques », en tout cas plus conventionnelles. « Tetsuo »
est un des premiers témoignages filmés (quelques courts métrages auparavant) de
Shinya Tsukamato, qui a vingt huit ans au moment où il commence le tournage.
Tsukamoto vient de la pub, d’où un sens sinon inné mais du moins bien assimilé
de l’image qui accroche.
Shinya Tsukamoto |
Et là, question image qui accroche, il a placé la
barre très haut Tsukamoto. C’est plus de l’accroche, c’est du choc frontal. Qui
passe par des choix esthétiques radicaux. Un noir et blanc granuleux, tellement
« léger » techniquement (rassurez-vous, c’est fait exprès) qu’on
dirait un film des années 20. Un montage hystérique (« Tueurs-nés »
on dirait quasiment du Bergman en comparaison), saccadé, rythmé le plus souvent
par une techno épileptique (signée Chu Ishikawa, partenaire constant de
Tsukamoto). Ce qui fait qu’au bout d’une heure et cinq minutes, générique
compris, tout est bouclé.
Le scénario est à la fois simple, sinon simpliste. Dans
un Tokyo plus ou moins futuriste, des humains se contaminent, se séduisent et s’exterminent
en devenant des mutants mi chair mi ferraille. Le tout dans des décors d’appartements
exigus, ou dans des chantiers délabrés de sites industriels. On pense parfois
au premier film de Luc Besson « Le dernier combat » (le noir et
blanc, les sites post apocalyptiques, les dialogues réduits au strict minimum).
Sauf que ni Tsukamoto, ni son fan club ou les spécialistes de son œuvre, ne
citent jamais ce film de Besson.
The Man Machine ... |
Tsukamoto se réclame de Lynch (« Eraserhead »
évidemment), du « Metropolis » de Fritz Lang (le type connaît ses
classiques), de « Blade runner » de Ridley Scott, et du « Videodrome »
de Cronenberg. Il aurait pu citer « Frankenstein » et ses multiples
adaptations. La « fiancée » ( ? ) du « héros » ( ?)
car personne n’a de nom dans le
scénario, on dirait la fiancée de Frankenstein dans le film du même nom de
Whale. Mais il les enterre tous par le côté totalement destroy de son film. « Tetsuo »
est hyper violent, tendance gore (la première scène, c’est un type qui s’entaille
très profondément la cuisse pour s’y insérer une longue tige filetée,
garantissant en plein cadre giclées de sang, chairs en décomposition et
grouillement d’asticots).
Comme il faut tout bien ranger et étiqueter, on
trouve un peu partout que « Tetsuo » est un des films fondateurs du
cyberpunk, tiroir générique où l’on met tout et n’importe quoi (en musique, c’était
les terrifiants pantins de Sigue Sigue Sputnik au milieu des 80’s, mais il y a
du cyberpunk littéraire, plastique, filmographique, …). Pour moi, c’est une
surenchère visuelle perpétuelle qui se dirige vers un final où se mélangent,
mort, vie et résurrection sous la forme d’un combat métallique entre deux
mutants (dont Tsukamoto, qui aime bien faire l’acteur dans ses films, même si
dans « Tetsuo » c’est dû à un budget plus qu’étriqué) devenus amas de
ferrailles et de câbles électrique divers (on pense à Alien, avec les membres
qui sortent des membres).
Une petite pipe ? |
Visuellement, c’est très fort (pas de fric pour les
effets spéciaux, les plans sont tournés image par image, comme un dessin animé),
avec des scènes chocs qui s’enchaînent à un rythme effréné. Une des plus
mémorables est la bagarre – copulation, avec le sexe de la femme en forme d’un
serpent à tête chercheuse (Alien again) qui finit par sodomiser l’homme, avant
que le sexe de celui-ci se transforme en foret et éventre sa partenaire … Bizarre,
vous avez dit bizarre ?
Perso, je trouve ce film original (c’est bien le
moins), mais c’est pas vraiment mon truc (y’a aussi des références à la culture
manga dont j’ignore tout et me contrefous complètement), je le trouve malgré sa
durée réduite interminable, succession ininterrompue de délires psychotroniques
qui me passent par-dessus la tête. A tel point que dans le coffret où le film
est jumelé avec son remake-suite (il y aura quatre épisodes au total tous réalisés
par Tsukamoto) en couleurs, je m’en suis prudemment tenu à ce premier volet et
ne compte pas aller plus loin.
Etrangement, Tsukamoto que l’on voit dans les bonus
du Dvd répondre à des questions de Jean-Pierre Dionnet (qui d’autre ?) est
un type calme, poli, très rationnel et nullement extravagant dans ses propos
alors que l’on s’attendrait à voir un excité intégral.
En fait, « Tetsuo », il durerait dix fois
moins, on dirait un clip de Marylin Manson… C’est dire que pour moi on arrive
assez vite aux limites du truc …