« Klute », c’est un des deux
films qui ont fait passer son réalisateur Alan J Pakula à la postérité (l’autre,
c’est évidemment « Les hommes du Président » sorti cinq ans plus tard
et qui traite du scandale du Watergate). Entre temps, Pakula se sera intéressé
à la fin de Kennedy (« A cause d’un assassinat »), et gagnera une
réputation de type « engagé ». Qu’il ne fera guère fructifier, il
fait partie de ces metteurs en scène aujourd’hui quelque peu oubliés.
Pakula, Sutherland & Fonda |
« Klute » est un
polar. Un peu bancal, car on devine très aisément assez vite qui est le
coupable. Ce qui niveau suspense et tension est pas vraiment le top. En fait,
cette histoire de traque de prostituée par un homme d’affaires psychopathe qui
veut la buter tout comme ses connaissances à elle qui pourraient parler, est
assez convenue, tout juste bonne pour servir de trame à un épisode de « Castle ».
Ce qui sauve le film, c’est un
duo d’acteurs qui crève l’écran, Donald Sutherland et Jane Fonda. Lui, c’est
John Klute, détective assez coincé voire rigide de province « monté »
à New York pour enquêter sur la disparition d’un homme d’affaires de ses amis. Elle,
c’est Bree Daniels, pute occasionnelle, qui serait une des dernières à avoir vu
le disparu avec qui elle entretenait une liaison lorsqu’il allait en ville. La ville,
justement, est aussi au cœur du film. Un New York sordide, un peu l’envers du
décor de la carte postale. L’essentiel du film se passe à Harlem où vit Bree dans
un appart assez minable. Ses fréquentations, ses connaissances, sont plus ou
moins des paumés, des toxicos, des petits macs sans envergure qui croupissent dans
un milieu plutôt sordide. En fait, par bien des aspects (Harlem, la dope, les
putes, et la violence qui va avec tout ça), « Klute » est une version
« blanche » de « Shaft », le film-type de la blaxploitation
sorti quelques mois plus tôt. Avec Sutherland nettement moins funky que Richard
Roundtree ou Ron O’Neal dans « Superfly », bon, il a des excuses, la
B.O. est pas signée Mayfield ou Hayes… Tiens, et puisqu’on parle son et
musique, il y a dans « Klute » une musique souvent électronique assez
glaciale (comme celle de Carpenter dans « Halloween »), et des
sonneries de téléphone flippantes et obsédantes (c’est le tueur qui appelle,
souvent sans dire un mot).
Sutherland & Fonda |
John Klute n’est pas dans son
élément à New York. Et on le sent peu à l’aise lors de ses premières rencontres
avec Bree, très professionnel, limite asexué. Alors que Bree, c’est de la bombe,
Jane Fonda a la trentaine rayonnante et joue un rôle pas simple, le personnage
le plus complexe du film. Putain « classe » (elle fait pas le
trottoir, trouve ses rendez-vous par téléphone), mais qui fait des passes
tarifées par défaut. Ce qu’elle voudrait être, c’est mannequin ou actrice (elle
fait des jeux de rôle dans son taf, c’est d’ailleurs dans l’atelier de couture
d’un pépère pervers et cool qu’a lieu le dénouement de l’enquête policière), et
elle claque toutes ses économies en séances de psychanalyse.
Jane Fonda |
Bree entretient avec Klute des
relations ambigües. Elle le rejette d’abord, essaie ensuite de vamper ce glaçon
ambulant, pour finalement se jeter dans ses bras quand le danger se précise. Tout
en gardant son autonomie, elle passe pas ses jours à ses pieds. Sans qu’on
sache trop si Klute est tombé amoureux, jusqu’à la scène finale. Fonda /
Daniels focalise l’attention dès qu’elle est à l’image. Faut dire qu’elle est
vêtue très près du corps, qu’elle ne porte pas de soutien-gorge et qu’il fait froid
dans son appartement ou dans les rues de New York, si vous voyez ce que je veux
dire (et je sais que vous voyez ou du moins que vous imaginez, bande de pervers).
En tout cas, tétons en avant ou pas, le rôle de Bree Daniels vaudra à Jane
Fonda une statuette de meilleure actrice.
« Klute » a ses fans.
Ouais, bof … Faut reconnaître qu’il a ses qualités (les personnages sont
fouillés y compris celui du tueur, l’atmosphère de décadence urbaine bien
retranscrite, les gens de pouvoir et d’argent bien machiavéliques), mais aussi
quelques défauts. « Klute » est un film qui se traîne, d’une lenteur
parfois assoupissante, Pakula n’est pas un grand manieur de caméra, sa mise en
scène est d’un classicisme assez plat, et la partie polar et suspense ne tient
pas ses promesses …
Sans Sutherland et Fonda, ça
ferait tout juste un bon téléfilm. Pour moi, « Klute » est assez nettement
inférieur aux « Hommes du Président » qui restera la masterpiece de Pakula,
aves là aussi un grand duo d’acteurs (Hoffman et Redford)…