Magnetic Fields, c’est la chose d’un type, Stephin
Merritt. Qui aidé de quelques comparses sort des albums qui, pour ceux que je
connais, sont hautement recommandables. Même s’il semble acquis que « 69
love songs » restera sa référence.
Parce que c’est pas une pub mensongère. Il y a dans
ces trois Cds 69 chansons pour quasi trois heures de musique, peut-être bien un
record. Logiquement, pareille idée a de quoi faire frémir, pendant que
clignotent des warnings auriculaires et que défilent dans l’iPod interne
les souvenirs des pensums idoines de Santana, Clash, Yes, Springsteen, Jojo
Harrison et quelques heureusement rares autres, on s’attend au pire.
Stephin Merritt période 69 Love Songs. Pas très glamour ... |
Ben non, « 69 love songs » c’est bien.
Evidemment, y’a du déchet, mais pas tant que ça … et pas au niveau des
compositions, qui tiennent étrangement bien la route, le type Merritt gambadant
avec aisance dans une foultitude de genres. C’est plutôt au niveau du son que
ça finit par devenir répétitif, le parti-pris (délibéré, certes, mais avait-il vraiment
le choix et les moyens d’être plus « ambitieux » ?) lo-fi à tous
les étages montre ses limites. Et puis, Merritt, avec sa voix grave de baryton
à la Johnny Cash sur quasiment que des tempos mediums, c’est pas le chanteur du
siècle. Heureusement, des potes se relaient parfois au micro et une douzaine de
titres sont chantées par des femmes. Dont la voix de cristal de Shirley Simms,
ayant un temps gravité dans la galaxie Violent Femmes.
Parce qu’il y a chez les Magnetic Fields l’influence
(non, pas de Jean-Michou Jarre, quoi que, Merritt est fan éperdu de ABBA), mais
de tous ces types et groupes américains cultivant un côté roots, austère et
feignasse. Toute la frange country-rock à la JJ Cale, la nonchalance enfumée du
Tom Waits période piano-bar, les déclamations poétiques rêches de Leonard
Cohen, la proximité de l’os chère au Velvet (et donc par extension des Violent
Femmes suscités), la modernité rustique de Wilco, les mélodies campagnardes des
paysans du Band … et par moments, et en tout cas bien plus souvent que la
plupart des copistes « americana roots », Merritt se hisse au niveau
de ses maîtres.
Magnetic Fields maintenant. Merritt, c'est le gros barbu à casquette... |
Et puis, comme il doit quand même être un peu barge,
il se lance dans des choses … heu, curieuses, voire inattendues et en tout cas
qui détonnent dans l’atmosphère générale et ravivent du coup l’attention. On
sent que le type connaît par cœur la disco de Kraftwerk, doit avoir une
palanquée conséquente de disques de Lee Perry, car les Magnetic Fields ne
dédaignent pas de s’aventurer dans quelques plages (réussies d’ailleurs) de pop
électronique très 70’s-80’s ou quelques dubs mélodiques à rendre jaloux tous
les imitateurs du genre (qui a dit UB40 ?). De toute façon, suffit de voir
la litanie imposante de tous les instruments joués par Merritt pour savoir que
« 69 love songs » n’est pas une œuvre monolithique. Ce qui laisse
parfois la place à quelques incongruités (fatigue, private jokes ?)
sonores pastichant du punk-rock, un truc afro-cubain-salsa-bidule, des
imitations (hommages ?) à Tom Petty, aux Stranglers de
« Feline », au Clash de « Sandinista ! », … pour
conclure le troisième Cd par une valse triste à l’accordéon. Sans oublier la
ballade plaintive piano-voix (la superbe « Busby Berkeley dreams ») …
et plein d’autres choses encore, le tout restant quand même cohérent.
Parce qu’il y a un fil rouge dans « 69 love
songs ». Chansons d’amour, certes, mais chansons d’amour tristes,
désabusées, voire cyniques. En tout cas jamais de « Oh baby, I’m so in
love with you » ou autres roucoulades blettes. L’impression que Merritt qui
signe seul 68 titres ( ! ) et cosigne l’autre, si un jour il va voir un psy,
il va se ruiner en séances.
Ben ouais, pour autant réussi que soit ce pavé, il en
a quand même pas vendu des camions …