On pourrait se poser plein de questions, du genre
pourquoi tout ce barouf dans tous les médias spécialisés (ou pas) au sujet
cette miniature australienne (comme si ça suffisait pas avec KyKylie Minogue,
les chanteuses d’un mètre cinquante, talonnettes compensés comprises), en plus
même pas canon avec son visage poupin et donc ses faux airs de McCartney with
boobs. Surtout qu’elle est aussi charismatique, causante et souriante que le
mime Marceau un soir de déprime … Moi je vois qu’une explication, c’est qu’elle
a fait un putain de bon disque. Qui plus est dans un des genres les plus
ringards et moqués aujourd’hui, le folk-rock.
Bon, remarquez je dis folk-rock pour dire quelque chose,
parce que si quelqu’un voit la moindre similitude entre ce « Sometimes
… » et les skeuds des Flying Burrito Brothers, je passe le reste de mes
vieux jours à écouter en boucle l’intégrale de David Crosby. Courtney Barnett,
c’est folk parce que ça raconte des histoires, souvent tristes (et
personnelles, on sait plus à quel niveau on doit prendre le clown qui fait pas
rire du clip de « Pedestrian at best »), c’est rock parce qu’il y a
plein de guitares aux sons bizarres, trafiqués, plus proches de Sonic Youth que
d’Yves Duteil (et celui qui pense Television a bien raison). La damoiselle cite
dans ces interviews des gens éminemment respectables (Lou Reed et le Velvet,
Billy Bragg, Neko Case, les Lemonheads, Wilco …). De plus elle a quelque peu
gravité dans la galaxie des Dandy Warhols, a repris sur scène un album entier
d’INXS (?!), et chante souvent (en fait scande plutôt) comme la Sheryl Crow des
débuts, avant que l’Américaine tombe amoureuse de cyclistes dopés (pléonasme)
et se la joue à plus de quarante balais bimbo flower-power, mini-jupes et
tétons en avant … Autrement dit, Courtney Barnett, c’est pas monolithique, pas
un gimmick qui tourne en boucle sur la durée du skeud. Ça part un peu dans tous
les sens, tout en restant cohérent d’un bout à l’autre … pas exactement le genre
de démarche facile à entreprendre, et encore moins à réussir …
On a quelquefois des machins qui rappellent le Beck (non,
pas Jeff, l’autre, le scientologue) des débuts, quand il concassait et malaxait
le folk avec des rythmiques proches du hip-hop (« Elevator
operator », « An illustration … »), on trouve même à la fin un
blues dénudé (la Courney et seulement sa gratte), ça s’appelle « Boxing
day blues », et ça sonne surtout pas comme la Tracy Chapman soporifique de
l’autre siècle.
La petite australienne s’aventure même dans des titres de
sept minutes. Le premier (« Small poppies ») est une ballade qui
commence sobrement avant qu’un crescendo de guitares (Barnett ? parce
qu’il y a un autre type à la gratte dans son band) y mette un peu d’électricité
tordue. Le second titre étiré (« Kim’s Caravan ») m’a tout l’air d’un
jeu de pistes musical, où l’on passe de murmures d’instruments dans une
ambiance glaciale et dépouillée, voix à la Nico, avant qu’arrivent des guitares
lancinantes à la Lou Reed ou Sonic Youth (« Kim » pour Kim
Gordon ?) et un final en lourd et lent déluge électrique façon doom metal
(« Caravan » pour « Planet Caravan » de Black
Sabbath ?).
Mais on trouve aussi plein d’autres choses dans ce skeud
au titre en forme d’hymne à la fainéantise. Et du rock, tendance ‘n’roll qui
dépote. « Aqua profunda ! », on dirait même du pub-rock tel que
le servaient chaud Feelgood ou les Inmates. « Dead fox », on jurerait
un tribute aux guitares toute particulières dont FatBob Smith tartinait les
disques de Cure, « Debbie Downer », avec son gimmick fabuleux d’orgue
vintage (Vox ?), ça fait ressurgir les oubliés amerlos du Paisley
Underground, plus précisément les Bangles des débuts (« Going down to
Liverpool », ce genre). Avec « Nobody really cares … », on se demande
si la petite Barnett ne connaît pas Antoine (c’est les accords des
« Elucubrations » avec un refrain façon la version de
« Gloria » de Patti Smith), alors qu’avec le hit (ou qui mériterait
de le devenir) de rock’n’roll lo-fi « Pedestrian at best », on a
droit à une variante du riff de « All day and all of the night » des
Kinks. Cultivée, la dame …
Putain que ça fait du bien des disques comme ça …