Ouais, les préjugés, je sais, faut s’en méfier …
Mais elle, k.d. lang, y’avait tellement de choses extra-musicales qui
revenaient sempiternellement, que bof, ça me donnait pas envie de m’intéresser
à son cas … Son blaze orthographié sans majuscules (pourquoi ? m’en fous),
son physique comment dire, ingrat, son look androgyne, les riot grrrls, la
folkeuse à la lesbianité proclamée, les combats pour la cause homosexuelle, la
Canadienne qui vient la ramener aux States … Je subodorais les pensums sonores
austères et militants, et comment dire, j’avais déjà cotisé pour les bonnes
causes musicales dont on ne peut décemment pas dire de mal, mais qu’on
s’emmerde quand même à écouter …
« Ingénue », c’est à force de lire ici où
là que c’était son chef-d’œuvre atypique, que je l’ai écouté. Presque à
reculons, je le sentais pas, ce truc… Ben, je vais vous dire, ce disque, il est
vachement bien. Pas chiant pour deux sous. D’abord la donzelle, elle a une
sacrée voix. Chante bien des mélodies pas simples, sans en faire des tonnes. Et
puis « Ingénue », c’est pas du folk. C’est … j’en sais rien, en fait.
Il y a plein de choses, d’arrangements venus d’horizons divers … Plein d’instruments
« additionnels » (violoncelles, cordes, clarinette, marimbas,
accordéon, …) dont les death metalleux ignorent l’existence, des musiciens dont
j’avais jamais entendu causer.
Ça reste homogène dans la démarche, tout en partant dans
tous les sens, ça évoque plein de noms sans jamais donner l’impression de copie
ou de plagiat. On pense tour à tour à Suzanne Vega, aux Cowboy Junkies, aux
productions de Lanois, aux U2 de « Joshua tree », aux disques
« difficiles » de Scott Walker, à Dead Can Dance, Elvis Costello, Chris
Isaak, Jeff Buclkey … Et pas souvent à Roy Orbison, auquel k.d. lang a souvent
été comparée …
Les chansons (malgré le côté un peu précieux, on est
bien dans le format chanson, tout est dit en moins de cinq minutes) sont
apaisées, un peu tristes mais pas pleurnichardes, évitent le côté lyrique
pompier dans lequel tombent trop facilement les « grandes » voix. Et
puis, mis à part une paire, ces titres ne sont pas prévisibles, linéaires, ils
ondulent, bougent, évoluent, multiplient les points d’accroche sans jamais être
racoleurs … de la belle ouvrage …
Bizarrement, alors qu’il y a quand même un petit
côté arty-élitiste, cet « Ingénue » a cartonné grave en Amérique,
bien aidé par le succès en single du titre le plus « facile », le
petit rock mid-tempo « Constant craving ». Mais des choses comme
« Miss Chatelaine » et sa base salsa discrète, la ballade
« Still thrives …» avec son ambiance femme fatale de film noir, ou la
majesté tout en finesse de « Season of hollow soul » (pour moi le sommet
du disque) sont d’une évidence immédiate …
Me donne bien envie d’aller jeter une oreille sur
ses autres disques. Malgré mes préjugés …