Marvin Gaye est un des grands noms les plus
« tardifs » de son époque. Alors que tant dans les 60’s ont assis
leur réputation avec souvent leur premier disque, celui qui l’a finalement
réellement révélé (« What’s going on »), est au moins son dixième (on
s’y perd un peu dans sa disco des débuts).
Marvin Gay (le « e » ne viendra que chez
Motown, inutile d’expliquer pourquoi …) a débuté à la fin des années 50,
vocaliste parmi les autres au sein de Harvey & the Moonglows (Harvey pour
Harvey Fuqua, chanteur lead, et qui deviendra par la suite un peu l’homme à
tout faire de Marvin Gaye, co-auteur, producteur, conseiller, …), groupe
doo-wop. Qui nourrit assez mal son homme malgré quelques succès dans les
hit-parades. Gaye bossera comme manutentionnaire dans une filiale de Motown,
avant d’être signé par Berry Gordy comme sessionman. Un peu de batterie, quand
les Funk Brothers, groupe attitré de Tamla-Motown ne sont pas là, quelques
chœurs de temps en temps, des participations à l’écriture … Les choses
changeront un peu quand Gaye épousera Anna Gordy, 17 ans de plus que lui, mais
surtout sœur de Berry. L’ascension ne sera pas fulgurante pour autant.
L’organisation quasi militaire de la Motown est déjà bien rodée, ceux qui
tiennent le haut de l’affiche en place (Diana Ross, Smokey Robinson,
Marvelettes, Four Tops, Temptations, …).
Marvin Gaye deviendra en quelque sorte
« testeur de morceaux ». On lui fait enregistrer des titres dont
Berry Gordy n’a pas voulu pour les stars de son label, l’occasion d’essayer des
variations de tempo, de nouveaux auteurs, d’occuper toute cette fourmilière de
plus ou moins anonymes qui grouillent chez Motown. Les premiers petits hits
(dont le plus « connu », « Hitch hike ») seront sur le 33T
« That stubborn kinda fellow » fin 1962. Gaye n’est pas une priorité
pour autant.
La première petite reconnaissance se fera avec ce
« How sweet … » début 65. Pour lequel il est bon de tout oublier
concernant Marvin Gaye si l’on ne connaît de sa carrière que « What’s
going on » et ses successeurs. Parce qu’on est avec « How sweet
… » assez loin de cette soul alanguie porté par une voix de velours qui
sera son inamovible marque de fabrique et fera son succès dans les seventies.
Le Marvin Gaye du milieu des années 60 est un chanteur qui utilise toutes les
palettes de son registre vocal. Qui peut sonner rauque comme Ray Charles (« Need
your lovin’ »), ou à l’inverse roucouler comme Sam Cooke (« One of
these days », « Need somebody »). Le son Motown est bien là (« You’re
a wonderful one »), le rhythm’n’blues aussi (« Baby don’t you do
it »), évidemment la ballade soul (« Forever »), et on peut même
aller faire un tour vers des terres jazzy (« Try it baby »).
De bons morceaux (il y en a signés
Holland/Dozier/Holland, Strong/Whitfield, Smokey Robinson, soit la crème de
l’écriture maison) cohabitent vaille que vaille avec d’autres beaucoup plus
anecdotiques. Les Funk Brothers sont de la partie en studio, Martha & the
Vandellas, les Supremes, Temptations et Four Tops apparaissent aux backing
vocaux. Comme quoi, on ne bâcle pas le travail chez Motown, même lorsqu’il
s’agit du disque d’un outsider. Ce « How sweet … » sera le premier
disque de Gaye à faire une brève apparition dans les bas-fonds des hit-parades,
trois singles (l’éponyme, le mieux classé dans les charts, plus « Try it
baby » et « Forever ») seront extraits. Un succès d’estime, pour
être gentil.
Berry Gordy se rend tout de même compte du potentiel
et du capital sympathie de son beauf (grosse capacité vocale, et belle gueule
qui ne laisse pas les filles indifférentes), il va réorienter sa carrière vers
la soul assez stricte (la mise en place du duo Marvin Gaye – Tammi Terrell,
parallèlement à des disques solo sans gros retentissement), un peu à la marge
du « son maison » à succès…
« How sweet … » est malgré tout un disque
pour « spécialistes », ou « public averti », assez loin du
Marvin Gaye « grand public » … D’ailleurs le disque n’a été que très
rarement réédité en Cd. La version la plus courante est celle, bâclée, où on le
retrouve couplé avec « That stubborn kinda fellow », avec un son
assez lamentable …
Du même sur ce blog :
What's Going On
Let's Get It On
Du même sur ce blog :
What's Going On
Let's Get It On