VAN MORRISON - MOONDANCE (1970)


Il a demandé à la Lune ...

Rares sont ceux qui ont quitté un groupe relativement connu, ont changé assez radicalement leur style musical, et rencontré un succès supérieur. Même si Van Morrison n’a jamais été un gros vendeur …
Irlandais, chanteur au tempérament et au gosier de feu des Them, performance incandescente sur « Gloria », un des près fameux titres des sixties (et qui près de cinquante ans après les faits, est toujours une planche de salut en concert pour les groupes avec un répertoire personnel un peu mou du genou), Van Morrison envoie bouler ses potes, quitte le London pas encore tout à fait swingin’ pour New York. Là, un premier hit « Brown eyed girl », des séances qui n’aboutissent à rien (les bandes sortiront des décennies plus tard). Van Morrison va jouer son va-tout, faire une croix sur tout plan de carrière, tourner le dos au rock et au rhythm’n’blues, et enregistrer avec les moyens du bord et un groupe de jazzeux de studio « Astral weeks », que l’on retrouve vers le haut de toutes les listes des meilleurs disques de tous les temps. Perso, « Astral weeks », avec son joli hermétisme musical dont se délectent les gens prétendus de bon goût me gave assez vite, ça m’accroche pas trop.
« Moondance », on y vient, est le disque suivant. Qui reprend peu ou prou les mêmes recettes, mais avec des musiciens différents, des titres plus concis et une production de Van the Man himself. Moins mignon et plus direct en somme… La poésie onirique de « Astral weeks » se voit traversée par un souffle lyrique qui emporte tout, le jazz, le blues, la soul, le rhythm’n’blues, le rock … Autant pour moi « Astral … » est un disque froid, « éteint », autant « Moondance » est un brasier dans lequel Morrison se consume et nous consume … sans faire rugir guitares et Marshall, sans gueuler comme au temps des Them … pas de technique, pas de physique, du feeling …
Pour moi, il n’y a rien qui arrive à la cheville de « Moondance » dans l’œuvre de Morrison, et pas grand-chose chez la concurrence. Il y a tout dans « Moondance ». La voix qui arrive dès la première seconde du premier titre « And it stoned me ». Une voix facile, toute en retenue et nuances, avec en filigrane une puissance phénoménale en réserve. Les compositions, toutes signées du seul Morrison. De l’écriture dans une sorte d’état d’apesanteur ou d’état de grâce, comme on veut. On passe des ballades éternelles (« Crazy love », la perfection faite chanson, « Brand new day », le « Whiter shade of pale » de Van Morrison, le côté pompier de Procol Harum en moins) aux vapeurs jazzy de « Moondance » le titre, aux parfums baroques de « Everyone », au rhythm’n’blues de « Caravan » sur lequel Van Morrison lâche les watts vocaux au refrain. Il se dégage du disque une impression de calme, de majesté, de fausse simplicité (ça fourmille de trouvailles et d’arrangements).
« Moondance » est totalement anti-commercial, ne se rattache ni ne suit aucune mode (un seul titre « léger », enjoué et sautillant, « Glad tidings »). On y trouve par contre toute la ferveur religieuse et mystique de cette terre d’Irlande qu’a quittée Morrison, sur « Come running » et ses intonations gospel, et surtout sur le sommet de ce disque (et même de la carrière de Morrison ») qu’est le fantastique « Into the mystic », le genre de titre qui rend obsolète tous les machins celtiques enregistrés par tous ces bardes à la petite semaine qui nous les brisent avec leurs binious, leurs renards et leurs belettes …
Tout à fait logiquement, l’audience de ce disque sera famélique, Van Morrison, à l’humeur ronchonne légendaire, n’étant de plus guère enclin à participer à un cirque promotionnel quelconque. Il reste aujourd’hui un des derniers dinosaures en activité, même si sa production a fortement baissé en qualité et originalité depuis le milieu des années 70. Et sans jamais rien qui atteigne le niveau d’exception de ce « Moondance » … 

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