Le début ...
Il suffira d’un signe … du
destin. Et l’homme de la destinée, pour les Doors, groupe d’étudiants se
produisant dans les boîtes de Los Angeles, s’appellera Arthur Lee, leader de
Love. Qui les entend un soir, et fait des pieds et des mains auprès du patron
de sa maison de disques, Jac Holzman, pour qu’il les signe. Ce que Holzman
finira par faire en renâclant, car il déteste le groupe.
Les Doors se retrouvent donc
sur Elektra en terrain à peu près hostile, et en studio pour enregistrer leur
premier disque. Qui va devenir le disque emblématique d’une génération, celle
du flower power, et installer les Doors sur le toit du monde rock. Pourtant les
Doors ont à peu près tout faux à la base. Ils sont de L.A., et les choses en
1966 se passent à San Francisco, dans le quartier de Haight Ashbury, où
sévissent Grateful Dead, Airplane, Quicksilver, … L’heure est à la planerie
mystique, les Doors se présentent avec des visées littéraires (Morrison admire
entre autres Rimbaud, le groupe tire son nom d’un bouquin d’Aldous Huxley,
« The Doors of Perception »). Les Doors jouent du rock garage et du
blues, les hippies ne rêvent que sitars, tablas et mantras …Il n’y a à peu près
qu’au niveau de la consommation de drogues et de LSD que les Doors sont raccord
avec le reste de la scène musicale californienne.
Les Doors sont un assemblage
assez hétéroclite, trois amateurs de jazz et un de blues, Morrison, qui finira
par imposer sa ligne musicale. Il faut dire que c’est le point de convergence
de tous les regards. Beau gosse, il électrise le public féminin lors des
premières prestations du groupe (et ce sont toujours les filles qui font le
succès démesuré d’un groupe, demandez aux laiderons de Canned Heat pourquoi
aucune fille n’a jamais écouté leur boogie-blues rustique et
monolithique …) dont il devient le leader.
Ce premier album sans titre
présente les Doors en état de grâce, qu’ils ne retrouveront qu’avec leur chant
du cygne « L.A. Woman », encore meilleur … Un disque qui démarre au
taquet avec « Break on through », parfaite carte de visite. Rythmique
chaloupée, orgue jazzy de Manzarek, et Morrison en chanteur
« habité ». Et avec l’alternance de passages calmes et de giclées de
violence. Le rock’n’roll revu par les Doors. Dans la même veine,
« Twentieth Century Fox », mais version « garage », avec
orgue sautillant et guitare de Krieger saturée…
Les racines blues sont là
aussi, avec la reprise toute en hystérie contrôlée du « Back door
man » de Willie Dixon. Morrison chanteur charismatique pousse la
roucoulade et les filles adoreront la douce ballade lyrique mais pas pompière
(exercice difficile) de « Crystal ship », ou la planerie lysergique
avec effets sonores spatiaux de « End of the night ». Ce qui permet
de glisser les noms de Paul Rothchild, producteur de tous les disques des Doors
sauf « L.A. Woman » et Bruce Botnick, ingé-son durant toute leur
carrière.
Un disque ne serait pas
emblématique du psychédélisme s’il n’y avait pas quelque titre baroque. Les
prétentions littéraires du groupe lui feront reprendre en version cabaret
décadent assez conforme à l’original « Moon of Alabama » de Bretch et
Weil tiré de leur opéra « Grandeur et décadence de la ville de
Mahagonny »
Un disque ne serait pas un
best-seller s’il n’y avait pas quelque hit qui marque son époque. « Light
my fire » sera un succès colossal, incontournable du Summer of Love de 67.
Enfin, un disque ne rentrerait
pas dans la légende du rock s’il ne comprenait pas quelque titre hors-norme.
« The End » sera celui-là. Un des premiers titres des Doors, plus
improvisé qu’écrit et pierre angulaire de tous leurs concerts avant leur
signature. Longue dérive glauque et hallucinée avec conclusion oedipienne. Il
marquera nombre d’esprits, notamment celui de Francis Ford Coppola qui en fera
le thème musical majeur de son « Apocalypse now »…
Avec ce disque, les Doors
deviennent en 1967 incontournables, et marquent le retour du leadership
américain sur la scène rock mondiale, dominée depuis quelques années par les
Anglais (Stones et Beatles en tête …). Ils offrent une alternative très
fortement électrique au rock psychédélique, leurs concerts sont à cette
époque-là des événements très courus, avant que drogues diverses et les « sorties
de route » qui vont avec, et auto-complaisance sabotent l’image live du
groupe.
« The Doors » est un
disque assez exceptionnel. Ça peut se discuter, mais certains y voient même le
meilleur « debut-album » jamais enregistré (les premiers Elvis
Presley, Little Richard, Hendrix et Pink Floyd - liste non exhaustive - peuvent
aussi prétendre à ce titre). En tout cas disque incontournable des 60’s et du
rock au sens le plus large …
Des mêmes sur ce blog :
L.A. Woman
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