Bien sage ...
Elle évolue, Polly Jean … elle quitte la verte
campagne anglaise pour la jungle de béton de New York. Et comme si elle ne se
nourrissait que de contrastes, le déferlement urbain provoque chez elle un
disque étrangement apaisé …
Polly Jean a ramené des souvenirs des USA |
Enregistré en petit comité (P.J., Mick Harvey, Rob
Ellis), en trident rock basique, juste agrémenté par du piano ou des synthés
discrets. Mais ici tout au service de compostions linéaires, assagies, ne
dérapant pas dans ces bouffées de violence crue qui rendaient indispensables
les « Dry » ou « Rid of me » du début de sa carrière. Un
titre comme « Beautiful feeling » charrie une ambiance lourde et
tendue à la Doors, et on attend une explosion de rage ou de décibels qui
n’arrive pas … La musique de P.J. Harvey
est policée, élégante, jolie mais convenue… Des titres sont construits
exactement de la même façon (« Big exit », « Good
fortune », « This is love ») et autant les deux premiers sont
anodins, autant le supplément d’âme, d’implication qu’on trouve dans
« This is love » réussissent à en faire un grand morceau de P.J.
Harvey … le petit détail qui transforme tout.
Polly Jean sert avec ce « Stories … » un
disque plaisant, destiné à l’installer définitivement dans la cour des grandes,
qui n’ose sortir des sentiers battus et balisés du rock mainstream que vers son
final, quand P.J. se lâche un peu. Avec « This is love », « You
said something », excellent titre qui évoque les Pretenders de la
grande Chrissie Hynde, jusque dans la
voix de Polly Jean, et surtout « Horses on my dream », où ne
serait-ce que par l’évidence de son titre, ressurgit l’ombre tutélaire de Patti
Smith.
Le reste, ce duo avec Yorke où P.J. ne semble
qu’accompagner l’endive chantante, ces morceaux à la U2 (« We
float »), ces minauderies à la Björk - Radiohead (« A place called
home »), … si on écoute P.J. Harvey, c’est justement parce que ça ne
ressemble pas à ces trois-là…
Il faut cependant être juste, et reconnaître qu’on
aimerait bien entendre plus souvent des disques de rock centriste aussi ratés
que celui-ci … Mais de P.J. Harvey, on pouvait raisonnablement espérer beaucoup
mieux …