Premier arrivé ...
Pulp, c’est le siècle dernier, l’Angleterre (Sheffield, le bled à – entre autres – un autre Cocker, Joe), catégorie britpop. Enfin, c’est à cette époque-là qu’on les a connus chez eux, avec leur disque précédent d’abord, et ce « Different class » surtout.
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Dites-le avec des fleurs : Jarvis Cocker |
Chez nous, les Gaulois réfractaires, la révélation
est arrivée lorsque Jarvis Cocker (Pulp à peu près à lui tout seul), lors de la
cérémonie des Brit Awards 96, est venu foutre le souk sur scène alors que
Michou Jackson (évidemment entouré d’une chorale de gosses, les juges allaient
bientôt s’intéresser à son cas) interprétait une de ses rengaines molles de
l’époque. Crime de lèse-majesté, le trublion filiforme s’était moqué du King of
Pop … et beaucoup dans le petit monde du pop-rock-machin avaient judicieusement
(peureusement ?) botté en touche quand on leur demandait leur avis sur
l’incident.
Bon, il avait le droit de se lâcher et de tout se
permettre, le Jarvis, parce que cette fois-ci, ça y était, il était quelqu’un
de connu grâce à son groupe Pulp (au moins en Angleterre, et un peu en Europe).
Pulp, tout le monde vous dira que c’est de la britpop. Maintenant que toute
cette affaire est terminée, Pulp a bien fait partie de la britpop. Mais en
seconde division. Parce que ceux qui jouaient la Champions League, c’étaient
Blur et Oasis. Et derrière, Pulp avait fort à faire pour s’extirper d’un peloton
d’outsiders qui se nommaient Suede, Verve, Supergrass. Et d’ailleurs Pulp n’y
est pas vraiment arrivé à s’extirper du peloton, les trois autres ayant eu à un
moment ou un autre plus de succès qu’eux.
Donc Pulp c’est Jarvis Cocker avec un backing band. La première mouture du groupe remonte au début des années 80, et les sites dédiés qui recensent les participants de l’aventure Pulp à un moment ou à un autre comptabilisent des dizaines de musiciens ayant participé au groupe. Lors de la parution de « Different class », ils sont six (basse, batterie, deux guitares, une claviériste et Cocker en multi-instrumentiste et chant lead). Ils posent sur la photo de la pochette maritale et sont faciles à reconnaître, ils sont en gris au milieu des endimanchés).
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Pulp 1995 |
Jarvis Cocker cultive une sorte d’aristocratie
réformiste. So british à la Ray Davies, une jeunesse de lumpenprolétaire (il a
vécu d’allocs et habitait dans des squats) mais qui a toujours soigné son
apparence, et un militantisme (à gauche) très présent dans ses textes.
« Common people » est la pièce de choix de
« Different class ». D’une durée plutôt déraisonnable pour un single
(près de six minutes), le titre intrigue par son intro mi-parlée mi-chantée.
Par contre, quand arrive le refrain suivi par un magnifique crescendo, force
est de reconnaître que sa position vers le haut des charts est tout à fait
méritée. La chanson parle d’une fille de la haute, qui pour changer, a envie de
se faire un common people (un type ordinaire, pour ceux qui avaient pris
andorran en première langue). Depuis sa sortie, Cocker ayant avoué qu’il avait
une fille bien réelle en tête lorsqu’il a écrit le morceau, on ne compte plus
les spéculations sur cette fille de la haute société, certaines connaissances
de Cocker ayant « avoué » qu’elles étaient cette personne (manière de
faire parler d’elles), tandis que d’autres plus plausibles se taisaient ou
niaient …
Mais bon, en ces temps-là où la concurrence était
rude et de qualité, il fallait plus qu’un bon titre pour faire vendre une
rondelle argentée. Ça tombe bien, Jarvis Cocker avait un autre machin imparable
dans sa manche, « Disco 2000 ». Qui évidemment, connaissant le
facétieux personnage, n’avait rien de disco ou de futuriste. C’est le titre le
plus méchamment rock du disque, avec gros riff de guitare d’entrée, et des airs
de ce que les Cars ont fait de mieux, à savoir de la power pop de première
bourre.
Les dix titres restants (qui en général prennent le temps de se développer, « Different class » dure pas loin d’une heure) ne sont pas tous de ce niveau, certains sont assez dispensables (« Something changes », un peu trop tartiné d’arrangement de cordes, « F.E.E.L.I.N.G.C.A.L.L.E.D.L.O.V.E. », étrange quiet/loud à tendance symphonique, la classique ballade prévisible « Pencil skirt »).
Pulp a eu du succès surtout chez les anglophones,
parce que Cocker est un bon auteur, qui a dépasse les clichés convenus des
paroles du rock au sens large, ceci expliquant sans doute que la France ne lui
ait accordé qu’une reconnaissance modeste. Niveau compositions, c’est moins
transcendant, même s’il sait habilement recycler quelques bonnes recettes,
« Underwear » recycle sur les couplets la mélodie du « Forest
fire » de Lloyd Cole & The Commotions, « Bar Italia » (rien
à voir avec le groupe actuel du même nom) rappelle un peu le « Rock’n’roll
suicide » de Bowie, « I spy » est construit comme les titres à
succès des Pet Shop Boys (« Always on my mind », ce genre …).
Les Pulp vont aussi chercher des titres plus
complexes, l’introductif « Mis shapes » enchaîne bonnes trouvailles
mélodiques et brisures de rythme tout comme « Monday morning » un des
machins les plus rock, « Sorted for E’s & Wiz », ça a dû inspirer
The Verve et c’est un peu le « Good Vibrations » de la britpop par sa
complexité.
« Different class » est bien imprégné de
son époque, ces nineties qui voyaient les Britons relever la tête après une
décennie guère glorieuse. On n’est pas face à un classique intemporel, juste un
bon disque d’un gars qui arrive à sa maturité artistique. Etat de grâce qui se
poursuivra avec le suivant « This is hardcore », avant que Pulp fasse
comme tous ses collègues-concurrents de la britpop, se dilue dans le
dispensable …
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