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CROSSOVER - CROSSOVER (1993)


Bring the noise ...

« Agitateur culturel », c’était le slogan de la FNAC … il y a longtemps, avant que ça devienne une épicerie se contentant de mettre du Lady Gaga et du Guetta en tête de gondole.  Mais il y a une vingtaine d’années, la FNAC s’investissait et investissait dans la musique. Via son propre réseau de distribution, et en signant pas mal de labels ne faisant pas toujours dans le convenu et l’air du temps. Et pressant elle aussi du Cd, support au développement quasi exponentiel.
Alice In Chains mais aussi en cage
Cette compilation « Crossover » est un objet soigné, avec son boîtier sérigraphié, et son livret (en français) qui présente succinctement certes, mais suffisamment, les groupes dont au sujet desquels il est question. Groupes répondant à plusieurs critères : être supposés avoir un avenir de tête d’affiche, s’adonner à des genres musicaux extrêmes (et surtout extrêmement bruyants), et censés pratiquer une « fusion » (mot à la mode en ce temps-là) entre plusieurs genres. Evidemment, la plupart surfent sur la vague Nirvana qui est en train de tout emporter sur son passage, générant des cohortes d’adeptes d’un non look (savamment codifié tout de même) s’escrimant sur fond de guitares rageuses saturées. Les photos du livret nous montrent donc une ribambelle de mâles américains, grassouillets, en bermudas, et tatoués. Aucune fille dans tous ces groupes, et seulement deux groupes « étrangers », français en l’occurrence. Les Burning Heads, signés sur un label englobé dans la galaxie FNAC Music, ceci expliquant sans doute cela, même s’il s’agit d’un groupe non dénué d’intérêt, et aussi les terroristes sonores de Treponem Pal.
Pour le reste, le choix, avec le recul, est assez curieux. Ont été oubliés (volontairement ou pas, on n’en sait rien) des gens connus voire en haut des charts pour les RHCP et Pearl Jam, ou des précurseurs admis comme références, à l’instar des Bad Brains, Ministry ou Living Colour, et censés représenter cette fusion, objet de la compilation. Mais globalement, ce « Crossover » est un bon Cd.
Il y a du très lourd, des groupes qui vont devenir énormes, comme Alice In Chains (avec « Would », leur premier très gros succès) ou Soundgarden (un peu vite baptisés les Led Zeppelin américains).
Il y a du lourd, des gens qui seront pas loin des sommets, Suicidal Tendencies et son projet parallèle et funky Infectious Grooves, Prong, Biohazard.
Il y a des figures mythiques de l’underground US, le Rollins Band ( de Henry Rollins, et son projet « éthique » de Straigth Edge), Danzig (à l’honneur sur l’EP de reprises de Metallica) et Bad Religion (le groupe de Brett Gurevitz, fondateur du label Epitaph qui comptera dans son catalogue tous les groupes « punk » américain des 90’s, comme NOFX, Offspring, Green Day, …).
Il y a des groupes obscurs qui auraient mérité meilleur sort (Mordred, Mucky Pup, Victims Family)
Il y a des groupes obscurs qui ont bien fait de le rester (Cromags, Method Of Destruction, Stormtroopers Of Death), qui moulinent leur boucan sans aucune imagination …
Au final, un Cd thématique assez intéressant, qui permet de se faire une idée de la bouillonnante scène métallique américaine du début des années 90. Vu les circonstances (la FNAC a stoppé ses activités de label), cette rondelle ne se trouve plus que d’occase sur les sites dédiés…

RITCHIE VALENS - THE VERY BEST OF (2002)


One hit wonder ...

Ils ont peur de rien, et surtout pas du ridicule … Baptiser ce Cd « The very best of », alors que de son vivant Valens n’avait sorti que deux 45T, je veux bien, mais y’a quand même comme un léger foutage de gueule, là …
En fait, c’est pas loin d’être une intégrale, dont tout n’est pas si « very best » que ça … 
Car qu’en serait-il advenu de celui-là, s’il n’avait pas eu la mauvaise idée de monter dans le même coucou que Buddy Holly, le Big Bopper et quelques-uns de leurs musicos ? Un Luis Mariano d’opérette rockabilly, un Elvis mariachi, ou bien comme tant d’autres aurait-il disparu de la circulation après un unique hit ? The answer, mes friends, elle doit être blowin’ in the wind, plutôt que dans les notes du livret, qui fait de Valens une superstar en devenir …
Ritchie Valens, c’est « La Bamba », titre réarrangé façon early rock’n’roll, et dont les origines viendraient d’un chant traditionnel mexicain. Enorme succès fin 58, quelques semaines avant la mort de Valens, alors que le morceau n’était que la face B d’un 45T (face A : « Donna », sirupeuse ballade, qui profitera de l’aubaine pour également bien figurer dans les charts). Rebelote en 87, quand un biopic flatteur (pléonasme), remet Valens dans l’actualité, surtout grâce à l’énorme succès une fois encore de « La Bamba », cette fois reprise par Los Lobos, dans une version qui surclasse l’originale.
Parce que si l’on peut mettre au crédit de Ritchie Valens que c’était un auteur et un guitariste tout juste passable, il faut aussi reconnaître que malgré une bonne volonté et un entrain juvénile assez communicatifs, il chante à la limite de la justesse, et compose sans grande originalité, se contentant le plus souvent de recopier le style de ses amis et (ou) concurrents. Comment ne pas voir dans son premier 45T « Come on let’s go », juste un décalque du style Buddy Holly, ou dans « Ooh my head » une imitation limite vulgaire tant elle mauvaise de Little Richard . Peut-on raisonnablement s’extasier de quelques instrumentaux vaguement bluesy, du pataud Diddley beat de « Rockin’ all night », de la plus mauvaise adaptation que je connaisse de la nitroglycérine rythmée « Bonie Maronie », ou d’un final de Cd rempli de ballades poisseuses ?
Le succès aussi bref que quelque peu démesuré de Valens n’est pas que le fait du hasard ou d’un heureux concours de circonstances. Un malin directeur de label, Bob Keane, saura vendre (y’a pas d’autre mot) son poulain. Dans le rock’n’roll naissant, les Blancs ont leurs idoles, les Noirs aussi. Valens sera le héros swinguant de tous les autres métèques laissés pour compte dans le Sud américain, toute cette communauté hispanique ou chicano qui s’identifiera au jeune hidalgo chantant. Ce n’est pas un hasard si « La Bamba » est un titre totalement en espagnol, il y a derrière le gosse Ritchie les prémices de ces opérations marketing « ciblées » visant une tranche spécifique du public. Ritchie Valens n’est pour moi qu’un « produit » destiné à une minorité ethnique, avec toutes les arrière-pensées perverses que l’on peut imaginer en filigrane…
Juste peut-on regretter que ce gamin n’ait pas vécu assez longtemps pour profiter un peu de son succès…

APHEX TWIN - SELECTED AMBIENT WORKS 1985 - 1992 (1992)


Un génie, on vous dit ...

Aphex qui ? Aphex Twin, voyons … me dites pas que vous connaissez pas, parce que là ça va chier. Parce que moi je connais plein de gens (enfin, au moins un ou deux) qui pourraient vous parler pendant des heures de ce que ce type, Richard D. James, plus connu sous le nom d’Aphex Twin entre autres sobriquets, a apporté à la musique. Enfin, à la musique électronique pour être précis … Hey, partez pas tous !!
Il paraît que James est un génie. Si les dates qui sont annoncées sur cette compile sont exactes, il avait quatorze ans en 1985 quand il a commencé à enregistrer des morceaux tout seul comme un grand. Le Mozart des circuits imprimés, en quelque sorte … D’entrée, au bout de quelques minutes, surgit une question angoissante : « mais quand est-ce qu’il chante ? ». A la fin du disque, au bout d’une heure et quart, arrive la réponse : « jamais ». Bon, peut-être qu’il chante comme une casserole et que contrairement à d’autres qui font des skeuds qui se vendent, il sait se taire. Ou alors il est muet. Après tout, Beethoven était aussi un génie de la musique et il était sourd, et y’a des fois que je me dis qu’il avait bien de la chance, Beethoven … Donc Aphex Twin fait des disques instrumentaux, et son instrument de prédilection, c’est la disquette. Personnellement, j’ai rien contre. J’ai rien pour non plus, notez bien …
Aphex Twin au grand complet : kessta, Lester, t'aimes pas mes disques ?
Même s’il me semble que dans ce cas précis, des types comme Kraftwerk faisaient au siècle dernier des choses beaucoup plus intéressantes sur leurs disques ratés  (« Computer world », ce genre de choses), que D. James sur ses chef-d’œuvres. Parce que là, franchement, y’a des trucs … tenez, « Green calx » par exemple … c’est quoi, là ? il a enregistré une machine à laver en mode essorage pendant qu’il jouait à « Space Invaders », et dans ce cas, faut être juste et pas en rajouter (pas mon genre, hein, vous me connaissez, rigueur et objectivité avant tout), mais c’est complètement crétin … Il y a aussi quelques trucs pas très originaux, « Schottkey 7th Path » (‘tain, c’est quoi ces titres ?), je sais pas ce qu’il y a lieu d’en penser, mais je serais Mike Oldfield, je prendrai rendez-vous avec mon avocat, parce que, ça ressemble quand même à « Tubular bells » … Enfin, bon, ce que j’en dis … Et puis, il ont appelé ce bazar IDM (« intelligent dance music », je précise pour les fans de Canned Heat, s’il en reste). C’est sûr qu’il faut être vachement intelligent pour danser là-dessus, désolé, j’y arrive pas … j’ai pas essayé non plus, je danse que dans ma tête, moi …
Arrivé à ce stade, les plus perspicaces auront remarqué que ce skeud ne bénéficie pas de l’infâmant libellé « poubelle direct ». C’est quand même intéressant de voir l’évolution de ce type, et par extension de l’électro-machin-bidule, des balbutiements de la chose aux débuts des années 90. Même s’il n’y a aucune date qui permette d’affirmer que la compile est livrée dans l’ordre chronologique, on sent une progression, et pas seulement liée à l’augmentation des moyens mis en œuvre (davantage de matos, de logiciels, d’émulateurs, de boîtes à rythme, de samplers, …). D. James apprend à jouer et à composer, on passe des ridicules claviers à un doigt à la Guetta (« Ageispolis), à plein de nappes construites, travaillées, réfléchies, et ce n’est pas un hasard si pour moi le meilleur titre est d’assez loin le dernier, « Actium ».
Sinon, on part de l’ « ambient » (qui n’a d’ailleurs rien à voir avec ce que faisait Brian Eno qui a inventé le terme) au début du disque avec ses titres secs et austères, pour finir par des tempos qui s’accélèrent, et des choses qui rappellent ce qu’on l’on entendait dans les premières free parties, quand des types tout d’orange vêtus se destroyaient les tympans dans la gadoue en gobant des pilules de toutes les couleurs … Et il faut reconnaître que la musique électronique a plus évolué en dix ans que le rock et toutes ses chapelles en cinquante. Il semblerait aussi que là, en matière de musiques électroniques, on ait fait le tour aussi depuis longtemps …
Ça va, j’ai pas été trop méchant ?

CHUCK BERRY - HIS BEST VOLUME I (1997)


Guitar Man
L’homme sans lequel Keith Richards et tant d’autres auraient peut-être appris le violoncelle ou le kazoo à la place de la guitare. Et qu’on le veuille ou pas, un des trois incontournables des 50’s, avec le Petit Richard et le gros Elvis. Auteur de « Johnny B. Goode », un des trois morceaux que tout type qui a tenu une guitare dans les doigts a essayé de jouer, au même titre que « Jeux interdits » ou « Smoke on the water ».
Quand tout a commencé à s’emmancher, Chuck Berry était déjà un ancêtre, un quasi trentenaire (il est né en 1926), musicien inconnu végétant sur de petits labels et accompagnant d'autres inconnus qui voulaient bien de lui, essayant vainement de se faire remarquer des frères Chess, patrons du mythique label de blues de Chicago.
Trop vieux, et pas au bon endroit au bon moment (c’est à des milliers de kilomètres de là, dans le petit studio de Sam Philips à Nashville, que la révolution est en marche), Chuck Berry n’a aucune chance. Mais comme tant d’autres, c’est en rompant tous les codes traditionnels, en expérimentant en dépit du bon sens, qu’il va trouver.
Bill Black et Scotty Moore massacrant en studio un vieux standard rhythm’n’blues d’Arthur Crudup et Presley se joignant à eux par la voix a donné « That’s alright Mama ». Chuck Berry qui a évidemment entendu ce titre, va aller à l’opposé. Lui, le Noir, part d’une structure musicale bien blanche (une trame country), accélère au-delà du raisonnable le tempo, le saupoudre de blues. Ce titre (« Ida Red »), Berry va le faire écouter à Leonard Chess, qui lui fait modifier le tempo, rajouter une guitare électrique et le rebaptise « Maybellene ». Contre la publication en single,  Berry doit abandonner deux tiers des royalties à un certain Fratto, homme de paille des frères Chess, et à l’influent DJ Alan Freed, qui bien entendu n’ont en rien participé à l’écriture. « Maybellene » sera un bon succès, mais Berry gardera une rancune tenace à l’égard du music-business qui l’a spolié pour la première (et pas la dernière) fois, et une méfiance paranoïaque envers tous ceux qui y gravitent. Ajoutez une avarice légendaire, et vous avez avec Chuck Berry la hantise des organisateurs de concert pendant des décennies …

Evidemment, si l’on compare avec ses « classiques » comme « Sweet little sixteen », « Carol », « Johnny B. Goode », … ce « Maybellene » n’est encore qu’une ébauche. Berry est un bosseur, et un malin. Il va jouer légèrement sur le tempo, et surtout travailler  comme un forcené sur sa Gibson, avant de petit à petit mettre en place sa patte, ce style inimitable que tout le monde va dès lors s’efforcer de copier. Première étape avec « Brown eyed handsome man », franche attaque de guitare in intro, et le rythme « Chuck Berry » déposé. Confirmation avec « Roll over Beethoven », premier immense classique . Nouvelle étape avec « Too much monkey busines », et cette fois, c’est la mélodie irrésistible qui arrive. Dernière évolution avec « Oh baby doll », pas son plus connu, mais qui oriente la musique de Chuck Berry vers des boogies très rythmés, un filon qu’exploiteront ensuite tous les « Sweet little sixteen », « Johnny B. Goode », « Carol » …
Chuck Berry et un imitateur ... Gaffe à ton pif, Angus !
Comme d’autres (Lewis, Presley), Chuck Berry cultivera, et pas seulement dans ses textes, une attirance pour les (trop) jeunes filles, et une certaine forme d’exubérance joyeuse, notamment sur scène. Berry sera, pour l’époque s’entend, très spectaculaire, mettant au point pas de danse saugrenus (sa fameuse « duck walk »), et gesticulations diverses. A l’image des bluesmen, toutes ses gesticulations scéniques sont surtout là pour masquer son jeu de guitare et éviter que des gens dans le public puissent bien le visualiser pour ensuite le copier. Chuck Berry sait qu’il a inventé quelque chose et gardera le plus longtemps possible jalousement tous ses « secrets ». A ce sujet l’anecdote de sa première rencontre avec Keith Richards est révélatrice. Le guitariste des Stones, qui s’inspirait beaucoup de son jeu, a tenu à le saluer lorsqu’ils étaient à la même affiche d’une émission télé. A la main tendue de Richards, Berry lui répondra par une bonne droite dans le pif, l’accusant de n’être qu’un putain de voleur …
Ce « His Best Vol I » est une excellente compilation chronologique, l’essentiel de ses classiques et en tout cas les plus connus des années 50 sont là (manque juste le tardif « You never can tell », clippé par Tarantino dans « Pulp fiction »). Idéal pour une première approche …

BLOOD, SWEAT & TEARS - GREATEST HITS (1972)


Fanfare en fusion
Ils étaient dans l’air du temps à la fin des années 60. Mieux, même ils avaient lancé la mode, celle de ces formations pléthoriques, très « techniques », mélangeant (mais pas toujours avec bonheur) rock, blues, jazz, rock, soul, rythm’n’blues, …
A la base de Blood, Sweat & Tears, on trouve Al Kooper, organiste du Blues Project, mais surtout sessionman dont l’orgue Hammond a enjolivé ou enjolivera les disques de Dylan (« Like a rolling stone » ou tout « Highway 61 revisited », il y est), mais aussi d’Hendrix ou des Stones. Une pointure et un type recherché, qui n’aura guère de mal à trouver des complices, et en premier lieu, un autre ancien du Blues Project, le guitariste Steve Katz. Kooper quittera « son » groupe après un seul disque (pour monter un « super-groupe » avec Michael Bloomfield notamment), et sera remplacé dans le leadership par un guitariste canadien, David Clayton-Thomas. Pour les autres de la formation, c’est le panier de crabes total, tant dès le départ le line-up a été très fluctuant, et on s’en fout un peu, BS & T est plus une formule qu’un groupe bien défini …
Le Blood, Sweat & Tears Football Club
Ce « Greatest hits » de 1972 visite les cinq premiers disques du groupe et a la bonne idée (contrairement à certaines rééditions de ce disque), de présenter les single-edit du groupe, c’est-à-dire les morceaux sans les inévitables solos ou jams en roue libre les encombrant. Même si tous les titres se ressemblent un peu, car à l’opposé des « rivaux » de Chicago œuvrant dans à peu près les mêmes sonorités mais où tous les zicos n’intervenaient pas systématiquement sur chaque titre, les  BS & T ont la fâcheuse manie d’être toujours tous présents. Alors la plupart des titres commencent par des riffs de cuivres, cuivres très présents et qui ont tendance à boursoufler l’ensemble, signe des temps qui (heureusement) changent.
A leur crédit, BS & T a toujours pu compter dans ses premières années sur de bons chanteurs à la voix soul et chaude (Kooper, Clayton-Thomas), qui rendent efficace tout ce qui dans leur répertoire touche à la soul et au rythm’n’blues.
Il y a dans cette compile l’essentiel des titres les plus connus de cette formation assez ringardisée aujourd’hui, et qui a perduré sans aucun de ses membres fondateurs pendant des décennies, avant de se « reformer » pour quelques lucratifs concerts, au hasard des disponibilités de ses anciens musiciens …

LITTLE RICHARD - THE GREATEST HITS 16 (1987)


Oooooh  My Soul, une compile de Little Richard ...
Les débuts du rock’n’roll se devaient d’avoir une image, une icône. Ce fut Elvis (aux débuts, parce que les sandwiches au beurre de cacahuètes l’ont vite épaissie, l’image). Il leur fallait une guitare. Ce fut celle de Chuck Berry. Et une voix. Aucun doute possible, c’est celle de Little Richard.
En effet, qui d’autre que le futur ex-révérend Penniman peut symboliser le chant du rock’n’roll, cette diction hystérique qui allait secouer l’Amérique du milieu des années 50, avant de faire succomber à ses rythmes le reste de la planète ?
La voix de Little Richard sauve cette compilation, car ce Cd n’est pas terrible : moins de 40 minutes au compteur, une présentation non chronologique, un son pas génial (no remasters), un visuel tout moche, …
Les plus grands classiques sont là (« Lucille », « Long tall Sally », « Good Golly Miss Molly », « et l’indépassable « Tutti fruti »), mais quelques morceaux de plus et une présentation plus soignée n’auraient pas été du luxe.
Vu la multitude de compilations de la première « folle » du rock sur le marché, on peut facilement trouver mieux que ce Cd sorti sur un label improbable, Bescol ( ? ), aux temps préhistoriques du support.



CHICAGO - GREATEST HITS VOLUME II (1981)


Les bas-fonds de Chicago
La fanfare de Chicago
Compilation parue au début des années 80, 10 titres, et moins de 40 minutes … heureusement, serait-on tenté de dire …
L’intérêt de Chicago, décroissant à mesure que les disques numérotés se suivaient, reposait essentiellement sur le jeu du fabuleux guitariste Terry Kath, mort en jouant ( ? ) à la roulette russe en 1978. Et comme sur disque, les autres prenaient un malin plaisir à le reléguer au fin fond du mix, perdu derrière des couches de claviers, de cuivres, d’harmonies vocales …
Le meilleur titre de cette compile est « Dialogue, Pt 2 », où, comme par hasard, Terry Kath est très présent … Bon morceau également, « Question 67 & 68 » issu de leur premier excellent et inégalé premier album « Chicago Transit Authority »…
Le reste, ballades gluantes et disco-funks mollassons …
Ah, et puis, si vous retrouvez plus votre « 100 % Slows Hits of the 70’s », il y a la scie « If you leave me now » qui peut remplacer « How deep is your love » des Bee Gees ou « I’m not in love » de 10CC …

Des mêmes sur ce blog :





JAMES BROWN - IN THE JUNGLE GROOVE (1986)


Du groove (et des souris ?)

Au milieu des années 80, tout le monde s’en tamponne de James Brown, il n’est plus dans le coup, tout juste bon à sortir des stupidités comme le grossier « Living in America ». Plus personne ne l’écoute. Plus personne, … sauf les rappeurs qui pillent à qui mieux mieux son catalogue pour poser les structures rythmiques de leurs titres. Certes, les avocats du vieux coq d’Atlanta multiplient les procédures et l’argent rentre dans les caisses du Parrain de la soul, mais artistiquement, James Brown est submergé par tous ces nouveaux sons (bientôt la house, et les joueurs de disquettes qui achèvent juste de lire la notice de leur Atari ne se priveront pas non plus de sampler dans sa discographie).
Son historique maison de disques Polydor réagit, et plutôt qu’une énième compilation survolant ses hits 50’s et 60’s, lâche un pavé dans la mare, manière de remettre les pendules à l’heure. Et ce pavé (70 minutes tout de même) s’appelle « In the jungle groove » et met l’accent sur la période la plus samplée de James Brown : son évolution musicale à la fin des années 60.

A cette époque-là, le disque du « tournant », c’est « Sex Machine », faux live mais gigantesque leçon de soul. Le nouveau backing-band de Brown recruté pour l’occasion, articulé autour des frangins Collins (guitare et basse) et de rescapés des antiques JB’s (Wesley, Stubblefield, et le toujours fidèle Bobby Bird), change radicalement l’enrobage sonore du Godfather. Fini le classic soul sound, et place à des structures rythmiques répétitives et lancinantes, le chant devient cri et hurlement, les cuivres répètent ad lib juste quelques notes … la recherche de la transe par l’épure se substitue à celle de la danse. Des albums, souvent inégaux, seront produits en nombre, et la machine à funker James Brown, un temps menacée par la comète Sly & the Family Stone, sera définitivement supplantée par George Clinton et ses tribus bariolées (Parliament, Funkadelic). Mais malgré tout, il y aura dans ces années 70 de grands titres signés Brown.
When he was king, James Brown à Kinshasa, 1974
Cette compilation en sert quelques-uns uns, et des fameux. Et pour faire « in », certains se voient même affublés du qualificatif de « remix » ou « extended », la bonne blague, on voit pas vraiment la différence. Le must de la blague étant le remix mono ( ! ) de « Get up … », brut de décoffrage, direct dans le plexus pour montrer que le groove, tu l’as ou tu l’as pas. On trouve bien sûr « Funky drummer », une des rythmiques les plus samplées du monde avec ses ambiances jazzy, « Give it up or turnit a loose », l’implacable groove mathématique de « Talkin’ loud … », l’épure squelettique mais infernale de « Soul power ».
Musicalement, c’est une tuerie sous hypnose, les types ne lâchent et ne relâchent rien (les titres durent entre sept et dix minutes), et là c’est pas Cubase en position « repeat », c’est du jus de coude (la colossale ligne de basse de Bootsy Collins sur « Hot pants », c’est quand même quelque chose, ma bonne dame …). Le James est peinard derrière une assise pareille, il n’a plus qu’à pousser quelques hurlements de temps et temps sur l’imperturbable rengaine que lui servent les autres. A tel point que le « Blind mind can see it » qui clôt cette compile est quasi instrumental.
Bon, évidemment, les grincheux pourront toujours dire que c’est toujours le même bouzin, et ils auront pas tout à fait tort. C’est quand même un choix délibéré de Brown, qui s’en est exliqué à maintes reprises, il voulait sortir de l’aspect chanson de la soul et du funk, et revenir à l’essence même de la musique noire, la trame percussive tribale. Et contrairement à d’autres stars des 60’s ou 70’s totalement larguées par ce qui se tramait dans les ghettos new-yorkais ou les entrepôts de Detroit, James Brown est allé se frotter à l’electro (Afrika Bambaata), ou au rap (son excellent et très sous-estimé « I’m real » avec Full Force) …
L’innovation et l’ouverture d’esprit, ça sert aussi à reconnaître les plus grands, et James Brown fait partie des quatre ou cinq types les plus importants de la musique populaire du siècle passé. Et même s’il a très mal fini, le crack et le PCP lui ayant calciné le cerveau, ce « In the jungle groove » est un témoignage captivant de son talent …
 

JERRY LEE LEWIS - 25 ALL-TIME GREATEST SUN RECORDINGS (2000)


S'il n'en reste qu'un ...

Il y a de fortes chances que ce soit lui, Jerry Lee, le Highlander du rock. De toutes façons, ils ne sont plus que trois, de ces années cinquante rock’n’roll … Chuck Berry est aux fraises, s’entêtant en vieux grigou qu’il a toujours été, à donner des concerts pathétiques (il a 85 ans, ceci explique peut-être cela, mais faut savoir raccrocher la Gibson, papy …), la fofolle Little Richard a mis sa carrière en pointillés depuis plus de 50 ans. Et tous les autres sont morts …

Jerry Lee Lewis et sa femme : sa cousine Myra, 13 ans ...
Jerry Lee Lewis, lui, ce serait plutôt le Trompe-la-Mort  du binaire. Donné refroidi un nombre incalculable de fois, tant on l’a hospitalisé dans des états critiques dus à une hygiène de vie outrancière sur bien des plans, ayant réussi on ne sait trop comment à ne pas crever en prison … car il a été dans le désordre accusé et jugé pour, en vrac, pédophilie (il avait épousé une fille de treize ans, sa cousine en plus …), bigamie (il avait « oublié » de divorcer de la précédente), multiples fraudes fiscales, voies de faits avec arme innombrables, … Il a aussi été entendu par les attorneys pour la mort suspecte (y gagnant son défintif surnom de Killer) de deux de ses sept ou huit femmes successives (l’une étrangement noyée dans la piscine familiale, l’autre ayant pris une bastos en pleine tête quand Jerry Lee nettoyait son flingue, ces deux-là, comme par hasard, voulant divorcer et ramasser quelques dollars au passage). Or, plus près de ses sous que Jerry Lee, malgré les efforts louables de quelques-uns, y’a pas …

Et malgré tout ça, musicalement, Jerry Lee Lewis reste encore crédible, publiant, certes de plus en plus épisodiquement, des disques qui tiennent étonnamment bien la route (« Last man standing » en 2006 par exemple). Certes assez loin de ce qu’il a fait à ses débuts sur le label Sun de Sam Philips. Parce que chez Sun, en cette seconde moitié des années cinquante, y’avait des clients … Pas tous en même temps, mais se sont tout de même succédés dans le petit studio de Nashville, Presley, Perkins, Cash, Orbison, pour ne parler que des plus connus … et Jerry Lee Lewis donc.

Pas très académique, mais efficace ...
Un Jerry Lee qui a passé ses années glorieuses chez Sun en équilibre entre le rock’n’roll le plus sauvage et la country « habitée » et énergique. S’appuyant sur son « pumping piano », dans un style ultra-destroy pour l’époque, venu des honky-tonk louisianais où il a grandi, et une voix toute en syncopes, changements de tons et de rythmes. Une marque de fabrique inégalable et inimitable. Même si ses pièces d’anthologie (Whole lotta shakin’ going on », « Great balls of fire », « High school confidential » et « Breathless ») viennent de l’aspect rock’n’roll de sa carrière, Jerry Lee, qui a commencé par enregistrer de la country, ne délaissera jamais la plouc music, et à partir des années 60, en fera le genre dominant de ses productions studio. Chez Sun, il alternera les enregistrements dans les deux styles, à l’image de son voisin d’écurie Carl Perkins. Et puis, Lewis sera un de ceux qui reprendront le plus les standards contemporains confirmés, pas toujours avec bonheur cependant (on ne se frotte pas impunément, et quelque peu en dilettante semble t-il, à des choses comme « What I’d say » de Ray Charles ou « Good Golly Miss Molly » de Little Richard), mais le dynamisme de jeune chien fou de Lewis et quelques descentes du revers de la main des touches d’ivoire arrivent dans la plupart des cas à faire passer la sauce.

Cette compilation parue sur le label Varese, et consacré aux rééditions d’oldies, (un peu comme Rhino, le prestige en moins), fait défiler dans un ordre à peu près chronologique les standards, évidemment, mais se distingue de la multitude de celles sur le marché par la sélection de quelques pièces country ou de reprises peu connues du répertoire de Lewis.

Du même sur ce blog :





THE DAMNED - THE BEST OF (1981)


Les survivants ...

Le propre d’un groupe punk, c’est de venir faire quelques tours de piste dans le grand rollercoaster du monde musical, et puis de disparaître. Et pour que la légende soit parfaite, plus les gars sont mauvais, crétins, défoncés, et moins ils durent, plus leur nom s’écrira en lettres d’or au frontispice du binaire, avec l’indiscutable « crédibilité ». Les exemples ne manquent pas.
Les Damned doivent être l’exception qui confirme la règle. Premiers punks anglais à avoir publié un 33T, ils sont encore actifs aujourd’hui, tournant et publiant des disques régulièrement. Mauvais, mais pas tant que çà ou pas plus que d’autres à leurs débuts, ils l’étaient et en étaient logiquement fiers. Crétins, ils ont tout fait pour, multipliant les blagues ( ? ) à base de crachats, urine et autres matières fécales. Défoncés, cela va de soi. Et bizarrement, leurs premiers disques, sont parmi ceux de l’époque, ceux qui ont le mieux supporté l’épreuve du temps.
Certes, sur la durée, les bifurcations, voire les revirements artistiques ont été nombreux, et il n’est pas rare de trouver sur leurs disques récents des morceaux d’un quart d’heure, ayant plus à voir avec le prog qu’avec le fracas sexpistolien. Cette compilation, la première parue après quatre albums, est concentrée sur la période punk stricto senso du groupe, laissant juste apparaître les prémisses de leur épisode gothique du début des années 80.
La formation originale: Sensible, Vanian, James, Scabies
Cet assemblage humain bizarre et hétéroclite, un guitariste (Brian James, parti après deux disques) fan de Johnny Thunders et donc quelque part un peu de Keith Richards, un batteur efficace (Rat Scabies) qui finira chercheur de trésors cathares, un bassiste (Captain Sensible) adepte du port du tutu et ne reculant devant rien pour amplifier son aspect potache alors qu’il s’est révélé être le ciment et le point d’articulation du groupe, un très bon chanteur (Dave Vanian), au visage tartiné de fond de teint livide et tout de noir vêtu, réussira cependant à publier des premiers disques d’une rare homogénéité, et fait assez rare pour l’époque et le genre, assez aboutis musicalement.
Cette compile débute fort logiquement par les deux titres les plus emblématiques des débuts du groupe, leurs deux premiers 45T, « New Rose » et « Neat neat neat », piliers de toutes les compilations thématiques consacrées au punk anglais made in 77. Anecdote plus que connue mais qu’il est bon de rappeler, le titre « New Rose » servira de nom de baptême à un label français du même nom, très en vue dans les années 80, et sorte de Radeau de la Méduse des punks ou assimilés à la recherche d’un second souffle …
Après les deux titres « historiques », cette compilation enchaîne les autres titres marquants du groupe, permettant de découvrir ou redécouvrir un répertoire qui surprend par sa qualité, avec un son pas si daté que çà, et des compositions qui ont plutôt bien vieilli et qui témoignent d’un talent mélodique indiscutable. Car oui, très vite, les Damned ont appris à jouer et à composer, capables d’oser les longues intro avant l’explosion power-pop (« Smash it up »), rajoutant toujours une mélodie dans le tempo supersonique envoyé dans ta face (« Love song », « Disco man »), effectuant une embardée vers le rock qu’on appellera « héroïque » (« I just can’t be happy today », « Dozen girls ») qui vaut bien ce qu’on trouvait sur les premiers U2 ou Killing Joke, titillant les ambiances gothiques vers lesquelles les Damned s’aventureront résolument dans les 80’s (le rigide « Lively acts », « The history of the world », très mauvais avec ses relents ska). D’autres fois, les Damned poussent la potacherie un peu trop loin, en livrant par exemple une mauvaise version de « White rabbit » (des punks qui reprennent l’hymne hippy du Jefferson Airplane, et même pas de façon drolatique, au contraire, y’a quelque chose qui m’échappe là…).
Au final, même si le groupe connaîtra également dans les années suivantes les honneurs des hit-parades, cette compilation de leurs premières et selon moi meilleures années, est une bonne porte d’entée et un bon résumé du groupe punk le plus vieux du monde …




BEYOND THE FRONT LINE - INTRODUCING THE FRONT LINE ALL-TIME REGGAE CLASSICS (1990)


Pour dépasser les têtes d'affiche ...

Il y en a pour qui le reggae s’arrête à « Could you be loved » de Marley, « Reggae night » de Jimmy Cliff, ou pire, « Stand the ghetto » de Lavilliers. Ceux là sont bien à plaindre, les pôvres … Dans un élan de générosité et de mansuétude peu habituels, Lester Gangbangs va initier ses milliers de lecteurs à quelques éclats sonores jamaïcains, qui bien que peu connus du profane, ont apporté leur pierre à l’édification de la musique la plus cool du monde civilisé …
Un petit rappel des faits … aux débuts étaient le ska et le rock steady, musiques jamaïcaines, déformations locales des standards soul ou pop anglo-saxons. La musique jamaïcaine était une affaire de chanteurs ou de formations vocales. Les débuts du business musical (les premiers studios et sound systems, les premiers dubs sur lesquels s’escrimaient les toasters, respectivement ancêtres des remixes et des rappeurs), le « durcissement » idéologique et religieux (les premiers « rastas » des campagnes, les « rude boys » des quartiers les plus mal famés de Kingston, Trenchtown en particulier), et l’arrivée des multinationales du disque (premier à rafler la mise, Chris Blackwell, Jamaïcain exilé en Angleterre, patron de Island Records, et qui signera Bob Marley, ou plus exactement son trio vocal les Wailers, pas forcément à ce moment le plus connu de l’île), vont installer au milieu des années 70 le reggae comme une musique diffusée mondialement, et qui générera avec Marley la première ( et la dernière ?) star globale venue du « Tiers-Monde ».
Comme beaucoup d’autres genres ou sous-genres musicaux (on peut établir beaucoup de parallèles avec le rap ou les musiques électroniques), le reggae sera une affaire de labels. A Island les stars, à Trojan tout le « patrimoine » historique des années 60, à Virgin (comme Island un label basé en Angleterre, la communauté jamaïcaine y étant nombreuse) les seconds couteaux qui selon la formule consacrée, auraient mérité meilleur sort.
Cette compilation, « Beyond the front line », est un florilège de quelques artistes signés par Front Line, sous-division de Virgin. Les titres sont issus des années 70, et correspondent à l’âge d’or (du moins commercial, artistiquement, ce serait plutôt la fin des années 60) du reggae. Sur les quatorze titres, alternent formations vocales (Gladiators, Mighty Diamonds, Twinkle Brothers), figures de proue du dub (Prince Far I, Big Youth, U-Roy qui se taille la part du lion avec trois titres), un morceau de Culture, seul « très grand » groupe de cette compilation, deux de la star du lover’s rock (où croyez-vous que les Clash allaient pêcher leurs titres de morceaux) Gregory Isaacs, plus la présence des rude boys (les rudies en argot, cf « Rudie can’t fail » des … Clash) Johnny Clarke, Keith Hudson, Delroy Washington.


Il y a du hit certifié, « Civilization » de Keith Hudson, « Behold » de Culture (même si on aurait préféré le plus connu « Two seven clash »), « Wear you to the ball » de U-Roy (dont UB40 feront un encore plus gros hit en le reprenant sur « Labour of love II »), … Mais pas seulement, cette compilation intelligente s’attachant surtout à mettre bien en évidence les grands courants du reggae seventies, et pas seulement le « classic reggae » copyright Marley.
Il y aurait des anecdotes à raconter sur chaque titre, chaque interprète … le reggae est une musique où le « vécu » tient une part prépondérante, le tout saupoudré quelquefois d’un étrange mysticisme pour les rastafariens purs et durs. La plupart des gens présents sur ce disque viennent du lumpenprolétariat de l’île, et sous des airs faussement cool, cachent un monde de danger et de violence. Peu de reggaemen meurent dans leur lit, et leur vie pourrait fournir bien de la matière à des scénaristes en panne d’inspiration.
Allez pour la route, quelques mots sur Gregory Isaacs, mort en 2010 d’un cancer. Il s’est autoproclamé séducteur number one de la Jamaïque, a revendiqué des milliers de conquêtes féminines, a consommé des tonnes de cocaïne. Il aurait participé à l’enregistrement de plus de 500 disques (sous son nom ou comme choriste), et la plupart des séances avec juste comme objectif de se fournir sa dose quotidienne de poudres blanches… Et malgré cette hygiène de vie apocalyptique, il a gardé pratiquement jusqu’à la fin de ses jours cette voix de miel qui faisait littéralement fondre les filles.


ROY ORBISON - GOLDEN DECADE (1986)


Ce qu'on peut appeler un chanteur...

Techniquement parlant, Roy Orbison possède certainement une des voix les plus impressionnantes qui aient jamais chanté du rock’n’roll, dans un registre proche de celui d’un chanteur d’opéra (à tel point qu’il a été surnommé « le Caruso  du rock »).

Il a excellé dans un domaine bien particulier, le chanteur des peines de cœur, du pathos, des bleus à l’âme. Cette compilation regroupe les dix premières années de sa carrière à partir de son premier hit « Only the lonely » (1960), même si depuis quelques années déjà il s’escrimait dans le métier sans trop de reconnaissance. Grâce à ses succès, Roy Orbison est devenu un des piliers de l’écurie Sun Records de Sam Philips, la maison de disque des débuts d’Elvis, à une époque où les autres stars du label se nommaient Jerry Lee lewis, Johnny Cash ou Carl Perkins …

Ca rapporte la chansonnette, on dirait ...
Les morceaux de Roy Orbison sont généralement pourvus d’arrangements grandioses, avec orchestre symphonique, violons, chœurs féminins et d’une certaine façon préfigurent le « Mur du son » d’un Phil Spector, ou l’easy listening des années 60.

Avec sa voix magique, Roy Orbison pouvait chanter n’importe quoi (ce qu’il fait quelquefois : « Gigolette » est un … paso doble et « Penny Arcade » un morceau de variété ringarde), et sa carrière a quand même tourné en rond quelques années avant que le magique « Pretty woman » la relance. Ce morceau est par la suite devenu la chanson du film du même nom (1987) avec la belle Julia Roberts et le bellâtre Richard Gere (même si pour les cinéphiles, c’est « In dreams » sur le « Blue Velvet » de David Lynch qu’il faut retenir). A noter que  jusqu’à la fin de ses jours en 1988 (il avait à peine plus de cinquante ans), il a gardé intacte cette voix fabuleuse (voir sa participation dans le « supergroupe » des Travelling Wilburys, où il enterre toutes les gloires déjà vieillissantes, Petty, Dylan, Harrison, venues pousser la chansonnette à ses côtés).

60 morceaux composent cette compilation assez rare (une autre plus récente et encore plus copieuse de quatre Cds l’a maintenant remplacée), qui aurait malgré tout gagné en homogénéité  si elle avait été réduite d’un tiers, mais on peut beaucoup pardonner à un chanteur doté d’une telle voix, même les longueurs et les redites.




EARTH, WIND & FIRE - THE BEST OF VOLUME I (1999)


Beaucoup de paillettes, pas trop de funk

Comment voulez-vous aimer un Cd qui commence par un massacre jazz-funk d’un classique des Beatles ?

Fanfare vaguement funky ...
Grosse machinerie funky des années 70, EW&F est à l’idiome de James Brown et Sly & The Family Stone ce que Bigard est à l’humour. Une escroquerie. A vouloir à tout prix faire danser le public blanc, Maurice White et sa bande ont fait disparaître du funk tout son message social, et ont privilégié des arrangements variéteux au détriment d’une structure rythmique qui se doit d’être impitoyable.

Et tous les beaufs ont pu agiter leur bedaine dans toutes les boîtes ringardes de la planète au son de « Fantasy » ou « September ». Qui sont malgré tout des morceaux entraînants, et ont préparé la voie aux paillettes superficielles du disco. Grâce (?) à EW&F, l’heure des Village People et autres Boney M s’approchait à grands pas.

Earth, Wind & Fire, assez incompréhensiblement, met en extase tous les musicos du dimanche, en admiration devant la surenchère technique ("t'entends ça, putain, ça joue, ils sont forts ces mecs"...) de ce groupe, comme ils le sont aussi devant des choses aussi insupportables que Weather Report. 




GENE VINCENT - MISTER GENE VINCENT (1991)


Sur la Highway to Hell ...

Une curiosité … un Cd assez rare, jamais réédité. Paru en 1991 sur un label français (Musidisc), il compile des morceaux provenant pour l’essentiel de séances aux Etats-Unis en 1966.
A cette époque-là, Gene Vincent est carbonisé. Physiquement d’abord. Il traîne de plus en plus la jambe, séquelle d’un accident de moto quand il était adolescent, consomme de plus en plus drogues et alcool, son état de santé devient vraiment préoccupant. Artistiquement ensuite. Il n’a eu qu’un seul vrai grand succès (« Be bop a lula »), a été lâché par sa maison de disques historique Capitol, traîne sur de petits labels, voit son public s’étioler, ne garde plus que quelques fans en Europe, et surtout en France où il est l’objet d’un petit culte, renforcé par un jeu de scène apocalyptique dans ses tenues de cuir noir qui ont marqué tant d’esprits à l’époque …
Gene Vincent dans les 60's : Cuir noir et rock'n'roll attitude
En fait, lors de ses séances américaines, il ne reste plus à Gene Vincent qu’une chose : sa voix. La plus belle voix blanche du rock’n’roll, qui trouve sa plénitude dans le mid-tempo, surclassant même la technicité démonstrative et le pathos outré des Presley et Orbison. Que ce soit dans des choses dans la  lignée se son répertoire traditionnel (le phénoménal « Bird doggin’ », son dernier grand titre, traité soul-rythm’n’blues), la reprise de la scie « Pistol packin’ Mama » ou celles de « I’ve got my eyes on you » ou « Lotta lovin’ ». De bons morceaux par un grand chanteur …
Sauf que … certains des titres figuraient déjà sur la discographie de Gene Vincent. Ce ne sont que de nouvelles versions, qui n’apportent pas grand chose (un plus « gros » son, des arrangements de cuivres, quelques chœurs soul), et les puristes préfèreront à juste titre les enregistrements originaux.
Et puis, à l’écoute sur certains titres, y’a un truc, là … on met le casque, on monte le volume et … des grésillements, des craquements, le retour du bras sur la platine … ils ont osé, ils ont pas recherché les bandes, certains morceaux sont directement repiqués sur le vinyle. Particulièrement flagrant sur « Hi Lili Hi Lo » ou « I’m a lonesome fugitive ». Si l’on ajoute une masterisation et une égalisation plus qu’approximatives, on peut affirmer qu’avec cette compilation, Musidisc a fait un boulot de sagouin, qui frise l’escroquerie pure et simple. De plus, on ne trouve rien sur la date, le lieu et les musiciens des séances, autant de détails qui sont cruciaux quand on met sur le marché des enregistrements peu connus. On doit se contenter d’une notule très wikipédiesque sur Gene Vincent qui n’apprendra rien au simple connaisseur, et encore moins au vrai fan.
Lequel n’aura en définitive qu’une poignée de titres sur lesquels se rabattre : les assez rares « Lonesome boy », « Lady bug » et « Ruby baby », (ce dernier morceau signé Leiber-Stoller). Et surtout une troisième version de « Be bop a Lula », après l’originale de 1956 et la version dite « lente » de 1962. Celle enregistrée lors de ces séances de 1966 est plus lente que l’originale, la voix est plus posée, les arrangements différents, et il me semble qu’elle ne se trouve que sur ce disque … Pas sûr que cet « inédit » pousse grand monde à rechercher ce Cd d’occasion sur les sites web dédiés …
Après ces séances, Gene Vincent va poursuivre son chemin de croix, enregistrant et se produisant sur scène de moins en moins souvent, jusqu’à ce que ses addictions diverses aient raison de lui en 1971…

Du même sur ce blog :
Bluejean Bop !
Be Bop A Lula

NAT STUCKEY - HIS VERY BEST (2008)


Pour briller en société ...

… ou faire monter en flèche les statistiques de visite de votre blog (rires). Lâchez avec désinvolture le nom de Nat Stuckey. Nat qui ? Stuckey, un chanteur de country américain (pléonasme), mort dans les années 80. Hey, fuyez pas tous !
Nat Stuckey début 60's
Bon, c’est pas gagné, ça va pas être facile d’aligner des centaines de mots sur ce gars. Que personne de sensé ne doit connaître. D’ailleurs me demandez pas comment j’en ai entendu parler, ou à propos de quoi, j’en sais plus rien. J’avais trouvé cette compile pour moins d’un euro ( ! ) sur un site d’occases. A ce prix-là, on peut pas être déçu par le rapport qualité / prix. Quoique … cette compile est parue chez K-Tel, spécialistes des rééditions ultra-cheap de trucs dont personne ne veut. Au verso, juste le titre des morceaux, à l’intérieur du livret, deux pages blanches … sur le Cd, huit titres, pour un total de … 23 minutes. C’est pas avec des Cds comme ça que Stuckey va obtenir une célébrité mondiale posthume … quand à K-tel, il paraît qu’ils ont fait faillite. Bien fait …
Déjà, vivant, tout le monde s’en foutait de Nat Stuckey. Juste un petit hit (« Sweet thang ») dans les charts country au mitan des années 60, c’est à peu près la seule trace qu’il a laissée à la postérité. Stuckey chantait bien, d’une voix de basse, comme un Johnny Cash « technique » et dépassionné. Bien chanter, c’est la moindre des choses surtout dans le genre (la country) le plus populaire aux USA depuis des décennies, et où la concurrence, les genres, sous-genres et chapelles sont innombrables.
Stuckey, au vu de cette rachitique compilation, semble d’abord avoir commencé dans un registre classique, traditionnel (il a collaboré avec entre autres Conway Twitty et Buck Owens, pas vraiment des progressistes). Stuckey est à son aise dans la lente ballade country, et « Take time to love her » est un excellent titre, avec un riff qui doit pas mal de choses au « Sweet Jane » de Lou Reed.
Au vu des derniers titres, il semblerait que Stuckey, de traditionnel ait viré traditionaliste, voire plus. Ses morceaux sont truffés d' arrangements gospel certes de bon goût et pas trop envahissants, mais avec des textes qui tournent au prêchi-prêcha mystico-religieux. M’étonnerait pas qu’il ait fini télévangéliste ou une horreur de ce genre. Une excellente version, une des meilleures que je connaisse, de la scie « Little drummer boy » clôture ce famélique Cd …


WOODY GUTHRIE - DUST BOWL BALLADS (2000)


Protest singer

Woody Guthrie, aujourd’hui, ce doit être comme les productions de chez WARP, il doit plus rester que trois pékins que ça intéresse. Il faut quand même une bonne dose d’abnégation pour à l’heure des Black Eyes Peas ou Coldplay triomphants, s’enquiller dans les esgourdes ce « Dust bowl ballads » … ou un machin des Boards of Canada …

Parce que Woody Guthrie, c’est du rêche, du brut de décoffrage. Une voix, une guitare sèche, et quand par hasard (et pas souvent) il y a une traînée d’harmonica, çà prend de suite des allures d’épopée wagnérienne. Ajoutez un son garanti d’époque qui crachote et grésille à tout-va, et on a largement de quoi rebuter le spectateur de base de « Taratata » …

Woody Guthrie et son arme de destruction  massive ...
Et pourtant, la descendance spirituelle de Woody Guthrie est à peu près infinie. C’est le premier véritable chanteur « engagé » américain, qui tire son inspiration de sa propre situation (guère reluisante, c’est un prolo atteint d’une maladie nerveuse irréversible et mortelle, on peut trouver plus glamour comme CV) ; mais aussi et surtout de celle de ses semblables, tout ce petit peuple américain qui a pris la crise de 1929 et la Grande Dépression qui a suivi en pleine poire.

Ce « Dust bowl ballads » dans sa version actuelle de 2000 est une réédition augmentée, d’une série d’enregistrements thématiques de Guthrie réalisés vers 1940. Placés sous la double influence des « Raisins de la colère » de Steinbeck (des chansons sont consacrées à Tom Joad, un des héros du roman, interprété la même année par Henry Fonda dans le film de John Ford), et des tempêtes de sable bien réelles qui ont touché l’Oklahoma où vivait Guthrie et qui rajoutées aux effets de la crise de 1929, ont provoqué un exode massif vers la Californie …

Guthrie est considéré comme le père spirituel de tous les folkeux « engagés ». Sauf que les titres originaux de Guthrie sont à peu près tous de la country music pur jus, ne s’aventurant que rarement dans le registre parlé du folk de l’époque, et ne s’inspirant guère malgré certains intitulés de morceaux (« Talkin’ dust bowl blues », « Dust pneumonia blues », « Dust bowl blues ») du blues des Noirs, autres parias de la société américaine … Cette country music en solo met en valeur les mélodies légèrement sautillantes, qui se teintent parfois de la syncope du rag (« Do Re Mi »).

Les textes, socialement positionnés (pour l’époque s’entend), sont eux construit d’après des formes littéraires répétitives (il faut capter l’attention, trouver des formules imagées, égrener plusieurs fois les vers) qui tirent leurs origines de la nuit des temps (les tragédies grecques, les chansons de geste, …). C’est uniquement au niveau des textes que l’on peut rattacher Woody Guthrie aux folk singers des sixties.

Car la « descendance » de Guthrie sera pléthorique. D’abord dans les années 50 avec Pete Seeger et surtout Ramblin’ Jack Elliott son véritable « héritier », ensuite la décennie suivante avec évidemment Dylan (qui soit dit en passant n’a fait que suivre et copier Elliott, jusque dans ses visites à l’hôpital new-yorkais dans lequel Guthrie a fini ses jours), et tous ses plus ou moins disciples à guitares sèches et feux de camp …

Guthrie était un radical (son fameux sticker « This machine kill fascits » apposé sur sa guitare dès le début des années 30), un des premiers artistes à prendre fait et cause pour le New Deal de Roosevelt. Ceux qui se réclament de lui ne sont aujourd’hui que des centristes du rock. Avec mention particulière à Springsteen, qui a aussi utilisé le personnage de Tom Joad pour un de ses titres d’albums, et chanté un des morceaux de ce « Dust bowl ballads » (« Vigilante man »), sur l’album de reprises (« Folkways, a vision shared ») qu’ont consacré à  Woody Guthrie et son équivalent noir et blues Leadbelly tous les Hervé Morin du rock (Dylan, U2, Mellencamp, …). Lequel « Folkways …» n’était qu’un remake d’un double vinyle de 1972 ( « A tribute to Woody Guthrie ») qui voyait déjà les François Bayrou de l’époque (Judy Collins, Richie Havens, Dylan bien sûr évidemment, …), s’attaquer live au répertoire de leur inspirateur…


SIXTIES ARCHIVES - TEXAS PUNK FROM THE SIXTIES (1983)


La D2 ...

Ce « Texas Punk » (punk au sens 60’s du terme, pas des types à crête orange) fait partie d’une collection générique « Sixties Archives » déclinée en plusieurs volumes sous l’égide du label français Eva, disparu depuis …  Ce volume est donc « spécialisé » dans l’obscur tendance garage-bands en provenance du Texas dans la seconde moitié des 60’s. Le tout pour un résultat assez loin tout de même de la Rolls du genre garage, le coffret Nuggets, extrapolation du double 33T du même nom assemblé par Lenny Kaye … Assez loin aussi de nombreuses autres compilations (« Back from the grave », « Pebbles », …). Parce qu’à force de fouiner dans les poubelles de l’histoire musicale, on finit par y trouver des choses qui auraient autant gagnées à rester inconnues.
Drôles de zèbres : The Coastliners 1966
Cette compilation témoigne tout de même de la vitalité et de la multitude de groupes de cette « lost generation » américaine du milieu des années 60. Car après avoir inventé le rock’n’roll dans les 50’s, les Américains ont perdu la recette (qui peut citer un bon 33T de rock, accessoirement ’n’roll, digne de ce nom paru aux USA entre 58 et 65 ?). La pérennité du genre sera conservée et bonifiée en Angleterre (tout le British Blues Boom, les Beatles et le Merseybeat …), retraversera l’Atlantique (la British Invasion). Dès lors, une multitude de groupes inspirés ou laborieux copistes verront le jour, graveront le plus souvent quelques singles, au mieux quelque 33T pour les plus doués ou les plus malins …
Même le Texas, fief  des rednecks, n’a pas échappé au mouvement, et ce Cd présente 18 morceaux qui ma foi, valent bien un florilège des twists un peu balourds de, au hasard ( ? ), Springsteen … Au rayon imitateurs laborieux (non, je parle plus de Springsteen, quoique), on peut mettre les Reddlemen (like the Rolling Stones) , les Passions et les Circus (Pretty Things), les Castliners (un bon titre, le second trop calqué sur le Merseybeat). Kempy & the Guardians ont beaucoup écouté les Yardbirds … Quelques-uns font preuve d’originalité, les Y’all’s vont de l’avant avec leur titre mélangeant Beatles et guitares fuzz ; les Status Quo ne préfigurent pas le boogie monolithique de leurs homonymes mais plutôt Blue Cheer et Iron Butterfly avec leurs gros riffs fuzzy ; Him ressemble à un brouillon de Canned Heat avec son boogie primitif,  les Oedipus & The Mothers récoltent la palme du meilleur nom de groupe et du morceau le plus insignifiant du disque, les Pack sont les plus psychédéliques…
Quelques belles réussites, les Venetian Blinds avec un titre sauvage et sautillant à base de Farfisa tex-mex annoncent Sam the Sham ou Question Mark, les Pirates (sans Danny Logan) avec un bon morceau bluesy, les Continentals font brûler la gomme et ignorent royalement les British en se cantonnant à un excellent Diddley beat sur-accéléré. Et relégués fin de Cd, pour moi les meilleurs du lot, Danny & The Counts , avec notamment « Ode to the wind », qui derrière un intitulé un peu bébête, cache une merveille de ballade pop psychédélique …
Bon, évidemment tous ces gens ont eu une notoriété qui n’a pas dû dépasser le cadre de la famille et des amis, mais démontrent que le rock’n’roll, même au second plan, a toujours su rester vivant dans les mid-sixties aux USA…