LARS VON TRIER - ANTICHRIST (2009)

 

Chemin de croix ...

« Antichrist » de Lars von Trier est un film qui suscite des réactions très variées, tant par son contenu que par sa forme. Ce long-métrage, sorti en 2009, est souvent décrit comme une œuvre provocante et dérangeante, mêlant horreur psychologique et drame existentiel.

D'un côté, certains critiques saluent la manière dont von Trier aborde des thèmes profonds tels que la douleur, la perte et la nature du mal. Les performances de Charlotte Gainsbourg et Willem Dafoe sont souvent mises en avant, leur intensité émotionnelle apportant une profondeur au récit. La cinématographie, avec ses images saisissantes et symboliques, contribue également à créer une atmosphère oppressante et troublante.

Cependant, le film a également été critiqué pour sa violence graphique et son approche parfois jugée misogyne. Les scènes explicites peuvent choquer et déranger, ce qui peut amener certains spectateurs à se sentir mal à l'aise ou à rejeter le film. De plus, la narration non linéaire et les éléments symboliques peuvent laisser certains spectateurs perplexes, rendant l'expérience cinématographique difficile d'accès.

En somme, "Antichrist" est un film qui ne laisse pas indifférent. Il peut être perçu comme une œuvre d'art audacieuse et réfléchie ou comme une provocation gratuite, selon la sensibilité de chacun. C'est un film qui invite à la réflexion et à l'interrogation, mais qui nécessite une certaine ouverture d'esprit pour en apprécier pleinement les nuances. »

Von Trier & Dafoe

Ah que voilà une analyse centriste, on sort tous les parachutes. Bon cette critique est signée Chatgpt, j’avais jamais testé l’A.I., et j’ai vite compris que n’importe qui avec trois neurones connectés sortira quelque chose de moins neuneu … Alors cher Chat etc …, voici ma contribution.

Allons droit au but comme on dit à La Jonquera. « Antichrist » est une purge, une vraie. Prétentieuse, grotesque, malsaine, et je pourrais continuer la liste. Ce qu’on voit et entend à l’écran, et pire, ce que ça sous-entend apportera une citerne d’eau au moulin de ceux qui aiment pas Lars Von Trier … moi, perso, je m’en fous de Von Trier, de ses dépressions à répétition, de ses problèmes de bibine, de ses déclarations douteuses. J’aimerais pas boire une bière avec lui, c’est un type qui m’intéresse pas.

Ses films, par contre j’en ai vu quelques-uns. De ses premiers « dogmatiques » jusqu’à ces démonstrations techniques dont « Melancholia » me semble être l’apogée.

La fille de Serge
« Antichrist » se présente sous des atours chiadés. Du gros travail sur le son, encore plus sur les images. Du noir et blanc très contrasté et hyper ralenti du « prologue », à son pendant, le ralenti en moins dans les dernières images, en passant par du traitement numérique high tech (les optiques lensbaby, genre de fish-eye à l’envers, l’insertion d’images subliminales, les bords de cadre mouvants, les rajouts ou effacements numériques, …), ça a du sens, ça voudrait prouver que le taf est pas bâclé …

J’ai poussé la conscience professionnelle (ou conscience bénévole plutôt) jusqu’à m’offrir (pour pas cher du tout d’occase) une version Dvd avec pléthore de bonus et d’extras, il faut deux disques pour tout caser. Premier truc intrigant, alors que Arte a mis des sous dans la production du film, c’est M6, pas vraiment réputée pour ses choix cinématographiques pointus, qui édite les deux rondelles. Chacun en tirera les conclusions qui s’imposent (ou pas). On a droit au commentaire audio du film par Von Trier, interviewé par un critique (et surtout fan) anglais. Le Lars a pas grand-chose à dire (peur du dérapage ?) et tape en touche genre « j’avais pas pensé à ça, là c’est juste pour plaisanter, c’est pas moi qui tenais la caméra, ça c’est juste un hommage, … ». Dans le genre langue de bois de SAV, Charlotte Gainsbourg fait dans la marqueterie d’art pendant une interview promo de trois-quarts d’heure quelques temps après avoir reçu le prix d’interprétation féminine à Cannes (pour son talent ? pour son courage ? son inconscience ? sa démarche suicidaire ?) pour son rôle dans le film, où non, franchement, elle ne pense pas du tout que le film soit choquant ou véhicule une image hyper misogyne de la femme … Bon soit. Passons et attachons-nous à ce qu’on voit à l’écran.


Première séquence (en hyper ralenti donc, genre clip « torride » de George Michael). On y voit un couple (Willem Dafoe et Charlotte G.) faire l’amour nu sous la douche. Avec pendant quelques secondes un gros plan du machin qui rentre dans le truc (effectué par des hardeurs). Arrêt sur image. C’est quoi l’utilité de ce gros plan X ? Peur que les gens comprennent pas ce qui se passait, ou première provoc totalement gratuite ? Et pendant que le couple se livre à une partie de va-et-vient comme ils disent dans « Orange mécanique » leur bambin de deux-trois ans ouvre les barrières de son lit, monte sur le rebord de la fenêtre, bascule dans le vide et va s’aplatir sur le bitume enneigé quelques étages plus bas.

Séquence suivante, image couleur classique à l’enterrement du bambin (bonne idée, procession filmée depuis l’intérieur du corbillard) et là, Charlotte (comme dans « Hiroshima mon amour », le couple n’a ni nom ni prénom) s’effondre. Des jours plus tard, elle reprend ses esprits à l’hôpital, on comprend qu’elle a complètement dévissé émotionnellement et psychologiquement. Ça tombe bien, Dafoe est thérapeute et va l’aider à remonter la pente. Pas l’idéal, c’est lui-même qui le dit, un thérapeute ne doit pas soigner un proche ni baiser avec son patient, et donc il va commettre deux fautes professionnelles.

Et avoir une très mauvaise idée. Le couple va partir se retirer au milieu des bois dans une cabane coupée du monde. Et là tout va déraper. Et pas qu’un peu ... Arrêt sur image. Ce qui va survenir dans cette cahute en rondins c’est encore plus con que ce qui arrive aux promeneurs dans « Evil dead », film qui au moins revendiquait la grosse blague gore. « Antichrist » vise plus haut que « Evil dead », c’est pas dans la cave qu’il faut pas aller, ici c’est dans le grenier, et « Antichrist » n’est évidemment pas un hommage au film qui a rendu célèbre Sam Raimi. « Antichrist » est dédié, accrochez-vous, c’est inscrit après la dernière image, à Tarkovski. Pourquoi ? Accrochez-vous bis, c’est le Lars qui le dit, parce que Tarkovski est son cinéaste préféré (soit), parce qu’il y a beaucoup de scènes en forêt (ouais, comme dans « Stalker », mais c’est pareil dans tous les Tarzan ou « Délivrance ») et parce qu’à moment donné … il pleut (parce qu’il pleut souvent dans les films de Tarkovski, mais dans « Seven » ou « Limbo » aussi, et encore plus, et c’est pas des films de Tarkovski).


Par contre ce que vous verrez pas dans la filmo de Tarkovski et que vous verrez en gros plan dans « Antichrist », c’est une espèce de torture porn à base de coups de bûche sur le gourdin, de perçage de mollet à la chignole rouillée, de fixation d’une meule au dit mollet, de plantage de ciseaux dans le dos, pour finir par une excision en très gros plan, avant strangulation définitive. Le tout entrecoupé de copulations frénétiques et d’images d’animaux sauvages en voie de putréfaction, de bras et de jambes sortant des racines d’un arbre, un renard qui parle … et pourquoi donc tout ça me direz-vous, pour démontrer quoi ?

Oh, un truc bien basique, bien vieux et bien rance. Que la femme est par nature hystérique, et peut être facilement possédée (non, pas dans ce sens, bande de pervers, dans l’autre, par le démon). Et pour que ce soit bien évident, Von Trier nous dissèque tout ça dans sa cabane dans les bois (hommage littéral de ma part à un autre nanar horrifique). Construisant pas à pas, plan par plan, sa théorie misogyne qui voit la Charlotte passer de la prostration à l’abattement, aux visions, à la perte de contrôle, à l’échafaudage secret de plans diaboliques, aux pétages de plombs hystériques du final, le tout servi par des indices grotesques (le « souffle » de Satan par la fenêtre ouverte, les manuels de sorcellerie planqués, les passages à l’acte, jusqu’à sa fin « flamboyante »). Sans oublier les théories fumeuses des « trois mendiants » (la corneille, la biche et le renard, manquait plus que la belette pour se croire dans une chanson de Manau), les pluies de glands (non, non, ceux qui tombent du chêne), et jusqu’à la dernière scène de nouveau en noir et blanc où une foule de femmes sans visage monte sur une colline dans la forêt.

« Antichrist » est un film prétentieux. Visuellement réussi. Mais c’est surtout un film très con … A fuir … J’espère au moins que ça a aidé Von Trier à sortir de sa dépression à lui …


Du même sur ce blog :

Breaking The Waves
Les Idiots


PLACEBO - 1973 (1973)

 

Le piège ...

Bon, inutile de faire de trop longues présentations. Même s’ils sont un peu passés de mode, Placebo, c’est-à-dire Brian Molko et ses deux (?) potes ont pas mal fait parler d’eux à la fin du siècle dernier, avec leur britpop à tendance glam, allant même, reconnaissance suprême, jusqu’à partager un titre avec David Bowie. Et donc, fidèles à eux-mêmes, avec une obstination qui force le respect, ils intitulent leur disque « 1973 », millésime glam de référence …


Bon, en fait non … Compteurs à zéro, on reprend.

Comme Nirvana, Placebo fait partie des groupes connus dans les nineties, et qui ont eu une formation homonyme qui a sévi avant eux. Les Placebo dont au sujet duquel je vas vous entretenir sont un groupe de jazz fusion belge. Jazz … fusion … et belge … on est mal, chef, on est mal …

Et après écoute minutieuse, je confirme, on est mal. Bon, faut un peu relativiser. Dans ce genre, des rondelles pires, j’en ai connues. Ici, on est face à une famille nombreuse souvent fortement marquée par Blood, Sweat & Tears, vous savez cette fanfare pléthorique de « techniciens » fondée par Al Kooper. Le Al Kooper de Placebo il s’appelle Marc Moulin, Belge de son état, et contrairement à Kooper, il partira pas avant d’avoir fini d’enregistrer le premier disque, Moulin, c’est l’âme de Placebo, c’est lui qui compose et arrange tous les titres. Douze personnes figurent au générique de « 1973 » dont cinq cuivres au assimilés (une clarinette), une paire de bassistes (qui se remplacent au fil des titres) un trio de batteurs (ils ont souvent deux sur les titres), un guitariste (sur un seul morceau, fans de Jimi passez votre chemin), et donc le Moulin susnommé aux claviers et synthés.

A la louche, y’ a deux lignes directrices dans cette rondelle. La première, voir plus haut, c’est en gros Blood, Sweat & Tears qui aurait plus ou moins abandonné ses accents rhythm’n’blues pour aller fouiner du côté du jazz fusionné par Miles Davis et tous ses disciples, malheureusement fort nombreux à l’époque. Et comme en ces temps-là, on raisonnait en termes de face vinyle, quand on retourne le plastoc noir, on a des titres pour faire simple plus atmosphériques (le dernier « Re-Union » est l’œuvre de Moulin seul avec ses machines, et ça évolue entre Floyd planant et machins plus invertébrés genre Tangerine Dream).

Marc Moulin

Moi j’aime bien (on se refait pas, hein) le seul titre où on entend une guitare, « Polk » il s’appelle, le gratteux joue funky, ça ressemble à du Curtis Mayfield (la B.O. de « Superfly »). Sur cette face-là, « Red Net » est supportable, rythme alangui, genre comédie musicale triste. « Only nineteen » soit j’en dis rien, soit du mal …

Revenons à la première face. « Bolkwush » c’est du Blood etc … instrumental (comme sur tout le disque, personne ne se hasarde à pousser la goualante derrière le micro, ça vaut peut-être mieux ainsi) dans la formule sonore, sans le côté soul et rhythm’n’blues des Ricains, « Temse » me paraît avec ses deux batteurs synchrones comme une visite du côté des rythmes motorik chers aux groupes teutons de l’époque, sauf que la famille nombreuse de cuivres vient parasiter tout le machin. On a droit à un titre live (« Phalène »), bonne surprise parce que c’est cool, construit, sobre, et surtout sans les farineux solos tous azimuts de mise dans le genre. « Balek » qui suit, c’est quasiment à l’opposé un machin où beaucoup de monde joue en même temps, mais pas forcément ensemble.


A noter que ce « 1973 » a bénéficié d’une réédition cossue (vinyle 180 grammes) par le label Music On Vinyl, spécialisé généralement dans les œuvres « culte », c’est-à-dire de prétendus chefs-d’œuvre oubliés qu’il convient de réhabiliter en grandes pompes sonores. Il me semble pas que « 1973 » réponde à tous ces critères, son écoute va pas provoquer des épiphanies de masse.

Quant à ce Placebo-là, sa carrière sera brève, trois ou quatre ans pour trois disques, et malgré la parution d’un disque live et d’un album tribute par d’obscurs jazzeux belges (?) ces dernières années, son parcours est bel et bien terminé, son âme Marc Moulin étant décédé après avoir eu une petite célébrité dans les 80’s grâce à Telex, groupe pastiche des groupes à synthés fort en vogue à l’époque …


ROBERT ZEMECKIS - FORREST GUMP (1994)

 

Born to run ...

Parce que « Born to run » ça peut servir de résumé en trois mots du film. Et aussi parce que la masterpiece du Boss est la chanson qui manque dans la B.O., notamment quand Forrest Gump fait son marathon across the U.S.A. Question, Springsteen serait-il plus dur en affaires pour les autorisations sur ses titres que les rescapés et ayant-droit des Doors, qu’on entend trois fois dans « Forrest Gump », parmi les 45 titres de la B.O. ?

Zemeckis & Hanks

Tout ça pour dire que « Forrest Gump » est aussi un film qui s’écoute, même si les extraits musicaux sont souvent réduits à quelques secondes, et en sourdine au fin fond du mix sonore. Je vais vous dire, le tracklisting de la B.O. aurait pu être celui d’un film signé Scorsese. A une exception (majeure) près : dans « Forrest Gump » rien que des titres américains des fifties au tout début des eighties, qui illustrent chronologiquement l’histoire (à quelques pains temporels près, par exemple quand Forrest arrive en 67 au Vietnam, on entend « Fortunate son » de Creedence, sorti deux ans plus tard). C’est là tout l’a priori étrange de ce film, comment a-t-il pu être un immense succès mondial alors que plus américain tu peux pas, l’histoire d’un simplet de l’Alabama qui par hasard se trouve dans des situations, des endroits, en face de personnages qui ont fait l’Histoire, Histoire qu’il influence, en initiant Elvis à sa danse pelvienne désarticulée, en soufflant les paroles de « Imagine » à John Lennon, en téléphonant à la police pour signaler un cambriolage au Watergate Hotel, sans parler de ses « rencontres » avec JFK, Lyndon Johnson, Nixon ?

« Forrest Gump » vient d’un roman « récréatif » du même nom d’un historien, scénarisé par Eric Roth dont ce sera la première adaptation plébiscitée (il bossera par la suite pour des « grosses machines » réalisées par Michael Mann, Spielberg, Fincher, Villeneuve, …). Pour « Forrest Gump », seront portés aux nues les noms de Robert Zemeckis et Tom Hanks. Les deux ne sont pas des débutants, le premier vient de réaliser « … Roger Rabbit » et les deux premiers volets de « Retour vers le futur ». Hanks a déjà beaucoup tourné, et bien souvent n’importe quoi (avec même un Oscar pour le navrant « Big »), avant de vraiment capter l’attention avec ses deux derniers films, « Nuits blanches à Seattle » et « Philadelphia ». Pour Zemeckis et Hanks (premier choix de la production), « Forrest Gump » amènera la consécration définitive.

Hanks & Wright

Hanks est parfait dans le rôle du simplet parfois génial, comme une version exubérante de Hoffman dans « Rain Man », avec sa vision rousseauiste (l’homme est naturellement bon, c’est la société qui le pervertit). Je suis généralement pas très fan de son jeu sans aspérités et des personnages qu’il a tendance à ramollir, affadir pour qu’ils suscitent de la pitié larmoyante, mais force est de reconnaître que dans « Forrest Gump » toutes les récompenses et nominations prestigieuses qu’il obtiendra sont bien méritées.

Et le reste de la distribution se hisse à son niveau de Sally Field (la mère), à Robin Wright (l’amour de sa vie) en passant par Gary Sinise (son supérieur au Vietnam) ou l’extraordinaire Mykelti Williamson (Bubba, son « jumeau » noir).

Tout ceci ne serait pas aussi fort sans la Zemeckis touch. Il a du pognon pour tourner, et va l’utiliser. Pas pour les extérieurs, une grosse partie du film a été tourné dans un tout petit périmètre (à Savannah en Géorgie, et le Vietnam dans une zone marécageuse de Caroline du Sud toute proche). Mais surtout Zemeckis va utiliser toutes les techniques numériques de pointe. Beaucoup de scènes se feront devant un rideau vert, notamment quand intervient Sinise amputé de ses deux guiboles, les ordinateurs tourneront plein pot pour les effets de mouthmorphing (faire bouger les lèvres en fonction des dialogues « revisités » des Kennedy, Johnson, Lennon et autres), pour rajouter des balles de ping-pong (non, Hanks n’est pas devenu un des frères Lebrun, il ne fait qu’agiter la raquette dans le vide). Les effets spéciaux dernier cri ont simulé des balles traçantes, des lâchages de napalm, des foules dans les stades ou au mémorial Lincoln … Deux anecdotes. Tout n’est pas retouché, certaines scènes historiques ont été recréées avec des figurants (il n’y avait pas de films à bricoler, juste des photos qui témoignaient de l’événement). Une scène très longue à tourner fut la partie de ping-pong en Chine. L’adversaire de Hanks était un Sud Coréen parmi les tout meilleurs mondiaux. Comme il n’y avait pas de balle, les deux devaient mimer la partie. Hanks y arrivait sans problème, mais le pro n’arrivait pas à se synchroniser avec une balle imaginaire, c’est à cause de lui que d’innombrables prises ont dû être faites …

Zemeckis a réussi à virer Yoko Ono ...

Visuellement, « Forrest Gump » est à la pointe de la technologie. Mais c’est surtout un film finement drôle. Zemeckis se tient loin des gags cartoonesques de « … Roger Rabbit » ou de ceux plutôt lourdauds de « Retour vers le futur ». Mentions particulières au personnage de Bubba, sa lèvre pendante et son obsession pour la pêche aux crevettes et la façon de les cuisiner, et à la scène devenue culte où Robin Wright chante seulement « vêtue » d’une guitare acoustique « Blowin’ in the wind » dans un bouge à strip-tease. Les allusions sont parfois pointues, quand Hanks pousse Sinise dans son fauteuil roulant au milieu des taxis dans une rue enneigée de New York, c’est un hommage-pastiche d’une scène de « Macadam cowboy » similaire avec Dustin Hoffman et John Voight, et on y entend la même chanson (« Everybody’s talkin’ » de Harry Nilsson) que dans le film de Schlesinger.

Pour moi, c’est le final de « Forrest Gump » (en gros les vingt dernières minutes) qui est le moins réussi. Le ton change, on n’est plus dans l’ironie, on touche à des sujets graves (le Sida), et on dérive vers le pathos larmoyant, en rupture assez (trop ?) franche avec les deux heures précédentes. Tellement flagrant que c’est évidemment voulu, mais que les ficelles émotionnelles sont bien grosses. Ces dernières bobines permettent d’apercevoir dans le rôle du fils de Forrest Gump le tout jeune Haley Joel Osment, futur premier rôle des blockbuster « Sixième sens » et « A.I. Intelligence Artificielle » (avant qu’il aille tourner des nanars passés sous les radars, mais c’est une autre histoire).

Sinise, Williamson & Hanks

La plus grosse surprise étant que « Forrest Gump » reste un film accessible (à condition d’avoir un QI supérieur à 75) alors qu’a priori cette visite loufoque dans l’histoire politique et sociale des sixties et seventies américaines pourrait sembler assez hermétique. Mais tout passe, surtout si l’on fait attention aux monologues intérieurs de Gump, bien souvent aussi drôles que les scènes qui l’encadrent …

Ce qui fait que « Forrest Gump » me semble faire partie des rares films qui se bonifient à chaque nouveau visionnage …

Anecdote : « Forrest Gump » a été un succès mondial, a gagné plein d’Oscars, et forcément, bien des gens ont attendu une suite (ils avaient pas compris que l’histoire était terminée). Les rumeurs sur cette suite se sont soudainement amplifiées il y a quelques mois quand on a appris que Zemeckis tournait un film avec dans les deux rôles principaux Tom Hanks et Robin Wright. Raté, « Here » n’est évidemment pas la suite de « Forrest Gump » …


MAGAZINE - REAL LIFE (1978)

 

Post-punk ...

Au commencement, furent donc les punks. Les provocateurs anars (Sex Pistols), les politisés (Clash), les working class heroes (Jam), les infréquentables (Stranglers), … mais le gros des troupes (tous les autres), c’était plutôt un ramassis de bas-du-front, philosophes de comptoir bourrins moulinant un boucan vaguement hardos, témoin l’inénarrable « If the kids are united then we'll never be divided » des non moins inénarrables Sham 69. Mais tout ça, c’est à Londres que ça se passait.

Les ploucs de province, ils devaient attendre de voir dans leur bled un concert de leurs idoles londoniennes, quand il était pas interdit par la municipalité. A Manchester, une bande de gamins va se faire électrochoquer par un concert des Pistols, et monter dans la foulée leur groupe. Buzzcocks ils s’appelleront. Tout juste sortis de l’adolescence, ils mettront en accords saccadés toutes leurs frustrations, d’être prolos, moches, boutonneux, derniers de la classe, pas sportifs, et donc enchaînant les râteaux auprès des lycéennes (voir leur extraordinaire « Orgasm addict », manifeste définitif des frustrations pubères).

Howard Devoto

Allez savoir pourquoi, la presse va s’enticher de ces quatre couillons de province et d’à peu près toute la litanie des groupes de la vague punk, ils seront les seuls à hériter du qualificatif de groupe « culte ». Perso, et c’est pas faute d’avoir essayé, j’ai jamais compris pourquoi. Sympa assez souvent, mais pas de quoi se relever la nuit …

Les Buzzcocks, ils existent encore (la bataille avec les Stranglers pour être le plus vieux groupe punk du monde fait rage), plus vraiment, évidemment, dans la légendaire composition d’origine. Les Buzzcocks originaux, ceux du second mitan des seventies, ils étaient menés par Pete Shelley et Howard Devoto.

Pour des raisons qui m’échappent et que j’ai jamais vraiment cherché à connaître (si ça vous intéresse, il doit y avoir la réponse sur Wikimachin), Devoto va quitter les Buzzcocks pour monter sa petite entreprise, Magazine, dont ce « Real life » est la première rondelle. Rondelle dont les mêmes qui trouv(ai)ent les Buzzcocks géniaux affirment sans barguigner qu’il s’agit de Tables de la Loi du post-punk … Ma foi, s’ils le disent …

Qu’oyez-vous dans « Real Life » ? Plein de choses qui partent dans tous les sens, parfois en dépit du bon (sens). L’on vous dira que le titre majeur de « Real Life », c’est « Shot by both sides » et que c’est l’alpha et l’oméga musical de cette fin de décennie. C’est ma foi un fort bon single de pop énergique, mais comme il en sortait des brouettes tous les mois à cette époque-là. Non, l’intérêt majeur de la rondelle, c’est pas « Shot by both sides », c’est plutôt l’envie d’aller voir « ailleurs », de fuir la mécanique simpliste du boucan punk basique.

Magazine

Déjà, Devoto, il soigne (enfin façon de parler, voir des photos de lui à l’époque de « Real life » donne plutôt envie de rire que de se pâmer devant tant d’originalité capillaire et vestimentaire) son look. En gros, comme il est fan de Brian Eno, il le singe dans sa période Roxy Music (en fait il ressemble à un figurant de « Phantom of paradise », ce qui était original en 72, et beaucoup moins à la fin de la décennie). Il y a dans « Real Life » (en filigrane, revendiquer ça en 78, y’avait de quoi finir avec du goudron et des plumes) l’influence du krautrock, tous ces groupes allemands défoncés, planants, et vaguement anars, ou leur proche cousin anglais, le Van der Graaf Generator de Peter Hammill.

Il y a aussi dans « Real life » ce qu’avec le recul il fut bien considérer comme un bon casting, avec notamment le futur guitariste des Banshees John McGeosh (guitar hero de la new wave et influence majeure de Robert Smith), et le bassiste Barry Adamson (futur Bad Seeds de Nick Cave et auteur d’une litanie de disques solo aventureux et expérimentaux). Il y a aussi des points faibles. En premier lieu, la voix de Devoto, comment peut-on envisager de passer derrière le micro avec des cordes vocales pareilles, ça fait mal aux oreilles … Niveau compos, on est loin des fulgurances des Buzzcocks passées et à venir. Ici, même si on a deux titres co-écrits avec Shelley (dont le très buzzcockien « Recoil »), le reste selon comment on l’envisage, fait preuve d’ouverture ou part dans tous les (mauvais) sens.

Perso, je trouve intéressant le début du disque, « Definitive gaze » (jolie intro, bon titre pop, et malin gimmick de synthé), suivi par les déjà cités « Shot by both sides » et « Recoil » (au sujet de ce dernier, existe-t-il un lien avec le groupe du Depeche Mode Wilder en solo, y’a rien à gagner à fournir la réponse). Se glisse au milieu de ce tiercé majeur « My Tulpa » qui avec sa grosse ligne de basse fait penser aux Stranglers, avant un pénible final avec sax free en avant. « The light pours out of me » quant à lui force sur l’aspect martial pour pas dire pompier …


Pas mal de choses ne font pas avancer le schmilblick « Burst » avec son intro pompière et qui balance ensuite entre les pires horreurs de Genesis et un final en version stridente du « Space Odditty » de qui vous savez (et si vous savez pas, vous gagnez un exemplaire dédicacé du dernier bouquin de Philippe le Jolis de Villiers de Saintignon, le fou qu’est tombé dans le Puy). « The great beautician in the sky », sorte de valse flonflonneuse donne envie de lâcher l’affaire pour écouter un bon vieux Pogues.

Reste une paire de titres intéressants, « Motorcade », seul titre « à guitares », rapide et bruyant, et la ballade finale (« Parade »), intro calme au piano, mélodie torturée ensuite.

« Real life », c’est pour moi le genre de disque surestimé, cité par tous les « connoisseurs » arty. On peut certes lui reconnaître une tentative de rupture avec tout le punk bas-du-front qui commençait à se multiplier et une ténue influence sur la cold wave – new wave à venir. On peut aussi lui reprocher (et c’est pas rien) la grand-paternité de tous les poseurs prétentieux munis de synthés qui vont fleurir dans l’Angleterre du début des 80’s. Magazine (une décennie) et Devoto seul ensuite (jusqu’à aujourd’hui) ne déchaîneront jamais vraiment les foules

Et non, le disque-référence post-punk, c’est pas « Real life », il faut pas chercher du côté de Devoto, mais plutôt de celui d’un certain John Lydon (anciennement Rotten), responsable avec les deux premières rondelles de P.I.L. de déflagrations bien plus majeures …