Bon, va falloir faire gaffe à ce que je vais écrire.
Parce qu’en ces temps hashtagués de porcs à balancer, de flics qui pourront te
foutre une prune parce que tu mates le cul ondulant d’une meuf dans la rue,
faut rester le doigt ( !) sur la couture (extérieure) du pantalon. Ou
alors on va t’accuser d’être pote avec la diabolique Cathy Deneuve (vous
trouvez pas qu’elle a encore grossi ?), ce qui à tout prendre (mais non,
pas de double sens) vaut mieux que l’être avec toutes ces féministes moches,
mal draguées et mal b… oups, j’ai failli faire une Weinstein … ou une Trump …
CocoRosie, alors … deux petites minettes qui
semblent se galocher sur la pochette et … oh, putain, je recommence …
CocoRosie, ce sont deux sœurs. Dont l’une ne
s’appelle pas Coco et l’autre pas Rosie, ce serait trop simple. Deux jeunettes avec un passeport ricain, filles
d’un couple de baba cools bohêmes (pléonasme), élevées séparément et qui,
attention, fairytale à verser une larme, se retrouvent dans une chambre de
bonne de Montmartre, et vivent adultes la sororité qu’elles n’ont pas partagé
durant leurs jeunes années. Hein ça donne pas envie d’en écraser une (de
larme) ? Comme elles ont quand même dépassé l’âge de jouer à la poupée,
elles vont jouer à faire un disque. Avec les moyens du bord, ceux que tu as
quand tu partages une chambre de bonne sous les toits parisiens, c'est-à-dire
aucun.
Bon, ça s’entend que c’est un disque de fauchées. On
a droit à tous les poncifs de la vraie vie qui s’immisce sur la musique (les
klaxons des bagnoles, les téléphones qui sonnent, la pluie sur le velux, les
casseroles qui servent de batterie, les instruments MIDI d’occase que joues
d’un doigt malhabile et que tu branches à un Pentium essoufflé, les
approximations mélodiques et vocales, and so on …). « La maison de mon
rêve » (comme quoi on peut reconnaître aux deux frangines un certain sens
de l’humour, même si ça claque moins que « Dreamhouse »), est un
disque tout ce qu’il y a d’approximatif. Ce qui le sauve la plupart du temps,
c’est que cette approximation semble plutôt naïve que délibérée.
Bizarrement, ce disque sortira sur le label Touch
And Go, pas vraiment réputé pour ses artistes maniant à longueur de journée
calembours et jeux de mots dans la bonne humeur (Rollins Band, Slint, Big
Black, Rapeman, …). Encore plus bizarrement, toute une faune musicale marginale
voire étrange, genre le gourou folk new age Devendra Banhart ou le (la ?)
transgenre leader d’Antony & The Johnsons (deux qu’on retrouvera par la suite
régulièrement sur les rondelles de CocoRosie) s’entichent des deux sœurs
chantantes …
Faut avouer que « La maison … » n’est
pas rebutant. Folk dépouillé comme tous les fauchés sont obligés de faire
depuis Woody Guthrie, mais pas forcément austère et rêche. Plutôt le contraire,
d’ailleurs, c’est souvent gai, enjoué au niveau du rythme, même si le propos
est parfois moins drôle. Il est toutefois recommandé d’apprécier fortement Kate
Bush (ou Bjork et Tori Amos si l’on préfère les copies aux originales), à cause
de la voix crispante dans les aigus d’une des deux sœurs (comme quoi, monter
dans les aigus peut s’avérer pénible si derrière y’a pas quelques octaves pour
nuancer). Il est aussi fortement recommandé d’accrocher dès le premier titre
parce qu’ils ont tendance à se ressembler, construits à peu près tous sur le
même tempo et les mêmes gimmicks.
Ça tombe bien, car pour moi les meilleurs morceaux
sont au début du disque, on sent à la longue l’essoufflement de la formule qui
vire redite. Même si le disque se finit sur le titre le plus émouvant (« Lyla »)
qui parle de Yougos kidnappeurs d’enfants, hymne de guingois à la fin de l’innocence,
ou réalité vécue (en vrai ou par procuration ?) qui vient tirer de la
somnolence dans laquelle on finit par s’installer … Parce que rien dans le cœur
de « La maison … » n’égale la triplette introductive. « Terrible
angels » place le décorum sonore, à base de bruits parasites et de voix en
contrechant surimposées approximativement, sans que l’on devine si c’est fait
exprès (très certainement) ou si c’est du grand n’importe quoi. En tout cas, ce
premier titre attire et l’oreille et l’attention … « By your side », est
aussi d’une simplicité touchante, suffit de dépasser l’aspect version gag de « Wuthering
Heights » avec sa voix suraigüe et son instrumentation cheap. Le
faussement simplet « Jesus loves me » cache une subtilité douce-amère
derrière ses airs de comptine neuneu, c’est à mon sens le meilleur morceau de
la rondelle.
Par la suite, on dresse l’oreille sur un « Tahiti
rain song », bruitisme zen et morceau genre Tom Waits sous hélium, on
finit par ranger après écoute attentive « Madonna » (qui n’a rien à
voir avec la material girl ou la Lady des Beatles, mais est une ode à la femme
du charpentier), dans la catégorie des sous « Hallelujah » (Cohen) ou
« Presence of the Lord » (Blind Faith) …
Et on attend la fin du disque en se disant que c’est
pas trop mal ce qu’on entend, mais bon, qu’il serait temps de revenir à des
choses plus sérieuses et un peu plus énergiques.
Et à la question que tout le monde ( ? ) se pose,
à savoir pourquoi l’une des deux frangines se maquille en se dessinant une moustache
sur bon nombre de photos, j’ai pas la réponse. Et je la cherche pas d’ailleurs …