« Boy in da corner » a été considéré comme un disque
important, voire majeur par les gens compétents en matière de rap. Soit. Du
haut de mon incompétence, j’affirme que cette rondelle me gonfle …
Le rap, quand je suis de bonne humeur (si, si ça
m’arrive), je supporte. Parfois même j’apprécie. Bon, le rap old school. Parce
que moi aussi je suis de la old school. Même de la very old school. Pour les
quelques-uns à qui les débuts de Dizzee Rascal auraient échappé, le minot a le profil
type du rappeur, avec tous les malheureux clichés qui vont avec. L’enfance
difficile, la petite délinquance et la rédemption par la musique, où il se fait
remarquer encore tout ado en tant que Dj remixeur dans les soirées et les
endroits pointus. Contrat avec XL Recordinds, (très gros label indépendant
ayant signé ou distribuant Beck, Gorillaz, Moby, White Stripes, … plus tard
Adele ou Vampire Weekend, …) et alors que le gamin n’a que 19 ans, parution de
« Boy in da corner ».
Ou il pose, sitting on a corner, en survet bouffant
et Nike rutilantes (comme quoi il a un goût de chiottes pour choisir ses
fringues), et fait des mains sur sa tête un signe susceptible de rallier tous
les fans d’Angus Young. Que ceux-ci passent leur chemin, ce disque n’est
absolument pas pour eux …
Dizee on Dizzee. Mar Bolan faisait ça au début des 70's
D’entrée le son surprend. Tout le temps d’ailleurs. C’est
d’une sécheresse brutale et lourde, une sorte d’épure rythmique balancée façon
techno. Le Dizzee il rappe par-dessus. Avec son nez, d’une voix nasale qui
contribue pas à flatter l’oreille. C’est pas de l’inouï total, un type comme au
hasard Tricky savait parfois donner dans les très lourd martial. « Boy in
da corner » donne dans le social, dans l’introspectif d’ado immature qui
arrive pas à pécho de la meuf (« I luv U » t’es une gamine et t’entends
ça, tu détales …), comme des thèmes de morceaux des Buzzcocks revus par le rap.
Le coup du disque à sa petite maman chérie sonne
forcément cliché (tous ces bad boys ont toujours fait ça, à commencer par les
plus asociaux genre 2Pac, ça leur donne peut-être bonne conscience …), et puis
4 lignes plus loin dans le livret arrive un « fuck you » pour tous
les « haters & enemies », pfff, ça finit par être d’un ridicule, cette
histoire…
Sinon, comme le gars est Anglais, il y a des trucs
qui ressemblent à Queen (désolé, mec, mais comme tous ceux de ton île, t’as
grandi avec Mercury et sa clique en heavy rotation partout et ça laisse des
traces, même si ce doit être une comparaison honteuse pour toi) comme « Fix
up look sharp » (l’énorme batterie de « We will rock you » a
fait des petits), ou les relents opératiques de « Just a rascal »,
par ailleurs d’assez loin meilleur titre de la rondelle parce que très différent
des autres …
Et on appelle ce sous-genre de rap le grime (désolé
j’ai pas trouvé de jeux de mots con ou une contrepèterie à faire avec ça …)
Ah, et le Dizzee il a gagné le Mercury Prize (sorte
de César de la musique chez les British) avec cette rondelle …
Et sinon … sinon rien, on passe au suivant et à l'année prochaine…
Il y a des gens
dont on n’attend rien. De bon ou mauvais. Curtis Hanson fait partie de ces
réalisateurs dont tout le monde se fout, qui tourne des films dont tout le
monde se fout, critique comme public …
Et puis, sans
que l’on sache pourquoi, le type sort un machin qui met tout le monde d’accord,
un très gros succès populaire encensé par tous ceux que l’on paye pour donner leur
avis sur ce qu’ils ont vu avant les autres sur un écran. Moi personne me paye,
ce qui évidemment ne donne donc aucune valeur à mon avis. Et pourtant je le dis
haut et fort, « L.A. Confidential » est un super film.
Pearce, Hanson & Crowe
Un film auquel
on a bien du mal à comprendre quelque chose la première fois, parce qu’ici il n’y
a ni bons ni méchants. Juste un tas de types plus ou moins pourris, et qui dans
le meilleur des cas agissent pour eux et non pas forcément pour ce pourquoi ils
sont payés. « L.A. Confidential » est une histoire de flics, plus ou
moins corrompus, qui s’agitent dans le Los Angeles des années cinquante. Autour
d’eux gravitent des femmes (bizarrement, mieux traitées dans le scénario, même
si une finira à la morgue et l’autre … on en reparlera), et toute une faune allant
du journaliste cupide et partial, aux politiques dépravés ou manipulateurs, en
passant par les milliardaires proxénètes et les immigrés (surtout les chicanos)
en bons clients qu’on tabasse ou flingue impunément.
A la base de « L.A.
Confidential », un bouquin de James Ellroy, qu’il est inutile de présenter,
tant son nom est associé aux polars glauques et désespérés, un descendant-successeur
des Hammett ou Chandler, les rails de coke en plus … Dire que l’intrigue est
aussi compliquée que celle du « Faucon maltais » ne relève pas de la
litote. Faut dire qu’il n’y a pas un mais plusieurs protagonistes principaux et
que leurs histoires pas très nettes finissent par se croiser lorsque des
enquêtes qu’ils mènent chacun de leur côté deviennent une seule et même
affaire.
Les flics
On ne peut
pas ne pas penser au « Chinatown » de Polanski pour plusieurs raisons :
les reconstituions méticuleuses et pointilleuses du Los Angeles d’une époque
révolue, chez Polanski les années 30, ici les années 50, le rôle crucial de la
femme qui fait avancer le scénario, Dunaway vs Basinger, et les deux enquêtes qui
évoluent et finissent dans les plus hautes sphères de la société de la ville. On
a aussi des différences notables, dans « Chinatown » il n’y a
vraiment qu’un type qui mène l’enquête (et Nicholson n’est même pas flic, c’est
un privé), et ses méthodes (no guns et le moins de bastons possibles) tranchent
radicalement avec l’atmosphère violente voire ultra-violente de « L.A.
Confidential ». Hanson cite aussi « Le grand sommeil » (avec
Bogart et Bacall) comme source d’inspiration. Comme il y a des décennies que je
l’ai pas vu, je lui fais confiance …
Le film doit
tout à Hanson. C’est lui qui écrit l’adaptation du bouquin d’Ellroy, et s’en va
à la pêche aux producteurs. Le sulfureux Arnon Milchan (mais au nez très creux lorsqu’il
s’agit de faire des cartons au box-office) est séduit par le projet ambitieux
de Hanson qui sent qu’il a un super scénario et envisage d’entrée la
superproduction hollywoodienne. Milchan commence à se gratter la tête lorsque
Hanson lui annonce ses deux acteurs tête d’affiche : Russell Crowe et Guy
Pearce. Deux métèques donc. Totalement inconnus du public américain (et de
celui du reste du monde aussi, d’ailleurs). L’un est néo-zélandais et a marqué
Hanson par un rôle se skinhead facho et violent (pléonasmes) dans « Romper
stomper » (que je recommande au passage), l’autre en jouant une drag-queen
dans « Priscilla, folle du désert » (que je recommande aussi).
Crowe sera donc
un flic brutal, révélant au monde entier un baraqué castagneur, le genre de
rôle qu’il endossera à peu près toute sa carrière. A côté de son personnage,
Eastwood dans « Dirty Harry », c’est l’Inspecteur Gadget … Pearce
sera un flic honnête (à peu près le seul du scénario) au départ, mais qui
finira par carriérisme d’abord puis par Basinger alpagué, et finalement lorsqu’il
sent qu’il peut régler une affaire toute perso (retrouver l’assassin de son
père, flic aussi et tué dans des circonstances non élucidées en service), par déraper
sérieusement vers la haine et la violence.
Autre flic du
casting, Kevin Spacey, le flic corrompu jusqu’à l’os, plus ou moins associé à
Danny DeVitto, journaliste d’une feuille de chou à scandale. Les deux se
refilent des infos (et du pognon) pour booster leurs carrières respectives, en
évoluant dans la high society, à l’affût du moindre ragot ayant à voir avec la
drogue, l’adultère, la prostitution et les trafics divers. Les deux finiront
mal, le premier sur la voie de la rédemption, le second parce qu’il est devenu
une pièce à conviction gênante … Une faune interlope sur laquelle règnent des
caïds qui s’entretuent, des flics haut placés qui ferment les yeux, et des
politiques véreux ne refusant jamais un bon pot-de-vin complètent les figures
des protagonistes majeurs.
Kim Basinger, envie de croire au Père Noel ?
Et puis il y
a la femme, jouée par une sublime Kim Basinger, qui trouve là certainement son
meilleur rôle. Prostituée haut de gamme maquée par un milliardaire qui conçoit
ses créatures (à grand renfort des chirurgie esthétique si besoin) comme les
sosies d’actrices célèbres. Cette Veronica Lake des trottoirs n’est pas seulement
là pour donner un côté glamour et sexy au film, c’est un personnage principal,
qui petit à petit dévoile fractures et brisures d’une fille paumée venue tenter
la fortune à L.A. Veuve noire qui attire dans ses filets soit sur ordre de son
mac soit de sa propre initiative quelques-uns des acteurs principaux …
« L.A.
Confidential » est un film prenant parce qu’il est ancré dans le réel (le
tabassage des Mexicains en prison a bien eu lieu pour le Noel 1951, les personnages
de Spacey et DeVitto ont existé, la feuille de chou à scandale s’appelait même « Confidential »).
Mais aussi parce que même avec des personnages fouillés, il n’y a pas de temps
mort, et que ça tape et ça flingue aussi fort que dans « Les affranchis ».
Pour finir et
pour donner une idée de la noirceur toujours sous-jacente du film, cet échange
laconique entre Pearce: « Pourquoi t’es devenu flic ? » et
Spacey : « Je ne m’en souviens plus » …
Y’a des gens qui démarrent mal dans la vie sonore avec moi.
Ceux-là, les Ar-Kaics, rien qu’à voir leur nom, ça m’a fait penser aux
Dinosaurs, supergroupe ( ?? ) monté au début des 80’s par des vieux
croûtons de l’été de l’Amour à San Francisco (des types de Country Joe &
The Fish, Quicksilver, Airplane, Big Brother, …).
The Ar-Kaics
D’un autre côté, les Ar-Kaics, ils auraient été encore
plus ridicules de s’appeler New quelque chose, parce qu’il n’y rien, mais
strictement rien de nouveau chez eux. Et leur rondelle est dotée ( ? )
d’une pochette genre dessin d’école primaire pour la Fête des Mères, quand il
reste plus de nouilles pour faire des colliers …
De quoi est-ce qu’il s’agit donc avec les Ar-Kaics ?
Ben tout simplement de la énième mouture d’un revival garage, par trois types
et une nana plus tout à fait perdreaux de l’année. Qui bénéficient d’une
signature chez Wick Records, sous-label de Daptone, maison à l’origine
spécialisée dans la soul vintage de haute qualité (Sharon Jones & the Dap-Kings).
Certes, faut reconnaître que ce « In this time »
est bien foutu, et que la qualité et l’exigence qui va avec le label Daptone n’est
pas à remettre en cause. Sauf que les Ar-Kaics sont le milliardième groupe à œuvrer
dans ce créneau (compteur bloqué dans les années 65-67, guitares fuzz en avant
toute, et un sérieux de jésuite pour envoyer la sauce). En gros des candidats
pour les compilations Peebles, Nuggets, Sixties Archives à venir … S’inspirer
des Stones de « Between the buttons » (pour faire simple) et
envisager de laisser une trace à la « postérité » genre Standells,
Count Five, Seeds, why not … Sauf que dans ce « In this time », je
vois pas l’ombre d’un titre qui pourrait se faire une place à côté des
légendaires binaires crasseuses que furent en leur temps des « Dirty water »,
« Psychotic reaction » ou « Pushin’ too hard ». Les
Ar-Kaics semblent condamnés à perpétuité à la seconde division, même si on peut
me répondre qu’ils n’affichent nulle part l’ambition de gagner la Champions League
…
Les mêmes en couleurs
« In this time », il commence bien, mais il tient
pas la distance. La doublette inaugurale (« Don’t go with him », « Some
people ») est une bonne entrée en matière, avec mention particulière à la
seconde, le titre le plus léger et mélodique (comme si les Byrds avaient fait de
la power pop ). Le disque est conçu (évidemment) pour le format vinyle (les
sixième et douzièmes titres sont deux ballades plus ou moins crépusculaires et
crispées, marquant la fin de chaque face en plastoc). Pour le reste, qui a
écouté les Cramps et le Gun Club ne sera pas dépaysé, et il convient juste de
parler pour la comparaison de similitudes sonores, la folie et la qualité d’écriture
sont ici bien des crans en dessous …
Les Ar-Kaics se contentent d’avoir le pied lourd sur la
pédale fuzz, de privilégier les mid-tempo lourd(ingue)s, et de mettre en avant
sur le site de Daptone et sur YouTube les titres à mon sens les plus
quelconques de leur disque.
Même si on a entendu bien pire dans le genre, une
rondelle pour fanatiques et complétistes du genre. Ce qui risque de pas faire
grand-monde …
Il est assez étonnant de voir que Creedence, qui fut
pendant quelques années (et pas n’importe lesquelles, celles de la fin des
années 60 où il y avait quand même encombrement de talents) le roi
incontesté des charts américains, est aujourd’hui à peu près complètement oublié.
Il serait temps que le peuple se mobilise pour réhabiliter Fogerty et sa troupe.
La réhabilitation de Creedence, voilà une revendication qui aurait de la
gueule. N’est-ce pas les gilets jaunes, si tant est qu’il y en ait quelques-uns
parmi vous qui sachent lire et formuler une doléance cohérente (le régime merguez-Heineken à fortes doses montre vite ses limites quand il faut utiliser son QI), voilà une revendication
autrement plus importante que le prix du carburant, le pouvoir d’achat, ou la
démission de Macron (vous voyez qui c’est lui, le quadra aux poses messianiques
à la Don Camillo, et qui vous a fait croire qu’il allait mettre notre pays en
marche, alors qu’il est juste encore plus nul et arrogant que Mr Gayet et Sarko réunis, ce
qui n’est pas peu de chose, et qu’il est accompagné par une bande de têtes de nœuds
genre Le Maire, Darmanin, Grivaux, Castaner, liste loin d'être exhaustive, qui devraient repartir au plus vite d’où ils
viennent, la troisième division de la droite centriste et de la gauche molle, et arrêter de se prendre pour des hommes politiques, eux à qui on ne voulait même pas confier le nettoyage des latrines au siège de leurs anciens partis respectifs) ?
… La France va mal, camarades ( ? ), raison de plus pour écouter Creedence
… qui eux n’ont jamais fait de politique (quoi que, on y reviendra si j’y pense),
mais qui étaient à peu près aussi mal habillés qu’un Breton mécontent et bourré
(pléonasme) en bonnet rouge et / ou gilet jaune…
Remarquez, sans les chemises de bûcheron à carreaux,
avec quoi auraient bien pu se fringuer Neil Young, Bruce Springsteen et Kurt
Cobain ?
John Fogerty, Tom Fogerty, Doug Clifford, Stu Cook
Creedence, c’était la revanche des ploucs sur les
types (et les nanas) dans l’air du temps. Ils étaient pourtant au bon endroit
(la Californie, du côté de San Francisco) au bon moment (le milieu des années
60). Comme l’Airplane, Quicksilver, Grateful Dead. Sauf qu’ils n’ont pas
cherché à inventer un langage musical sous LSD. Et qu’ils ont peut-être jamais foutu
les pieds à Haight Ashbury, se contentant de leur morne El Cerrito (banlieue
nord-est de Frisco, de l’autre côté de la Baie).
John Fogerty aime le rock’n’roll des origines, Presley
et consorts. Son pote de lycée, Doug Clifford, pareil. Tous les deux rêvent de
faire de la musique, sans ambition, juste un college band. L’affaire s’emmanche
quand John se fait offrir par ses parents une Silvertone pourrie d’occase et
que Doug se bricole une batterie à base de pots de fleurs. N’ayant pas eu l’idée
de s’appeler les White Stripes ou les Black Keys, il leur faut du renfort. Ce sera
Stu Cook (parce qu’il est dans la classe de Clifford, et quand on les fait s’aligner
par ordre alphabétique, ils se retrouvent à côté). Cook est pianiste (enfin il
sait vaguement jouer du piano). L’aventure en trio commence, sous des noms totalement
improbables qui ne tiennent que le temps de dégoter un concert où ils jouent
(des reprises) dans l’indifférence générale.
Version trio
Les minots sont motivés, et finissent par être
reconnus (dans leur pâté de maisons et leur lycée). Entre-temps, Cook est passé
à la basse. Il est temps de faire un gros coup. John propose à son frère aîné
Tom de les rejoindre. Tom, c’est la star des Fogerty. Il compose, joue de la
guitare en faisant des solos et chante dans un groupe « célèbre ».
Quelquefois même dans des bars ou des clubs à pfff … des quinze ou vingt
kilomètres d’El Cerrito. Sur la seule renommée de Tom, le quatuor « explose »,
sous le nom de Tommy Fogerty & The Blue Velvets. Il quitte le lycée d’El
Cerrito pour jouer dans les mêmes rades que fréquentait Tom. Pour les trois
pieds-nickelés originels, c’est le jackpot artistique. Ils enregistrent même une
paire de 45 T sans aucun succès. Mais à force de s’acharner, les quatre zozos
voient leur audience s’accroître, et finissent par décrocher des contrats pour
des concerts devant des dizaines de personnes. Et là surgit l’accident
industriel. Tom, incontesté chanteur guitariste et leader est bouffé par le
trac dès lors que l'assistance est composée d’autres personnes que ses copains.
John commence donc à chanter et à prendre les solos. Et tant qu’à faire comme c’est
lui qui va les chanter, à composer les titres de leur répertoire. Une sono asthmatique
l’oblige à s’égosiller au micro, ce qui donnera ce chant forcé immédiatement
reconnaissable.
Tout passe, et même l’adolescence. Faut bosser,
faire l’armée tout ça … Le groupe (qui a encore changé de nom après que ses 45T
se soient vautrés) est mis en sourdine. John glandouille chez Fantasy Records,
micro label orienté jazzy, qui récupère par hasard un hit (au niveau de la Californie)
et un peu de fric. John suggère au patron de Fantasy de signer son groupe, qui,
c’est pas lui qui choisit, s’appelera les Visons. Puis les Golliwogs. Des 45 T
suivent avec les bides habituels. Le patron de Fantasy vend en 1967 sa boîte à
un de ses employés, Saul Zaentz. Qui hérite donc des Golliwogs. Qu’il somme de
se rebaptiser en optant pour un nom à la Quicksilver Messenger Service, qui
commence à se faire un nom à San Francisco. Les trois mots choisis seront Revival
(l’ambition de remettre le rock’n’roll au goût du jour), Clearwater (la pureté,
la nature, les utopies hippies, …) et Creedence parce que Tom a un pote qui se
prénomme comme ça et que ça le botte un nom de baptême pareil …
Parenthèse : John Fogerty voue depuis des décennies
une haine féroce et tenace vis-à-vis de Saul Zaentz (l’humiliant même dans une
chanson et son clip plein de cochons « Zanz Kant Danz » sur son disque
solo « Centerfield » en 85). Il s’est peut-être (sûrement ?)
fait escroquer par un contrat tordu, mais sans Zaentz, point de Creedence,
parce que fallait y croire ou être un sacré visionnaire pour signer cette bande
de péquenots et leur drôle de musique ringarde en 67. Fin de la parenthèse …
Creedence live
Et là, tout à coup, ça fonctionne. Le premier single
(« Porterville ») est remarqué, le second (« Suzie Q ») est
un succès. Creedence sera un groupe à singles. Des singles rustiques, pleins à
la gueule de ce rock’n’roll fifties, avec des touches de country ou de blues. Pendant
quatre ans, de 68 à 71, tous leurs singles finiront en haut des charts
américains, beaucoup plus rarement ailleurs. Creedence est un groupe de pécores,
de traditionalistes, qui portent haut l’étendard du « c’était mieux avant ».
John Fogerty est capable en deux minutes trente de choses fulgurantes, d’une
simplicité et d’une évidence bibliques (« Bad moon rising », « Fortunate
son », « Travelin’ band »). Mais
aussi des ballades définitives (« Who’ll stop the rain », « Have
you ever seen the rain »). Sa voix forcée peut lui permettre de reprendre Little Richard sans se
couvrir de ridicule (« Good Golly Miss Molly »), tout comme McCartney
ou Wanda Jackson (liste close). Il sait se fendre de quelques solos de guitare « acide »
dans l’air hippy du temps, sans prétention, mais sans se ridiculiser. Les
albums (en gros un tous les huit mois) cartonnent …
Chaque médaille ayant son revers, CCR a sa dark
side. Le Tom, de star du groupe lors de ses dures années originelles, est un
faire-valoir, un comparse de John qui lui focalise regards et louanges. Le bond
frisé va très mal vivre cette situation, les rapports avec les autres et
surtout son frangin seront vite détestables et il quittera le navire après l’enregistrement
de « Cosmo’s Factory ». Et puis, les albums de Creedence sont
inégaux. Même s’ils contiennent toujours les singles. Parce que Fogerty a la fâcheuse
habitude d’étirer des titres au-delà du raisonnable, dans des jams bluesy cotonneuses,
à faire passer les frères Allman pour des types concis et Canned Heat pour un
groupe plein d’imagination. Tous leurs meilleurs disques (les cinq premiers) comptent
en leur sein ces pénibles « Suzie Q pt I & II », « Graveyard
train », « Keep on chooglin’ », « Ramble tamble », « I
heard it to the grapevine ». De leur discographie, « Cosmo’s factory »
est toujours cité comme leur apogée. Désolé, mais avec « I heard it … »
et « Ramble tamble », soit vingt minutes et donc la moitié du disque,
z’êtes sûr ? « Cosmo’s … » est très daté et commence à perdre de
cette dynamique, de cette fougue qui faisaient tout le succès et le son
Creedence des singles. Perso, je trouve celui d’avant, « Willie & the
poor boys » infiniment meilleur, c’est le plus roots, aucun titre
au-dessus des six fatidiques minutes.
John Fogerty
Venons-en à « Legend » donc. Un coffret de
trois rondelles sorti au milieu des années 90. Réédité par Warner Jazz ( ? !
) France en 2002. Remastérisé pour l’occasion en 24 bits, et avec un bon livret
bilingue (une page en français, en face la version anglaise), dans lequel j’ai
pioché les infos biblio du dessus. Rien à dire, bel objet. D’autant plus que
comme Creedence n’a sorti que sept albums studio (plus un live très dispensable),
les six premiers sont dans l’ordre chronologique sur le coffret plus les trois
singles (plutôt corrects) issus de leur chant du cygne, le plutôt mauvais « Mardi-Gras ».
Pas une intégrale studio, mais pas loin. D’autant que (voir les rééditions avec
bonus des albums pris séparément), il semble bien qu’il n’y ait que peu de
matériel studio inédit chez Creedence (faut dire qu’à la vitesse où ils
paraissaient, ça laissait pas trop de temps aux fioritures et aux
expérimentations).
On peut donc mesurer l’évolution du Creedence sound
(un peu fouillis aux débuts, genre swamp-rock), celui-ci culminant à mon sens
sur « Green river » (le troisième, le plus rêche, avec Fogerty qui ne
chantera plus jamais aussi sauvage). Ensuite, très discrets sur « Cosmo’s … »,
les instruments additionnels au strict deux guitares basse batterie des débuts
viendront encombrer le paysage sonore (claviers, cuivres façon revue Stax sur « Pendulum »).
C’est joli, bien fait, « surproduit » par rapport aux débuts, mais la
magie et la hargne de la jeunesse sont partis …
Creedence a vécu un peu en marge de la musique
dominante américaine (apparition – quelconque – du groupe à Woodstock étant l’exception
qui confirme la règle), mais en sachant garder les pieds sur Terre. Trois chansons,
et pas des moindres (« Fortunate son », « Who’ll stop the rain »,
« Have you ever seen the rain ») font référence au conflit du Vietnam
et valent bien dans l’esprit les pamphlets de Country Joe ou le « Machine
gun » d’Hendrix et de sa bande de gypsys.
Fogerty, s’il a pas mal visité les autres, est un
grand auteur. Et une marque de fabrique américaine, purement américaine. Sans
doute que sans lui, les carrières de Bob Seger ou Springsteen n’auraient pas
été les mêmes, pour parler des plus évidents. Fogerty a pas mal repris, mais a
laissé quelques bornes de la musique populaire américaine difficilement
contournables. Deux exemples suffisent. Tina (et Ike) Turner ont boosté leur
carrière lorsque Tina s’est mis à reprendre de façon fellatoire (le sort qu’elle
faisait au micro, avec les Ikettes poussant à l’orgasme aux chœurs) « Proud
Mary » (pourtant une histoire toute con d’un bateau avec roues à aubes qui
descend un fleuve), et la seule « Run through the jungle » (déjà un
titre un peu à part dans le répertoire de Creedence) reprise par le Gun Club a
généré tous les les groupes de rock « torturés » des années 80 (Noir Désir
par ici) … Sans parler du « Fortunate son » adapté par Labro pour feu
Hallyday …
Creedence était, en dehors de son trajet interne, de
toutes façon condamné. Un clone bruyant et bourrin (Grand Funk Railroad, un nom
en trois mots, tiens tiens …) le remplaçait en haut des charts à grands coups d’hymnes
démagos et simplets. Et de toute façon Led Zeppelin mettait aux States tout le
monde d’accord …
Creedence est un groupe essentiel. Dont les albums
pris un à un le sont moins …
« Thelma
et Louise » c’est l’histoire de deux mecs qui partent un weekend à la
pêche …
Euh non, on
la refait … C’est pas deux mecs, mais ça aurait pu. On a tellement l’habitude
de voir des mecs dans ce genre de situation…
Ridley Scott face à Thelma & Louise
Louise (Susan
Sarandon) est serveuse dans un diner de l’Arkansas. Elle a un mec cool, Jimmy
(Bernie Madsen), un peu gauche, taiseux et fruste, qui sait pas trop comment
s’y prendre avec elle, mais qui l’aime. Elle a aussi une copine, Thelma (Geena
Davis), grande nunuche mariée à un crétin macho terminal, Darryl (Christopher
McDonald). Pour se sortir de son train-train de burgers à la chaîne, Louise
propose à Thelma une virée (la pêche est un prétexte), manière de se retrouver
entre nanas, de s’éclater un peu en oubliant les deux plus ou moins lourdauds
qu’elles doivent se fader au quotidien …
Avec un sujet
pareil, tu fais un téléfilm fauché, obligatoirement fauché, de France 3
Limousin. Ou un putain de grand film. Parce que « Thelma et Louise »
est un putain de grand film. Bon, y’a Ridley Scott à la caméra, ça aide. Le
Ridley Scott de « Alien » et « Blade Runner », icelui même
… Qui peut s’appuyer sur une merveille de scénario (Callie Khouri, qui obtiendra
le seul Oscar attribué au film, alors que Scott, Davis et Sarandon étaient
nommés).
Le génie de
Khouri, c’est d’avoir fait d’une histoire a priori de mecs un film féministe.
Certains sont allés plus loin, ayant voir dans « Thelma et Louise »
une ode à l’homosexualité ( ? ), voire du sexisme à l’envers ( ?? ).
Mais « Thelma et Louise » survole tellement de genres …
Un western
moderne ? Affirmatif. On y voit, à la limite de l’anachronisme, un cowboy
habillé comme il y a cent ans sur son canasson attendant devant un bar, la
Thunderbird traverse à un moment un troupeau de vaches, la bagnole emprunte des
chemins de travers(e) dans des flots de poussière, le premier bar où les deux
nanas ont la mauvaise idée de s’arrêter ressemble à un saloon, la scène avec le
camionneur obscène qui pense qu’il se va se taper les deux nanas, c’est filmé
comme du Sergio Leone… Et que celui qui me dit que le plan final et l’issue
fatale de « Thelma et Louise » ne sont pas calqués sur ceux de
« Butch Cassidy et le Kid » se fasse connaître, il gagne un bon de
réduction chez Ooooptic 2000 …
Un flic, Pitt & Keitel
Un road
movie ? Affirmatif. Au moins la moitié du film se passe dans la Ford
Thunderbird verte, qui part de l’Arkansas avant de terminer son périple en
Arizona (le Grand Canyon du Colorado), en évitant soigneusement le Texas (on
comprend pourquoi vers la fin). Parce que les autres héroïnes du film, non
citées au générique, ce sont les highways du Sud des USA, et les paysages
grandioses les entourant.
Un
drame ? Affirmatif. Parce qu’il y a du sang, des larmes et des morts et
que ça commence mal, et que ça pourrait assez bien finir, mais que ça finit
(très) mal …
Une
comédie ? Affirmatif. Parce Thelma est une gaffeuse candide qui n’en loupe
pas une, que son type est une caricature de beauf, parce que les scènes en
parallèle dans lesquelles Thelma et Louise font leurs valises nous montrent
bien qu’il va y avoir choc de caractères … Parce que le braquage d’une épicerie
par Thelma filmée par la vidéosurveillance contient un vocabulaire totalement
lunaire pour la circonstance, parce que le braquage du flic par Thelma avec une
Louise qui confond radio et autoradio n’engendre pas la tristesse … sans parler
du rasta cycliste et la tête de Thelma après sa nuit folle au motel avec Brad
Pitt (dans le rôle d’un jeune playboy détrousseur, rôle qui lancera sa
carrière).
Et puis
(surtout ?), il y a toutes ces scènes dont beaucoup se seraient pas
encombrés et qui tirent le film vers le haut. Les personnages sont fouillés, on
prend le temps d’expliquer pourquoi Louise, au début la plus calme et posée des
deux, flingue un type qui la traite comme une pute, on a un long tête à tête
entre Jimmy et Louise au milieu du film qui précise leurs deux personnages, on
assiste à la lutte d’influence entre un brave flic qui veut éviter le pire (excellent
Harvey Keitel, jusque-là confiné dans des rôles de brute) et les bourrins du
FBI qui veulent régler l’affaire au plus vite et de préférence de façon
expéditive …
Avec « Thelma
et Louise », on en prend plein les mirettes. Parce que Scott sait tenir
une caméra, ça on commençait à le savoir, et que sa référence c’est Kubrick, peut-être pas de façon aussi ostentatoire qu’à ses débuts, mais ça continue de se voir, avec
ce sens du cadrage millimétré, et ce soin maniaque apporté à la lumière et aux éclairages.
Et s’il ne
fallait qu’une raison (ou une preuve) pour montrer qu’on a affaire à un film
majeur, il y a dans « Thelma et Louise » la meilleure utilisation
jamais faite de « The ballad of Lucy Jordan » de Marianne Faithfull dans
une B.O., et Dieu sait cette chanson a été utilisée dans le cinéma. Là,
raccord avec un trajet nocturne (comme d’hab lorsqu’on s’en sert), mais avec
les paroles totalement en phase avec la situation de Thelma et Louise (en gros
la crise mélancolique de la quarantaine). Sans pour autant zapper le reste de
la partition musicale (Hans Zimmer, pas exactement n’importe qui), avec un
autre raccord parfait (le rasta cycliste, complètement envapé avec son joint
XXL qui écoute – évidemment – le « I can see clearly now » de Johnny Nash)
…
Version Blu-ray
du 20ème anniversaire superbe, netteté absolue, malgré le
commentaire du film par Ridley Scott non sous-titrée.
Anecdote révélatrice, ce film a
pu être diffusé en salles grâce à l’intervention d’Allen Klein, manager véreux,
forcément véreux, ayant frayé avec les Stones et les Beatles, et mis sur le
coup « El Topo » par Lennon et Yoko Ono, qui honorèrent la première
new-yorkaise du film de leur présence et ne tarirent pas d’éloges à son sujet…
Pour clore l’anecdote, signalons que Jodorowsky ne manque pas une occasion de dire
du mal, beaucoup de mal, de Klein …
Jodorowsky - El Topo
« El Topo » (la taupe
dans la langue de Gérard Collomb) est un western. Mais pour que ça plaise à
Jojo et Yoyo, autant dire qu’on n’est pas vraiment dans la lignée Ford – Wayne.
Plutôt dans celle du Peckinpah de « La horde sauvage » (dont au
passage le décor du village où a lieu la baston finale est utilisé par
Jodorowsky pour figurer sa cité minière). Même si « El Topo » ne se
contente pas, et c’est un peu beaucoup son problème, de geysers d’hémoglobine à
chaque impact de balles, et Dieu sait s’il y en a dans « El Topo »
des gunfights … Tiens, puisque j’ai cité Dieu, signalons aussi que « El
Topo » est un western sinon religieux, du moins mystique, voire chamanique,
et qui suit la quête morale et spirituelle de son héros … Sans qu’on comprenne
d’ailleurs à première vue ce qu’il cherche … et plusieurs visionnages laissent
à peu près toujours autant de points d’interrogation … mais enfin, si ça a plu
à Lennon …
« El Topo » est le
film d’un homme. Et d’une époque.
L’homme, c’est Jodorowsky,
exilé chilien et citoyen du monde libre (c’est-à-dire le monde où on trouve du
LSD et des pilules de toutes les couleurs en vente libre). Acteur, réalisateur,
mime, adepte des tarots (il paraît que Mitterrand, entre autres politiques, le
consultait), le prototype de l’artiste total très éloigné des basses contingences
matérielles de notre pauvre monde à nous (d’ailleurs, il estime même encore qu’aujourd’hui,
le cinéma comme la musique et l’art en général devraient être mis gratuitement
à la disposition de tous, et n’a pas de mots assez durs contre les producteurs
et les distributeurs du septième art).
If you want blood ...
L’époque, c’est la fin des sixties,
et de toutes les utopies et révoltes que cette décennie a engendrées. Fini l’universalisme
baba, retour vers la « vraie vie » et l’individualisme qui va avec. « El
Topo » s’adresse à tous ceux qui ont choisi de vivre à côté ou en marge du
système. Pas un hasard si le film deviendra culte dans ce qu’on appellera les « midnight
movies », ces films « différents » projetés uniquement dans les (très)
grandes villes lors de séances nocturnes dans parfois une seule salle où ils
restent à l’affiche des mois voire des années.
Parenthèse. Dans l’édition Dvd
de « El Topo » parue chez Wild Side (qui propose autre chose en terme
de « produit » que les éditions minables de TF1 Vidéo ou Studio Canal
qui remplissent les bacs), il y a sur un second Dvd un documentaire d’une heure
et demie sur ces fameux « midnight movies » dont les six prétendus
principaux sont mis à l’honneur, avec nombreux extraits et interviews des réalisateurs
et de tout un tas de protagonistes impliqués dans ces œuvres. Les winners de ce
genre très particulier sont donc « El Topo », « Pink Flamingos »
de John Waters, « La nuit des morts-vivants » de Romero, « The harder
they come » de Perry Henzel, « The Rocky horror picture show »
de Jim Sharman et le « Eraserhead » de David Lynch… des films bien
allumés sans autre point commun que d’être devenus cultes en passant seulement
à minuit dans des salles confidentielles. Fin de la parenthèse …
No comment ...
« El Topo » est un
film totalement improbable. Jodorowsky a un scénario, et ne réussit à trouver
qu’une poignée de dollars pour son film. Pas vraiment prévu au départ, il
passera derrière la caméra. Et aussi devant, parce qu’il se donne le rôle
principal (normal, c’est un film quand même très personnel) toujours par la
force des choses financières. Il tournera au Mexique (où la vie, les figurants
et les acteurs ne sont pas chers), assemblant un casting totalement improbable.
Deux exemples, l’actrice principale, même des années après, il ne connaît pas
son nom. Créditée au générique Mara Lorenzo, c’est une anglophone (tout ce dont
est sûr Jodorowsky) sous acide qui errait totalement défoncée dans les rues de Monterey
et dont ce sera apparemment la seule prestation filmée. Un des autres
personnages féminins majeurs est une hôtesse de l’air en plein trip de LSD au
boulot, et sur la seule foi de cet état second immédiatement recrutée par le
Jodo. Elle aussi disparaîtra des radars du milieu cinématographique. Pas sûr d’ailleurs
que des « professionnelles » soient allées aussi loin dans la provoc
en images (d’après Jodorowsky, ce sont elles deux en très gros plan et toute
langue dehors qui se donnent le premier baiser lesbien de toute l’histoire du
cinéma …). Et puis pour une scène de « groupe », ou de partouze pour
faire simple, ce sont les résidentes des bordels mexicains qui viennent faire
de la figuration … Sans parler de la galerie de « monstres », cette
communauté incestueuse et difforme maintenue en esclavage dans une mine, avec
des personnages venus en droite ligne du « Freaks » de Tod Browning (bizarrement,
alors que Jodorowsky s’étend longuement dans les bonus sur le pourquoi de ces personnages
amochés par la vie dans son film, jamais il ne fait référence à celui de Browning
…)
« El Topo », on
début, on arrive à suivre. Un justicier tout de cuir noir vêtu (cherchez pas plus
loin où Lemmy et ses Motörhead sont allés chercher leur look de pistoleros
chevelus sur la pochette de « Ace of Spades »), accompagné de son
bambin tout nu (le vrai fils de Jodorowsky, qui évolue au milieu de mares de
sang et achève les types d’un coup de révolver dans la nuque, bonjour les
souvenirs d’enfance…), dégomme sauvagement une troupe de bandits (homosexuels,
ils sont habillés comme s’ils sortaient de chez Michou) qui ont zigouillé sadiquement
la population d’un petit patelin. Fort de ce succès, et se sentant une mission et
un destin divins, El Topo parcourt le désert à la recherche de quatre maîtres
prétendument invincibles qu’il tue un par un. Avant d’être canardé par ses deux
femmes-complices-compagnes, d’être récupéré blessé par les freaks de la mine,
de devenir une sorte de gourou zen, de les libérer, avant un final sanglant où à
peu près tout le casting laisse la peau, El Topo finissant par s’immoler …
Une cavalière surgit au-delà de la nuit ...
Evidemment, quand on connaît
Jodorowsky, tout cela se passe dans un fouillis d’allusions, de symboles, d’allégories,
de visions mystiques assez hermétiques au commun des mortels … Et comme l’homme
est de culture hispanique, la religion est au centre de pas mal de séquences. D’une
façon totalement iconoclaste pour ne pas dire mécréante. Les moines otages des
tueurs se vengent de ceux qu’à laissé en vie El Topo en les dégommant à la
mitraillette, les « maîtres » qu’affronte Jodorowsky représentent
plus ou moins des courants de pensée philosophico-religieux, et dans la cité
minière le curé officiel assure sa suprématie morale en organisant des séances
de roulette russe pendant les offices. Figure aussi en bonne place dans les étranges
drapeaux religieux de cette étrange paroisse, le symbole du psychédélisme (un œil
dans un triangle, cf. la pochette du 1er 13th Floor Elevators). Quand
El Topo se fait canarder par ses maîtresses, elles lui infligent les mêmes
blessures que celles du Christ sur la croix … El Topo soigné par les monstres
dans la mine se voit réellement renaître et trouve son destin après une rencontre
avec une vieille femme chaman (une vraie chaman venue tourner cette scène selon
Jodorowsky …)
Rajoutez quelques séquences
totalement absurdes (volontairement), témoin ce rodéo avec des Noirs à la place
des taureaux, Noirs capturés au lasso, marqués au fer rouge et qui finissent
esclaves sexuels de mémères bourgeoises dans la cité minière. On pense bien évidemment
à Fellini, autre spécialiste de l’image choquante et dérangeante, et qui selon
la rumeur (la légende ?) a tourné ses masterpieces des sixties parfois
sous acide …
En conclusion, « El Topo »
est un film qui se regarde en ayant soin de laisser toute forme de logique et
de rationaliste au vestiaire…
L’autre Elvis, quand il a débuté dans la tornade
punk, il a aligné pendant quelques années des dizaines de titres, au moins un
album par an pendant dix ans. Point culminant : « Imperial
bedroom » en 1982. Et jetés façon rafale de kalachnikov deux follow-ups
« Punch the clock » (de grands titres surproduits) et « Goodbye
cruel world » (de mauvais titres surproduits). Et puis il est passé à
plein d’autres choses, produisant ( après le premier Specials, le premier
Pogues), s’est rêvé en King of America, a fait des rondelles avec plein de gens
(de Sir Paul McCartney à la cantatrice Anne Sofie Von Otter, ça ratisse large),
a épousé la bassiste des Pogues puis Diana Krall, et continué à sortir des
disques à la pelle.
Elvis Costello 2018
Dont j’ai acheté quelques-uns, sur la foi de types
qui juraient leurs grands dieux que là, ça y était, le grand Costello était de
retour. Des galettes que j’ai écouté en travers (qui étaientpeut-être meilleures que les deux-trois
d’avant) et qui depuis prennent la poussière sur une étagère. Ce coup-ci, avec
« Look now », les exégètes du bonhomme ressortent le baratin habituel
dans lequel le mot chef d’œuvre revient à chaque phrase. Ils ont tort,
évidemment, mais beaucoup moins que d’habitude.
Parce que « Look now » est d’abord une
grosse surprise. Il y a quelques mois, Costello interrompait une tournée pour
se faire opérer selon ses termes « d’un cancer agressif ». Rémission
en vue ou chant du cygne, j’en sais rien, mais le gars Elvis a visiblement jeté
toutes ses forces dans cette rondelle. Entouré de ses vieux briscards de
toujours (Pete Thomas aux fûts, Steve Nieve aux claviers, soit les deux tiers
de ses historiques Attractions, plus son bassiste habituel depuis longtemps
Davey Faragher), il a même décroché sa première collaboration avec une de ses
idoles, Burt Bacharach (90 ans, et toujours bon pied et bonnes mains, puisqu’il
joue du piano sur les trois titres qu’il a co-écrits). Les titres co-écrits avec
Bacharach sont pas une pièce rapportée, ils s’inscrivent parfaitement dans la
logique et dans la tonalité générale de « Look now ».
Costello & The Imposters
Bacharach, c’est une des institutions du Brill
Building (cet immeuble de Manhattan qui servait de repaire aux auteurs-compositeurs
dans les années 60). Parce qu’à l’époque, au siècle dernier encore vierge de
toutes les saloperies voyeuristes du Net, genre Instagram, Facebook et
consorts, la situation aux States était simple : hormis les blueseux et
les folkeux (et dans une moindre mesure quelques rockers), il y avait ceux qui
chantaient et ceux qui leur écrivaient les chansons. Ce sont les anglais,
Beatles et Stones, qui ont inventé la notion de groupe où très vite, les types
se sont mis à chanter leurs propres morceaux. Les Américains ont suivi, bien
sûr, avec un petit temps de retard, mais la lignée des auteurs-compositeurs a
eu encore de beaux jours, soit qu’il soient mercenaires ou qu’ils soient
salariés par un label (Stax, Motown, …). Bacharach est un des plus illustres (des
hits à la pelle pour plein de gens, dont son interprète fétiche Dionne
Warwick). Toute cette digression pour dire que pour Costello, qui a toujours
tourné autour de la chansonnette, travailler avec Bacharach, c’est atteindre le
Graal …
« Look now » est un disque de chansons,
n’ayant plus rien à voir avec le punk, le rock, le reggae, la pop, autant de
genre déjà abordés il y a des décennies par Costello. Pour situer, faut
envisager cette galette comme celles publiées par les grandes voix, genre
Presley de la fin ou Sinatra de toujours. Le gros problème de Costello, c’est
que s’il est capable d’écrire tout seul des choses d’un classicisme
tarabiscoté, il lui manquait la présence et l’assurance vocales nécessaires à
l’exercice. Et là pour le coup, il chante mieux que jamais, des mélodies parfois
complexes où il faut cumuler technique et feeling.
Burt Bacharach 2018
Il y a des choses d’une évidence absolue, la
chanson-titre (Costello et son Band plus juste Bacharach au piano), le dépouillement
de quelques ballades éternelles down-tempo (« Stripping paper »,
« Photographs can lie »). En règle générale, les compos sont
excellentes. Sauf que parfois, manière de rentabiliser tous les musicos
additionnels (une armée de violons et de claviers, des vents, des cuivres, des
choristes), les arrangements sont à limite de l’étalement ostentatoire de
richesse. A comparer avec la production de « Imperial bedroom »
(Costello aidé par rien de moins que Geoff Emerick, l’ingé-son de George Martin
à Abbey Road), qui laissait respirer les chansons. Sur « Look now »,
les mélodies croulent, voire sont étouffées sous les arrangements. Quelquefois,
il aurait fallu que Costello se souvienne que less is more, il suffit de
comparer la finesse incroyable de « I let le sun go down » avec
« He’s given me things » (la moins bonne des trois cosignées avec
Bacharach), où pourtant l’instrumentation pléthorique est la même.
Malgré ces réserves, il reste de grands titres.
Parce que tous sont pas des minots, sont des compositeurs de très haut niveau
(Costello), des instrumentistes de haut vol (Steve Nieve), que tout le monde
est depuis longtemps à l’abri des pressions du music business se plaît à
exercer sur ceux qui débutent. Et tant qu’on en est à causer troisième âge,
signalons la présence à l’écriture sur un titre, l’excellent « Burnt sugar
is so bitter » d’une autre très grande du Brill Building, Carole King.
« Look now » est couplé dans sa version Deluxe
avec un EP quatre titres (« Regarde maintenant ») de facture et de
ton similaires, mais qui donne l’occasion d’entendre Costello chanter en français
(« Adieu Paris »). Enfin on sait qu’il chante en français en lisant
les paroles, parce que c’est encore plus incompréhensible que la VF du « Heroes »
de Bowie, ce qui n’est pas rien …
« Look now » un bon disque de Costello ?
Affirmatif. Du niveau de ses meilleurs ? Euh, faut pas pousser …
« Les Bronzés », premier du nom
est un film culte. Dont on n’a pas le droit de dire du mal, donc …
Je pourrai donc même pas
suggérer que c’est filmé avec les pieds, que le scénario est inexistant, qu’on
n’imaginait pas plus belle bande de tocards s’agiter devant une caméra dans une
succession de gags tous plus éculés (de ta mère) les uns que les autres … « Les
Bronzés » est d’une complaisance, voire d’une autocomplaisance dont un
type comme Godard ne s’est jamais approchée, même dans ses pires moments …
Ceci étant, pour le pauvre
Leconte (est pas bon), voir son blaze voisiner avec celui de Godard est déjà
très nettement le surestimer. Non, Leconte (est pas bon), c’est juste un Max
Pecas peinturluré rive gauche … enfin, si tant est qu’on puisse situer Clavier (copain
comme cochon avec le nabot Sarko) à la gauche de quoi ce soit…
« Les Bronzés » est déjà
très bien comme ça … on peut juste regretter qu’il manque au casting Bigard et Dubosc.
Pour « Les Bronzés 4 » peut-être …
Y'a pas de quoi être fiers ...
Plus je regarde ce film (une
fois tous les dix-quinze ans à peu près) plus il me gave, avec son interminable
litanie de clichés beaufs (non, Jugnot fait pas exprès de ressembler à un
personnage de Cabu, il est aussi con dans la vie que dans ses films), voire une
condescendance raciste (ces scènes dans le village Ivoirien, comme quoi les
relents rances du colonialisme ont la vie dure), l’enfilade des clichés machos
dignes des discussions d’un apéro prolongé dans un quelconque bar de la Poste.
J’ai jamais entendu les
prétendus gens de gauche (Balasko par exemple) impliqués dans cette chose faire
la moue devant ce qu’on voit à l’écran (elle a d’ailleurs été des deux suites
de ce machin). On voit par contre tous ces minables se précipiter dans les
fauteuils rouges du cacochyme Drucker vendre la dernière daube à laquelle ils
ont participé, ou chanter faux une reprise de Serge Lama chez les « Enfoirés »,
comme quoi l’autogestion bordélique limite anarchisante du Splendid (on est une
communauté, on partage tout, ce genre de sornettes claironnées haut et fort à l’époque
…) a vite touché ses limites, une fois les premiers brouzoufs arrivés …
« Les Bronzés », c’est
tellement con qu’il y a même deux ou trois gags (parce que c’est pas un film, c’est
juste une suite de gags) qui me tirent un sourire quand je suis de bonne humeur
…
Quand on pense que leurs « concurrents »
(l’équipe du Café de la Gare, qui en accueillera par la suite quelques-uns du
casting des « Bronzés ») sortaient des films comme « Les Valseuses »
lorsqu’ils donnaient dans le cinéma …
Preuve ultime du mauvais goût de
la chose (et des gens qui l’ont faite) : Gainsbourg a filé pour la B.O un
de ses pires titres jusque-là (il a fait « mieux » dans sa période
Gainsbarre), le pitoyable « Sea, sex and sun ». Nettement moins
mauvais que le mantra « Darladirladada » qui revient toutes les cinq
minutes, mais quand même …
Je ne saurai terminer sans
remercier la maison Studio Canal pour la qualité de ses Dvd dotés de zéro bonus
et d’une qualité d’image digne d’une VHS nord-coréenne des années 70 … Sans doute
pourque la fête soit complète …
Sir Paul McCartney, musicien anglais, né en 1942, et
donc 76 ans au compteur. Des types dans son genre qui étaient là au début du
machin, il en reste vivants, en comptant large, une paire de poignées dans le
rock-pop-bidule-truc … Et bizarement, la plupart continuent de sortir des
disques et de donner des concerts. Alors qu’ils sont multi-milliardaires et
pourraient se la couler douce en EHPAD en faisant sauter leurs arrière
petits-enfants sur leurs genoux …
Faut croire que pour continuer dans la musique à ces
âges canoniques, ils le font parce qu’ils aiment ça et que de toute façon ils
savent pas et n’ont pas envie de faire autre chose. Mourir sur scène semble être
la fin recherchée par les Jagger, Richards, Lewis, Little Richard, Townsend,
Daltrey, Davies, Morrison. Et Macca donc (ouais, je sais, j’ai oublié Ringo,
qui est plutôt bien sur scène avec son All-Star Band, mais qui a jamais sorti
un disque écoutable de sa vie en solo …).
Donc le dernier McCartney s’appelle « Egypt
Station », se présente sous la forme d’un carton dépliant genre accordéon
et est enluminé par des peintures du Paulo himself. Ah ouais, il y a un dique à
l’intérieur aussi. Certains disent que c’est son meilleur depuis « Chaos
and creation … », voire depuis « Band on the run ». Les plus
sourds de ses fans citent même « RAM » (ce qu’ils prouve qu’ils sont
sourds, « RAM » s’apparentant beaucoup plus à une purge qu’à un
chef-d’œuvre). Certains, perdant tout sens de la mesure et de la retenue
évoquent la seconde face de « Abbey Road »… Faut raison et oreille
objective garder, les enfants …
« Egypt Station », d’accord, il est pas
mal, et oui, c’est sûr, Sir Paul il en a sorti de plus mauvais que ça. De là à
miauler au génie retrouvé …
D’abord, le Paulo, il a plus toute sa voix. Il
chante toujours bien et juste, mais ne prend aucun risque (comme le Bowie de la
fin) et sa voix n’est plus reconnaissable à la première mesure, elle est
devenue quelconque.
Des fois aussi, le Paulo, il a plus toute sa tête,
ni toutes ses oreilles. Il y a dans « Egypt Station » des titres qui
auraient dû rester dans les tiroirs de Capitol. Surtout qu’il nous en sert
quatorze (plus deux courts intermèdes comme les rappeurs bas du front en
glissent dans leurs rondelles) pour quasiment une heure. Le calcul est simple,
un tiers de titres en moins, ça aurait fait quarante minutes qui auraient eu de
la gueule.
Yeux bandés et direction le poteau d’exécution, sont
appelés à comparaître « Hand in hand » ballade au piano comme Obispo
peut en écrire une chaque matin, l’idiotie new wave « Back in
Brazil » (on est plus en 1980, Paulo, c’est quoi ce machin ?).
« Caesar rock » n’est ni rock ni impérial (parenthèse subliminale, ça
me renvoie l’image d’un atroce disque d’Iggy Pop « American
Caesar »). Quand aux deux choucroutes à la chantilly et crème de marron
que sont « Despite … » (on dirait du Genesis des années 80, la honte
…) et le medley « Hunt you down … » gâché par une ignoble partie
centrale sur un rythme de valse électronique, ils montrent bien que Sir Paul ne
changera jamais, capable de temps à autre de livrer des machins d’une mièvrerie
et d’un je m’en foutisme édifiants (on peut pas refaire à chaque coup un
« Hey Jude » en étant en totale roue libre…).
Greg Kurstin & Sir Paul
Ce qui fait quand même un gros de paquet de titres, qui
ne changeront certes pas la face du monde, mais qui se laissent écouter, et
plutôt plusieurs fois qu’une. Parce que Macca est un génie de la chanson
mélodique, que la recette c’est quasiment lui tout seul qui l’a inventée, et
qu’il est encore capable de la retrouver quand il veut … Meilleurs exemples,
des titres comme « Do it now » ou « Dominoes », la première
aurait pu être écrite il y a cinquante ans du temps de son groupe de jeunesse,
la seconde aurait pu figurer telle quelle sur « Band on the run »…
tant ça sonne en roue libre, d’une simplicité confondante. A priori des machins
totalement anecdotiques, mais les types capables d’écrire des chansons comme
ça, en comptant ceux qui peuplent les cimetières, il en a pas existé une
demi-douzaine. Surtout que sans avoir l’air d’y toucher, le Paulo est aussi
capable de sortir des titres qui te mettent l’eau à la bouche avant même d’en
avoir entendu la moindre note. On ne baptise pas impunément un morceau
« People want peace » sans que le fantôme d’un sien ami de jeunesse à
binocles rondes chantonnant « Give peace a chance » surgisse
immédiatement. Surtout quand le morceau en question sonne comme du Lennon du
début 70’s… « I don’t know » d’entrée, commencée sobrement au piano
et qui gagne peu à peu en ampleur, rien à dire, c’est bien foutu, même si Macca
a fait mieux dans le genre … « Happy with you » tu peux croire que
c’est un inédit de « Rubber soul » ou « Revolver », tous
les ingrédients sont là … Et « Fuh you » montre que McCartney peut
atteindre des sommets stratosphériques en faisant aujourd’hui encore aussi bien
que les plus doués de ses imitateurs (MGMT ou The Coral au hasard)
Tout ça nous fait un disque certes un peu longuet, doté
d’un son roboratif (Greg Kurstin, coupable d’avoir gagné sa vie en produisant
toutes les Lily Allen, Beyoncé, Britney Spears, Katy Perry, Pink, … qui
passaient à portée, avant de revenir ces derniers temps dans le droit chemin en
bossant pour les Shins, les Foo Fighters ou Liam Gallagher), de types qui
assurent (contrairement à ce qui est parfois annoncé, « Egypt
station » n’est pas un disque solo même si le Paulo est crédité de tous
les instruments, plein de gens, dont notamment les types qui l’accompagnent sur
scène jouent sur le disque), une grosse poignée de bonnes chansons…
On va pas lui jeter la pierre pour ça, ni d’un autre côté
présenter « Egypt Station » comme un mausolée musical. McCartney a
fait ce qu’il sait faire de mieux, un disque de McCartney …