CURTIS HANSON - L.A. CONFIDENTIAL (1997)

Flics et voyous ...

Il y a des gens dont on n’attend rien. De bon ou mauvais. Curtis Hanson fait partie de ces réalisateurs dont tout le monde se fout, qui tourne des films dont tout le monde se fout, critique comme public …
Et puis, sans que l’on sache pourquoi, le type sort un machin qui met tout le monde d’accord, un très gros succès populaire encensé par tous ceux que l’on paye pour donner leur avis sur ce qu’ils ont vu avant les autres sur un écran. Moi personne me paye, ce qui évidemment ne donne donc aucune valeur à mon avis. Et pourtant je le dis haut et fort, « L.A. Confidential » est un super film.
Pearce, Hanson & Crowe
Un film auquel on a bien du mal à comprendre quelque chose la première fois, parce qu’ici il n’y a ni bons ni méchants. Juste un tas de types plus ou moins pourris, et qui dans le meilleur des cas agissent pour eux et non pas forcément pour ce pourquoi ils sont payés. « L.A. Confidential » est une histoire de flics, plus ou moins corrompus, qui s’agitent dans le Los Angeles des années cinquante. Autour d’eux gravitent des femmes (bizarrement, mieux traitées dans le scénario, même si une finira à la morgue et l’autre … on en reparlera), et toute une faune allant du journaliste cupide et partial, aux politiques dépravés ou manipulateurs, en passant par les milliardaires proxénètes et les immigrés (surtout les chicanos) en bons clients qu’on tabasse ou flingue impunément.
A la base de « L.A. Confidential », un bouquin de James Ellroy, qu’il est inutile de présenter, tant son nom est associé aux polars glauques et désespérés, un descendant-successeur des Hammett ou Chandler, les rails de coke en plus … Dire que l’intrigue est aussi compliquée que celle du « Faucon maltais » ne relève pas de la litote. Faut dire qu’il n’y a pas un mais plusieurs protagonistes principaux et que leurs histoires pas très nettes finissent par se croiser lorsque des enquêtes qu’ils mènent chacun de leur côté deviennent une seule et même affaire.
Les flics
On ne peut pas ne pas penser au « Chinatown » de Polanski pour plusieurs raisons : les reconstituions méticuleuses et pointilleuses du Los Angeles d’une époque révolue, chez Polanski les années 30, ici les années 50, le rôle crucial de la femme qui fait avancer le scénario, Dunaway vs Basinger, et les deux enquêtes qui évoluent et finissent dans les plus hautes sphères de la société de la ville. On a aussi des différences notables, dans « Chinatown » il n’y a vraiment qu’un type qui mène l’enquête (et Nicholson n’est même pas flic, c’est un privé), et ses méthodes (no guns et le moins de bastons possibles) tranchent radicalement avec l’atmosphère violente voire ultra-violente de « L.A. Confidential ». Hanson cite aussi « Le grand sommeil » (avec Bogart et Bacall) comme source d’inspiration. Comme il y a des décennies que je l’ai pas vu, je lui fais confiance …
Le film doit tout à Hanson. C’est lui qui écrit l’adaptation du bouquin d’Ellroy, et s’en va à la pêche aux producteurs. Le sulfureux Arnon Milchan (mais au nez très creux lorsqu’il s’agit de faire des cartons au box-office) est séduit par le projet ambitieux de Hanson qui sent qu’il a un super scénario et envisage d’entrée la superproduction hollywoodienne. Milchan commence à se gratter la tête lorsque Hanson lui annonce ses deux acteurs tête d’affiche : Russell Crowe et Guy Pearce. Deux métèques donc. Totalement inconnus du public américain (et de celui du reste du monde aussi, d’ailleurs). L’un est néo-zélandais et a marqué Hanson par un rôle se skinhead facho et violent (pléonasmes) dans « Romper stomper » (que je recommande au passage), l’autre en jouant une drag-queen dans « Priscilla, folle du désert » (que je recommande aussi).
Crowe sera donc un flic brutal, révélant au monde entier un baraqué castagneur, le genre de rôle qu’il endossera à peu près toute sa carrière. A côté de son personnage, Eastwood dans « Dirty Harry », c’est l’Inspecteur Gadget … Pearce sera un flic honnête (à peu près le seul du scénario) au départ, mais qui finira par carriérisme d’abord puis par Basinger alpagué, et finalement lorsqu’il sent qu’il peut régler une affaire toute perso (retrouver l’assassin de son père, flic aussi et tué dans des circonstances non élucidées en service), par déraper sérieusement vers la haine et la violence.
Autre flic du casting, Kevin Spacey, le flic corrompu jusqu’à l’os, plus ou moins associé à Danny DeVitto, journaliste d’une feuille de chou à scandale. Les deux se refilent des infos (et du pognon) pour booster leurs carrières respectives, en évoluant dans la high society, à l’affût du moindre ragot ayant à voir avec la drogue, l’adultère, la prostitution et les trafics divers. Les deux finiront mal, le premier sur la voie de la rédemption, le second parce qu’il est devenu une pièce à conviction gênante … Une faune interlope sur laquelle règnent des caïds qui s’entretuent, des flics haut placés qui ferment les yeux, et des politiques véreux ne refusant jamais un bon pot-de-vin complètent les figures des protagonistes majeurs.
Kim Basinger, envie de croire au Père Noel ?
Et puis il y a la femme, jouée par une sublime Kim Basinger, qui trouve là certainement son meilleur rôle. Prostituée haut de gamme maquée par un milliardaire qui conçoit ses créatures (à grand renfort des chirurgie esthétique si besoin) comme les sosies d’actrices célèbres. Cette Veronica Lake des trottoirs n’est pas seulement là pour donner un côté glamour et sexy au film, c’est un personnage principal, qui petit à petit dévoile fractures et brisures d’une fille paumée venue tenter la fortune à L.A. Veuve noire qui attire dans ses filets soit sur ordre de son mac soit de sa propre initiative quelques-uns des acteurs principaux …
« L.A. Confidential » est un film prenant parce qu’il est ancré dans le réel (le tabassage des Mexicains en prison a bien eu lieu pour le Noel 1951, les personnages de Spacey et DeVitto ont existé, la feuille de chou à scandale s’appelait même « Confidential »). Mais aussi parce que même avec des personnages fouillés, il n’y a pas de temps mort, et que ça tape et ça flingue aussi fort que dans « Les affranchis ».
Pour finir et pour donner une idée de la noirceur toujours sous-jacente du film, cet échange laconique entre Pearce: « Pourquoi t’es devenu flic ? » et Spacey : « Je ne m’en souviens plus » …



6 commentaires:

  1. Ah mais c'est Noel!! Oui, un must ce film, en compète à Cannes en 97 où c'étaient les inoubliables L'Anguille et Le Goût de la cerise qui ont gagné la Palme...
    La Basinger elle nous fait le coup de Sharon Stone dans Casino: son meilleur rôle!
    T'as aussi l’apparition de Simon Baker (le Mentalist), le môme piégé et dessoudé qui met Spacey dans tous ces états.
    Crowe se parodie dans le récent The Nice Guys en pétant (entre autre) le bras de Ryan Gosling (t'as aussi Kim Bassinger dedans).
    Rolo Tomassi...

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  2. C'est même un miracle que ce film soit aussi bon ! Hanson s'est surpassé ("La main sur le berceau" est un thriller de bonne facture). La meilleure adaptation d'Ellroy (j'ai un bon souvenir de "Cop" de James B Harris, mais c'est plus vieux) parce que justement, ça garde le style Ellroy (quand de Palma faisait du de Palma...). Un film complexe (et limpide à la fois) qu'on peut donc revoir plein de fois, le casting est un sans faute, la reconstitution précise, référencée, respectueuse, mais sans naphtaline... On arrive presque au niveau du "Chinatown" de Polanski (impossible de faire l'impasse !).

    "Le grand sommeil" oui, parce que enquête tortueuse, Los Angeles, femmes fatales, corruptions, trafic de porno... Mais c'est le lot de quasiment tous les films / romans Noirs.

    Tu conclues sacrément bien tes aventures sonores de 2018 ! Bonne fin d'année à vous deux.

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    1. A propos de miracle toutes les images ont disparu apparemment sur tous les blogspot. Merci Google ...

      Je suis pas fonctionnaire moi, je compte encore poster avant la fin de l'année ...

      Ceci étant bonne fin 2018 à vous ...

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  3. C'est pareil chez nous, au blog, le téléchargement des images est duraille. Ou c'est un complot, des ronds-points numériques envahis de milices filtrantes déguisées en poussins qui laissent passer les bonnes images, et refoulent les mauvaises...

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