Il
y a dans cette rondelle comme des airs de déjà vu (ou entendu). Comme toujours
depuis … ouais, au moins.
Les Slaves sont deux. Un batteur et un guitariste
(liste interminable de prédécesseurs dans cette formule minimaliste, furieusement
tendance pendant les années 2000, un peu moins maintenant que les White Stripes
sont débandés et les Black Keys mainstream). Les Slaves sont jeunes (la
vingtaine) et Anglais. Ma foi, nobody’s perfect. Rasés et tatoués comme tout
prétendu rebelle en recherche de respectabilité (faudra un jour expliquer à
tous ces chérubins en colère que c’est pas le poil ras et l’encre sur les biceps
qui feront d’eux les prochains Che, ça suffira pas, ou quand la rébellion a ses
normes, ses codes, ses repères visuels et esthétiques, c’en est plus vraiment
de la rebellion, c’est plutôt du panurgisme, mais bon, on va pas débattre
là-dessus …).
Qui foutent deux bichons ou pas loin (le clebs des mémères réacs
à breloques et permanentes) sur leur pochette. Qui baptisent leur skeud en
hommage – réponse désabusée – doigt d’honneur (à vous de choisir) au premier
Hendrix. Qui l’enrobent d’un rose fluo comme un clin d’œil subliminal aux
couleurs fluo du seul disque des Pistols (parce que les Slaves sont des punks,
je vas vous l’expliquer …). Qui reprennent quasiment le lettrage et le logo des
crétins de Slayer (ou de Twisted Sister, ce qui niveau crétinerie, revient à peu
près au même)… comme une litanie sans fin de toute une symbolique vue et
entendue des milliards de fois dans tous les groupes « sérieux ».
Les Slaves (diminutif de « you are all
slaves » leur slogan et accessoirement nom de leur pages web) ne font pas
dans la dentelle, reprenant la mise du slogan en musique là où des gens comme
Clash ou Specials avaient lâché l’affaire il y a trente cinq ans (d’autres s’y
étaient essayés entre-temps, avec plus ou moins de bonheur, et le premier qui
dit Rage Against Bidule se ramasse un glaviot dans la face). Les Slaves c’est
du véner sans fioritures, avec un batteur-chanteur (enfin, plutôt
batteur-rappeur, il chante pas vraiment, du moins pas au sens Otis Redding du
terme) minimaliste et martial, et un gratteux adepte des gros riffs qui tachent
et qui dégueulent de distorsion. Un peu comme les Royal Blood, diront ceux qui
veulent avoir l’air malin et montrer qu’ils connaissent des disques sortis
après 1953.
Ici, on en arrive au moment crucial où il faut
prendre position, lever ou baisser le pouce pour ces Spartacus du riff. Bon,
moi, avec toutes les réserves d’usage (voir plus haut) et toute ma mauvaise foi
(je m’en tape des Slaves), je les défends ces deux minots. Ils ont aligné
treize titres plutôt bien foutus, c'est-à-dire bien crétins et gueulards, dans
une parfaite rigidité madmaxienne (on fonce, puis on regarde combien on en a
écrasés en passant), ont l’air, comme tout imbécile heureux qui se respecte,
très fiers d’eux et seraient même prêts à continuer sur la lancée pourvu qu’on
se souvienne d’eux dans six mois.
Face aux calibrages, aux « cœurs de
cible », aux « niches » (ouah, elle est subtile, celle-là,
putain le talent que j’ai), ces deux merdeux adressent un fuck-off électrique à
tous les centristes musicaux de la galaxie. « Are you satisfied » est
un bloc, qui sent certes la redite vers la fin, alternant punkeries
pistoliennes, heavy metalleries judaspriestiennes, voire grungeries
nirvanesques avec une naïveté et un aplomb réconfortants. Preuve qu’ils ont
peut-être vraiment du talent, ils osent même une ballade acoustique éraillée (le
morceau-titre, genre de « On a plain » de Nirvana ) et un final « atmosphérique »
qui ne convaincra absolument pas les ceusses qui trouvent captivant le dernier Pink
Floyd (ou le dernier Gilmour).
Allez vous faire foutre les Slaves. Vous avez ma bénédiction
….