Il était une fois à l'Ouest ...
Mel Brooks a toujours donné
dans la comédie. Pas toujours très finaudes, ses comédies. Metteur en scène
(entre autres) assez peu prolixe (il y a des décennies qu’il a arrêté de
tourner, et c’est pas maintenant, à pas loin de cent ans, qu’il va s’y remettre
…), il a quand même réussi à obtenir quelques petits succès critiques et
publics avec trois de ses films. Avec son premier « Les producteurs »,
satire de l’envers du décor des musicals de Broadway, avant son coup de maître « Frankenstein
Jr », pastiche du chef-d’œuvre de James Whale. Et sauvé miraculeusement
des oubliettes, ce « Blazing saddles » (titre en V.O.).
Parce que le film était sorti début 74, avait été un bide total, et avait été remis à l’affiche à la fin de l’année, profitant du succès des premières séances de « Frankenstein Jr ». L’espace d’un éclair, Mel Brooks allait devenir la figure de proue du sous-genre humour juif newyorkais, avant l’arrivée de Woody Allen qui allait lui rafler son titre sans contestation …
Le Gouverneur Mel Brooks et sa secrétaire |
Comme l’indique son titre en français, « Le shérif est en prison » est une parodie de western. Pas vraiment un film, plutôt une suite de sketches loufoques plus ou moins heureux. La trame de départ (vite perdue en route) est la même que dans « Il était une fois dans l’Ouest », des magouilleurs qui veulent exproprier pour faire passer une voie ferrée. Tous les ingrédients du western sont là (les gentils très gentils, les méchants très méchants et très cons, les peureux très peureux, les brutes, les Indiens, les bastons, les grandes rasades de whisky, les pin-ups chanteuses de saloon). Seul point remarquable, dans ce Texas « pour hommes », le shérif du patelin est un nègre (Mel Brooks a dû batailler avec la Warner pour que tous les « niggar(s) » des dialogues soient conservés), semi-esclave travaillant sur le chantier de la voie ferrée, qui s’est rebellé, a été condamné à la pendaison, et grâce (?) à un plan fumeux des méchants, se retrouve avec l’étoile sur le gilet …
Gene Wilder & Cleavon Little |
Pour faire triompher la loi, l’ordre
et la justice, il sera aidé par un prisonnier repenti, le Waco Kid, ancienne
plus rapide gâchette de l’Ouest, devenu alcoolo tremblotant (mais vraiment
alcoolo et vraiment tremblotant). N’ayant peur de rien, Mel Brooks proposera le
rôle de ce gentil pistolero à rien moins que John Wayne, qui déclinera
diplomatiquement (il a une image qui ne correspond pas vraiment au rôle). C’est
finalement le complice habituel Gene Wilder qui reprendra le rôle au dernier
moment, et qui est le seul du casting à faire bonne figure devant la caméra.
Parce que le shérif héros du film est interprété par un certain Cleavon Little,
acteur de théâtre de Broadway, assez loin, pour être gentil, de rendre une prestation
oscarisable. A noter que Brooks avait suggéré le nom de son pote Richard Pryor,
qui avait participé à l’écriture du scénario, rejeté par la Warner parce que
pas assez connu à l’époque… Quelques troisièmes couteaux des castings (géniaux,
assure Mel Brooks, hum …) complèteront la distribution. Mel Brooks jouera deux
courts rôles, le Gouverneur Lepétomane (si, si, …) et un magnanime chef
Indien.
Mel Brooks fait ce qu’il peut avec ce qu’il a. Il avoue dans une interview qui accompagne le Dvd, que lui et sa femme (Anne Bancroft) vivaient dans le dénuement lorsqu’il essayait de monter le film. Le manque de moyens est évident, et est parfois utilisé comme base de gags (la baston finale qui déborde du plateau de tournage, se continue sur les plateaux voisins, avant de gagner les rues de Burbank au milieu des voitures et des bus scolaires, le tout s’achevant dans une salle de cinéma qui projette … « Le shérif est en prison ») ...
Un ange (bleu) passe ... |
« Le shérif … »
pastiche parfois d’autres films, les plus évidents emprunts sont à chercher du
côté du récent « L’homme des hautes plaines » de Clint Eastwood (le
village-leurre reconstruit qu’on fait exploser), et du beaucoup plus ancien « L’Ange
bleu » (la chanteuse de cabaret, la chanson avec la chaise). Mel Brooks ne
recule devant rien, c’est aussi le problème, l’humour est une denrée rare et précieuse
à manier avec précaution. On peut rester réservé devant la multiplication des blagues
racistes, les concours de pets après repas aux fayots, les tabassages de mémés,
… Pas de blagues sur les Juifs, mais par contre l’obsession de Brooks pour les
nazis avec les Sioux très organisés qui parlent allemand, la présence d’une patrouille
de SS dans des mercenaires recrutés (en compagnie de types du Ku Klux Klan et
de prémonitoires Touaregs armés de Kalachnikov) tient plus de l’obsessionnel
que du comique …
Il faut tout de même
reconnaître que certains gags nonsensiques sont bien foutus, et que Mel Brooks,
en total control freak touche-à-tout, a participé à l’écriture et la
composition de certains titres de la B.O. Petite anecdote : avec son
budget de misère, Mel Brooks s’est quand même payé l’orchestre au grand complet
(avec pupitres et tenues de gala) de Count Basie qui joue vraiment live en
plein désert (pour d’évidentes raisons techniques, c’est la piste son d’un
disque du Count qui a été utilisée dans le montage).
La doublette « Le shérif … »
et le bien meilleur « Frankenstein Jr » seront les deux jalons de la très
courte période sinon de gloire, du moins de reconnaissance populaire de Mel
Brooks. Il se prendra ensuite à lui tout seul pour les Monty Python le temps de
quelques risibles navets avant de ranger définitivement ses caméras au début
des années 80.
Fans de Bigard et Dubosc, « Le
shérif est en prison » est pour vous …
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