JOHNNY WINTER - SECOND WINTER (1969)

 

Woodstock Child ...

Le Festival des festivals a certes fait la part belle aux valeurs confirmées (Hendrix, Joplin, Grateful Dead, Creedence, …), mais a aussi révélé au monde des stars en devenir (qui ne le sont pas toujours devenues) comme Joe Cocker, Santana, Alvin Lee, Sly Stone, … Et parmi tous ces futurs du rock’n’roll, ont été retenus surtout des guitaristes, Alvin Lee, Santana, Joe Cocker (ouais, je sais, il a seulement inventé la air guitar mais les hippies du haut de la colline devaient croire qu’il en jouait vraiment …).

Johnny Winter

Et puis question guitariste, il y en a un dont on a moins parlé sur le coup, mais qui allait devenir un des poids lourds des seventies en matière de heavy blues, le dénommé John Dawson Winter III, plus connu sous le diminutif de Johnny Winter. Un des bleubites du raout, qui avait juste un disque « Johnny Winter » passé inaperçu début 69, et venait de terminer des sessions à Nashville qui allaient donner à la fin de cette même année ce « Second Winter ».

Et du coup, le monde des seventies allait (un peu) s’enticher de cet albinos myope, chevelu et longiligne, qui remettait au goût du jour un modèle oublié de guitare, la Gibson Firebird, et de par son style et son origine texane, devenait un des grands ancêtres du rock sudiste.

Où en est-on cinquante après ? Johnny Winter est mort et enterré (en 2014) sans que ça fasse la une des journaux, même spécialisés, et son nom, lentement mais sûrement, est écrit de plus en plus petit dans les livres d’histoire depuis quarante ans … et rien ne laisse supposer qu’on ait un jour un Johnny Winter revival …

Ecouter aujourd’hui « Second Winter » … why not … mais ça laisse quand même une impression d’aller visiter une pièce de musée ignorée du public. En clair, Jeannot Hiver a sacrément pris la poussière. Le guitar hero c’est un genre en voie de disparition et Johnny Winter en est un des spécimens les plus caricaturaux. Deux exemples tirés de « Second Winter ». Au bout de sept (oui, sept) secondes du premier titre (« Memory pain »), il part en solo, avant de se raviser le temps de quelques mesures en reprenant le riff, puis finalement de se lâcher sur le manche. Le dernier titre, « Fast life rider » est une jam de sept minutes basée sur un solo de sept minutes. Je sais, y’en a qui aiment voire qui adorent ça, mais moi, aujourd’hui, comment dire, je peux pas …

Johnny Winter à l'école des fans ...

Faut pas pour autant cracher sur Winter, qui était un brave type qui se la racontait pas, et un passionné sincère de blues. Tout sauf un opportuniste (et l’époque en a connu quelques-uns, notamment tous les clones de Hendrix qui ont fleuri comme mauvaises herbes après interdiction du glyphosate). Un type qui avait du style, et un style, la recherche de la vitesse sur le manche, et une énergie jamais démentie. A tel point que ses disques les plus souvent cités sont les deux lives de cette époque (« Captured Live », « Johnny Winter And »). Johnny Winter donnait le meilleur sur les planches. Parce qu’en studio …

Johnny Winter certes composait (une petite moitié des titres sur cette rondelle), mais sans réel talent (qui peut citer un morceau écrit par lui ? répondez pas tous en même temps, de toute façon y’a rien à gagner). Johnny Winter était un musicien de reprises, rendant éternellement hommage aux pionniers du blues et du rock’n’roll (même quand il signe le titre, par exemple « I’m not sure », ben moi je suis sûr qu’il repique sur un passage un riff à Muddy Waters, en l’occurrence celui de « Hoochie Coochie Man »).

Comme il faisait des disques sans me demander mon avis, il reprenait (ici deux fois, « Slippin’ & slidin’ » et « Miss Ann ») du Little Richard, ce qu’il ne faut jamais faire si on ne s’appelle pas McCartney, Fogerty ou Wanda Jackson. Et encore, sur « Slippin’ & slidin’ », y’a l’autre Winter qui sauve presque l’affaire avec son sax et son piano. Ah, je vous ai pas dit, des Winter il y en a deux sur ce disque. Le Johnny donc, et puis le petit frère Edgar (albinos également, mais à moustache et le cheveu plus court). Curieuse affaire familiale, Edgar n’étant là qu’en studio, alors qu’en live Johnny Winter se produit en power trio (le bassiste de ce « Second Winter » et un batteur qui arrivera un peu plus tard constitueront dans les 80’s la rythmique de Stevie Ray Vaughan, comme quoi y’a des bassistes qui prennent leur pied derrière des guitaristes bavards …). Et assez vite, le petit frère frustré montera son propre groupe, l’originalement nommé Edgar Winter Band.

Edgar et son grand frère

J’en étais où ? ah ouais, les reprises … « Johnny Be Goode » est évidemment de la partie. Rien à dire, c’est un morceau d’une évidence et d’une simplicité bibliques, difficile de le massacrer même en y mettant de la bonne volonté. Ce sera, étiré jusqu’à pas d’heure, le titre emblématique des concerts de la Juke Box Winter Revue pendant des décennies … parce qu’en fait, Johnny Winter c’est un juke-box qui fait des solos de guitare. Quelques fois à côté de la plaque. Reprendre le « Highway 61 revisited » (un des premiers titres « électriques » de Dylan) était pas une bonne idée, (surtout après la tornade « All along the whatchtower » par Hendrix) et le classique dylanien, tout barbouillé de Gibson Firebird, en reste pour le moins problématique …

En fait, il n’y a qu’un titre un peu à part, il s’appelle « I hate somebody », et sous l’impulsion d’Edgar, tire une bordée vers le swing jazz, tout en restant éloigné par le résultat des productions de Lionel Hampton, Count Basie ou Duke Ellington …

L’heure de gloire de Johnny Winter continuera jusqu’au milieu des années 70, avec une rude concurrence à succès côté sudiste (Allman Brothers Band, Lynyrd Skynyrd, ZZ Top, …), et puis le temps des guitaristes bavards (Santana, Alvin Lee, Marino, Cippolina, …) finira par passer de mode. Winter, d’une santé de plus en plus fragile, et bien qu’il soit monté sur scène jusqu’à la fin de sa vie, ne réussira pas à accrocher le train des heavy blues revivals des années 80 (S R Vaughan) et suivantes (Gov’t Mule, Poppa Chubby, …).