Le saint des seins ...
Russ Meyer est un type à peu
près normal. Sauf qu’il y a un truc qui le tracasse quand même un peu, les
fortes poitrines. Ça le tracasse tellement qu’il finira par en faire le sujet
principal de sa carrière derrière la caméra. L’essentiel des films, y compris
la très célébrée mais très con série des « Vixens »,
« Supervixens », etc, … est juste bonne pour assouvir les fantasmes
de quelques voyeurs pervers, mais n’a que peu à voir avec le cinéma digne de ce
nom. Mieux vaut un porno de base …
« Faster Pussycat … »
est d’un autre … calibre. D’abord c’est bien filmé. Parce que Meyer n’est pas
un obsédé sexuel (enfin, si, un peu quand même) qui s’est acheté une caméra, il
a commencé par du reportage de guerre (il a couvert le débarquement américain
sur les plages normandes, c’est d’ailleurs la partie de sa carrière dont il est
le plus fier), techniquement le noir et blanc du film est excellent, et les
plans originaux de caméra (les protubérances mammaires de ses actrices sont
filmées sous tous les angles imaginables) témoignent d’un talent et d'une imagination certains. Même
s’il y a quelques raccords bizarres (les fringues peuvent changer d’un plan à
l’autre), quelques attitudes surprenantes (y’a pas de rétroviseurs sur leurs bagnoles,
que les nanas soient obligées de se retourner pour voir ce qui se passe
derrière ?).
Plein de belles carrosseries |
« Faster Pussycat … »
(putain, ce titre !) est avant tout un film fétichiste. La fascination
pour les gros seins, certes (avis aux (a)mateurs, on n’aperçoit pas l’ombre
d’un téton, mais à l’époque c’était le genre de films que les jeunes boutonneux
devaient regarder d’une main, la suggestion s’avérant aussi forte qu’un
quelconque gros plan gynécologique), mais aussi pour toute une culture de
fantasmes SM alors underground. Les femmes sont des dominatrices, usant et
abusant de leurs charmes proéminents. « Faster Pussycat … » multiplie
les références. Les tenues de cuir ? Brando dans « L’équipée
sauvage », bien sûr. La Porsche de Tura Satana ? James Dean of course. Brando et Dean,
les sex-symbols masculins de la décennie précédente. L’action de « Faster
… » se situe dans le désert et il y a une blonde (Lorie Williams) plutôt
ingénue et ultra-sexy ? Monroe dans « Les désaxés » …
L’intrigue de « Faster
… » (si, si, il y en a une) n’est pas très élaborée, mais peu importe.
Trois go-go danseuses partent dans une virée dans le désert au volant de leurs
voitures de sport. Qui tourne au road movie sanglant (les trois-quarts du
casting laisse sa peau dans l’histoire), quand elles se mettent en tête de
rafler le magot d’une famille de plus ou moins dégénérés (le père infirme et
obsédé sexuel, et ses deux fils, dont un malabar simplet). La figure (même si
c’est pas sa figure qu’on remarque le plus) centrale du film, c’est Varla, « jouée »
par Tura Satana. Un … personnage. Origine asiatique, violée toute enfant,
experte en arts martiaux (elle n’est pas doublée dans les bastons du film), on
dit (enfin, surtout elle) que ses atouts auraient même charmé le King Presley
en personne, elle traverse le film telle une Betty Page sadique, toute de cuir
et de gants noirs vêtue.
Pas commode, Tura Satana |
« Faster Pussycat … »
sorti en salles en 1965 jongle avec toutes les limites permises par tous les
codes encadrant la « morale » cinématographique de l’époque. Un très
fort pouvoir suggestif et fantasmatique. Lorsque les règles de la
« décence » s’assoupliront à la fin de la décennie, Russ Meyer
enchaînera à un rythme effréné les pellicules plutôt vulgaires (y’a pas photo
entre l’impact subliminal de Tura Satana et l’exhibitionnisme bon enfant de son
égérie des 70’s Kitten Natividad), se faisant plutôt malgré lui le
porte-drapeau d’un cinéma trash dans lequel un John Waters pour ne citer que le
plus évident de ses « descendants » puisera sans vergogne.
« Faster Pussycat … »
n’a pas vraiment mobilisé les foules lors de sa sortie. Mais lentement,
sûrement, il a acquis un statut mérité de film culte …