Le bruit de l'odeur ...
L7 … Les Squares, les Ringardes, les Boloss …
L’autodérision comme nom de baptême … Mais bon, valait mieux pas aller les
chatouiller… Parce que les L7 font pas vraiment dans la dentelle, que ce soit
au niveau vestimentaire, des textes, de la musique, ou dans la vie de tous les jours.
De rudes soudardes, pas adeptes de la langue de bois ou de l’attitude
équivoque.
Les quatre filles ont commencé à sortir des disques
chez elles aux USA au début des années 90. Et comme c’était quand même assez
euh … pour le moins violent, on a dit que c’était un groupe grunge. Et puis,
comme elles ouvraient grand leur gueule, on a dit qu’elles faisaient partie du
mouvement riot grrrl (avant que la chose soit récupérée par des folkeuses
molles poilauxpatteuses). Ouais, ma foi, si on y tient … même si c’est pas
aussi simple.
Par l’attitude, les L7 ont beaucoup plus à voir avec
le punk. Et c’est forcément déstabilisant pour les mâles dominants de la
musique. Faut dire qu’elles y sont pas allées avec le dos de la cuillère, et
notamment Donita Sparks, une des guitariste-chanteuses, tête pensante ou en
tout cas celle qui est la première à l’ouvrir. A son crédit ( ? ) quelques spectaculaires pétages de plombs,
le plus connu consistant en un jet de son Tampax sur le public du festival de
Reading qui lui suggérait avec vocabulaire approprié un strip-tease. Mais les
autres ne sont pas en reste, il doit bien traîner sur Google quelques photos où
elles exhibent leurs touffes pubiennes teintes en bleu, et elles avaient
organisé une tombola à un concert dont le gagnant (ou la gagnante) recevait
comme prix une nuit avec la batteuse Dee Plakas. Et c’était pas un bon coup
(désolé) de pub, ça a vraiment fini au plumard …
Musicalement (faudrait y venir, quand même, hein …),
ça casse pas des briques, pourrait-on dire en référence à un de leurs disques
précédents. C’est un gros raffut pas très finaud qui ressemble à du doom
préhistorique (le Sab, Blue Cheer, ce genre), du Husker Dü au ralenti, du
Dinosaur Jr en encore moins mélodique … le genre de trucs qui donne pas envie de
faire la danse des canards mais qui décolle bien le cérumen. Chez les L7, point
de Ginger Baker, de Jimi Hendrix ou de Robert Plant, c’est martial, linéaire,
les guitares sont accordées (enfin, je me demande) très bas, les solos sont
faits sur deux cordes, c’est plus gueulé que chanté (surtout quand c’est
Sparks). Le genre de disques qui fait fuir tous les fans de prog et de
jazz-rock. Et donc que j’apprécie, autant par pathologie personnelle que par
dégoût des deux genres suscités …
Ici, pas de conceptualisation de la musique. Le
premier titre donne le ton : un mur de guitares, un peu de mélodie (si,
si) juste ce qu’il faut, un solo rachitique de gratte, et une voix d’éviscérée.
Ça s’appelle « Andres », et on le sait pas encore, c’est quasiment le
plus « joli » du disque, leur vision à elles de la chanson pop sans
doute. Parce que le reste, ça envoie. Du metal mid-tempo (parce que plus vite,
elles y arrivent pas), des hurlements de louves en rut. Se remarquent dans ce
magma radical un titre quasi rappé (« The Bomb ») qui fait penser à
Body Count, quelques claviers (très discrets, qu’on se rassure) sur un morceau
surf-rockabilly (« Riding with a movie star »), un carnage sonique
très Stooges période « Fun house », ça s’appelle « She has
eyes ». Les nanas ressortent de l’oubli la talk box (le gadget de Jeff
Beck qui a fait la fortune de Peter Frampton) sur le titre du même nom qui
s’achève dans un magma de distorsion boueuse.
Et puis, la grosse affaire du disque, c’est devenu a
posteriori « Fuel my fire », déjà une reprise-adaptation par les L7
d’un titre d’un obscur groupe punk australien me semble t-il et dont le nom
m’échappe, mais qui retrouvera une seconde jeunesse quand il figurera sur le
multi-platiné « Fat of the land » de Prodigy. Quitte à en décevoir certains,
la version des bigbeateux techno est la meilleure.
Et parce qu’il faut bien conclure, devant pareille
rondelle sale, primitive, méchante, et à la repoussante pochette, que
faire : décréter que c’est putain de sublimement génial alors que bon,
faut quand même raison garder, ça vole pas très haut … ou alors un poubelle
direct et retour aux valeurs sûres des temps de crise (Knopfler, Sting,
Collins, …). Bon, après tout, faites ce que vous voulez, moi je me remets un
Little Richard …